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lundi 2 avril 2012

Les orangs-outans de Sépilok


La nuit dernière je n'ai quasiment pas dormi. Hier soir, alors que j'étais content d'avoir enfin terminé de raconter 4 jours d’expéditions et d'observations, au moment où j'ai appuyé sur « Enregistrer », 15 secondes plus tard l'ordinateur redémarrait sans que je lui demande rien. Et impossible d'ouvrir le document. Il ne fait plus que 750 ko alors qu'il comprenait 460 pages. Je ne sais pas quelle était sa taille mais 750 octets ça me semble vraiment dérisoire. Le format n'est plus reconnu, en ouvrant avec le bloc notes j'ai des dièses sur 128 pages. En fait je pense que l'enregistrement devait être en train de se faire quand le système est tombé en rade. Et du coup la sauvegarde n'a pas pu être faite jusqu'au bout, donnant un document corrompu. J'ai perdu tous mes récits du voyage. Heureusement qu'il me reste le blog et que je sais que je dispose d'une fonction capable de sauvegarder son contenu quelque part. Car maintenant que toute ma mémoire est sur le blog, s'il survenait un crash de serveur ou un piratage de mon site, malheur. Aussi, dès que j'aurai une connexion internet, c'est la première chose que je vais faire. Par contre pour les 4 derniers jours, ils sont perdus à jamais et avec eux les anecdotes que je racontais et plein de moments merveilleux que j'avais passés. Je ne me sentais pas d'humeur à tout réécrire, il y en avait pour 10 heures de boulot, j’avais noirci 12 pages. Tant d'efforts réduits à néant, j'étais effondré !
Me souvenant encore des titres que j'avais donnés à chaque message, j'ai ouvert un nouveau document en mettant dessous la mention « contenu perdu à jamais », résigné à ne publier que les photos. Ça me faisait trop mal au cœur, tout ce travail pour rien. Ça m'a hanté toute la nuit, m'empêchant de dormir. Pour écrire j'utilise l'éditeur de texte gratuit OpenOffice, alternative à Word. Je ne sais pas ce qui s'est passé, sans doute que mon document approchant les 500 pages était devenu trop gros à enregistrer. Je m'étais posé la question il y a quelques temps, en pensant le scinder en deux par sécurité. Évidemment je ne l'avais pas fait, pas plus qu'une sauvegarde sur un autre appareil au cas où. Ça m'apprendra ! Pourtant avec le numérique je devrais le savoir, ce n'est pas la première fois que je perds des données. On ne peut pas faire confiance dans le numérique. C'est juste un fichier fait de 0 et de 1, quasiment virtuel, qui se perd ou se corrompt parfois tout seul. Sans parler des supports qui se détériorent d'eux mêmes. Du temps du papier, ça ne risquait pas d'arriver, sauf inondation ou incendie !
Ce matin, j'ai réalisé que je ne pouvais pas faire ça. Le blog est ma mémoire, je ne peux pas me résoudre à publier des messages vides. 4 jours après tout ce n'est pas beaucoup, ma mémoire est encore fraîche, il faut en profiter, d'autant plus que tout n'est pas perdu, j'ai toujours mon calepin de notes. J'ai donc pris la décision de tout réécrire. Finalement ce n'est pas si dur, quand je commence, ce que j'ai écris me revient, les tournures avec. Plus ou moins. Par contre ça me bouffe un temps monstre, je suis obligé de passer le moindre temps mort à écrire, comme ce que j'avais fait après mon retour de Palau. En tout cas maintenant, après chaque paragraphe que j'écris, je sauvegarde le document sous une copie. Je me suis également empressé de charger les dernières photos que j'avais sur l’ordinateur dans mon disque dur externe. Car les prochaines victimes sur la liste des disparitions pourraient très bien être mes photos. 
Non non ce n'est pas une tirelire à pourboire en plastique!
Et là, une photo perdue, ça ne se récupère pas. [NDLR : la sauvegarde du blog se fait sous forme d'un fichier XML illisible avec des balises partout. Si vous connaissez un moyen de récupérer les messages pour les avoir au format texte ou bien pour transformer un document XML en format texte, je suis preneur...]
Au Nipah Lodge, ils m'avaient commandé un taxi pour 8 heures afin de me rendre à Paganakandii, mon hébergement à Sépilok, situé à 30 minutes de Labuk Bay. Je dois retourner sur mes pas vers Sandakan afin de me rendre aujourd'hui au centre de réhabilitation des orangs-outans à Sépilok, là où Jackie risque fort de finir. Je suis arrivé à 7h00 pour prendre le petit déjeuner mais il n'y avait personne à la réception. Ou plutôt si : deux hornbills étaient là, un sur le comptoir faisant trophée et un autre derrière, par terre qui poussait des cris. 
On dirait qu'ils ont une moumoute!
J'ai cru qu'il était blessé mais il s'est sauvé quand les autres du personnel sont arrivés. Ça leur a fait peur, ils se sont pris un vol de gros hornbill en pleine face comme un airbus qui décolle puis ça les a fait rigoler. Jonathan est aussi arrivé peu après, un matelas sous le bras. Apparemment il dort au Nipah Lodge mais ne doit pas avoir de chambre dédiée, aussi il doit dormir par terre sur un ponton après avoir mis un matelas. Avant de partir, au moment où il me serrait la main je lui ai laissé un pourboire. Il a retiré sa main aussitôt, surpris, puis a fini par le prendre, gêné et regardant autour de lui. Sans doute pour vérifier que personne ne le voyait. C'est vrai que ça la fout un peu mal pour les autres de l’hôtel à qui je n'ai rien laissé. Mais j’avais sympathisé avec lui et il m'a appris plein de choses, prenant aussi de son temps comme hier pour m'amener faire un tour dans la mangrove. Je ne pouvais donc que le remercier. 
Et puis à travers lui, c'est aussi un peu les singes que je vise. Un rangers heureux ce sont des animaux heureux. Évidemment je ne pouvais pas leur laisser de pourboires, pourtant ils m'ont bien amusé ! Et qui sais, peut être que je reviendrai un jour pour travailler avec Jonathan. Ça ne me dérangerait pas...
A Paganakandii - un nom imprononçable et impossible à se souvenir, devant à chaque fois farfouiller dans mon ordinateur à la recherche de la réservation quand on me demande où je vais -, changement d'ambiance. Ça grouille de monde, des occidentaux, ils sont occupés avec le petit déjeuner et le personnel me demande à chaque fois si je veux en prendre un. J'en ai déjà eu un au Nipah Lodge, je préférerais qu'on me dise comment ça fonctionne là dedans, comment faire le check-in et comment me rendre à Sépilok. J'ai fini par obtenir les informations mais il a fallu leur tirer les vers du nez. 
Le domaine des orangs-outans
Ils étaient juste débordés, autrement ils sont très gentils, je ne pouvais pas leur en vouloir. Il y a une navette gratuite qui amène les clients à Sépilok à 9 heures pour le feeding de 10 heures. Il y en a deux : un à 10 heures et l'autre à 15 heures. Il ne faut donc pas les rater. Nous étions une petite dizaine entassée dans un minivan, venant gonfler le gros des troupes à Sépilok. Quand on a mis le pied à terre, j'ai eu un mauvais pressentiment. Il y avait une dizaine de gros bus garés, on se serait cru sur une tournée de rock star. Sauf que la star ici c’est l'orang-outan. Tout le monde est venu assister à leur show.
Avant de rentrer, il faut laisser son sac à dos dans un casier. J'ai pensé que c'était optionnel mais pas du tout, c'est obligatoire. Par sécurité. Il y a un panneau rigolo qui dit : «Please leave your bag/handbag at the locker provided. (Otherwise the Orangutan will keep it for you) ». 
Ensuite, quand je suis arrivé au site d'observation c'était pour constater l'horreur. C'était comme au concert, les gens debout devant la scène, consituée d'une plateforme autour d'un arbre, avec des câbles qui partaient vers d'autres arbres afin de permettre aux orangs-outans de venir. Il n'y avait encore personne, l'artiste n'était toujours pas monté sur scène. Il y avait plein de groupes, ceux des bus, chaque personne étant affublée d'un numéro représentant leur bus, question qu'on les repère. Leur guide avait un panneau qu'il brandissait bien haut avec le numéro adéquat, comme ces signaux de chantier pour indiquer de s’arrêter. Quelques macaques ont fait leur apparition, déclenchant des « oh » qui partaient en chœur comme dans un stade de foot. Les gens se retournaient, m'envoyant un coude dans l’œil, tendant leur appareil bien haut que je me prenais aussi dans l’œil en me retournant.
On me marchait sur les pieds, ça trépignait, c'était la foire d'empoigne de personnes qui poussaient pour se rapprocher et être au premier rang. Il devait bien y avoir au moins 20 rangs de constitués. Et ça parlait, ça commentait, sans parler des odeurs et des haleines fétides. Je n’avais qu'une hâte, que ça se termine. Je m'y attendais un peu, ayant lu des critiques de gens qui n'y étaient même pas restés 5 minutes, décrivant une grande foire de n'importe quoi. Mais ce que j'ignorais c'est que ces bus viennent de bateaux de croisières, ces fameux paquebots plein de vieux en goguette. Je ne sais pas où il a accosté mais ils ont tous décidé de venir là ce matin. Peut être aurai je plus de chance cet après midi, la visite de Sépilok étant généralement incluse dans des tours où les gens vont voir autre chose. Rare sont ceux qui y passent la journée. On comprend pourquoi !
Finalement une femelle a fini par arriver avec son petit, pour manger les mêmes haricots que les petits gris. Elle est arrivée en se suspendant aux câbles, se balançant de droite à gauche. Avant d'atteindre la plateforme elle a donné de grands moulinets sur les câbles pour dégommer les macaques qui avaient commencé à se servir les premiers. Elle n'a pas aimé ça et les macaques volaient dans les airs comme l'herbe sous une tondeuse !
Il ne fait pas bon se prendre une raclée par un orang-outan. Ce sont les rois de la forêt et ils le savent ! Les macaques qui n'avaient pas été éjectés descendaient de l'arbre pris de panique, reprenant leur rejeton dans les bras. Sur ce coup là on n'a pas eu trop de chance car les autres orangs-outans ne sont pas venus, sans doute intimidés par toute cette agitation. La mère devait avoir l'habitude car une fois le repas terminé elle a joué avec son bébé. Ils se donnaient la main, on aurait dit qu'ils dansaient. La mère se mettait sur le dos, tenant le bébé en l'air. A d'autres moments le bébé roulait sur le dos pendant qu'elle lui faisait des guili-guili. C'était très attendrissant. Une fois qu'ils ont déguerpi en reprenant la voie des airs, les macaques ont rappliqué dare-dare pour finir les restes puis les macaques partis, c'était aux tour des écureuils qui arrivaient en descendant des câbles, comme des rats. Il y a un ordre d'apparition tacite pour le repas, d'abord les plus grands, ensuite les plus petits. Malheur à qui enfreint la hiérarchie, c’est très mal perçu et ça se termine en bagarres !
On voit bien que ce ne sont pas les mêmes!
Je suis resté un peu pour regarder les macaques, une fois le gros du troupeau parti (je parle des touristes!). En effet on a une expérience plus proche des animaux, certes pas avec l'orang-outan qui a déguerpi bien loin et qu'on ne reverra pas, mais avec les macaques. Je me suis aperçu qu'il y en avait deux espèces : le macaque à longue queue, vu et revu, mais aussi le macaque à queue en tire bouchon (pig tailed macaque). Ils s'entendent bien entre eux et vont même à s'épouiller sans faitre gaffe à quelle race l'autre appartient. Au début on ne repère la différence que d'après la queue mais quand on les a côte à côte on voit bien qu'ils sont différents. Ils n'ont pas la même couleur ni le même pelage. Le visage aussi est différent. Ils jouaient sur le ponton qui menait à la sortie, empêchant de passer les retardataires. Il y a une fillette qui a voulu me doubler, elle a été coursée par un macaque qui devait trouver rigolo d'avoir un truc à sa taille.
La fille est allée pleurer dans les jupes de sa mère, en pleine crise de nerfs, elle ne voulait plus avancer, ayant trop peur. Le père a été obligé de la prendre sur ses épaules. Il faut faire attention car bien qu'ils soient proches ils n'aiment pas les intrus. Aussi il peut leur prendre d'attaquer, dents devant, alors qu'ils étaient bien gentils et calmes deux secondes plus tôt. Je n'y ai pas échappé non plus, j'ai eu droit à une tape dans le dos d'un macaque qui me suivait en courant sur la rambarde et me tapant au passage ! Un macaque c'est caractériel !
En sortant j'ai appris plein de choses sur les orangs-outans et j'ai même hésité à en adopter un. On peut le faire de chez soi, j'y réfléchirai à mon retour. En fait le principe est qu'ils ont une liste de bébés tous plus mignons les uns que les autres qu'on peut adopter. L'adoption ne consiste pas à l'avoir à la maison mais à apporter son soutien au centre de réhabilitation, obtenant en échange des nouvelles du bébé choisi et des photos.
C'est un excellent moyen de garder un contact avec les animaux que j'ai vu et en plus c'est utile. Car un orang-outan dans le centre coûte 2000 euros par an en soins et nourriture. Ils ont donc besoin de dons. L'orang-outan fait partie des Grands Singes qui comprennent aussi les gorilles, les chimpanzés, les bonobos...et nous ! On ne le rencontre qu'à Bornéo et Sumatra. Un adulte fait entre 100 et 130 kilos, le mâle mesurant environ 1m40 et la femelle 1m15. La longueur des bras d'un mâle peut aller jusqu'à 2m40 ! C'est dire comme ils sont étudiés pour se balancer ! Contrairement aux autres singes que j'ai vus jusqu'à présent, ils sont solitaires. On peut parfois les rencontrer à plusieurs sur un arbre à fruits, c'est leur endroit de socialisation. Ils vivent exclusivement dans les arbres, y faisant tout, même donner la vie. Une femelle ne devient fécondable que vers l'âge de 15 à 17 ans, et ne se laisse faire que quelques fois dans sa vie. Elle n’est pas portée sur la chose, ce qui est un facteur aggravant qui place les orangs-outans en espèces menacées de disparition. Les jeunes restent avec leur mère jusqu'à l'âge de 7 à 10 ans.



Pour le feeding de l'après midi de 15 heures, ça a été le même cirque, avec encore plus de monde. Ils avaient lâché les maisons de retraites et les petits vieux voulaient tous voir les orangs-outans avant de clamser. Ils avaient des appareils photos mais je ne suis pas sûr qu'ils aient réussi à faire de bons clichés. C'était un festival d'appareils qui s'agitaient devant moi, les vieux sucrant les fraises et l'appareil avec ! Ils ont dégagé rapidement, les orangs-outans ayant tardé à se montrer. La nourriture avait été disposée depuis un bon moment mais personne ne voulait y toucher, pas même les macaques. Ils attendaient leur tour eux aussi. Pendant ce temps là on se regardait avec des yeux de poisson dans un bocal, se demandant s'il y aurait un orang-outan d'humeur à monter sur scène. Pour l'heure il était en coulisses, derrière l'épais rideau de jungle. Puis, le premier est arrivé par le sol et deux autres ont fini par lui emboîter le pas en choisissant les câbles. Après, les vieux ont dû y aller, râlant car le spectacle venait juste de commencer. Ça nous a permis d'avoir champs libre pour contempler les orangs-outans de plus près, qui ont fait un ultime come-back en restant un instant dans les fourches des arbres pour être salués.
Quand on regarde les rangers qui nous surveillent on est surpris par le nombre de blancs, surtout des filles, des jeunes.
J'ai appris que beaucoup venaient en tant que volontaires pour aider pendant un mois ou deux. Ils ont leurs propres quartiers de résidence, à l'entrée du centre et sont une douzaine. J'ai parlé avec une fille, une anglaise, elle me racontait qu'elle était venue ici en tant que touriste il y a deux ans et demi et avait décidé de revenir en se rendant utile à la fin de ses études, avant d'attaquer la vie professionnelle. En plus ça fait une expérience sur un CV qui peut être utile selon les secteurs qu'on vise. Du coup je me demande : et si je faisais pareil avec les singes proboscis ? Je repense au fait qu'il y a plein d'agences spécialisées dans les tours du monde utiles, qui proposent d'aider des rangers dans des parcs nationaux pendant un mois et d’enchaîner avec une semaine ou deux libres pour permettre de visiter en touriste. Il faudra que j'y songe pour un prochain tour du monde.
Paganakandii
En Australie dans l'Outback, j'avais aussi vu des panneaux « wanted » fleurir dans les parcs nationaux. Pour qui est de bonne volonté il y a de quoi faire. Seul hic, on n'est pas rémunéré, volontariat oblige, seulement logé, ce qui n'est pas si mal. Alors pourquoi ne pas sauter le pas ?
Au gîte j'écoutais les gens discuter. Il y a quelques français mais surtout des anglais, des allemands et des suédois. Ils échangent entre eux les tuyaux de ce qui est bien de ce qui l'est moins. Le gîte propose ainsi une sortie à Labuk Bay et en général tout le monde y va au moins une fois dans son séjour. Du coup ils sont tous à comparer les deux centres. Je n'ai dit aucun mot, ne voulant surtout pas faire de pub pour Labuk Bay. Il faut que ça reste « the best kept secret of Borneo « . Labuk Bay remporte tous les suffrages parmi les pensionnaires, ils trouvent le site plus marrant, les singes plus vifs et plus près, offrant un meilleur contact avec eux, le tout avec moins de monde. Ça ne les empêche pas de rester entassés à Sépilok et c'est tant mieux. Je regrette un peu ma retraite là bas et mon statut d'invité unique !

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