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jeudi 9 février 2012

Lady Musgrave Island


Lady Musgrave est une île qui fait partie du groupe des Capricorna Cays qui compte 21 îles qui s'étendent au sud de la grande barrière de corail. Ce sont les dernières qui ferment la marche de ce grand organisme vivant, le seul que l'on peut voir depuis l'espace. Une des sept merveilles au monde. C'est étonnant de voir que les coraux connaissent la limite des tropiques. Il s'arrêtent de croître pile au niveau du tropique du Capricorne, ce qui vaut le nom donné à cet archipel.
Je suis content, j'aurais réussi malgré tout à la voir cette grande barrière de corail. Tout mon voyage en Australie devait être concentré à la base sur l'exploration de la barrière du sud au nord, en large et en travers. Mais devant les intempéries qui sévissaient sur le secteur dues à la saison des pluies, j'ai été contraint de changer mes plans. Je ne monterai pas plus au nord, pourtant le ciel bleu est présent à perte de vue, on a du mal à penser que plus loin il pleut.
Retour aux fondamentaux donc : les îles coralliennes. Une valeur sûre qui produit toujours son petit effet ! A ce titre Lady Musgrave est conforme à l'idée qu'on se fait d'une île déserte classée parc national perdue dans l'immensité de la grande barrière de corail : des sables blancs, un lagon d'un bleu piscine, des arbres remplis d'oiseaux qui viennent y trouver un refuge propice à la nidification et des poissons multicolores qui se promènent entre des coraux de toutes formes et de toutes les couleurs. Profitez de la balade, c'est la seule journée que vous verrez la grande barrière de corail, demain je redescends vers le sud.
Ce matin j'ai mis le nez en dehors de la tente comme un lapin inquiet regarde de tous côtés s'il peut sortir de son terrier. Je scrutais le ciel.
Toute la nuit j'avais regardé à travers la moustiquaire pour voir l'évolution du temps, distinguant des étoiles et constatant la présence de la lune ce qui était signe d'une amélioration...ou d'une éclaircie. Je ne voudrais pas que des nuages viennent éteindre un lagon pour ma seule sortie à marquer d'une pierre blanche. En parlant de lapins, il y avait plein de lièvres qui couraient autour de la tente, venant brouter une herbe bien verte et bien fraîche avant que les humains s'emparent du secteur.
Le bateau qui nous mène sur l'île, Spirit of 1770, est une catamaran qui n'a pas l'air d'en être un. Il ressemble à une grosse vedette sur 2 étages sauf que quand on le regarde de face on voit bien que la coque est trouée en son milieu. Il peut contenir 150 passagers et aujourd'hui il est rempli à 90%, dont la moitié par des japonais qui sont tous arrivés dans le même bus.
L'embarquement s'est fait dès 8 heures et une fille nous a accueillis et fait un topo en parlant bien fort pour que toute le monde entende. Ça donnait le ton pour la journée, ils nous ont parlé toute la journée ainsi. D'emblée ils nous ont réparti en 3 groupes, de manière à faire participer les gens aux différentes activités prévues en petit groupe qui se relaient. Je suis dans le premier groupe, je devrais donc avoir la primeur des choses selon toute logique. Chic !
A bord, j'ai tout de suite pris un siège sur le pont supérieur, en bas c'est une cabine fermée et climatisée. Je déteste la clim, pourquoi avoir froid quand il fait chaud ? C'est la meilleure façon pour attraper la crève du reste. A 8h30 on quittait la marina de 1770, pour une traversée prévue d'1h30. En voyant la baie s'éloigner progressivement, je songeais à James Cook qui a posé le pied ici pour la première fois dans le Queensland le 24 mai 1770, à bord du Endeavour, en recherche désespérée d'un point d'eau pour se ravitailler.
J'avais l'impression de voir à travers ses yeux. Je m'étais mis à l'arrière du bateau, juste sous le drapeau australien, debout, les bras sur la balustrade et je songeais à ce que James Cook avait pu éprouver en arrivant là. Je suis sûr qu'il reconnaîtrait les lieux, la baie est toujours aussi sauvage, on ne voit même pas la marina et les deux hôtels. J'étais très ému. Je me suis un peu renseigné sur se biographie, via un téléfilm en plusieurs parties que j'avais choppé sur Internet. Je sais que sa femme restée en Angleterre se faisait à chaque fois du souci lors de ses voyages qui duraient plusieurs années et en avait marre d'élever seule leurs enfants. Après ce voyage, elle lui avait demandé de rester à la maison, à pantoufler, ce qu'il avait accepté. Mais après avoir sillonné les mers du monde, après avoir découvert tant de belles choses et après avoir goûté au grand large et à la liberté, comment pouvait il être heureux à terre ?
Il n'a pas tardé à reprendre du service, malgré le serment qu'il avait fait à sa femme, pour tenter d'explorer le passage entre l'Asie et l'Alaska Ça a été sa dernière sortie, il a trouvé la mort à Hawaï, tué par les polynésiens lors d'une dispute. Lorsque je regarde les îles du Pacifique, j'ai toujours une pensée pour lui, me disant qu'il a vu les mêmes choses que moi, mais après tant d'efforts.
En parlant de téléfilm, il y a une équipe de tournage sur le bateau venue filmer un documentaire pour la chaîne Channel 7, une télévision du Queensland. Il nous a été demandé d'être souriants et de paraître au mieux de nous même, nos têtes pouvant apparaître à l'écran. Certains ont demandé quand cela sera diffusé, la réponse c'est dans à peu près un mois. Il faudra que je cherche s'ils ne diffusent pas leurs programmes sur Internet, on ne sait jamais, si ça se trouve on m'y verra et quoi qu'il en soit ça fait un souvenir ! De temps en temps il y avait le présentateur qui venait faire un speech sur le ponton. Dès que la caméra tournait il prenait un tout autre ton, ce ton typique de journaliste.
Le personnel est très nombreux à bord. Des démonstrations de sécurité nous ont été dispensées comme dans les avions, sur l'emploi des gilets de sauvetage et des sacs vomitifs. Ah ces anglo-saxons, toujours le mot pour rire, rendant les choses plus légères ! Pour le gilet de sauvetage, il nous a été dit qu'ils étaient conçus pour flotter pendant 25 ans, ce qui laisse largement le temps d'être secouru ! Après 1h30 nous avons fini par atteindre Lady Musgrave et il était temps. Je commençais à avoir des nausées. Il faut dire que j'avais pris place sur un banc dans un petit renfoncement à l'abri du vent et des embruns, juste derrière la cabine du capitaine, pour squatter la seule prise de courant disponible à bord pour recharger mon appareil photo aquatique que j'avais oublié de faire auparavant. Seulement le banc était dans le sens contraire de la marche, je pense que c'est la raison. Car dès que j'avais la tête qui partait en compote comme quand on lit en voiture, je me dirigeais vers l'arrière du pont, en plein air et ça allait mieux.


On a commencé à faire le tour du propriétaire du lagon. Toute l'île est en fait privée et appartient à la compagnie qui nous amène là. On peut y venir camper aussi longtemps que l'on souhaite moyennant un permis à 5 dollars la nuit. Ça c'est ce que dit la brochure. Car la réalité est toute autre : il faut payer deux fois le prix de l'excursion, pour la raison que l'on bénéficie de leurs services et prestations à l'aller comme au retour. Vu le tarif de la sortie, ça dissuade. Qui dépenserait 300 euros pour aller camper sur une île déserte ? En tout cas personne aujourd'hui et nous n'avons récupéré aucun Robinson. En plus il faut amener toute la nourriture et surtout l'eau dont ils demandent (et vérifient) qu'on amène un surplus équivalent à 5 jours, au cas où la météo empêcherait le bateau de sortir et de venir nous chercher.
Il y a une barge flottante contre laquelle nous avons amarré. C'est la succursale du bateau, il y a des tables et des bancs sous des parasols pour prendre le déjeuner, des cabines pour se changer et prendre une douche, deux pontons pour aller faire du snorkeling et tout le matériel disponible pour partir en palme/masque/tuba ou plonger en bouteille moyennant un supplément.
On y trouve aussi amarré les annexes pour permettre d'amener les gens sur l'île et un drôle d'engin, un semi submersible qui parcourt le lagon pour que les gens puissent admirer la richesse de ses fonds sans se mouiller. Mais attention, si toutes ces activités sont incluses, tout n'est pas libre pour autant, tout est millimétré et chronométré comme une machine de guerre selon le groupe auquel on appartient. C'est bien rodé, mais trop, ça gâche un peu le plaisir. Surtout que les annonces n'arrêtent pas de fuser à travers un haut parleur strident. Consignes de ceci, consignes de cela, comment mettre un masque, comment le choisir, comment aller à l'eau, où nager, où ne pas aller, il y a toujours une annonce à faire. La première concerne le feeding des poissons et tout le monde est invité à quitter le bateau et à laisser ses affaires. Ça se passe sur la barge et le capitaine donne de la voix pour presser les gens qui ont l'air plus intéressés par le morning tea. Celui là, il a pas besoin de micro et il m'a cassé les oreilles toute la journée. C'est le roi du pétrole, c'est son domaine et avec l'habitude il est très autoritaire et un brin arrogant. Ça me donne l'envie de le pousser à l'eau.
Après les poissons c'est la sortie sur l'île pour ceux de mon groupe, accompagné par deux membres de l'équipage pour faire le guide mais aussi rappeler les gens à l'ordre. On ne doit marcher que le long du sentier qui a été dessiné et qui passe à travers les arbres en traversant l'île, arbres sur lesquels nidifient les mêmes oiseaux qui m'avaient pourchassé à l'île aux oiseaux à Tikehau. Ça sent la fiente de piaf dans tout le bois, ça prend à la gorge. On entend aussi des trucs tomber comme s'il en pleuvait. D'ici que je m'en prenne une dessus, ce serait bien un miracle que je passe à travers ! J'ai appris que la moitié des oiseaux qui viennent ici s'abriter, se reposer ( je ne sais pas comment, il y a un vacarme plus que dans un élevage de poulets de batterie) et se reproduire y meure également. Car l'arbre sur lesquels ils sont juchés, pas fou, sécrète une résine qui englue les oiseaux et finit par les empêcher de voler.
Il finissent donc par mourir et tomber au sol, permettant de le fertiliser et d'assurer la croissance des arbres. C'est un bel exemple d'écosystème entre règne animal et végétal. L'île n'est un parc national que depuis 1992. Avant elle était toute autre, il y avait plein de chèvres qui avaient été introduites là et qui dévastaient tout, dans le but d'assurer une pitance pour les marins de passage.
Une fois de plus n'est pas coutume, j’étais le premier à poser pied à terre et le dernier à remonter dans l'annexe. Je voyais la guide croiser des bras en me regardant de loin à la traîne. Je me mettais donc à courir de temps en temps, comme un chien qui va et vient en reniflant, m'arrêtant devant un truc photogénique le temps de prendre un cliché, ou plus si jamais un nuage venait à obscurcir la scène, le temps qu'il passe. L'île au final est plus jolie à voir de loin que quand on y est.
C'est un enfer de cris d'oiseaux et je souhaite bien du courage à ceux qui voudraient y camper (au début j'y avais songé mais j'ai été coupé dans mon élan quand j'ai vu le prix à débourser et maintenant je ne regrette pas). Et puis le rivage autour de l'île n'est pas très praticable, pour se baigner on ne peut le faire qu'à marée haute, les coraux étant très près de la surface. D'ailleurs dans l'après midi tout le lagon s'est modifié et les coraux dépassaient, formant comme des rochers tout autour de l'île. Apparemment c'est un gros coefficient, ils nous ont dit que cela arrivait une fois par mois.
En rentrant au ponton, l'annexe, qui a un fond de verre, nous a fait passer le long de tombants et nous avons croisé 3 tortues qui flottaient à la surface, les pattes écartelées et qui ont filé en flèche d'un coup de nageoire unique vers le fond. Quand on dit lent comme une tortue, ça dépend dans quel élément !
Captain Nemo
J'aurais aimé les voir plus, mais notre guide nous a dit qu'on les verrait de plus près cet après midi en snorkeling. Pour l'heure il était temps de prendre le déjeuner, un buffet froid copieux composé de salades mixtes, de poulet, de crevettes et de fruits. A peine le temps de commencer que c'était déjà l'annonce pour la prochaine activité prévue dans 5 minutes : le semi submersible. Je me suis dépêché mais cela n'aura pas suffit, ils sont partis sans moi. Du coup j'ai pu retourner prendre melons et pastèques et me servir un thé. Le temps qu'ils reviennent et qu'un nouveau tour de sous marin soit prévu. C'est toutes les demies heures. C'est marrant de se retrouver sous l'eau sans être mouillé mais rien ne vaut un bon masque et tuba. C'est une attraction pour japonais qui ne savent pas plonger. Ou pour russes qui ont peur de l'au, comme un groupe insupportable qui me poussait tout le temps pour être les premiers partout. Ils ont pris les meilleures places à bord - normal pour des russes - et parlaient là dedans comme s'ils étaient à la maison, avinés et rougis par une bouteille de gniole qu'ils avaient amenée en cachette. Je leur ai trouvé un surnom aux russes : les rustres.
C'est avec une joie non dissimulée que j'ai ensuite pris le chemin du lagon avec masque et tuba. Il était temps d'aller voir ce petit monde de plus près et de tenter de retrouver des tortues qui me jetteraient un œil incrédule. Je retrouve mes lagons après une parenthèse d'un mois. Les poissons sont toujours là, les mêmes, facétieux et se chamaillant, à virevolter autour de moi et à me regarder bouche bée. Mes petits poissons ahuris, vous m'aviez manqué ! Par contre pour les tortues, ce n'est pas faute d'avoir tournicoté dans le lagon je n'ai rien vu. Pas même des bouées qui marquaient la fin de la zone de jeu et qui m'a valu au capitaine bouledogue de venir en annexe me crier dessus pour que je retourne dans la zone de snorkeling. C'est alors que j'ai compris que j'avais pris place plus dans une piscine au milieu du lagon qu'autre chose : il y avait une guide qui a passé son après midi perchée sur le ponton en haut d'une chaise de maître sauveteur, à scruter l'horizon et à siffler dans ses doigts pour rappeler à l'ordre tout ce qui dépassait.
Vu son œil de lynx, je suis allé la voir pour lui demander si elle n'avait pas vu les tortues. Elle m'a répondu que ce n'est pas ce qu'elle surveillait et qu'elle n'avait rien vu. En revanche elle m'a désigné un endroit où elles avaient l'habitude de barboter, le même que celui où nous les avions aperçues en rentrant de l'île. Je suis retourné à l'eau pour aller voir cette zone que j'avais déjà explorée, mais j'ai été sifflé avant la fin. Pour cause de fermeture du parc aquatique. 15 heures, c'est l'heure de tout remballer. Tout le personnel s'active alors comme dans une ruche, vide les poubelles, nettoie les masques utilisés, cadenasse les casiers, range les gilets de sauvetage et les espèces de flotteurs en mousse pour les japonais qui ne savaient pas nager et qui me rentraient tout le temps dedans, avançant comme une mouche sur le dos dans une choppe de bière.
Je suis sûr que Captain Cook reconnaitrait
Nous somme rentrés à la marina sur les coups de 17h30, un peu plus tard que prévu car le bateau n'a pas pu amarrer en raison de la marée exceptionnellement basse. Ils ont dû nous débarqué à l'aide des annexes. J'ai passé une très belle journée et je regrette juste le côté militaire du truc. Mais quand il y a 150 personnes à bord à gérer avec toutes les activités qu'ils proposent, j'imagine qu'on ne peut pas faire autrement. Ce soir j'ai repris la route vers Noosa pour y passer les derniers jours qui me restent, en essayant de m'en rapprocher le plus possible et de bénéficier de routes sans travaux, Seulement à vouloir aller trop loin, le temps de m'arrêter à Bundaberg acheter quelques victuailles à grignoter en guise de dîner (j'ai bien mangé à midi, ça compense), la nuit est tombée d'un coup sans que j'ai eu le temps de m'en rendre compte. C'est les tropiques, ça arrive sans crier gare, j'avais oublié. Du coup j'ai dû m'arrêter dès que j'ai pu et je me suis emmanché sur une petite route marquée « no through road » qui menait à des maisons et dont le cul de sac est vite arrivé, juste derrière un jardin où j'entendais les gens discuter et surtout encore la route. Tant pis, je n'avais pas mieux pour ce soir, c'était ça ou dormir dans le voiture. Je me suis éclipsé de la voiture sans bruit pour ne pas que les voisins m'entendent et j'ai mangé un pochon de roquette agrémenté de cheddar et de biscuits Ritz au clair de lune.


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