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lundi 31 octobre 2011

Bora Bora




Hier, à l'aéroport de Maupiti, il y avait deux couples de russes, bruyants et vulgaires. Chacun y allait de son anecdote à leur sujet, leur sans gène étant pointé du doigt unanimement. Je vois que je ne suis pas le seul à avoir remarqué. A côté de moi, il y avait un couple bien remonté car ils s'étaient retrouvés dans l'avion venant de France avec des russes qui avaient emmerdé tout le monde, empêchant tout l'avion de dormir, gueulant, ivres morts. Quand on a 20 heures de vol, j'imagine l'angoisse ! Ceux là n'ont pas failli à leur réputation. Comme le spectacle à l'arrivée de Bora a lieu à droite de l'appareil, ils ont bousculé tout le monde pour être les premiers à monter et ont pris 4 sièges hublot sur le côté droit, à l'arrière. Il ne restait plus que des places dont la vue était barrée par l'aile ou l'hélice ! Crois tu que les couples seraient restés ensemble ? Je ne crois pas qu'une telle idée aurait germé dans n'importe quel esprit français. Il y en a qui leur ont fait la réflexion, ils n'en avaient rien à faire.
Au final, l'arrivée sur Bora fut décevante, il était trop tard dans l'après midi, le soleil était face à nous, aucune couleur ne ressortait. Tant mieux pour les russes ! L'aéroport étant sur un motu comme à Maupiti, il faut prendre un bateau pour se rendre aux hébergements. Ici, changement de style, c'est un gros bateau Air Tahiti sans charme qui fait la navette. Exit l'artisanal et les petits bateaux de pêche de Maupiti.
A la pension où je suis, c'est très mignon, c'est tenu par un Français, Gérard. Il y a un petit jardin tropical japonisant avec une fausse cascade et des bassins à poisson et nénuphars qu'on enjambe par des petits ponts. C'est plein de fleurs, frangipaniers, tiaré, jasmin... Comme le jardin n'est pas très grand, ça embaume partout, ça rentre dans les bungalows. Le mien est un petit duplex grand comme une caravane mais il y a tout : frigo, congélateur, hotte, micro onde, canapé, table. C'est moderne et fonctionnel. La chambre est sous les toits, c'est un matelas disposé par terre et il faut y aller en rampant. A l'arrière du bungalow il y a une porte qui donne sur un espace extérieur muré avec une grande douche à l'italienne et des gros coquillages disposés un peu partout pour la décoration. Gérard se décarcasse, il y a une laverie dont on peut se servir, des vélos et kayaks à disposition, et l'internet en wifi inclus. Ça change de Maupiti. 
Du coup ça va me permettre de me reposer aussi et de planifier/changer des éléments de mes prochaines étapes. Mes hébergements en Nouvelle Calédonie ne sont pas encore fixés, il faudrait peut être que je m'en inquiète, j'y serai entre Noël et le jour de l'an. J'avais prévu d'y camper mais si le temps n'est pas beau, vu que je vais toujours être à cheval dans l'hémisphère sud avec le début de la saison des pluies, j'ai envie d'un truc où je pourrais profiter, pourquoi pas un peu de luxe. Le plus beau site sur l'île des Pins est détenu par le Méridien. Je viens de chercher sur internet, c'est hors de prix !
La pension de Gérard est située dans le centre ville, sur les hauteurs, derrière l’Église mormone. Je suis arrivé en pleine messe, ça a duré deux heures et pendant ce temps les gamins jouaient à l'extérieur. On se serait crû à côté d'une école, en pleine récréation !
L'Intercontinental
C'est aussi le retour des coqs, il y en a un qui a commencé son tour de chant à deux heures du matin, posé sur une branche à 5 mètres du bungalow. Je suis allé le trouver à 3 reprises, armé d'un long bâton pour le faire déguerpir et la seule chose que j'ai obtenu c'est qu'il se taise, sans que je puisse évidemment localiser où il se situait précisément. Et quand je regagnais le lit il recommençait !
Ce matin, je me suis donc levé à 4h30, avant le jour et quand celui ci a pointé le bout de son nez c'était pour dévoiler un ciel maussade, gris et mou. Plus tard Gérard est venu me voir : « J'ai regardé la météo, hélas pour toi ça ne va pas être fameux et ils ont prévu que les jours à venir allaient être pires, aussi je te conseille de faire tes excursions aujourd'hui ». 
Pointe Matira
Pendant que je prenais le petit déjeuner je pensais à ce que je pourrais faire avec un tel temps. Il ne pleuvait pas, c'est déjà ça, mais à quoi ça sert de faire un tour sur un lagon gris ou d'essayer d'aller voir des poissons ternes ? Et pourquoi monter sur les hauteurs pour être dans les nuages ? Où est Bora Bora, auto proclamée perle du Pacifique et plus beau lagon au monde ? Dans ces conditions j'ai opté pour le vélo, pour parcourir l'île un peu en repérage, pour les autres jours, espérant que la météo se trompe... Et puis aussi il y a Kerstin qui est là, mais un peu plus loin sur l'île. J'ai donc décidé de la rejoindre, quand il n'y a rien à faire, autant être deux !
Motu Piti Aau avec Taha'a au fond
En chemin, déjà ce qui saisit ce sont les voitures. Pour une île qui fait 30 km de circonférence, il y a un de ces trafics ! Je dirais que Bora Bora est à Maupiti ce que Rarotonga est à Aitutaki : il faut les visiter dans l'autre sens ! Car le retour à la civilisation est plus rude que de la quitter. Dès que les voitures apparaissent on peut dire que les emmerdes commencent ! Ainsi, je me faisais tantôt klaxonner, tantôt frôler. C'est aussi le retour des familles de beaufs avec gamins bruyants insupportables, filon qui semble inépuisable. Dans l'après midi je m'étais mis sur la plage de la pointe Matira et tandis que je regardais au loin Maupiti avec nostalgie, une de ces familles est arrivée, s'installant à côté de moi alors qu'il n'y avait personne plus loin. Ça a été un festival, le père gueulant : « Viens voir, VIIENS !!! VIIIIITE ! Il y a une raie ! », le gamin : « HIIIIIII, une raie, où, HIIIIIIII !! ». Moi je pensais que s'ils continuaient comme ça j'allais leur sortir : « Et celle là de raie, vous la voyez ? Elle est pas belle ? ». Finalement je suis parti...
Vue de la colline au dindon hargneux!
Je suis passé à l'hôtel de Kerstin pour lui laisser un message en lui disant où me trouver. Elle n'a dû rentrer à sa chambre que le soir car je ne l'ai pas vue de la journée. Un moment je suis allé sur une colline qui fermait la baie, question de prendre un peu de hauteur et d'essayer de voir un peu de couleurs d'un peu plus haut. Il a fallu que je traverse des habitations jonchés de déchets plastiques et de ferrailles, avec des chiens qui cherchaient à croquer du mollet et des gens qui ne disaient pas bonjour. Pour monter sur la colline, j'ai dû laisser mon vélo en bas. J'ai été accueilli par un dindon blanc, d'une laideur sans nom, plein de pustules sur la tête, qui respirait bruyamment comme s'il était asthmatique. Je me demandais pas s'il n'avait pas la rage car il fonçait vers moi, tout bec dehors, avant les chiens ! J'ai compris alors qu'il déversait sa hargne en chargeant et qu'il voulait me pincer. J'ai déguerpi dans les herbes folles...
Pointe Matira
C'est intéressant de voir comme les concentrations de personnes rendent tout de suite les choses moins sympa et moins authentique. Ici, c'est comme ce que j'imagine de Saint Martin ou Saint Bath : une succession de propriétés privées et d’hôtels de luxe, avec barricades, barbelés et palissades pour ne pas qu'on voit de l'autre côté. Il y a tout un tas de panneaux d'interdiction de ceci, d'interdiction de cela, défense de stationner, défense d'aller plus loin, réservé aux clients de l'hôtel... Je n'aime pas voir ma liberté restreinte ! Il y a même l'Intercontinental qui a construit une digue pour y mettre un grillage afin d’empêcher l'accès par la plage alors que le littoral est public. Sans doute un passe droit ! Si vous allez en Polynésie, allez à Maupiti l'authentique ou Huahine la sauvage !

dimanche 30 octobre 2011

Mauruuru roa, Maupiti !


Motu Auira


Au début je trouvais que la pension était délabrée, mais pas du tout ! C'est rustique et fait avec les moyens du bord, mais très bien pensé. Tout est là. Il faut se rappeler qu'on est sur un motu sur lequel il n'y a que des cocotiers, ils sont obligés de faire venir tous les matériaux. Le faré sous lequel on prend ses repas par exemple est fait pour sa structure avec des branches des arbres alentour et le toit et les murs sont tressés en feuilles de cocotier. Et quand il pleut, on est bien au sec ! Pour la cuisine en plein air, c'est un solide tréteau, avec une belle planche dessus, trouée en son centre et sur laquelle on a posé l'évier. Edna et Gilbert passent beaucoup de temps à s'occuper de leur pension, du coup ils n'ont même plus le temps d'être chez eux. Car j'ai appris que la maison dont il faut traverser le jardin pour aller au point de vue où je m'étais rendu le premier jour est la leur ! Edna se décarcasse, elle met des fleurs partout pour égayer, posées sur une étagère, un lavabo, comme ça, sans vase. Gilbert ramasse les feuilles mortes tous les jours et il y en a beaucoup !
Oui, je marche sur l'eau!
Ce matin mon œil va un peu mieux, en tout cas il me fait nettement moins mal, faut dire hier j'ai craqué, j'ai pris des anti-inflammatoires que j'avais réservés en cas de sciatique. Ça soulage bien, j'aurais dû y penser plus tôt ! Une fois que j'ai plié la tente et préparé mon sac, j'ai décidé de passer la matinée sur le motu, à son extrémité sud. Car pour ceux qui n'auraient pas consulté mon itinéraire, je pars cet après midi pour Bora Bora. Et le temps est splendide !
A l'endroit où l'on peut traverser le lagon le plus facilement possible pour rejoindre l'île, j'ai voulu essayer et voir où arrivait le niveau d'eau. J'ai donc parcouru environ un quart de la distance et j'avais de l'eau à la ceinture. La vue est très belle, on est au milieu du lagon, dans une eau turquoise et limpide ! Du coup, lorsque je suis revenu au bord, je n'ai pas poursuivi bien loin. 
Il y avait un cocotier penché au dessus du lagon, une vraie carte postale, et j'ai jugé que son ombre me ferait le plus grand bien ! De temps en temps, j'allais faire la planche dans la lagon, pas besoin d'aller bien loin, c'est la même profondeur partout ! J'étais là, pris dans une douce torpeur, quand tout d'un coup un bruit s'est fait entendre, m'extirpant de mon bien être. Une vaguelette ! J'ai lâché : « Bein alors ? » J'avais perdu l'habitude des mouvements d'eau, à force on se croit dans son bain !
Je regardais aussi au loin le récif, sur lequel de grosses vagues venaient se briser et projetaient de la brume au dessus, dans le ciel, comme un voile. Et le lagon, lui restait une oasis de calme. C’est magique ces coraux ! 

On est mieux dans le lagon!


Les aigrettes formaient des ballets dans le ciel, le reflet du lagon teintant leur plumage blanc de nuances vertes. Parfois elles se jettent comme des pierres, en ressortant une seconde plus tard avec un poisson en travers du bec. Ça me sidère toujours : comment font elles pour calculer leur trajectoire, le moment et l'endroit où elles doivent se jeter, en intégrant leur vitesse de chute, la direction du poisson et sa vitesse à lui ? C'est digne d'un problème de maths à coller un mal de crâne ! On me répondra que c'est étudié pour ! Sans doute...
De mon lagon je pouvais voir au loin Bora Bora, nettement pour la première fois, en raison de la clarté du ciel. Vue de Maupiti, elle ressemble au Mont Saint Michel. 
Bora Bora vue de Maupiti
J'ai dû dire au revoir à Edna, elle m'a fait la bise en disant : « tu piques ! ». Il y avait aussi les deux qui étaient arrivés en râlant qui partaient, pour Bora Bora aussi. En fait j'ai eu le fin mot de l'histoire, leur avion du matin n'a pas pu se poser à Maupiti en raison du mauvais temps, il a poursuivi sur Bora Bora et ils ont gagné Maupiti par le bateau. D'où le retard. Finalement, personne n'était fautif mais ce n'était pas une raison pour s'énerver. Bien leur en a pris, la femme a glissé au moment de monter dans le bateau de Gilbert. Edna à côté de moi sur le rivage, m'a sifflé à l'oreille : « Si elle était moins grosse aussi, ce serait plus facile ! Regarde moi ça ! C'est quand même mieux, non, d'être mince ! »



Je crois qu'Edna n'aime pas les gros. Entre sa diatribe sur les mémères à gros bide, elle m'avait aussi lâché au sujet de Kerstin (elle l'avait vue un après midi au snack en face) : « Eh bien dis moi, c'est beau que tu sois arrivé en haut avec elle, elle a dû pas mal te ralentir ». Désolé Kerstin, c'est pas moi qui l'ai dit !
Avant de monter dans le bateau, j'ai eu un collier de coquillages. C'est la tradition ici : on accueille avec un collier de fleurs et on laisse repartir avec un collier de coquillages en signe de remerciement. Dans quel autre pays vous trouvez quelque chose comme ça ? Je l'ai gardé jusqu'à la pension à Bora et je le garderai. Au sujet du collier de fleurs que j'ai eu, ce n'était en fait pas des fleurs de jasmin, mais des fleurs de tiaré. J'avais posé la question à Edna. L'odeur est vraiment très proche et je connais aux Caraïbes un jasmin à grosses fleurs qui ressemble beaucoup. D'où ma confusion. Eh oui, les fleurs de tiaré, c'est pas que dans le monoï !
Au moment de partir, c'était touchant, Edna est restée sur le bord du lagon, en faisant des « au revoir » de la main et en envoyant des baisers avec ses mains, comme ma maman le fait. Je les lui ai rendus. 
Elle m'a dit : « J'espère que tu reviendras. Reviens quand tu seras plus riche ». Il ne faut pas l'entendre comme « ainsi tu pourras prendre mes bungalows », ce n'est pas leur genre de laisser des sous entendus, mais parce qu'ils savent que le prix du billet est très cher (un peu plus de 1500 euros, m'ont dit Florie et Jean Marc, soit presque la moitié du prix de mon billet tour du monde).
A l'aéroport c'était au tour de Gilbert de me dire au revoir, il a commencé par me serrer la main puis s'est rapproché et m'a embrassé. Je lui ai dit « Mauruuru roa », tout comme je l'avais dit à Edna plus tôt, et il a sourit.
Nana, Edna!
Avant de monter dans l'avion, j'ai jeté un regard en arrière, Gilbert était déjà occupé à accueillir les nouveaux touristes. Ainsi va la vie, certains s'en vont, d'autres arrivent, les nouveaux chassent le souvenir de ceux qui sont partis. J'espère malgré tout qu'ils se souviendront de moi ; moi je ne les oublierai pas, je les emporte avec moi...

samedi 29 octobre 2011

Retour au banc de sable


Vue de la tente! Ca vous plait?


Il y a aussi des bungalows avec la même vue!
Au fait, j'ai oublié de préciser pour hier, car ça ne me revient que maintenant, quand nous étions à la bière tahitienne, je remerciais à chaque nouveau verre dans leur langue. Pas facile à se souvenir Mauruuru, aussi je m'étais inventé un moyen mémo technique à la con qu'il a fallu que je lâche à la place ! Ainsi j'ai remercié en disant « Morue ! ». Fallait que ça arrive ! Heureusement ils n'ont pas compris !
J'ai passé une partie de la matinée à faire des photos de la pension pour les donner à Gilbert. Car chaque fois il me dit que l'agence de voyage le tanne pour avoir des photos. Il me dit aussi « On est la seule pension à ne pas avoir de photos ». Si je peux aider leur petit business, c'est avec plaisir. Du coup je me suis bien appliqué et je n'y comprendrai plus rien si ça n'attire pas plus de monde ! Ils m'ont ouvert les portes des bungalows. Les deux faces aux lagons sont vraiment très bien. Il faut dire que le site dans lequel ils sont est exceptionnel ! Je suis content d'avoir choisi cette pension, c'est ce qu'il me fallait vraiment, je ne sais pas si je m'y serais senti si bien et aurait eu les mêmes rapports avec les autres dans une autre.
C'est pas la mienne mais celle de Jean Marc et Florie
Vers midi j'ai sauté dans le canoë, direction l'île. Comme quoi il ne faut jamais dire « plus jamais »!En fait c'est parce que ce matin Florie et Jean Marc s'y sont rendus et on avait convenu de se rejoindre au snack à midi pour le déjeuner. C'était une excellente idée, il n'y avait pas de vent ce qui rendait la traversée plus facile et puis cela me permettrait de prendre des forces. J'ai commandé un poisson grillé frites, pour 1000 francs. J'aurais eu tort de me priver ! Pendant qu'on était attablés, Kerstin est passée ! Du coup j'ai passé une partie de l'après midi à aller la voir puis Florie et Jean Marc. C'est marrant. Ils partent tous pour Bora Bora par le Maupiti Express de 16h.
Kerstin m'a confié un moment que tout son argent partait dans les voyages, qu'elle n'avait pas de maison et n'en aurait jamais, qu'elle veut se sentir libre et surtout ne pas devoir d'argent tous les mois à une banque. Elle me disait : « Ce qui est drôle c'est que c'est le rêve de tout le monde, ils passent leur vie à être prisonniers d'une banque, à travailler pour payer leurs dettes. Moi je peux changer de boulot ou d'endroit sans avoir à me dire : comment je vais faire pour payer à la fin du mois. ». C'est tout moi ! Ça fait du bien de rencontrer des gens qui ont un autre regard sur le système. Mes amis disent souvent que je suis un oiseau rare. Pas si rare que ça apparemment ! Comme quoi les mêmes endroits attirent les mêmes personnes. C'est comme pour Florie et Jean Marc, j'avais une appréhension avant qu'ils arrivent mais au final je les apprécie beaucoup, ils sont calmes et gentils. Et Jean Marc a un accent Suisse traînant, ça me fait sourire !
A 15h30, j’étais à nouveau seul sur mon banc de sable, ça me faisait tout drôle pour le coup. De passer des discussions et du partage au silence. Ça ne me dérange pas du tout, ce n'est pas ce que je veux dire, mais ça fait du bien aussi d'être avec des gens qu'on apprécie. J'ai l'impression qu'en voyage, comme on est désencombré de son quotidien et de ses soucis, on est beaucoup plus ouvert et disponible pour les autres. Les sens sont tout ouverts, les œillères tombent. Et on se livre tel qu'on est, sans avoir peur d'être jugé, sans avoir rien à prouver. C’est vraiment spécial les relations qui s'établissent au cours des voyages.
Drôle d'orchidée!
Tandis que j'étais sur la plage de Tereia, j'ai regretté de ne pas avoir de radio, partout de toutes les radios qui sortent des paniers à vélo, j'entends de la musique que j'aime bien, beaucoup d'airs caribéens ou d’Amérique du sud, j'ai l'impression que la musique tahitienne c’est pour le folklore, ce n'est pas ce que les jeunes écoutent. Ils veulent des trucs plus chaloupés, plus rythmés. J'avais pourtant pensé à l'emmener mais quand j'ai fait mon sac, j'ai réalisé qu'il était déjà bien rempli et lourd alors je n'ai pas rajouté la radio, qui pourtant ne pesait que 100g, c'est une clef USB ! C'est vraiment con de ma part. Mais je suis sûr qu'à Bora je vais en trouver. Si ça se trouve mon téléphone fait peut être aussi radio, il faut que je regarde.
De retour à la pension, tout seul, sans ambiance, de voir la place de leur tente vide, les colliers de fleurs à la poubelle, ça m'a fait un cafard monstre. Du coup, j'ai récupéré les colliers que j'ai laissés à suspendre car ils embaument encore. Ça me fait toujours de la peine aussi de jeter des fleurs qui ne sont pas fanées. Puis je suis allé voir Gilbert, on a discuté, il m'a demandé de m'asseoir et j'ai pris mon dessert avec lui. Il faut dire aussi que je suis triste de partir demain. Je me sentais bien ici.
Je venais voire si la vie est moins folle à l'autre bout du monde, je peux maintenant dire que c'est vrai. Par exemple ici, les habitants se battent pour que Maupiti restent épargnée. Ils ne veulent pas du modèle de Bora Bora. Il y a bien des promoteurs qui ont essayé de construire des choses ici mais à chaque fois ils les renvoient avec leur chèques. Qui résisterait comme eux, face à la corruption de l'argent ? C'est un beau peuple. Et comme disait Gilbert, leur chance c’est que les terres sont à eux. Du coup, pour que quelqu'un s'installe, il faut qu'il y ait un vote. Pour le dernier promoteur, ils avaient voté non à 80%. Franchement si la Polynésie n'était pas si loin, j'y passerais tous mes hivers. C'est le plus bel endroit sur terre, avec une culture et des gens fabuleux. Il y a une douceur de vivre qu'on ne trouve nul part ailleurs. La Polynésie m'a ensorcelé. Dans le guide du Petit Futé il est écrit : « Une fois la Polynésie connue, il en restera toujours quelque chose au fond de vous même ». Maintenant je comprends pourquoi, Seb, tu ne voulais qu'une seule carte de moi, mais de la Polynésie...

vendredi 28 octobre 2011

La chasse aux trésors


Vive la pension!


C'est marrant entre ce qu'Edna me dit et ce que Gilbert me raconte ce n'est pas toujours la même chose. Par exemple, pour l'histoire du chargeur, Edna a appelé son fils ce matin et m'a dit que Gilbert irait ensuite le récupérer au snack en face. Plus tard, alors que je marchais le long du lagon, explorant le motu dans l'autre sens, Gilbert m'a rejoint. Il m'a dit « Alors Ivan, tu vas prendre le canoë aujourd'hui pour aller au snack ? »
Ce matin deux nouvelles personnes devaient arriver, Gilbert est allé à l'aéroport pour les attendre et personne n'est venu. Edna a essayé de les contacter à plusieurs reprises mais tombait chaque fois sur un répondeur. Peut être que vu le temps ils ont décidé de ne plus venir, mais ce n'est pas très correct.
Le chemin qui mène à l'océan
Tandis que nous marchions ensemble, Gilbert m'a montré un chemin pour passer de l'autre côté du motu : « Passe par là, ça va à l'océan, c'est plus joli que de ce côté, car après tu ne peux plus marcher, il n'y a plus de sable et tu dois rester dans l'eau ». Je suis donc retourné à la barrière de corail, sauf que comme j'étais plus haut sur le motu, il n'y avait plus du tout de récif, les vagues venaient s'écraser sur la côte, apportant tout un tas de débris de corail qui formaient presque des dunes. L'endroit est très sauvage, même si on ne peut pas se baigner. Alors que je me baladais le long du rivage, j'ai remarqué un joli coquillage moucheté comme un léopard, bien plus gros et plus beau que le dernier que j'avais trouvé l'autre jour. Puis un peu plus loin, j'en ai trouvé d'autres. En fait il y en avait plein. Du coup, j'ai passé la matinée à arpenter le rivage à vitesse de bernard l’ermite, scrutant le moindre débris de corail. Et j'ai un beau butin ! Je vais en ramener certains, enfin je crois plutôt que je vais les envoyer par la poste car je ne voudrais pas être arrêté à la frontière de certains pays où ramasser des coquillages et coraux est interdit, même s'ils sont trouvés morts sur la plage. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi mais je sais qu'ils ne rigolent pas avec ça.
Un moment, à la faveur d'un nuage, je me suis allongé à même les coraux, le sac sous la tête et j'ai dormi. Le temps était tout gris et pluvieux partout ailleurs, sauf ici, comme si le mer repoussait les nuages. Mais ça n'a pas duré très longtemps, de gros nouages noirs se sont mis à tout recouvrir et la fraîcheur s'est installée. J'ai été réveillé par quelques gouttes et je suis donc rentré sous la pluie et une tornade de vent qui faisait gonfler mon poncho jaune poussin au point de m'envoler avec !
A la pension, Florie et Jean Marc, le jeune couple qui campe avec moi, venaient juste de rentrer. Ils étaient partis ce matin pour faire l’ascension du Te Uru Faatiu mais ils ont dû abandonner à cause du temps alors qu'ils avaient commencé la randonnée. Il était 15h30, c'était un vrai déluge dont l'intensité ne cessait de croître au fil du temps. 
Ils sont pas beaux mes trésors?
On était là sur de pauvres chaises en paille à se demander ce qu'on allait bien pouvoir faire. Car c'était noir de partout, on ne voyait même plus l'île centrale. Du coup on a discuté. Un moment où ça s'est calmé, je suis aller voir Edna pour avoir des nouvelles du chargeur : « Viens au restaurant ! ». ??? Quel restaurant ? C'est là que j'ai découvert qu'il y avait une salle et deux assiettes étaient dressées. « Tu as un restaurant ? - Oui c'est pour les gens qui prennent les bungalow, je leur fais la cuisine. Les deux de ce matin viennent d'arriver et Gilbert est parti les chercher. » La pauvre Edna était méconnaissable, toute chamboulée, au bord des larmes. Car elle s'est fait engueulée au téléphone par les deux autres qui attendaient à l'aéroport lui disant « Vraiment c'est inadmissible, toutes les autres pensions sont venues chercher les gens, il n'y a plus que nous à l'aéroport, vous êtes la seule pension à ne pas être là ! » 
L'océan, là où la barrière de corail disparait
Edna me disait « Mais il nous ont dit qu'il venaient par le vol du matin, pas celui du soir ! Je leur prépare à manger, je vais les laisser prendre leur dîner et après je leur expliquerai. Je n'aime pas ça, nous ne sommes pas fautifs, je n'aime pas être accusée de quelque chose que ne n'ai pas fait, c'est injuste ! » Je n'ai encore jamais vu vu un Polynésien s'engueuler, je crois que ce n'est pas dans leur nature, je les vois tout le temps rire, s'amuser, siffloter, chanter, heureux et tranquilles. C'est d'autant plus injuste d'agir comme ça avec eux, ça doit leur faire une claque. Ça me choque vraiment qu'on se comporte ainsi avec des gens si adorables.
Gilbert est arrivé avec les 2 touristes, il n'en menait pas large, il marchait comme un chien qui viendrait de se faire gronder. « Tiens, Ivan, viens avec moi ! ». Il m'a lors confié : « Ouh là, c'est des râleurs ! C'est des français tu sais, des râleurs, des vrais ! Ce ne sont pas les premiers, ça nous arrive de temps en temps. Tiens, après, ça te dit d'aller boire une bière tahitienne, une locale, là bas ? Propose aussi à tes deux compères. Je passerai à 19h»
La côte ouest du motu, si sauvage!
Super programme, j'étais enchanté par cette idée et d'aller voir ses amis du motu. J'étais sûr que ça allait être riche en enseignements et révéler aussi d'autres côtés de la manière de vivre des Polynésiens. J'ai bien pensé à prendre mon appareil photo.
Quand nous sommes arrivés, il y avait 2 personnes sous un abris en tôle qui écoutaient radio Bora Bora, un jeune de 16 ans, Harry, qui portait un bonnet de laine et un autre dont j'ai oublié le nom, meilleur pécheur de Maupiti, tous deux maupititiens (c'est comme ça qu'on doit les appeler, nous ont ils dit). Ils nous ont tout de suite accueilli les bras ouverts en nous disposant des parpaings sur le sol sur lesquels nous asseoir. Il y avait juste à côté un gros tonneau en plastique. C'est là dedans que reposait la fameuse potion, la bière tahitienne ! En fait de bière, c'est une blague, c'est de l'alcool qu'ils font eux mêmes à partir de jus de coco, un peu de farine et de la levure. Ils laissent ça macérer entre 1 et 3 mois. Ça a la couleur du jus de coco et le goût du rosé. En même temps que j'en buvais, je pensais que j'allais peut être le payer par une tourista phénoménale ! Ça se boit comme du petit lait mais ça tape très vite et ils nous remplissaient le verre avant qu'il ne soit vide. Du coup je buvais lentement.
Trésor de nacre
J'avais raison, les discussions ont été fabuleuses, je buvais leurs paroles, en extase devant tant de sagesse et de lucidité sur le monde. J'ai regretté de ne pas avoir pris mon calepin car je ne me souviens pas de tout. Gilbert nous racontait qu'à Tahiti, ce n'est pas la Polynésie, que là bas ils ne connaissent même plus leur langue à part le français, qu'ils ne savent pas pécher. Que c'est une île de perdition, que les gens sont stressés. « C'est la ville, avec toutes ses tentations, ça rend fou. Ils sont tombés dans la consommation, et à force, ça les a ruiné, ils n'ont plus rien » Belle phrase qui peut se transposer dans notre pays, avec la crise... « Ici, à Maupiti, la crise on ne connaît pas, on a tout, tout vient, tout pousse, sur le motu on a des concombres, des tomates, des navets, des pastèques, des patates douces, du manioc, de l'igname. On aime la pluie du ciel, c'est elle qui nourrit la terre et alimente nos citernes. Nous sommes là, on ne paye rien, heureux. Qui peut en dire autant ? »
Moi, Jean-Marc, Florie, Gilbert, Harry et la bière tahitienne!
J'étais ému par tout ce qu'il nous disait, je vous rapporte ses mots le plus fidèlement possible. « Toi, Ivan, on est admiratifs, tu fais des photos, grâce à toi tu vas nous faire découvrir dans le reste du monde ». Faites circuler mon blog ! J'ai appris aussi que chaque archipel avait sa propre langue et qu'au sein de chaque archipel chaque île avait sa langue, complètement différente : « La différence c'est comme ta langue et la nôtre. Je suis des Tuamotu, moi (dit il en plaçant la main sur son cœur). Je suis arrivé à Maupiti en 1979 à l'âge de 16 ans, j'ai dû apprendre le maupititien et le français. Heureusement qu'il y a le français, sinon dans toutes ces îles on ne pourrait pas se comprendre. De là où je suis, sur mon île, où je retourne 1 ou 2 fois par an, j'ai des terres. C'est la chance du Polynésien, chacun possède quelque chose légué de génération en génération. Si tu veux venir vivre sur mon île et t'installer, je t'invite ! » C'est pas beau ça, comme générosité ? Ils sont si simples, si gentils, n'ont rien de matériel et pourtant donnent tout. Moins on a, plus on est riche dans son cœur, c'est bien connu ! J'ai donc un pied à terre aux Tuamotu si le cœur m'en dit. Qui veut venir avec moi ? Je ne connais même pas le nom de son atoll, j'en ai jamais entendu parler !
Au sujet des gens qui viennent à la pension, ils nous racontait qu'il a vu de tout, des râleurs, faisant un clin d’œil vers là où se trouvaient les nouveaux du jour, aux déçus qui interrogent « Où peut on faire la fête? ». « On peut faire la fête ici, mais pas comme ils pensent, c'est ce qu'on est en train de faire, et s'il y a de bons échanges entre les gens et nous, comme entre vous et nous, on peut vivre des moments comme cette soirée. Je suis simple moi, tu me vois, si tu aimes tu restes, si tu n'aimes pas, je t'emmène ailleurs, il n'y a pas de problème ! »
Gilbert a aussi ses petites phrases poétiques, comme quand il nous a parlé de son voisin, le pécheur émérite : « Tu vois, c'est le seul qui arrive à pécher le mérou céleste. Il s'appelle comme ça car quand tu le regardes il est si blanc qu'il a l 'éclat de la galaxie. »
J'ai aussi appris qu'il existait un mot qui les touchait beaucoup : « Mauruuru roa », qui signifie « Merci beaucoup », mais plus comme quelque chose qui vient du fond du cœur. « Si vous dîtes Mauruurun c'est bien, tout le monde le dit, on n'y fait plus très garde. Mais si vous dîtes « Mauruuru roa », vous nous toucherez l'âme. » Je garde bien précieusement cette phrase, je ne manquerai de leur dire à mon départ.
Oui oui je fume la pépou!
Après de nombreuses « Manuia ! » célébrées (on dit « Santé ! » chez nous), ça a été au tour du « pépou », la pipe, dont je tairai sa composition. Ce qu'il faut savoir c'est qu'ici on trouve de tout et que certains traficotent. Comme Air Tahiti ne contrôle rien, il y a des gens qui trimbalent des glacières entières avec des plantes illicites. C'est un secret de polichinelle. De plus Gilbert nous dit que 90% de la population adulte en consomme régulièrement. De temps à autres des douaniers font des descentes aux aéroports et confisquent des glacières. Je comprends mieux maintenant les affiches, non respectées, que j'avais pu voir dans les aéroports : « Suite à des nombreux problèmes, de nombreuses plaintes et de nombreux vols, il est désormais interdit de transporter des glacières de fruits et légumes à bord de nos vols » !
Après, ils nous ont offert à manger, du cochon qui mijotait dans la marmite, tué du jour, avec du riz. « Vous mangerez avec vos mains ? ». C'était une question qui valait réponse ! C'était très bon. Pendant ce temps Harry chantait les airs de la radio, du zouk et du reggae et nous servait de la bière tahitienne qu'on commençait à refuser, avec du mal. Il me faisait rire avec son bonnet, on aurait dit un rasta. C'est marrant comme deux cultures, caribéennes et polynésiennes, peuvent se retrouver à partir du moment où elles partagent les mêmes climats et façons de vivre. Harry est aussi un joyeux drille : « Bois ça, ça va te mener sur la planète des singes ! ». A la fin d'ailleurs on utilisait son expression pour refuser les nouveaux verres : « Merci, c'est bon, on est déjà sur la planète des singes ! ». Ça le faisait beaucoup rire !
Plus tard, comme la pluie redoublait d'intensité, ils nous ont invité à rentrer chez eux, où les femmes étaient occupées avec les jeunes enfants. Elles étaient très effacées, et sans mot ni bruit, elles ont déplacé les matelas sur lesquels dormaient les enfants vers une autre pièce fermée par un rideau. Pas de porte ici. Tout est ouvert, c'est une autre façon de vivre, ça va me faire très drôle de revenir à la civilisation après mon tour du monde, où l'on passe notre temps prisonnier entre quatre murs sans s'en rendre compte, passant de boîte en boîte : métro ou voiture, supermarché, maison, bureau, cinéma... tout est affaire de boîtes ! D'ailleurs c'est ce qui disait Gilbert « Vous vivez dans des boîtes, non, en France,dans des appartements ? J''imagine la France avec des rues d'immeubles ». Eh oui, bien vu ! Jean Marc essayait bien de rajouter « Oui, mais on a aussi des parcs nationaux ». Certes, heureusement du reste, sauf qu'on y passe moins de temps !
A la télé passaient les clips de Shania Twain (« mon ancienne copine » des dires d'Harry) puis ceux de UB40 dont Harry connaissait toutes les paroles. « Il faut que tu viennes pécher avec nous ! Tu pars quand ? ». Ils étaient déçus que je parte déjà, même si je suis resté une semaine. Ils auraient voulu que je reste plus longtemps. Ça va me déchirer le cœur quand je vais partir de Maupiti...

jeudi 27 octobre 2011

Patraque !


Ma vue tous les matins en sortant de la tente!


Mon petit kayak qui ne veut pas naviguer droit!
L'ascension du point culminant il y a deux jours aura eu raison de mes dernières forces. Du coup comme je suis faible, dès le lendemain je me suis réveillé avec un torticolis, un mal de gorge et un œil d'Anthony Quinn – je sais pas pourquoi on appelle ça comme ça, un orgelet quoi, qui me donne une tête monstrueuse comme la femme qui avait une tumeur du visage qui la grignotait et qui voulait qu'on la tue ! C'est sans doute lié à la chaleur, au vent, et au fait que je ne mange pas (ou mal) le midi depuis près d'un mois et que le soir ce n'est pas ça. Je pourrais manger le midi mais vu que je suis en pleine effervescence à faire mille trucs, je ne trouve pas le temps pour me poser à un resto et perdre une heure d'une radieuse journée ! Je paye aujourd'hui ce traitement, en me traînant lamentablement.
Ce matin je faisais du surplace avec le canoë et le vent en face. Je me suis juré que c'était la dernière fois que j'allais sur l'île. Plus tard, avec le vélo et la devise du jour que je m'étais donnée « No effort ! », j'ai choisi de contourner l'île plutôt que de passer par la route traversière, même si c'est un peu plus long. Choix judicieux, j'ai eu le vent face à moi tout le temps qui stoppait net tout élan ! Quand je suis arrivé chez Véro j'étais une loque ! En plus elle n'était pas là, elle était à la salle polyvalente partie faire des photos du salon. Elle avait opté aujourd'hui pour la même tenue que celle déjà citée, mais en jaune ! Je crois qu'elle est adepte du total look ! Pendant ce temps là je suis retourné à l'épicerie pour m'acheter tout ce qu'il faut pour tenir jusqu'au jour de mon départ.
Le jardin de la pension
Je suis repassé devant chez Véro, cette fois elle était rentrée. Pendant que je mettais à jour mon blog, elle était assise à côté occupée avec son ordinateur. J'avais peur qu'elle arrive à lire les passages où je parle d'elle ! Je pensais aussi pouvoir l'entourlouper un peu car je suis resté sur internet 40 minutes et espérais ne payer que 30 minutes, mais elle devait avoir l’œil rivé sur son horloge car quand je me suis déconnecté elle m'a dit « Eh bien, j'espère que tu avais des choses intéressantes à faire sur internet car ça a duré 45 minutes ! ». Sous entendu, vu les tarifs que je pratique, il fallait que ça en vaille la peine. La salope ! On a parlé un peu, je lui racontais que je venais d'envoyer un mail à Bora Bora pour savoir comment se retrouver avec le type de la pension. Elle me dit, interloquée :
« - Ah bon, tu vas là bas ?
- Oui, trois jours.
- C'est bien largement suffisant !
- Oui je sais, mais je voulais quand même voir le mythe de Bora Bora et me faire ma propre idée.
- Eh bien, tu verras le mythe en arrivant ! Tu vas vite déchanter !
- Pourquoi ? Parce que c'est mercantile ?
- C'est peu de le dire ! »
Petit cadeau d'Edna. A droite, ce sont des citrons!
Après, nous avons un peu parlé de Maupiti, comme elle connaît tout de la vie d'ici. La semaine prochaine par exemple ils n'auront pas de pain car ils n'ont plus de farine. Le ferry qui les approvisionne n'est pas venu cette semaine. Maupiti est ignorée des autres îles et elle a l'impression qu'ils sont laissés à leur sort. Il est vrai qu'ils ont une mauvaise passe, c'est à dire que les bateaux ont du mal à pénétrer dans le lagon. Puis, elle m'a demandé si j'étais allé grimper là haut. Je lui ai retourné la question : « Oh oui, j'y suis déjà allée au moins dix fois, et avant qu'il n'y ait la corde. C'est l'équipe de « Faut pas rêver » qui l'a installée quand ils sont venus filmer ici. Depuis ce n'est pas entretenu, un des ces quatre ils faudra que j'y aille m'en occuper, mais j'ai pas le temps ». Il va falloir que je cherche sur internet si je peux trouver cette émission. J'espère !
En partant, vu qu'on parlait en même temps et que je suis mono tâche, je ne me suis pas rendu compte que j'avais laissé mon chargeur chez elle. J'ai réalisé hier soir à la pension en déballant mes affaires. C'est vraiment trop con ! Du coup je suis allé voir Edna pour savoir si elle ou Gilbert allait au village demain. Ce n'est pas prévu - c'est ma veine - mais elle va appeler son fils qui est sur l'île qui ira chez Véro et viendra l'amener. C'est sympa ! Espérons que le chargeur ne tombe pas à l'eau en chemin, je serais bien emmerdé...
Je ne suis pas seul sur le banc!
A midi, j'ai pris une sage décision, je me suis arrêté au seul restaurant de l'île et j'ai commandé une entrecôte avec des légumes sautés, tout ce que je ne mange pas depuis des jours. Ici on ne trouve pas de légumes ni de fruits, la seule chose que je ramène de l'épicerie ce sont des poivrons. Je dois être carencé en vitamines, c'est pour ça ! J'ai tout mangé de mon steak, même le gras !
Après je suis retourné à la plage de Tereia en traînant la patte, j'avais des vertiges. Je me suis posé là sous un arbre qui ne protégeait pas beaucoup du soleil et le moindre geste me paraissant surhumain je n'ai pas trouvé la force de me mettre de la crème solaire. Et le nez n'arrêtait pas de couler. Ça ma fait chier, j'ai pris mon masque et tuba et me suis dirigé vers le banc de sable. Car quand je plonge j'ai toujours de l'eau qui rentre dans le masque et qui finit par se loger dans les sinus. Ça allait peut être me nettoyer tour ça !
Ma baignoire préférée!
Je n'étais pas le seul sur le banc de sable ! Juste en dessous de là où je me pose, il y a des bancs entier de menu fretin qui reste là, immobile, entre deux eaux, tous alignés dans le même sens ! Une armée de petits yeux noirs me regardait évoluer. Finalement j'ai jeté le masque plus loin dans le lagon et suis resté comme eux, immobiles, dans ma position favorite. Mais le temps s'est couvert petit à petit, je me suis mis à avoir froid et dehors ce n'était pas mieux, j'avais des tremblements incontrôlables. Et il fallait que j'attende 17 heures, heure à laquelle ils venaient rechercher le vélo. J'ai attendu 17h10, puis me suis cassé avec le kayak, laissant le vélo sur le rivage. Ils le retrouveront bien ! Ce soir je me suis couché à 20 heures, j'ai un peu discuté avec les nouveaux mais comme je n'arrêtais pas de bailler il valait mieux aller me reposer. Il a plu toute la nuit !

mercredi 26 octobre 2011

Au paradis du gecko !


Le lagon à 10 mètres de la tente, que pour moi!
J'ai encore mon collier de fleurs que Gilbert m'avait donné à l'aéroport. Ce sont des grosses fleurs de jasmin tropical, pas comme celles qu'on trouve par chez nous, les fleurs sont beaucoup plus grandes, rondes, en étoile. Je l'ai mis dans la tente, près de l'oreiller, et j'ai leur odeur qui m’enivre en m'endormant !
La nuit on entend plein de bruits comme un oiseau, en fait ce sont les geckos, ces lézards avec des ventouses aux pattes et qui passent leur temps scotché aux plafonds et aux murs la tête en bas. Avec tous les moustiques ici ils ont de quoi être heureux. Mais je trouve qu'ils ne font pas assez leur boulot. D'ailleurs si les chiens pouvaient témoigner ils s'en plaindraient aussi, ils se grattent les yeux et le museau avec leur pattes régulièrement et secouent leur tête. Moi je ne sais plus quoi faire, j'en ai marre de m'offrir en pâture sous la douche ou aux toilettes. 
Au village j'ai demandé s'ils n'avaient pas de gants en plastique pour le ménage et la caissière m'a regardé éberluée et a dû appeler le patron ! Peut être en auront ils à Bora Bora ou ailleurs pour mes prochaines escales. Ici il n'y a pas malaria, c'est déjà ça, mais il y aura des endroits où ça sévit, je dois donc me protéger plus car ces sprays sont inefficaces. J'ai essayé l'huile essentielle de citronnelle, que je concentre chaque jour un peu plus, ça les éloigne 10 secondes et j'ai l'impression que c'est plus le spray qui les emmerde que ce qu'il y a dedans. Par contre j'ai remarqué qu'ils n'aimaient pas la crème solaire. Mais je ne vais pas m'en enduire en pleine nuit quand même !
Pour le feu ce soir!
Aujourd'hui j'ai pour programme de rester sur le motu Auira, de partir à son exploration et de faire un saut vers 16h au village car il y a un spectacle de danse à l'occasion d'un salon d’écocitoyenneté pour éduquer les gens au solaire, à faire attention à l'eau... Tous les jours il y a des activités, des conférences, rythmées par des pauses plus ludiques. C'est Véro, la GI Jo où je vais pour Internet, avec ses shorts beiges courts de baroudeur et son gilet débardeur à poches qui lui donne l'impression d'être de retour d'une opération de déminage, qui m'en avait parlé. Elle s'est posée là après un tour du monde de 7 ans ! Elle est aussi journaliste, photographe et rapporte les choses au journal de Tahiti. Cela permet de faire un peu parler de Maupiti sinon les gens se sentiraient vraiment abandonnés. Ici c'est le bout des îles de la Société, il n'y a plus rien plus au nord ouest, enfin si... Hawaï ! Véro, donc, me disait qu'ici les gosses sont pourris gâtés et chaque fois elle essaye de les sensibiliser à leur environnement. Il est vrai que sur les plages ont voit des débris de plastique, des bouteilles d'eau, des vieilles tong, le monde entier croule sous le plastique. La dernière fois Véro me racontait qu'elle avait dit à des gamins de faire attention à l'eau, qu'elle était précieuse. En retour elle eut droit à un « Et ta foufoune elle est précieuse ? »
Le lagon tel que je le traverse en kayak
Ce matin, je prenais mon temps, me baladant dans le jardin. Gilbert me confia sa brouette pour que je la remplisse de noix de coco pour le feu de ce soir. « Ça brûle bien, prends les ouvertes, il y en a plein dans le jardin ». Plus tard il me montra l'endroit pour faire le feu sur la plage, plus éloigné du cocotier que celui que j'avais choisi la veille. Il me dit : « Il faut que tu fasses un trou, comme ça ton feu sera protégé et durera plus longtemps. Tiens, va prendre la pelle, elle est là bas près d'un cocotier ». Oui, mais lequel ? Le jardin est rempli de cocotiers, j'ai dû en faire une vingtaine, en guise de pelle j'ai eu un râteau !
Chemin faisant j'ai rencontré Edna, la femme de Gilbert, tout aussi généreuse et simple. Pendant qu'on bavardait en marchant, elle s'est penchée, a saisi une fleur de jasmin et se l'ai mise à l'oreille. Elle me disait qu'elle adorait le coin, qu'il était magnifique, que tous les matins elle allait sur la plage regarder le lever du soleil et qu'elle lui disait « Reste comme ça », que les nuages et le ciel gardent cette teinte rosée ourlée de mauve. 
C'est beau de voire des gens qui savent toujours après toutes ces années apprécier l'endroit dans lequel ils vivent. On dit souvent qu'on s'habitue à tout, même au bonheur ! Edna m'a demandé ce que j'allais faire aujourd'hui. Quand je lui ai parlé du spectacle ce soir, elle a lâché : « Tu vas aller voir ça ? Ces mémères avec leur gros bide qui dansent comme ça ? » (elle se met alors à faire une danse comme un houla hoop!). « Oh non ! Moi je serais comme elles j'aurais honte ! ». Pour la secousse ça ne me dit plus grand chose d'y aller, surtout de prendre le kayak qui se cabre et fais des tours complets sur lui. Mais d'un autre côté on avait convenu avec Kerstin d'y aller, et après de me présenter aux personnes de sa pension qui l’emmènent pour voir s'il serait possible que je me rende sur son motu un des ces jours. Car je compte bien ne pas visiter que le motu Auira où je suis !
Avant de partir faire mon tour de l'île j'ai croisé Gilbert qui nettoyait le jardin « J'aime pas quand il y a des feuilles mortes sur le sable, alors tous les matins je les ramasse. Tiens, Ivan (il met mon nom dans toutes les phrases, c'est mignon), tu vas avoir de la compagnie. Demain tu as quelqu'un qui vient camper et vendredi un autre arrive aussi. Par contre il y en a un, il a l'air bizarre, il m'a demandé comment il fallait s'habiller ici !! Je lui ai répondu « On s'en fout de comment tu t'habilles, on vit toute l'année torse nu ». Ça promet, il a pas dû beaucoup sortir de chez lui celui là ! ». Moi ça me plaît moyen, j'étais bien tout seul ! De quoi vais je écoper ? Vont ils être bruyants, couche tard ? J'ose espérer que non, quand on vient par ici, ce n'est pas par hasard...
Ils me font rire Edna et Gilbert, ils sont malicieux, ils prennent tout à la dérision et se marrent tout le temps, les yeux tout plissés au point qu'on ne les voit plus ! Ils ont une belle fraîcheur d'âme. Ils n'ont pas d'appareil photo et regardent souvent mes photos sur l'appareil. «Je te donnerai la clef ». Quelle clef ? « La clef USB ! » Ah OK ! Ils sont aussi comme ça, quand ils parlent il faut les suivre, ils ne disent que l'essentiel de ce qu'ils pensent sauf qu'on n'est pas au courant toujours du cheminement qu'ils ont suivi pour arriver à leur pensée. Gilbert a donc un ordinateur et même Facebook. Je lui ai parlé de mon blog. « C'est quoi un blog ? ». Normalement il devrait avoir internet à la pension sous peu, avant il l'avait mais ils sont en train de faire des travaux. Ça m’arrangerait, ça m'éviterait de traverser le lagon ! J'espère que je pourrai prendre une photo d'eux avant mon départ, ils sont trop adorables ! En attendant, Gilbert m'a fait un plan du motu sur le sable et mis une croix sur l'endroit où je devais me rendre avec mon masque et tuba.
C'est de l'autre côté de l'île, là où le lagon est étroit, coincé avec la barrière de corail. Ça m'a fait une petite trotte mais ça valait le coup, il y a des vues superbes sur l'île centrale et avec la perspective on a l'impression que le motu y est rattaché. Et la plage tout le long est constituée de sable vierge, aucune empreinte de pas, le sable est tout lisse, d'un blanc immaculé, on dirait de la neige le lendemain d'une chute de neige. Et c'est plein de coquillages sur le rivage. J'en ai gardé quelques uns, magnifiques, des porcelaines. Je ne pouvais pas prendre les autres car ils sont tous colonisés par des bernard l'hermite. Les porcelaines sont les seules dans lesquelles ils ne peuvent entrer car la fente est trop étroite !



Je me suis baigné dans un jardin de corail. Il n'y avait pas beaucoup de poissons mais le corail, de toutes les formes, dessinait un vrai labyrinthe dont il est facile de se perdre. C'est un monde plein de passages secrets, de tunnels dans lesquels les poissons s’engouffrent. Un moment j'étais coincé dans ce dédale, car du fait de la marée basse, les sommets des patates de corail affleuraient presque à la surface. Je ne pouvais donc passer au dessus mais entre. Je ne retrouvais pas mon chemin, je me perdais dans ces méandres qui donnaient sur des culs de sac.
Quand je suis retourné à la serviette il était 15h, il fallait que je revienne à la pension, prenne le kayak puis le vélo tout cela en moins d'une heure ! J'ai donc pris un chemin qui s'enfonçait dans le motu, sans savoir où il allait me conduire mais convaincu qu'il m'amènerait de l'autre côté et m'épargnerait de ce fait le long contournement par la plage. 
Finalement ce chemin donnait sur d'autres chemins, j'ai suivi mon instinct, me repérant aux sommets de l'île qui émergeaient de la cime des cocotiers. Je n'avais plus que 25 minutes quand je suis arrivé à la pension et plus que 7 quand j'étais au vélo.
En fait, bien qu'en retard de 5 minutes j'étais en avance ! Rien n'avait commencé, ils étaient en train d'installer les chaises sur le terre plein. Il y avait déjà foule, les participants étaient déjà là avec leur T-shirt blanc « Bougez pour la planète ». J'ai posé mon vélo, là, dans un coin, pour aller sur le débarcadère voir si Kerstin arrivait. De retour 2 minutes plus tard, plus de vélo ! Je n'arrivais pas à le croire, quelqu'un avait dû le déplacer, j'ai regardé partout autour de la place, rien, volatilisé. Je commençais à angoisser. 
Je suis allé voir une mama à un stand, qui débordait de sa chaise : « J'avais mon vélo, garé à 2 mètres de vous, je me suis absenté 2 minutes et il n'est plus là, vous avez vu quelqu'un le prendre ? - Ah non, on a rien remarqué. Y a plein de gosses, l'un d'eux a dû vous le piquer. ». Et c'est tout, elle s'en foutait ! L'angoisse montait d'un cran. Qu'allais je faire ? J'étais prêt à aller à pied là où j'ai loué le vélo pour tout leur raconter. Vu que toute le monde se connaît, on finirait bien par le retrouver ce foutu vélo ! ». En dernier recours, juste en face il y avait un gars sur une chaise qui aurait pu tout voir. « Il est comment votre vélo ? C'est le rouge ? Y a le gars de la sécurité qui l'a pris pour aller s'acheter une bière ». Un comble ! 20 secondes après en effet le vélo revenait. Ouf ! C'est encore de ma faute avec mes réflexes de propriété à l'occidentale. Ici tout est à tout le monde et s'emprunte. Tant que ça ne gène pas...
Peu de temps après, une voix d'outre tombe a retenti à travers les baffles. C'était la maîtresse de cérémonie. Une voix grave, caverneuse mais de crécelle en même temps, on se serait crû dans un film d'horreur ! J'ai filmé la scène, il faudra que je mette le clip ici dès que j'aurai un débit internet un peu plus élevé ! Une femme est alors montée sur un camion pour montrer les gestes. Tout le monde dansait, les gamins en première ligne. Ils m'ont trop amusé, ils s'amusaient à se pousser, à se cogner, dansaient dans tous les sens, comme s'ils étaient désarticulés. Les adultes eux étaient bien plus mous, c'est sûr qu'ils avaient comme une inertie un peu plus difficile à bouger... Véro était de la partie et avait grimpé à la cabine du camion avec son gros reflex pour avoir un point de vue d'ensemble, un flash énorme et une sacoche d'objectifs ! L’entraîneuse un moment lui a donné le micro dont elle ne savait que faire. Elle se l'est coincé sous le bras provoquant un larsen strident, l'a gardé dans la main comme la flamme olympique mais ça la gênait pour prendre les photos. Pendant ce temps là je pensais : coince le entre tes seins, comme Madonna, ça marche bien ! Elle a plutôt opté pour la sacoche à objectifs.
A 17 heures je suis parti, j'avais encore le lagon à traverser ! Tandis que je mangeais, Gilbert est arrivé :
« Tu es déjà là ? Je te croyais en ville !» (c'est comme ça qu'il dit!).
« - Oui mais je suis rentré avant la nuit pour avoir le temps de préparer à manger. Et toi tu as mangé?
- Non, je rentre du récif où j'étais allé pécher.
- Tu as trouvé quelque chose ?
- Non, rien ! Je vais aller me faire une soupe ! »
C'est dur la vie de pécheur ! Pendant ce temps j'ouvrais une boîte de petit salé aux lentilles et les trois clebs ont rappliqué me regardant de leurs yeux suppliants et déglutissant à n'en plus finir. Ils n'ont rien eu, même pas la joie de lécher la boîte de conserve : je suis allé cacher la poubelle en hauteur avant qu'ils ne l'éventrent !

Lever de soleil, pour Edna

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