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mercredi 29 février 2012

Le grand voyage vers Camiguin

Manille se réveille

L’hôtel ne s'est endormi que vers 2 heures du matin pour se réveiller à 5 ! Bref je n'ai dormi que 3 heures aussi j'en ai profité pour concocter les réservation des vacances d'été. Ce n'est pas parce que j'ai pris un congé sabbatique que je ne dois pas avoir de vacances d'été. Ça n'a rien à voir. Et des étés il n'y en a pas énorme dans une vie, pas question de passer celui là à Paris dans la grisaille. A la place je retourne en Crète pour la quatrième fois. C'est dommage que les gens ne respectent pas les autres et agissent comme s'ils étaient à la maison. Car sinon les chambres étaient bien fonctionnelles et modernes, avec TV et internet, une serviette mise à disposition et une brosse à dent. Mais à cause d'indélicats, ça vous pourrirait n'importe quel hôtel.
Il était 7 heures quand je suis arrivé en bas. J'ai rendu la clef et on m'a dit que tout était bon alors que je n'avais payé que des arrhes, un tiers du prix. C'est la faute à celle d'hier soir qui a mal fait son boulot. Vu que je n'ai eu qu'un tiers de nuit, je n'ai rien dit, le prix correspondait aux heures de sommeil ! Il a fallu que j'attende dix minutes avant que la navette qu'ils avaient appelée n'arrive. Je stressais un peu car je devais être à l'aéroport à 7h25 dernier carat sinon après je ne pouvais plus m'enregistrer. Ils m'ont demandé quelle était ma compagnie et en ont déduit que j'allais au terminal 3. En route, alors qu'on était pris dans des bouchons et que le stress montait d'un cran (Manille est parait il une horreur pour ça et tous ceux que j'ai rencontrés m'ont conseillé de ne pas y entrer sous peine de ne pas arriver à en ressortir ; sur ce coup là j'ai eu le nez creux en choisissant un hôtel près de l'aéroport), on est passé devant le terminal domestique mais le chauffeur n'a pas tourné. Il avait emmené avec lui le portier de l’hôtel. Je pensais qu'il allait prendre un raccourci mais au lieu de cela on s’est retrouvé sur une nouvelle route embouteillée où était fléché l'aéroport international. Je leur ai rappelé que j'allais à Cagayan de Oro et ils m'ont dit qu'ils avaient bien compris mais que la compagnie aérienne effectuait tous ses vols domestiques depuis le terminal international. Ils devaient savoir ce qu'ils disaient. A l'aéroport je suis sorti de la navette poussant le chariot que le portier était allé chercher à vive allure. Pour information, j'ai dû lui laisser un pourboire, c'est pour ça qu'il était venu. A l'entrée de l'aéroport, tout ce qui rentre doit passer aux rayonx X. Du coup ça fait la queue. Cette fois j'étais vraiment juste pour l'enregistrement. La queue est allée plus vite que je ne le pensais et j'ai couru au guichet, les sacs à bras portants, ravivant la déchirure de l'avant bras que je traîne depuis Auckland et qui va crescendo depuis le kayak à Palau.
Heureusement j'ai pu avoir mon ticket à temps, au comptoir « last call ». C'était moins une ! Mais avant de passer les contrôles (oui, il y en a plusieurs : un pour l'aéroport, l'autre pour la compagnie aérienne), ils m'ont fait peser mon sac. 9 kilos. 2 de trop, ils n'ont rien voulu savoir, il fallait que j'aille enregistrer le sac. Je suis donc retourné à un stand spécialisé « ajout de bagage » (ils doivent avoir l'habitude), courant le risque que ce que je garde toujours avec moi n'arrive pas à destination. Avec la fatigue, je m'en fiche, ils peuvent me demander ce qu'ils veulent, je le fais mais qu'on me laisse partir !
Pas si vite ! Nouveau guichet, toujours avec une queue : la taxe d'aéroport à payer en espèces, même pour les vols domestiques. Je ne comprends pas qu'ils ne l'incluent pas dans le prix du billet comme partout ailleurs dans les pays occidentaux. Ça doit être pour sauvegarder un emploi. Je critique la France mais là c'est bien pire. C'est le parcours du combattant pour prendre l'avion, entre l'arrivé de hier soir et le départ de ce matin, c'est à dégoûter de prendre l'avion.
L'avion a fait des tours de piste interminables, il y avait aussi bouchon sur la piste, tout un tas d'avions était devant. Comme dans les bouchons on avançait un peu, puis l'avion freinait avant de s’arrêter et de repartir quelques minutes plus tard. A ce petit jeu qui n'en finissait plus, j'ai craqué et sorti ordinateur. Avec tout ce qu'il me reste à taper je ne peux me permettre de perdre le moindre instant. La femme à coté de moi n’arrêtait pas d'envoyer des textos à chaque nouvel arrêt de l'appareil, sans doute pour tenir quelqu'un informé de l'avancement de la situation. Je vois que le téléphone portable est greffé aux individus dans le monde entier. C'est un phénomène universel.
Quand l'avion a décollé j'ai été surpris de voir des grattes ciels modernes au loin. J'imaginais une ville de bidonvilles à perpet'. Il y a eu un jeu à bord, des passagers étaient invités à se diriger vers l'avant de l'appareil, ils prenaient le micro de l’hôtesse et se présentaient. Puis ils se mettaient à chanter pendant que les autres passagers rigolaient ou applaudissaient. J'ai crû que tout l'avion allait y passer, ça n'en finissait plus ! Ce sont des farceurs ces philippins. Au final je ne sais pas quel était l'enjeu de ce petit cinéma.
Dès qu'on est arrivé à Cagayan de Oro, des rabatteurs ont couru vers nous dès qu'il ont ouvert les portes ; j'ai dû les chasser comme une nuée de mouches pendant que j'attendais les valises. Je ne leur répondais même pas, ça ne me ressemble pas d’être impoli de la sorte mais il y en avait trop et je me suis assez fait avoir en Inde dans le passé, je connais le truc. Je voulais un taxi officiel à l'extérieur, un truc marqué taxi et qui lui attend le client. Malgré tout, ils ne sont peut être pas si truands que ça car un de ces rabatteurs, alors que j'arrivais près d'un taxi, m'a demandé où j'allais et m'a fait monter dans un vrai taxi où quelqu'un était déjà assis. On a partagé la voiture mais pas la course. Tout bénef pour le conducteur et en sortant j'ai compris pourquoi : il devait s’acquitter d'une taxe pour quitter l'aéroport. Ici ils ont bien assimilé le système des taxes. Il faut mettre la main au portefeuille tout le temps.
Pour rejoindre Camiguin il faut que je me rende au centre de Cagayan de Oro, au niveau du marché Agora pour prendre un bus pour Balingoan, à 88 kilomètres de là puis un bateau. Toute une expédition ! Avant de me lâcher, le conducteur s'est proposé de me conduire jusqu'à Balingoan pour 2000 pesos. Par chance dans l'avion j'avais feuilleté le journal de la compagnie aérienne où était affiché le taux de change peso/dollar : 450 pesos = 10 dollars. Il insistait me disant que je serais mieux, que j'aurais l'air conditionné se qui n'était pas le cas avec le bus. Je me suis laissé convaincre par l'argument pendant que je faisais le calcul avec le taux de change pour me rendre compte que c'était convenable. Surtout cela m'éviterait d'attendre dans la poussière et le monde qu'un bus veuille bien arriver. Dans ce genre de pays, ça doit être comme en Nouvelle-Calédonie, j'ai donné !
J'ai bien fait d’être resté, on a croisé des bus qui se traînaient comme pas possible. Je suis surpris de voir comme ça grouille de monde partout. Je ne m'attendais pas à voir du monde comme ça partout. On est passé à une station service et le chauffeur m'a demandé de payer l'essence. Inclus dans le prix qu'il m'avait annoncé. Alors que le pompiste avait juste commencé à ouvrir le bouchon, le chauffeur lui a donné mon argent et le pompiste a retiré la cane et on est parti. Je n'ai pas compris le système, j'avais beau malgré la fatigue à triturer le truc dans tous les sens à la recherche d'une logique, je ne trouvais pas. J'ai fini par demander au chauffeur. Qui n'a pas compris ce que je lui disais et que je n'ai pas compris en retour. Il me disait que 1000 pesos font 10 litres. J'ai fait « ah » puis j'ai chassé cette pensée en me disant que c'était son problème !
Le trajet était interminable, j'ai eu l'impression qu'on n'avait jamais quitté la ville, il y avait des cases en tôle ondulée tout le long de la route. J'ai même piqué du nez. Je me suis réveillé juste quand on tournait pour le chemin du port, deux heures après avoir quitté l'aéroport. Le type m'a laissé son numéro pour que je l'appelle au retour, afin qu'il me conduise à l'aéroport pour le même tarif. Il y avait trois guichets de trois compagnies différentes, chacun avec leur rabatteur. Pour demander de l'aide je suis directement allé en salle de contrôle des billets pour savoir comment ça fonctionnait. Ils m'ont donné le nom du guichet auquel m'adresser et qui demandait 170 pesos pour prendre le bateau qui partait dans deux minutes. Il fallait que je me presse. J'ai couru à nouveau avec les sacs malgré ma déchirure (quand tout le monde me dit que je suis fou de voyager avec si peu d'affaires, je trouve encore que c'est bien trop, la preuve!) pour me trouver bloqué par un type qui me demandait de payer une taxe, la taxe du port ! J'aurais dû y penser car le temps de farfouiller des pièces que je n'avais pas (il me réclamait 2,25 pesos, soit 5 centimes !), en lui tendant un billet pendant qu'il cherchait dans ses poches la monnaie, eh bien le bateau est parti ! Il a fallu que je retourne au guichet me faire rembourser. Heureusement l'autre compagnie réclamait le même montant et le prochain bateau était dans une heure. J'ai attendu dans le hall, pendant qu'un gamin passait des bras à travers les barreaux de la fenêtre derrière moi pour me demander des choses depuis son bidonville.
Parfois je me demande pourquoi je me fais chier à venir dans ces pays exotiques alors que l'Australie a tout et que je n'aurais pas à affronter : les coqs, chiens, mendicité et taxes. Car en fait avec tous mes déplacements je n'ai plus l'impression que je voyage, c'est comme si j'étais toujours au même endroit mais que l'environnement ambiant changeait comme sur un plateau tournant. Après avoir perdu la notion du temps, j'ai perdu celle des distances !
Camiguin en vue!
Sur le bateau ils m'ont réclamé mon billet alors que je m'étais fait contrôler en quittant le port. Et évidemment impossible de retrouver le ticket. Il était au fond d'un sac, chiffonné. Un miracle que je l'ai retrouvé ! Le bateau, un Shuttle Express ou un truc au nom similaire n'a d'express que le nom. C'est un veau, un veau de mer ! Il a mis deux heures pour rejoindre une île toute proche qu'on a l'impression de pouvoir rejoindre à la brasse depuis Balingoan. Le bateau est bondé, on est tous sur des bancs sur ce cargo, là où d'ordinaire ils doivent mettre les marchandises. Du coup on n'a aucune vue, avec les rebords du bateau cachant l'horizon.
Dès que la passerelle s'est baissée, les gens ont accouru de l'extérieur en se bousculant pour nous proposer de porter les bagages, un moyen de locomotion, un hébergement... L'avantage pour ceux qui aiment le système c'est que dans ces pays, il n'y a pas besoin de réserver, les gens sont trop heureux de vous assister pour proposer ce que l'on souhaite. Pour rejoindre le resort, Action Geckos, je devais prendre un taxi. Mais il n'y en avait pas. Un type un peu plus convaincant que les autres, un jeune, m'a dit qu'il me proposait les prix les plus bas pour m'y conduire. 150 pesos. Par contre ça s'est fait sur une moto. Il tenait mon sac entre ses cuisses pendant que j'étais à l'arrière le sac à dos aux épaules et tenant la tente d'une main contre moi pendant que l'autre s'agrippait à un truc auquel me retenir pour éviter d’être désarçonné au moindre nid de poule ! Et là aussi ça n'en finissait plus. En fait Camiguin est plus grand que sur une carte à la noix du Lonely Planet, et on a mis plus d'une demie heure à ce régime avant d'arriver. Chemin faisant il s’est proposé de me laisser la moto, me faisant un prix par rapport à ce qu'Action Geckos pourrait me proposer, dégressif si je le prenais plus d'un jour. Je lui ai demandé son numéro, ne sachant pas encore ce que j'allais faire du séjour. Sur la route je regardais tous les chiens qui surgissaient de partout et je craignais d’atterrir dans un endroit qui ressemble à un chenil. Déjà que je ne peux plus me rendre en Inde à cause de ça (des chiens errants partout qui pourrissent les nuits), si ça trouve les Philippines pourraient être tout pareil. Pourtant je pensais être dans une partie de culte musulman, mais ça doit être plus à l'ouest de Cagayan de Oro, là où ils enlèvent d'ailleurs les touristes. J'y songeais du reste et ça a été un élément supplémentaire qui m'a fait rester dans le taxi tout à l’heure, au moins tant que j'étais dans le taxi j’étais en sûreté, le chauffeur ayant verrouillé les portes.
Ah un bon lit!
J'ai un bungalow très bien, tout en feuilles de cocotiers tressées, très grand avec des fleurs disposés sur le lit sous la moustiquaire en guise de bienvenue avec un mot et un guide des activités. J'étais complètement crevé et ne pensais qu'à dormir. Il était déjà 16h30, j'ai fait quelques pas sur la plage devant le resort, une plage de sable gris (l’île est volcanique), pris une bière, fait un peu d'internet et me suis avancé pour le blog puis j'ai mis la viande dans le torchon tout de suite après le dîner, à 20 heures. Pour les impressions, il faudra attendre demain, je me refuse à délivrer un verdict, la fatigue fausse tout jugement objectif. Toute la journée j'ai eu l'impression de tirer la gueule. Le sourire m'avait quitté. Mais il va revenir !

mardi 28 février 2012

En route pour les Philippines


Je ne suis toujours pas remis de l'expédition en kayak. Elle continue à me hanter et à me faire traîner des pieds. Je n'ai goût à rien, c'est comme si on m'avait retiré la boite aux merveilles. Au moment où je voulais sortir pour louer une voiture, un grain est arrivé et a duré toute la journée. Décidément j'ai eu de la chance avec le périple car ça fait maintenant trois jours qu'il fait dégueulasse. Ça m'aurait vraiment ennuyé si j'étais dehors, m’empêchant de vivre cette aventure comme je l'ai fait. Finalement qu'il pleuve ça m'arrange assez, je n'étais pas très enthousiaste sur le fait d'aller explorer l’île. Ça ne me ressemble pas mais je savais d'avance que je n'allais pas retrouver les paysages fabuleux que j'ai vus aux Rock Islands. Alors pourquoi s’embêter à louer une voiture en avançant sur une île où la circulation est permanente avec des carrefours non indiqués ? Devant l’hôtel il y a une petite route qui en France semblerait desservir une ferme, là ça n’arrête pas de passer. C'était un coup à se perdre et à rater l'avion. Le vol ce soir n'est qu'après 21 heures, ça me laissait pourtant le temps mais j'étais plus tranquille ainsi. J'ai le sentiment d'avoir bien profité de Palau.
Au moment de régler la note, je devais 100 dollars. N'ayant pas trouvé de distributeur en ville qui fonctionne (j'en ai fait trois, 2 étaient hors service et l'autre me refusait l'opération), j'ai dû régler par carte bancaire moyennant une surcharge de 5%. Il a fallu que la réceptionniste tape à la machine pour savoir combien faisait le total, deux fois pour bien vérifier. Ça m'a bien fait rire. Allez, allons y : 5% de 100 ça fait combien? C'est du niveau école élémentaire il me semble...
A l'aéroport je devais m'acquitter de deux taxes, une de sortie du territoire, l'autre pour contribution environnementale. J'avais oublié que dans ce genre de pays il faut toujours payer en partant. Évidemment j’avais pris soin de me débarrasser de mes dollars. Il fallait payer en cash. Je me suis donc dirigé vers le seul distributeur de l'aéroport qui a refusé de me donner de l'argent, comme toute à l'heure, au motif qu'il n'avait plus d'argent. Pourtant quand j'ai demandé au service de la redevance où me procurer du cash, ils m'ont dit qu'il fonctionnait encore il y a dix minutes, ils étaient justement allés tirer de l'argent. Ça commençait à m'angoisser. Ma carte bancaire est dotée d'un système de sécurité à la noix que je n'ai absolument pas demandé qui m’envoie des alertes chaque fois qu'il détecte une opération suspecte. Étant à l'étranger en permanence, ça arrive forcément tout le temps. J'ai même eu la carte bloquée comme ça en Australie pendant plusieurs jours parce qu'ils avaient mal noté mon appel. Car à chaque fois il faut les rappeler pour confirmer que la transaction est bonne et non frauduleuse. Je les ai déjà contactés deux fois pour qu'ils lèvent ce système le temps que je rentre car c'est catastrophique pour moi mais le message n'a pas l'air de suivre. Avec ces centres d'appels, ils n'y a jamais d'historique, il faut toujours répéter la même chose. Et avec ces neufs jours passés hors du monde, si ça se trouve ils m'ont bloqué la carte. Du coup je tremble chaque fois que je dois m'en servir, me disant que c'est peut être l'opération de trop qui va tout bloquer !J'ai bien payé par carte des commerçants cet après midi mais ici le système est différent, on insère sa carte dans un lecteur et on a juste à signer, sans frappe du code donc soi ça se trouve il n'y a aucune demande d'autorisation.
En attendant, la seule alternative que j'avais était de m'adresser à un restaurant de l'aéroport qui délivre du cash contre paiement par carte bleue mais se prend 10 dollars pour le service rendu. J'en ai donc demandé 100, question de diminuer l'impact de la commission et d'avoir des dollars d'avance au cas où ma carte serait vraiment bloquée. Une somme de survie en quelque sorte.
Arrivé à Manille, il a fallu passé la douane, une horreur ! J'ai cru à un cauchemar : au moins dix guichets mais une queue de 100 personnes devant chacun. C'est comme si plusieurs vols étaient arrivés en même temps. Bienvenue en Asie ! A ma grande surprise en 15 minutes je suis passé, ça allait vite, ils ne faisaient pas leur travail correctement, se contenant de demander quand on partait (le séjour maximal aux Philippines est de 21 jours, après il faut un visa, ce qui fait que je ne reste que 21 jours contre le mois auquel j'avais pensé au début quand j'ai construit le tour du monde). Les contrôles n'étaient pas finis pour autant, après les douanes il y avait un autre guichet où l'on laisse une feuille donnée dans l'avion, qui comporte les mêmes infos et qui servent normalement à la biosécurité. Ici rien quant au matériel de plein air. Tant mieux, ça m'évitera une inspection de la tente. Ils ont apposé un tampon sur le formulaire qu'ils m'ont redonné. Après avoir récupéré les bagages, avant de sortir de l'aéroport, nouveau contrôle : il fallait donner le formulaire avec le OK tamponné dessus. Je ne vois pas la logique et l'utilité de ces contrôles dans tous les sens.
La première chose que j'ai faite est de tirer de l'argent, la boule au ventre. Miracle, ça marche ! J'ai tiré 2000 pesos sans savoir combien ça faisait, ayant oublié de me renseigner sur les Philippines. Ensuite je me suis mis dirigé vers un office du tourisme spécialisé dans les réservations d’hôtel. Je voulais savoir comment rejoindre le mien depuis l’aéroport sans me faire avoir. Ils ne connaissaient pas l’hôtel et ont dû chercher dans un registre sans succès. Heureusement j’avais noté les coordonnées alors ils ont eu juste à appeler. Ils m'ont expliqué que je devais prendre un taxi et que ça me coûterait dans les 150 pesos, l’hôtel étant tout proche (c'est la raison pour laquelle je l'ai choisi). Pour cela j'avais le choix entre un taxi jaune métré ou le blanc dont le prix de la course est fixe. J'ai préféré m'adresser à un taxi blanc, afin d'éviter les détours fantaisistes pour faire gonfler le compteur. Par contre ils m'en réclamaient 300. Je leur ai fait remarquer que le l'aéroport m'avait dit que c'était à côté et ne devait me coûter que 150 pesos, question de leur faire comprendre que je ne suis pas un pigeon de touriste. Ils ont réfléchi un temps puis m'ont dit que je n'avais pas besoin de prendre un taxi, qu'il suffisait de prendre une navette gratuite pour le terminal domestique, que l’hôtel était ensuite de l'autre côté de la route.
Par contre le bus n'est jamais arrivé, j'ai patienté dans le bordel et l'agitation pendant 15 minutes, avec une file devant moi qui de toute façon n'aurait pas pu entrer complètement dans un bus. Il fallait donc que j'attende le second. Vu qu'il était quasiment minuit (avec une heure de moins par rapport à Palau), j'étais complètement crevé et pressé de dormir. Je suis donc retourné aux taxis, m'adressant cette fois au taxi jaune. Une fois arrivé à destination cela m'aura coûté 95 pesos. L’hôtel est situé dans un complexe de boutiques, de restaurants et de pubs qui passent de la musique comme dans une discothèque en pleine air. Et merde je n'avais pas pensé à ça ! Devant moi il y avait un groupe de jeunes filles assises sur leurs bagages, se prenant la tête entre les mains. Ça parlementait, apparemment un problème dans les réservations. La réceptionniste au bout d'un moment a fini par me voir et m'a demandé si j'avais une réservation. Je lui ai tendu mon papier et elle m'a donné la clef alors qu'il était écrit qu'on devait payer au moment du check in. Or ma réservation ne comportait que des arrhes, je leur devais encore deux tiers du prix de la chambre.
La chambre par chance donne de l'autre côté, donc c'est calme, on n'entend plus les pubs. Par contre ça grouille de monde là dedans, il y a des dortoirs, tout le temps quelqu'un qui entre ou qui sort et ma chambre est un truc sans fenêtre situé entre deux couloirs avec les douches qui donnent contre la cloison. A chaque fois que quelqu'un prend une douche il y a des bruits de canalisation qui résonnent dans ma chambre. Malgré le fait que la chambre soit sans fenêtre, elle est bien, moderne, avec la climatisation et une télé. Je ne demandais pas autant, c'est juste une halte entre deux avions, demain je dois me lever tôt, j'ai le vol pour ma prochaine destination à 8h10 et je dois être à l'aéroport 45 minutes avant.

lundi 27 février 2012

Palau : épilogue


Ça me fait tout drôle de me retrouver là je n’arrête pas de songer à ce que j'ai vécu. Je me sens vide comme si j’avais laissé des bouts de moi à chaque passage. Je n'ai pas de nostalgie particulière, c'est juste comme si j'avais vécu une autre vie. Comme il pleut cela m'arrange bien, j'ai passé la journée occupé avec le blog, écrivant partout, à la laverie, au restaurant, au café... A la laverie il y avait deux personnes dont une qui était de Peleliu. Elles m'ont parlé et entre leur accent et leur anglais approximatif je n’arrêtais pas de faire répéter mais on est arrivé à se comprendre sur l'essentiel. Celle qui était de Peleliu ne pouvait pas croire que j'ai fait le trajet en kayak. Elle connaît bien les distances. Façon de parler car l'autre lui a demandé justement combien il y avait de kilomètres et après un long silence elle a répondu : « une heure de bateau par speed boat ». Bref on ne saura jamais. Du coup je suis allé voir sur Internet : 50 kilomètres en ligne droite. J'ai dû en faire bien plus avec tous les méandres et les crochets. J'ai remis la carte du périple entier en faisant figurer les jours et les endroits qui m'ont particulièrement marqués surlignés en rouge.
La laverie n'aura pas été suffisante pour sauver le T-shirt jaune distendu qui est désormais plein de trous. Je voulais le jeter mais j'ai décidé de le garder en souvenir. Les trous c'est dû à l'eau de mer qui le rongeait pendant que je pagayais. En tout cas vous ne le verrez plus ! Je suis allé manger au magasin de produits frais qui vend aussi des plats qu'ils cuisinent eux mêmes. J'ai branché l'ordinateur mais ils m'ont demandé de le retirer car l'électricité coûte très chère sur Palau. C’est bien la première fois qu'on me fait le coup, ça ne consomme rien ces machins là, c'est un peu mesquin ! En fin d'après midi je suis allé à la marina cherchant Rex pour le tour de demain mais je ne l'ai pas trouvé. Je suis donc allé prendre une bière au Landmark Marina où je suis resté aussi pour dîner. Je me débrouillerai demain pour louer une voiture, d'après Kay cela ne coûte pas très cher.




dimanche 26 février 2012

Palau J9 : Carp Island - Peleliu - Koror


Cap entre les deux iles
J'ai parlé un peu plus ce matin avec mes voisins de tente, ce sont en fait des suisses accompagnés de leur fils, venus là pour plonger. Ils ont pris note de mes coins préférés en Polynésie qui avaient l'air de beaucoup les intéresser. En échange j'ai noté leurs coins favoris à Bornéo. Échange de bons procédés : entre globe-trotteurs, on se refile nos tuyaux. Ils m'ont demandé aussi quel budget j'avais prévu pour ce voyage et combien de temps ça m'avait pris à organiser. Un tel projet ça se mûrit et ça se construit au fil des mois. Ils étaient émerveillés et m'ont demandé de ne pas en dire un mot à leur fils, qui doit finir ses études, question de ne pas susciter des vocations. Mais le pauvre chéri, s'il est déjà là, c'est déjà trop tard. Quand on y a goutté, c'est le début de la fin. S'ouvrir aux horizons nouveaux, c'est entrouvrir la porte de la cage...
Plus tard, alors que je m’apprêtais à régler ma note, un couple est arrivé dont j'ai tout de suite deviné la nationalité à l'accent de la fille. Le réceptionniste nous a présenté : des français de Toulouse. Ils viennent juste passer quelques jours sur Carp Island avant de remonter sur Guam et de rentrer. Apparemment ils n'ont pris que deux semaines, c'est peu pour venir de si loin. En plus la Micronésie n'est pas une destination à laquelle on pense comme étant une fin en soi. C'est pour cela que je ne croise quasiment aucun français. Avant, ils étaient sur Yap, une autre île de Micronésie qu'ils ont beaucoup aimée et que j'avais envisagé un temps de visiter. 
Mais il faut faire des choix, je n'ai pas suffisamment de temps pour tout voir, alors je vais droit aux incontournables. Apparemment ils ont eu à Yap un contact privilégié avec la population, assistant aux répétitions des spectacles de danse et à la construction des pirogues traditionnelles. Leur aventure c'est la rencontre des locaux, moi c'est plus de découvrir les plus beaux paysages de la planète. Chaque touriste a son style et vient chercher des choses différentes. Pour les plongeurs en revanche j'ai un peu de mal à saisir leur passion. Certes c'est chouette d'aller voir de jolis poissons mais de là à y consacrer toutes ses journées... La première plongée organisée par le resort était au lever du jour, dès 6 heures. Je les ai vus partir sous la pluie et une luminosité approximative. Rien ne les freine. Pourtant ce doit être une passion ruineuse, quand je vois les tarifs des sorties. Pour les speed boats de plongeurs qu'on croise partout c'est la même chose. Ils arrivent en trombe quelque part, ne regardant rien, sautent, remontent puis partent butiner ailleurs. Et en fin de journée ils rentrent épuisés sur Koror, dormant tous sur le bateau. Ils traversent ainsi chaque jour les Rock Islands. C'est étrange qu'un resort se trouve si loin de Koror et fonctionne. Car arrivé à Koror, il faut se farcir encore plus d'une heure de hors bord pour atteindre Carp Island.
Entre mon tour en canoë et le tour du monde, j’épate tout le monde. J'ai donc donné les coordonnées du blog, qui pourrait susciter des envies et des idées de voyage. Si mon expérience peut servir à d'autres, tant mieux ! Les toulousains se sont transformés en japonais quand j'ai quitté Carp ; ils n’arrêtaient pas de prendre des photos et des vidéos. Au cours de la traversée pour rejoindre Peleliu, au niveau du banc de sable que j'étais allé taquiner hier après midi, j'ai vu deux raies manta qui virevoltaient comme des papillons. J'ai voulu plonger mais elles étaient déjà loin et avec le courant et le vent qui m’emportaient vers l'ouest, je tenais à garder mon cap bien au sud, focalisé sur un passage entre deux îles, sans avoir à modifier la trajectoire et à me retrouver face au vent à cause d'une dérive. Et puis des raies j'en ai vues plein à Tikehau.
Plus loin ce sont des requins qui filaient comme des flèches. C'est étonnant car chaque fois que j'aperçois des requins c'est dans des espèces de lagons très peu profonds où il n'y a rien d'autre que du sable. L'avantage c'est qu'on les voit mieux. Au milieu du lagon – le même qui ne ressemble à rien à marée basse – il y avait aussi une souche d'arbre servant d'aire de repos providentielle à des oiseaux qui regardaient tous dans la même direction, le vent dans le dos. C'était drôle à voir. Le passage entre les deux îles est en voie de disparition. 
Arrivée à Peleliu
De jeunes pousses de palétuvier sont arrivées à prendre racine, laissant deux petites feuilles hors de l'eau à marée haute. C'est suffisant et quand ils vont se développer et grandir, ils serviront d'abri coupe vent et coupe courant à de nouvelles pousses. C'est ainsi que naissent les mangroves. Déjà les deux côtés du passage en sont couverts. Les oiseaux y ont élu domicile, c'est un vrai concert de chants et de piaillements, ça s'agite là dedans comme dans une ruche. Certains m'ont suivi et je les regardais faire depuis le kayak, tournant leur petite tête de gauche et de droite, scrutant la surface du lagon. Parfois je me demande comment ils font pour voir. Nous on aurait des larmoiements tout le temps et une sécheresse de l’œil causée par la vitesse et le vent. Dès qu'il y avait un frémissement signalant la présence d'un banc de petits poissons, ils se mettaient au ras de l'eau, piochant leur long bec dans l'eau tout en volant. Ces oiseaux là ne plongent pas, ils pêchent en continuant à voler. A chacun sa tactique. C'est beau de voir comme la vie s'est développée dans ces endroits entre mer et terre. Et les oiseaux ont la belle vie ici, je ne vois nul prédateur qui pourrait leur nuire.
On ne peut pas dire que l'arrivée à Peleliu soit extraordinaire. C'est un quai avec un gros bateau et de petites vedettes de pêcheurs, avec derrière un motel et un centre de plongée. Le tout le long d'un chenal aux eaux troubles vert foncées remplies d'algues qui flottent et sans l'ombre d'une plage. Je suis arrivé là trop tôt, dès 11 heures alors que le bateau – celui qui est déjà à quai – ne part qu'à 14 heures. Je pensais visiter Peleliu dans le délai mais il n'y a l'air de ne pas avoir grand chose à voir. Kay m'avait dit que je pouvais louer un vélo et parcourir un peu l’île à la recherche des vestiges de guerre dont elle regorge. La population s'est concentrée au nord car il y a encore des territoires truffés de mines dont on ne sait pas très bien où elles se trouvent. J'ai fait le tour du pâté de maison, cherchant à l'arrière s'il y avait des vélos attachés. Rien. Il n'y avait personne non plus pour me renseigner, l'endroit était mort, ne devant s'animer sans doute qu'au départ et à l'arrivée des ferrys. Car le village est un peu plus bas. J'ai eu dans l'idée d'aller le visiter en kayak mais j'ai changé d'avis car j'aurais dû affronter un vent contraire sur le retour. Au centre de plongée qui organisait aussi des circuits et des tours de Peleliu j'ai cherché à me renseigner, question de savoir si le bateau partait bien d'ici et comment se procurer un ticket. La porte était grande ouverte mais il n'y avait pas un chat. J'ai donc traîné sur le quai, me demandant que faire en attendant le départ. Je n'avais pas envie de rester là, sous un chapiteau avec des gens amorphes sans doute shootés aux herbes locales et entouré de chiens qui levaient la patte sur tout ce qu'ils ne connaissaient pas !
On est mieux à bord que sur un kayak!
J'ai repris le canoë, remontant un peu le chenal, face au vent, question de voir s'il n'y avait pas moyen de trouver une plage au bout. En guise de plage il n'y avait que des blocs en béton que des touristes avaient squattés, se faisant bronzer là et devant aussi attendre le départ. Par chance, juste un peu plus loin au large se trouvait une zone circulaire sableuse aux eaux plus lipides. J'ai attaché le kayak au pied, passant par dessus bord pour m'asseoir dans ce qui ressemblait à une gigantesque baignoire. A défaut de plage ça faisait bien l'affaire et j'étais mieux là que sur la place du port ou les blocs en béton en face. Je n'ai pas fait gaffe mais pendant que je rêvassais, à la limite de faire la planche, j'ai aperçu un requin qui passait par là, à la recherche de la bonne affaire. J'ai toujours un peu peur de rester immobile dans l'eau, craignant qu'on ne me prenne pour mort, aiguisant des appétits dont je me passerais bien !
Une baignoire c'est bien mais après quelques temps on s'y ennuie. Comme il était plus de midi je me suis mis en quête d'un endroit ou pique niquer, longeant le chenal où j'ai trouvé un endroit à l'ombre de filaos avec une planche en bois disposée entre deux rochers. 
Il ne me reste plus grand chose en nourriture et c'est tant mieux, je ne me suis pas trop mal organisé. J'ai juste en trop une conserve, un plat cuisiné et un sachet de riz préparé. Je les donnerai à Kay en rentrant si elles les veut bien. Par contre j'ai encore plein de bouteilles d'eau dont je ne sais pas quoi faire. Je pourrais ouvrir une boutique avec ! Je ne suis pas resté très longtemps à pique niquer, à peine installé j'ai constaté que de gros nuages noirs fonçaient vers moi. J'ai donc repris le canoë cherchant à trouver un abri sous le chapiteau. Mais il y avait déjà des gens à bord du ferry. Comme ils étaient tous occupés à charger des marchandises côté quai, j'ai hélé depuis le canoë, petite embarcation au pied d'un gros bateau où les gens ont dû se pencher en se retenant des deux mains pour voir qui gueulait comme une mouette plus bas. J'ai demandé à savoir comment je pouvais hisser mon engin à bord. Ils ont alors abaissé le pont à l'avant du navire et le temps qu'une jeep s'y engouffre, ils m'ont donné un coup de main pour faire glisser le kayak à l'intérieur. Puis j'ai pris place.


Nul besoin de s'inquiéter pour les billets, il n'y en a pas. Tout se passe à bord avec une femme qui tient un registre large comme une affiche. J'ai annoncé mon nom, le prénom lui a suffit, ça faisait plus court, elle a noté que j'avais un kayak et m'a demandé 17$ dont 10 pour le kayak. C’est pas cher, je m'attendais à plus. Le bateau est épique. On s'assoit où on peut, au milieu des marchandises. Le pont est constitué de palettes en bois où l'on peut passer un pied à travers et les sièges sont des bancs non fixés. La clientèle est hétéroclite et rurale, constituée à 95% de locaux qui sont venus avec oreillers et nattes pour s'allonger. Il y a tous les ages, tout le monde se connaît et se parle, plaisantant, les jeunes parlent aux vieux, vont leur chercher spontanément des friandises ou des boissons qu'ils leur offrent. C'est comme une grande famille, très gaie où tout le monde sourit. On se croirait sur un marché. Pendant ce temps là, le personnel, que des petits jeunes, chargent le fourbi, des glacières, un vieux frigo hors d'age, un aspirateur au tuyau percé... Les gens arrivent dans des voitures déglinguées au pot troué et constituées d'un patchwork de tôles différentes. 
Un banc s'est dégagé entre Long Beach et Jackson's Beach
Les bagnoles dans cette île n'ont pas dû passer le contrôle technique depuis bien longtemps ! Ça ne les empêche pas de rouler et c'est tout ce qu'on leur demande. Et ça n’empêche pas non plus les gens d’être visiblement heureux, même des dents en moins et le reste chancelant.
Il y en a qui m'ont parlé, me demandant d'où je venais. Dès que je racontais que je venais de Koror, ils prenaient tous un air étonné, écarquillant les yeux. Ils n'en revenaient pas et voulaient tout savoir. En parcourant le trajet dans l'autre sens je n'en reviens pas moi non plus d'avoir fait tout ça. C'est interminable, je reconnais les côtes, parfois non mais une chose est sûre, je suis passé par là, à la force de mes petits bras. Ça peut paraître prétentieux à dire mais je suis fier de moi. J'ai la satisfaction d'avoir accompli une belle aventure et c'est la raison pour laquelle je mettais un point d'honneur à continuer jusqu'à Peleliu. Les gens me disent que j'ai dû voir des choses fabuleuses et ce qu'ils trouvent d’extraordinaire c'est le fait d'avoir fait ça tout seul en dormant sur des îles sauvages. Quand on y pense ça peut paraître fou mais je conseille chaudement cette aventure à quiconque se sent l’âme d'un aventurier et rêve d'une expérience à la Robinson. Il n'y a pas mieux et c'est le seul endroit au monde que je connaisse où l'on puisse le faire. Les locaux me pressent de tout raconter à mon retour en France, de faire partager leur beau pays et terminent à la manière d'une prière : « Don't forget to come back ». J'essaierai...
Le rafiot, qui au début ne m'inspirait pas tellement confiance, allant jusqu'à penser que si l'on devait sombrer j’aurais le kayak dans lequel sauter, est plus robuste qu'il n'y paraît, même sil l'on ne peut pas dire qu'il file très vite. J'ai cherché à voir sur le pont supérieur à travers les vitres de la cabine du capitaine si je ne pouvais pas apercevoir un compteur. Juste pour avoir une idée de la distance entre Koror et Peleliu. J'aimerais bien savoir. Mais je n'ai pas réussi, avec les rayons du soleil qui se reflétaient sur la vitre. A la place j'ai trouvé autour de la cabine les jeunes de l'équipage qui mâchouillaient des espèces de mini poivrons verts contenus dans une valisette d'outils de chantier. Puis ils finissaient par cracher par dessus bord dans un filet de bave rouge et quand ils rigolaient ils affichaient des bouches de vampires ! La boite est passée de mains en mains. Ils avaient aussi disposé un fil de pêche qui traînait un calamar en plastique rose fluo dans le sillage du navire. Et on a fini par choper une belle prise. Le bateau a freiné brusquement et tout le monde se demandait si quelqu'un n'était pas passé par dessus bord. Les jeunes m'invitaient à m'approcher pour que je filme la scène. Un beau poisson aux yeux grands comme un œil de bœuf et aux dents acérées comme un crocodile. Dès qu'il l'ont remonté à bord, ils lui ont asséné de grands coups de bâton sur la tête pour l'achever et le poisson a fini par agoniser en convulsions, le crane défoncé. Un peu barbare comme technique mais efficace. Au moins il n'a pas souffert. Ça me fait toujours un peu de peine en revanche pour ce poisson qui était heureux de vivre et se donnait du mal chaque jour pour nourrir ce grand corps. Et ce n'est pas si loin que cela de nous, ça a de grands yeux avec une pupille, des dents et même du sang bien rouge.
C'est la dernière des Rock Islands...
On est arrivé à Koror à 17 hures, 3 heures après le départ. Ce fut une longue traversée. Kay est arrivée quelques instants plus tard, s'excusant du retard qu'elle n'avait pas. J'ai appris que si j'étais parti de Carp le bateau aurait mis deux fois moins de temps mais comme il partait 1h30 plus tard je serais arrivé au même moment alors ça revenait au même. Et ça aurait été moins folklorique. Là j'ai pris plaisir à regarder vivre les locaux et à les entendre parler. Leur langue est agréable et ne ressemble à rien que je connaisse. Le temps qu'ils déchargent le canoë, j'ai un peu raconté mon voyage, les coins que j'ai préférés, ceux un peu moins, les passages face vent ou Blue Devil Beach pleine de monde qui avait transformé la plage en dépôt d'ordures. Kay n'en revenait pas et m'a demandé si je n’avais pas pris de photos pour voir de qui il s'agissait. Comme le bateau mettait du temps à décharger sa cargaison et que Kay avait de la lessive qui attendait à la laverie (elle est venue malgré le fait que ce soit son seul jour de repos), elle m'a laissé en compagnie de Rex, promettant de passer dans la soirée me remettre mon sac et tout ce que j'avais laissé à la réception.
Rex s'est proposé après demain de me faire visiter l’île de Koror. C'est pourtant son seul jour de repos à lui aussi. Car il me reste encore deux jours à Palau avant de filer sur les Philippines. Il m'a dit que je le trouverais demain au niveau de la marina à côté de l'aquarium. Je connais bien l'endroit, c'est là où je m'étais promené le jour précédent l'expédition. On y trouve aussi le Landmark Marina, un resort qui a l'air très bien, en bordure de mangrove et surtout loin de l'effervescence et des coqs et chiens de la ville. Je ne connais par leurs tarifs mais je le conseille à qui veut venir sur Koror. Le Lehns Motel & Apartment où je réside n'est pas mal non plus mais j'ai demandé à avoir une chambre à l'étage, celles du rez de chaussée étant trop bruyantes avec le personnel qui va et vient en claquant les portes toutes les deux minutes. Par contre à l'étage ce sont des studios avec kitchenette, pour trois personnes. Elle m'a fait un prix, 50$ au lieu de 85 contre 40 pour la chambre du bas. Il n'y a pas photo entre les deux et la chambre 13 que j'ai eue est très bien et calme, donnant sur la forêt derrière (ne pas prendre celles donnant sur la rue, très passagère).
Peu de temps après Kay m'a appelé me disant que l'office était fermé, que c'est dimanche, qu'elle n'a pas la clef et qu'elle passerait demain matin après 8 heures si cela ne me dérangeait pas trop. J'avais tout ce qu'il fallait avec moi, seul point noir l'ordinateur que je voulais utiliser au plus tôt pour taper ce que j'avais noirci sur le cahier. Dur boulot qui m'attend. Ce soir je suis vanné, aussi je suis allé au lit rapidement, profitant d'un bon matelas. Je redescends progressivement sur ce monde...

samedi 25 février 2012

Palau J8 : Ngemelis Beach - Carp Island


Aujourd'hui ce fut une journée d'épuisement. Chaque coup de rame une douleur et j'ai même fini par marcher dans l'eau est tirant le kayak pour aller plus vite. Comme quoi les jours se suivent mais ne se ressemblent pas. D'un autre côté tous ces efforts me donnent le sentiment de mériter ce que je vois. Et que de récompenses ! La journée avait mal débuté par un réveil en sursaut au milieu de la nuit dû à une tête poids mort impossible à bouger. Je dormais sur le dos je ne sais pas comment j'ai fait mon compte pour être bloqué ainsi. Heureusement c'était juste une circulation coupée et tout est redevenu normal en quelques minutes. Ensuite en me levant, ciel maussade. Ça a fini par se dégager à la fin du petit déjeuner, pendant que je chargeais le kayak. Par contre le vent qui s'était levé dans la nuit est resté. Et il m'a fait chier toute la journée ! Avant de partir j'ai pris quelques photos de Ngemelis à marée haute. Ça change complètement de ce que j'avais vu en arrivant. Au final, même si on ne peut pas s'y baigner à ce moment là, c'est plus joli à marée basse.
Ngemelis
Tandis que j'empruntais le même chenal que la veille où j'avais plongé, je me suis retourné pour regarder Ngemelis disparaître entre les deux parois rocheuses du chenal, m'ayant arrêté de ramer en attendant que le courant fasse disparaître naturellement Ngemelis. Pendant ce temps je faisais « au revoir » de la main jusqu'à ce que je ne puisse plus rien voir. Car je sais que cet « au revoir » est certainement un adieu. A la sortie du chenal j'ai décidé de gagner Blue Corner même si c'était à l'opposé de là où je voulais me rendre. Je n'ai tout de même pas fait tout ce chemin pour passer à côté de ça, si c'est si bien qu'on le dit. Je ne sais pas ce que j'ai ce matin mais le chili con carne végétarien d'hier soir m'a épuisé ! Impossible de bouger quoi que ce soit et mon épaule gauche refuse de tirer la pagaie vers moi. Elle est en grève ! C'est un vrai problème. Du coup je suis obligé de réduire la cadence et le paysage ne défile pas vite. Malgré le fait que j'ai pourtant le vent dans le dos. Ça promet pour le retour. Plus je m'avançais vers Blue Corner, plus ça me semblait loin et plus je me disais que tout ce que je faisais je devrais le refaire dans l'autre sens. Pour cette raison j'étais à deux doigts de rebrousser chemin. Mais une demie douzaine de bateaux étaient déjà là, s'étant spécialement déplacés de Koror. Renoncer si près du but, ce n'est pas mon style.

Ngemelis

J'ai trouvé le Blue Corner en question facilement, il suffit de se diriger vers là où les bateaux sont ancrés. C'est encore un de ces endroits en pleine mer et la mer haute en rajoute une couche. Mais on voit quand même le fond depuis le kayak, jusqu'à une limite où l'eau devient bleu foncée. Évidemment le vent et les courants m’entraînaient en dehors de cette zone, où il n'y a rien à voir. Il a donc fallu que je manœuvre le canoë judicieusement pour que la dérive me mène pile à l'endroit crucial, le temps de ranger la pagaie et de me jetter à l'eau.
Blue Corner est un trou qu'on dirait tiré du film « Le grand bleu ». C'est un mur de corail qui descend profond, très profond, là où l'on ne voit plus rien. Les eaux claires se mélangent aux eaux sombres et les rayons du soleil illuminent la partie la moins émergée, procurant un contraste saisissant. Quelques poissons sont en vadrouille dans le secteur. Pas un seul requin la gueule grande ouverte en revanche. C'est la première chose que je vérifie une fois que j'entre dans l'eau, regardant tout autour de moi. 
Par contre, tandis que je balayais la zone du regard, qui je vois ?, une tortue ! Je ne l'ai plus lâchée et elle n'avait pas l'air gênée par ma présence. Elle aussi était à cheval entre les deux eaux, faisant des tours. Sans doute devais je avoir la bonne distance de sécurité car elle m'avait inclus au centre de son tour. Comme à chaque fois, la buée est arrivée, mais cette fois par l'écran. Impossible de faire la mise au point, on n'y voyait plus rien, l'écran étant devenu tout blanc sous l'effet de la buée. Je cadrais donc à l'aveugle, estimant avoir l'appareil dans l'axe. J'ai voulu un moment voir le résultat sous l'eau, pour vérifier si j'avais réussi à prendre quelque chose de valable mais l'appareil s'est éteint et n'a pas voulu se rallumer. D'ici qu'il soit mort... Peut être a-t-il entendu toute le mal que j'en disais hier. N'ayant plus de joujou pou m'amuser, je suis remonté à bord. Et la vraie horreur a commencé.
J'étais face au vent et une petite houle me faisait face. Ça n'avançait pas, j'ai même fait l'essai désastreux de voir ce que ça donnait si je m’arrêtais de pagayer. D'ordinaire l'embarcation continue à glisser sur sa lancée pendant un petit moment, là pas du tout. 
En cinq secondes je partais dans l'autre sens. Sans compter que le vent me poussant sur la droite je devais tous les 5 à 10 coups de pagaie donner des coups de rame sur la droite pour recentrer l'engin. Je me suis épuisé à lutter contre les éléments. Cette fois plus rien n'y faisait : les repères, les « à 100 coups je fais ci », rien ne permettait de faire passer le temps et d'avoir l'impression de se rapprocher du but. Je n’arrêtais pas de souffler d'exaspération. J'avais mis le cap sur une plage pour parer au plus court mais j'ai renoncé. Car ça m'obligeait à rester dans une zone battue par les vents. Je me suis donc rapproché du rivage qui était sur ma gauche et dont j'espérais que le relief agirait comme un coupe vent. Ce qui a été le cas en partie mais il était déjà trop tard. Le peu de forces que j'avais ce matin y sont passées. Pourtant il fallait que je me presse car des nuages s’approchaient et vu leur progression si je gardais ce rythme j'arriverais à la plage en même temps qu'eux. J'étais au bord de la crise de nerfs. Il fallait que j'avance plus vite que ça si je ne voulais pas attendre sur la plage comme un con le temps que ça se dégage pour prendre une jolie photo. J'ai fermé les yeux, pris une grande inspiration et puisé en moi ce que je pouvais. Si ça devait me tuer, eh bien tant pis ! L'effort a payé : dès que j'ai appuyé sur le déclencheur, tout s'est obscurcit. C'était moins une !
J'ai examiné l'appareil censé être étanche. En ouvrant la trappe, ce qui était à craindre est arrivé : c'était tout mouillé à l'intérieur. Il a pris l'eau, il est foutu. Ce n'est pas une grande perte mais j'ai subitement réalisé qu'il allait engloutir aussi les belles photos du Jellyfish Lake si la carte mémoire était également atteinte. Ça a été panique à bord, l'angoisse suprême. Je priais pour que la carte n'ait pas pris l'eau. Elle avait l'air sèche et je l'ai tout de suite insérée dans l'autre appareil pour voir si je pouvais prendre des photos avec. Ce qui était le cas. Ouf ! Je vais écrire au fabricant car j'ai suivi toutes les recommandations d'usage, le faisant tremper dans l'eau douce après chaque utilisation. Il y a juste l'épisode séchage qui était aléatoire, pas évidement en pays tropical où il pleut tout le temps ! A 300 euros les 5 mois d'utilisation, ça fait cher la photo ! Du coup je n'ai plus rien pour mes prochaines sorties aquatiques.
Plus tard, on dirait que je le fais exprès, c'est l'étui de l'appareil que je tenais mal et que j'avais oublié de fermer qui s'est retourné alors que je marchais autour du kayak. L'appareil a fini sa chute dans le kayak. Une chance ! J'en ai marre de tous ces trucs électroniques fragiles. Je suis toujours sur le qui vive, comme si je jouais avec le feu. N'y a-t-il pas moyen de rendre un appareil photo étanche vraiment étanche, en insérant plus de joints d’étanchéité, comme par exemple derrière la batterie ? En effet l'eau entre toujours par la trappe de la batterie. J'en ai déjà bousillé plusieurs. Cette fois je crois que je vais devoir investir dans un caisson étanche, ces coques lourdes et encombrantes que je critiquais beaucoup avant.
Il était déjà 11h30 et j'étais encore à la moitié de la barre du L de Ngemelis. Loin de la destination finale. Un escargot aurait fait mieux ! J'ai donc repris le canoë, le vent en face à nouveau qui m’empêchait de garder casquette et lunettes de soleil. Ce vent ne m'a pas lâché de la journée, rendant la traversée la pire de toute l'excursion. J'ai ignoré allègrement les Virgin Blue Hotel et autres Dropp-off, tout concentré que j'étais à essayer d'avancer. Au niveau de Big Dropp-off, j'ai quitté les abords de l’île qui ne me protégeait plus du vent car j'avais dépassé le coude du L pour m'engager dans le chenal, direction Turtle Cove Beach. Je ne sais pas combien de temps ça a duré mais ça m'a semblé interminable. Il y avait des bateaux qui passaient autour de moi à vive allure. Ils avaient bien de la chance ! Je me serais écouté, j'aurais fait des signaux de détresse pour me faire remorquer ! Mais tricher ce n'est pas du jeu. J'ai signé pour cette excursion, je dois la terminer coûte que coûte, c'est mon challenge. Étant dans le chenal les vaguelettes sont devenues plus grosses et je recevais tout le temps de l'eau en pleine poire. J'étais à tordre. Au niveau de la plage tout au loin je voyais des silhouettes qui s'agitaient. D'ici que la plage soit squattée par des japs ! Je ne suis pas d'humeur à poser en souriant devant les caméras, plutôt de celle de leur mettre un coup de pied au derrière! De temps en temps je donnais des coups d’œil derrière moi pour savoir si j'avais dépassé la moitié de la traversée. Pour me donner du courage. Enfin presque, car au début c'était plutôt décourageant, la côte derrière moi étant bien plus proche.
Tutle Cove Beach
A Turtle Cove Beach, j'avais dans l'idée de m’arrêter y passer la journée et d'y camper car jusqu'à présent, partout où il y a une plage on trouve un abri. Mais je n'ai trouvé qu'une crique avec de l'eau aux genoux et un arrière-plage impossible à explorer, fait de rochers coupants et de trous cachés sous des aiguilles de filaos. Des pièges parfaits ! A défaut de pouvoir y dormir, j'y ai pris le déjeuner. Comme prévu, l'une des personnes à terre est venue m'accueillir. Je n'étais pourtant pas avenant, arrivant en jetant avec rage ma pagaie sur le sable et me frottant le visage en titubant. Malgré tout j'ai réussi à prendre sur moi et à lui accorder une interview. Ce n'était pas des japs mais un groupe de quatre personnes des pays de l'est avec en plus leur guide, une fille d'ici, celle qui est venue me parler. A l'écoute de mon récit je recevais des « Wouah » en guise de commentaires. Mais j'ai rajouté que la traversée que je venais de faire était une horreur et qu'il était temps pour moi de me rassasier. Une manière délicate de mettre fin à l'entretien ! Mais avant de manger, je suis allé me jeter dans la mer comme j'ai pu, assis dans ce qui ressemblait à une baignoire qui se vide. Ça m'a fait du bien, permettant de me rafraîchir.
Carp Island
Au moment de partir, alors que j'étais prêt à plonger à Turtle Cove, un spot de snorkeling à quelques mètres de la plage, un bateau est arrivé avec plein de gens qui chahutaient. D'un coup on s’est retrouvé sur une plage familiale de la Grande Motte un 15 août. J'ai tracé... Enfin, façon de parler ! En guise de trace ça ressemblait plus à une bavure d'escargot. La côte n'avançait pas vite à côté de moi. A vrai dire à pied j'aurais sans doute fait mieux. La mer pour rejoindre Carp Island n'est pas jolie dans cette section. C'est plein de rochers qui émergent et de coraux, on dirait que la baie a été en proie à un bombardement. Carp Island est ma destination finale du jour. Je l'aurais bien évitée, préférant camper sur une plage déserte car c'est une île privée avec un resort dessus - le seul des Rock Islands - et aux dires de Kay plein de japonais. Vu la proximité des sites de plongée tout autour je n'avais pas envie de subir les gens et le bruit le soir après leur retour du large, surtout après avoir vécu en Robinson ces derniers jours. Mais je n'avais pas d'autre option, ne trouvant nulle plage, crique ou recoin qui resterait dégagé à marée haute et où je pourrais faire du camping sauvage.

Marée basse à Carp Island. Par où je passe?

Depuis Ngemelis le relief a changé. Les îles sont devenues plates, c'est la fin des Rock Islands et ça me rend un peu triste. Pour l'heure le kayak ne veut plus avancer du tout. J'ai mis le cap sur le ponton du Carp Island Resort mais c'est comme si je ne pouvais pas le rejoindre. J'ai l'impression de tirer un semi remorque. Un coup d’œil à l'arrière m'a permis de voir que je tirais la poubelle qui avait glissé sous l'eau. C'est sur que ça n'aide pas mais ce n'était pas la principale raison. En fait la mer est si basse que je ne peux plus avancer, frottant tout le temps et perdant du temps à me dégager en poussant sur la pagaie. Dans ces conditions, je me suis levé pour remédier au problème, empoignant l'espèce de laisse que j'accroche à la cheville quand je plonge pour tirer le canoë en marchant dans l'eau. Ça ne pouvait pas être pire et au moins ça me reposait les muscles des bras qui n'en pouvaient plus. Seulement marcher dans l'eau ça ne va pas aussi vite que sur le sable. Je me traînais et le navire restait bloqué de temps en temps sur un fond trop peu profond. Je n'ai eu de cesse de me pencher et de tirer pour le dégager.
Le coin est plein d'étoiles de mer, des grosses et pas plates avec comme des petites crêtes sur le dessus.  On dirait des meringues! C'est aussi le paradis pour les holothuries, une autre espèce que celles que je rencontre habituellement. Elles sont beiges, couvertes d'une fine pellicule de sable blanc pour passer inaperçues et son toutes en largeur. Quand on shoote dedans ça vomit par une bouche-anus une gerbe de filaments blancs qui ressemblent à des spaghettis, plus collants que des cotillons, censés sans doute immobiliser leur agresseur. J'ai eu beaucoup de mal à m'en défaire. Les Crocs en étaient couvertes et j'ai dû demander l'aide d'un coquillage qui passait par là pour racler. Je n'aurais voulu y toucher pour rien au monde, d'ici que ce soit urticant. L'animal s'est aussi retrouvé empêtré dans son vomi, pris à son propre piège, essayant de ravaler son plat de nouilles mais la moitié des filaments s'étaient détachés. Curieuse bestiole !
Il y en a une autre tout aussi bizarre, c'est une espèce de coquillage à pattes qui court quand on s'approche pour aller ensuite s'enfouir sous le sable. Ça a d'ailleurs la même couleur. On me dira qu'un coquillage ça ne marche pas, et que ça court encore moins mais je sais ce que j'ai vu, je n'ai pas la berlue ! 
Et j'en ai vu plusieurs de la sorte. Ce ne sont pas des bernard l'ermite. Sans doute un animal avec une carapace faisant penser à un coquillage. Si quelqu'un sait de quoi il s'agit... L'observation des bestioles m'a un peu distrait et finalement permis de rejoindre le ponton en faisant passer le temps. On se demande bien pourquoi il y a un ponton, c'est à sec partout et le paysage ressemble à une mer qui se serait retirée avant un tsunami. Les pauvres touristes sur la plage errent désemparés. On leur a retiré leur terrain de jeu et en sont réduits à se balader. Impossible de se baigner là dedans, même en s'avançant, ça court ainsi sur des kilomètres.
Je me suis dirigé vers la réception pour demander asile. L'employé m'a fait remplir une fiche et m'a amené vers l'endroit dédié au camping. Compter 35 dollars la nuit. Mais avant il était convenu que j'appelle Kay pour la rassurer et lui signifier que tout s'était bien passé. J'ai raconté un peu mes aventures, ce que j'avais vu, comme on se confie un peu à un ami. Kay me demandait si j'avais vu des raies manta, si le temps avait été OK et autres détails. Pour demain j'ai décidé de rejoindre Peleliu. Rien ne m'y oblige, le resort disposant de sa propre navette pour me ramener sur Koror, Mais c'est ce qui était prévu et je mets un point d'honneur a tout terminer comme prévu, même si je ne m'attends pas à découvrir des merveilles à Peleliu. Je n'abandonnerai pas ! D'après le gars de l’hôtel c'est une traversée qui ne devrait me prendre que 45 minutes, d'autant plus que j'aurai le vent dans le dos. Et ce sera marée haute, je n'aurai donc pas à tirer le kayak.
Après avoir installé la tente, comme il était encore tôt, j'ai été attiré par un banc de sable merveilleux en face du resort qui était apparu depuis j'étais arrivé. J'ai donc repris le kayak, alléché par l'endroit. Ce n'est pas vraiment un banc de sable mais plutôt des bassins qui ressemblent à des flaques d'eau, reliés les uns aux autres par du sable. Un petit labyrinthe propice à faire de belles photos. Pendant ce temps, comme le canoë ne pouvait pas aller plus loin, même en le tirant, je l'ai abandonné sur un monticule un peu plus haut que les autres et j'ai continué à marcher, non sans me retourner régulièrement pour vérifier que le kayak ne s'était pas éclipsé, emporté par la marée montante.
De retour sur Carp, j'ai opté pour un dîner de la maison, bien qu'il me restait des provisions pour ce soir. J'avais la flemme de préparer quoi que ce soit, bien que ce soit la dernière fois. Mais surtout je voulais prendre mon temps, sans être pressé par le la nuit qui approche. 
C'est ce que j'ai fait, me délassant sous une douche chaude des sanitaires dédiés aux campeurs. Au fait, je suis le seul à camper. J'ai eu droit à un somptueux coucher de soleil que j'ai accompagné d'une bière bien fraîche, assis sur le ponton. Alors que la cloche avait retenti pour signifier que le dîner sous forme de buffet était servi, tout le monde était dehors s'agitant pour prendre des photos. Ils sont tous rentrés dès le soleil disparu mais je suis resté, sachant d'expérience qu'ici le plus beau c'est 15 minutes après le coucher du soleil, quand le ciel s'enflamme. J'ai dû donner l'alerte en ne rentrant pas car au bout d'un moment ils sont tous ressortis, sans doute intrigués par mes allées et venues sur le ponton en essayant toutes les positions. Je suis allé ensuite me rassasier et ça m'a fait beaucoup de bien. Je retourne doucement à la civilisation et il n'y a pas que du mauvais...


vendredi 24 février 2012

Palau J7 : Bablomekang - Ngemelis Beach


Seventy Islands

Long Beach
La nuit dernière j'ai nourri un rat ! J'avais jeté au loin une mandarine couverte de moisissures, qui avait fini sa course au pied d'un arbre où se trouvait un trou entre les racines. Ce matin je suis allé voir si elle avait disparu. Elle était toujours là, ayant juste roulé de côté. Mais quand j'ai donné un coup de pied dedans, j'ai vu que tout avait été mangé à l'intérieur. Il ne restait plus que la coquille. Même l'espèce de filet fibreux qui couvre l'intérieur de l'écorce avait été grignoté. C'était prêt à farcir pour faire une belle mandarine givrée. C'est gourmet un rat ! Ils n'ont pas touché à l'écorce qui ne leur apportait aucun élément nutritif. Pendant qu'ils dégustaient leur mandarine bien sucrée, j'ai eu du mal à dormir. Je n'avais pas fait attention mais l'abri est caché sous la végétation et quand je m'étais installé il n'y avait pas de vent. Mais il s’est mis à souffler dans la nuit et ça a été un festival de grincements, de branches qui balayent la tôle ondulée et d'espèces de fruits à coque qui sonnent les cloches en tombant comme des pierres. 
Long Beach
Ce qui fait que dès 4H30 j'étais debout. Ça m'arrangeait bien, pas question de partir tard ce matin vu la route qui m'attend. Je veux avoir du temps pour me poser et profiter. Mais entre l'écriture, le rangement et le petit déjeuner il était malgré tout 9 heures quand je suis parti.
J'ai commencé par faire un tour des îlots environnants : Long Beach et Jackson's Beach où j'aurais pu camper si le mauvais temps n'avait pas précipité mon choix. En plus de me rapprocher de mon but, ces plages offraient en plus l'avantage d’être exposées toutes deux vers l'ouest. Cela ne m'est arrivé qu'une seule fois à Ngeremdiu et c'est tout de même plus agréable de dîner face à un coucher de soleil qui permet de surcroît de savoir de combien de temps on dispose avant que la nuit ne tombe. J'ai bien pris une heure à faire le tour de ces plages et à amarrer le kayak. Ce n’était pas prévu à mon programme mais j'aime bien explorer les petits îlots déserts dont aucun ne se ressemble vraiment. Ils ont tous leur petite particularité. 
Je préfère ça à la plongée en eaux profondes. Un dernier coup d’œil à la carte m'a permis de rectifier ma trajectoire. Je mettais en fait le cap vers Carp Island, plus proche que Ngemelis où je devais me rendre. C'est marrant parce que Carp Island c'est là où je vais demain, aussi comme les deux îles ne sont pas trop distantes l'une de l'autre ce sera une courte traversée, pour mon plus grand bonheur.
Pour rejoindre Ngemelis, je dois passer le long d'un chenal que tous les bateaux de plongée empruntent. On ne peut pas se perdre, il suffit de les suivre. J'ai préféré longer le chenal sur la gauche, puis du côté droit, naviguant ainsi dans de l'eau moins profonde à la couleur turquoise où je voyais le fond. Plusieurs fois j'ai croisé des tortues qui prenaient des bains de soleil à la surface, les pattes en croix. De loin je pensais que c'était des débris végétaux comme j'en vois pas mal. 
Jackson's Beach
Quand j'ai réalisé, c'est pour aller farfouiller à la recherche de l’appareil photo mais c'était déjà trop tard. Trop proche, elles avaient déguerpi vers les profondeurs. Ce sont les mêmes qu'à Lady Musgrave. Des petites marrons tachetées. C'est étonnant car j'étais justement en train de songer à la similitude du décor avec Lady Musgrave et donc pas étonné si je devais voir des tortues. Et pile à ce moment, comme si elle avait lu mes pensées, une tortue est apparue.
Sur un bateau tout seul je cogite pas mal. Quand je ne chantonne pas des airs en boucle dans ma tête (c'est un vrai juke-box!) que bien souvent je déteste – aujourd'hui c'est « Rolling into deep » d'Adele, entendu hier au déjeuner avec les japs – j'ai des images de ma vie qui surgissent. Je fais dans l'introspection. Le cadre et les conditions s'y prêtent bien. Je réfléchis pourquoi et comment je suis devenu ce que je suis, où j'ai chopé ce virus du voyage, de qui je tiens ça, qui m'a donné ce goût de la nature et de l'aventure.
German Channel
Et je me revois à 5 ans en culotte courte avec des parents rajeunis, assis dans les prés à cueillir des fleurs. C'est tout ce que j'ai fait petit, tout ce que j'ai ressenti et cet air pur autour de moi qui m'a façonné. Je tiens cela de ma maman qui ne ratait jamais une occasion d'aller faire un pique nique en pleine nature dès qu'il faisait beau, parfois pas plus loin que le jardin. Les week-ends et mercredis après midi je l'entends encore nous houspiller mon frère et moi, disant : « Vous n'allez pas rester enfermés par une journée pareille. Allez dehors, décanillez je ne veux plus vous voir ! ». Et on prenait nos vélos, explorant la campagne et les forêts autour de nous. Je dois donc le goût de l'aventure à mon frère, plus âgé que moi, qui avait un peu tendance à se servir de moi comme éclaireur et test quand il n'était pas sûr de lui. Et évidemment les gamelles m'étaient destinées et cela le faisait beaucoup rire. Je rentrais toujours avec un bobo ou un truc déchiré. Je pense à tout ça en pagayant, à tout ce passé qu'on garde le plus souvent enfoui. Ce n'est pas de la nostalgie qui remonte, juste des flashs et des impressions qui resurgissent. Des parfums aussi. C'est comme si tout avait été hier, le temps est effacé. J'espère qu'il en sera de même avec les souvenirs de ce voyage.
German Channel
Dans German Channel, je recommençais à me donner des paliers pour me donner du courage et faire paraître les distances plus courtes. Car la terre a toujours l'air d’être près vue de loin. Il y a de quoi se décourager. Mais avec ce système que j'ai trouvé ça marche bien. Je suis requinqué ce matin, ça glisse tout seul, même si ma faiblesse au dos subsiste. Je fais donc d'autant plus attention quand je dois tirer le navire à terre. Pour faire passer le temps je compte donc les coups de pagaie. Tantôt c'est « je souffle arrivé à 100 » ou bien ça donne « à 100 je bois » quand ce n'est pas « à 100 je regarde la carte » ou encore « je me remets de la crème à 100 ». C'est toujours par coup de 100 pagaies sinon je n'avancerais pas beaucoup. Parfois la variante devient « je m’arrête au niveau de la bouée là bas ». Ou bien « je vais plonger voir ce que font tous ces bateaux amarrés aux bouées là bas ». Car en quittant German Channel, il y a tout un tas de bateaux de plongée avec personne à bord, comme ces navires fantômes contés dans les récits d'aventures, en proie aux pirates ou aux sirènes. 
Ngemelis
J'ai attaché le kayak à la cheville gauche et j'ai sauté, le courant m'ayant un peu éloigné entre temps des parois du chenal. J'ai eu grand peine à quitter ce trou d'eau profond et jonché de débris de coraux, luttant contre le courant pour rejoindre l'à-pic. Comme toujours dans ces sites de plongée, c'est trop profond et le jeu n'en vaut pas la chandelle. Il faut batailler avec le courant et toute photo devient impossible, entre les fonds trop profonds et le courant qui empêche de faire une mise au point sur un sujet précis. C'est à désespérer. Il a fallu que fasse plusieurs survols pour essayer de photographier une porcelaine géante. Quand la mise au point était bonne, j'avais déjà filé, le porcelaine se trouvant alors hors champ. Et quand je retournais en arrière un nuage passait, rendant la luminosité catastrophique et la photo floue. En plus avec le temps qui passait, la buée dans l'appareil était de retour. Ça m'a énervé, je suis donc sorti de là. A temps car un gros nuage noir avançait vers moi et la pluie s'abattait déjà avec fracas sur les îles que je venais de quitter. J'étais en plein milieu de l'océan et je ne tenais pas à affronter une tempête dans un endroit pareil, perdant alors tout repère visuel. En plus, entre temps tous les bateaux avaient disparu pour s’arrêter butiner à un autre site de plongée plus loin.

Ngemelis

Ngemelis
A ce qui semblait le plus proche, dans la direction de Ngemelis, se trouvaient deux îlots sur ma droite qui pourraient me permettre de m'abriter sous leurs flancs. J'ai donc donné de grands coups de rame, épuisant mes forces alors que jusque là j'avançais à un rythme de croisière pour m'économiser. Je jetais des coups d’œil en arrière pour jauger de la situation. Ça avançait à grand pas, la bouée que je venais de quitter était déjà dans la tourmente. Au dessus de moi le ciel était noir mais il ne pleuvait toujours pas. Comme par miracle je me suis trouvé sur le bord du passage du nuage dont je n'ai subi que quelques gouttes d'eau tandis qu'à quelques mètres tout disparaissait caché derrière un rideau de pluie très drue. J'ai eu de la chance sur ce coup là et une fois au niveau des îlots je n'ai même pas eu à m'abriter.
Avec cet épisode imprévu de gros grain, j’avais dévié de ma trajectoire. Il était prévu que je contourne Ngemelis par l'est puis le sud, pour explorer une multitude de spots de snorkeling qui jalonnent cette côte : Big Drop-off, New Drop-off, Virgin Blue Hotel et Blue Corner. 
Les bateaux traversent tous les jours les Rock Islands pour amener leur cargaison d'hommes grenouilles. Il paraît que c'est le meilleur spot de plongée de Palau et Rex avait le regard enflammé en m'en parlant (il prépare sa certification de plongeur pour diversifier ses activités de guide). C'est d'ailleurs la raison pour laquelle Ngemelis figure sur mon itinéraire. Eh bien j'ai squeezé tout ça, après l'épisode malencontreux à German Channel, je n'avais pas envie de réitérer la chose, avec un kayak qui me cisaille la cheville, à me débattre contre un courant loin des côtes. Sans compter que cela allait me retarder et que j'allais encore arriver au camp au dernier moment, sans avoir eu le temps de me poser un peu. Mais surtout de l'autre côté de mon rocher-abri s'ouvrait un lagon aux couleurs incroyables, frangé de plages avec des cocotiers tout du long. 


Ngemelis est en fait formée de 4 îles qui se suivent comme des chipolatas pour former un L. Ces îles sont quasi plates, à la différence des autres Rock Islands, aussi les cocotiers trouvent plein de place où s'ancrer, ce qui explique leur concentration plus forte qu'ailleurs. Je me suis arrêté au milieu du lagon. C'était une merveille, j'avais de l'eau à mi cuisse, pourtant loin des îles et le cadre à tomber. Je suis dans le plus beau coin des Rock Islands, tout autour on ne voit que des îles, c'est sidérant. Il y en a tellement qu'on ne peut plus les compter. Elles se chevauchent et se scindent quand on passe devant. J'ai trouvé le paradis. Encore plus beau que la Polynésie, totalement désert et vierge. Et il a un nom : Ngemelis. Un nom à se souvenir qui rime avec délice. Ici pas de gens, pas de chiens, pas de coqs. Il n'y a nul autre endroit sur Terre où l'on peut évoluer ainsi d’île en île sans croiser l'ombre d'une présence humaine.
La plage du campement!
J'ai contourné l'intérieur du L pour me rendre sur une plage bordée de cocotiers. J'ai grimpé sur un petit rocher au milieu de l'eau afin de prendre un peu de hauteur et contempler ce lagon avec un œil d'aigle. De temps en temps il y a de petits avions à hélice qui passent par là pour faire la liaison Koror-Peleliu. Leurs passagers doivent être scotchés au hublot. J'aimerais bien voir ça d'avion, ça doit être à couper le souffle. Mais le retour de Peleliu se fera en bateau, la faute au kayak à ramener sur Koror. D'un autre côté cela me permettra de repasser devant les endroits que j'ai explorés, me remémorant chaque partie du périple, comme en train de feuilleter un album photos. Ce qui me fascine ici c'est d’être seul dans un tel cadre et que ce soit si préservé. Pas d’île hôtel, aucune possibilité de logement autre que ce que je fait – à part sur Carp Island. Et aucun bateau ne fait la liaison vers les les îles que je visite donc je ne sais même pas comment on peut y camper si l'on n'a pas de kayak. 
De ce fait les îles se retrouvent désertes, ne servant que d'endroit à pique niquer pour les plongeurs. Et à Ngemelis les bateaux ne peuvent même pas accoster, le lagon est trop peu profond. Je l'ai exploré à marée basse, de l'eau à la cheville, pouvant marcher ainsi des kilomètres et donnant l'impression de marcher sur l'eau. C'est vraiment étrange qu'aucun complexe hôtelier n'ait essayé de s'implanter. Les habitants de Palau doivent vraiment tenir à leur joyau et s'en foutre de l'argent qui d'habitude corrompt tout. Pour cela je les félicité chaudement. Ils ont fait des Rock Islands un paradis sur Terre, inhabité, vaste et merveilleux à découvrir en kayak. Comment ai-jeu cette idée de génie ? Je me le demande mais c'est vraiment le choix idéal. Imaginez : 9 jours au paradis, dormant où bon me semble ou presque, folâtrant d'une île à l'autre.

Qui a dit le camping c'est nul?

A Ngemelis Beach, le camp est très bien arrangé. L'abri dispose même de murs et de volets qu'on peut tirer pour se protéger du vent. Les estrades sont faites de bois plein et non pas de lattes. Il y a aussi des citernes qui recueillent l'eau de la gouttière avec un robinet qui m'a permis d’alimenter la douche solaire et de faire la vaisselle. Dans un autre temps il devait y avoir l'électricité (sans doute avec un groupe électrogène) car il y a encore les ampoules au plafond et des prises électriques. L'abri est le plus vaste de ceux que j'ai rencontrés. Ça fait comme un grand dortoir et on peut facilement y dormir à plus de cinquante, en disposant des matelas sur les estrades. Il y a aussi un coin grill avec des bûches à disposition et des claies. L'avantage de Palau c'est aussi qu'il n'y a pas de moustiques, sauf rares endroits, croisés seulement au début le jour de pluie où je m'étais abrité sous un rocher pendant des heures. 
On peut donc dormir à la belle étoile sans crainte. Toutes les nuits je laisse d'ailleurs les portes de ma tente ouvertes. C'est bien le seul endroit tropical que je connaisse sans insecte volant. La raison est qu'il n'y a pas de trous d''eau où pourraient se développer les larves. Les lacs sont salés, le relief impropre au développement de mares et tout est squatté par une jungle qui aspire la moindre goutte d'eau. Avec toute cette forêt, il y a donc un intérêt supplémentaire : se refaire une santé en respirant un air bien pur et gorgé d'oxygène. Dommage que le Japon soit si proche et que l’île ait été affectée en partie par les retombées de l'accident nucléaire de Fukishima. J'ai lu dans le journal local de Guam que le gouvernement avait été courtisé par deux constructeurs différents de centrales nucléaires qui promettent des centrales nouvelle génération sans rejet de déchets radioactifs. Mon œil ! Et ça lave plus blanc que blanc aussi ? Le gouvernement n'avait pourtant fait aucun appel d'offres mais avec leur technologie moribonde dont plus personne ne veut, ils essaient de refourguer ça à n'importe qui. A part les français. On est toujours les premiers pour mettre en place les trucs les pires mais toujours les derniers à adopter des mesures intelligentes. De toute façon Guam veut se tourner vers l’éolien et le solaire pour s'affranchir de leur dépendance au pétrole. Dans un pays tropical on n'a pas besoin de nucléaire !

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Ngemelis Beach est reliée à une autre île à marée basse, une espèce de chapeau de champignon flottant sur l'eau. Il y a un banc de sable d'une cinquantaine de mètres qui sépare deux cocotiers ! Juste en face se trouve un groupe d’îles protégées et inaccessibles qui ne semblent former qu'une seule île pleine de recoins : Seventy Islands, une réserve dans la réserve, interdite de passage et de pêche. Vue la topographie de cet ensemble, je ne serais pas étonné que ce soit cet endroit dont les photos aériennes font le tour de la Terre sur les couvertures de livre et les écrans de veille d'ordinateur du monde entier. On dirait des jouets de bain qui auraient tous convergé au même endroit, entourés par un lagon aux couleurs phosphorescentes. Si Yann Anus Bertrand n'est pas passé par là, c'est à n'y rien comprendre !
Alors que je marchais dans l'eau pour prendre quelques clichés (et même beaucoup, je n’arrête pas!), il y avait un petit banc de menu fretin qui n’arrêtait pas de virevolter dans dix centimètres d'eau. 
J'ai vite compris pourquoi : ils avaient un mini bébé requin de 30 cm de long à leurs trousses qui devait bien en croquer un de ci de là car il avait le nez dedans ! Ailleurs j'ai vu des requins plus grand, les mêmes qu'en Polynésie, les bruns à pointes noires. Il faudra que j'aille essayer de les prendre en photo toute à l'heure.
Je voudrais capturer ce paysage, le mettre en bocal pour le ramener et le garder avec moi, figeant cet instant pour toujours. Mais je ne peux pas. A la place je devrai affronter à mon retour des choses laides quotidiennement : le RER, des panneaux de pub partout qui nous laminent le cerveau pour nous faire consommer toujours plus. Je déteste la pub. Elle devrait être interdite, c'est une pollution visuelle insupportable qui cherche à violer insidieusement notre conscience sous des airs sucrés et des voix susurrées. Mais avec moi ça ne marche pas. Je fais un rejet. Au cinéma je ferme les yeux et mets les écouteurs du baladeur au moment des pubs alors que les autres regardent, captifs. On doit me trouver dérangé. Dans le métro je suis contraint de regarder mes pieds en prenant les couloirs et d'attendre le train en tournant le dos à la voie pour ne pas voir les affiches en face. C’est un vrai travail de résistance qui m'épuise parfois. Ici rien de tel, rien n'est à vendre, tout est donné ! J'ai donc l'esprit libre et le cerveau qui peut cogiter comme il le souhaite. Plus de limite, plus de conditionnement. Comment vais-je vivre le retour à la réalité, passer mon temps entre quatre murs quand ici ma vue court vers l'horizon en permanence ? Ne vais-je pas me sentir en cage après tout ça ?


C'est combien la passe?
En attendant, ne pouvant faire mieux, je me contente de remercier la vie à voie haute : « Merci Jésus pour tout ça, pour me montrer ce qu'est le paradis avant l'heure ». Il y a un tel endroit sur Terre, c'est Ngemelis, Palau, Micronésie. Mais ne le dites à personne ! Un endroit touché par les anges. Qui surpasse la Polynésie. Il fallait pouvoir le faire. On ne sait plus où donner de la tête. On dirait que l'horizon est un gruyère. Ceux qui viennent ici pour ne faire que de la plongée ne verront pas ça. Pourquoi passer son temps dans l'eau quand le spectacle est aussi beau sur terre ?
Après le déjeuner, comme il était encore tôt, j'ai repris le kayak. Je voulais faire un tour de l'autre côté du L, là où tout le monde se presse pour plonger. Mais j'ai été stoppé net dans mon élan en traversant une passe étroite qui offrait de beaux tombants. J'ai plongé là, non sans une certaine anxiété car c'était la voie de passage pour les requins qui veulent aussi aller d'un côté à l'autre. 
On dit qu'ils n'attaquent pas l'homme mais quid d'un individu ayant revêtu un maillot de bain rouge pour les exciter ? Ils auraient pu me trouver fort appétissant ainsi, sans compter qu’avec le kayak flottant autour, vu du dessous ça peut faire penser à un mammifère marin en train de nager. Mais rien de cela n'est arrivé, sauf la traditionnelle buée sur l'objectif. J'ai vu de gros bénitiers tout verts où j'aurais pu mettre la tête dedans. Finalement, dans peu d'eau j'en vois plus qu'en sautant en pleine mer et ça me convient bien mieux.
Ce soir, comme je disposais d'une cuve d'eau, j'en ai profité pour prendre une douche sans devoir me rationner. La pleine poche de la douche solaire y est passée. J'étais propre comme un sou neuf. Avec le temps je me trimbale de plus en plus à poil sur le camp. Il n'y a personne, j'ai pris conscience de plus en plus d’être un Robinson. Alors ça choque qui? 
C'est comme la porte des cabines de chiotte écolo, elle est toujours ouverte. Un réflexe de plus dont je me suis débarrassé. Je vais droit à l'essentiel. D'avoir bypassé les pauses plongée, ça m'a laisse beaucoup plus de temps pour apprécier les choses. J'ai sans doute passé la meilleure journée de mon expédition et j'ai eu tout le temps nécessaire pour préparer le dîner sans être pressé par le jour déclinant. C'est dommage qu'il ne me reste plus qu'une nuit après. Je serais bien rester plus longtemps, maintenant que je suis bien adapté. Et ce n'est pas le genre d'endroit où l'on peut revenir facilement. Si je devais revenir ce ne pourrait être qu'à nouveau en kayak. Et l'ayant fait une fois, l’intérêt serait moindre de le faire à nouveau et la fatigue générée par l'effort prendrait le dessus. Tout est question de mental. Non, cette expédition est le voyage d'une vie, que l'on ne fait qu'une seule fois, comme une naissance. Et c’est ce qui rend l'excursion encore plus exceptionnelle. On est obligé de savourer chaque instant, d'emmagasiner le plus de choses dans son cœur car on sait que ce paradis ne nous sera offert qu'une seule fois.


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