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vendredi 28 octobre 2011

La chasse aux trésors


Vive la pension!


C'est marrant entre ce qu'Edna me dit et ce que Gilbert me raconte ce n'est pas toujours la même chose. Par exemple, pour l'histoire du chargeur, Edna a appelé son fils ce matin et m'a dit que Gilbert irait ensuite le récupérer au snack en face. Plus tard, alors que je marchais le long du lagon, explorant le motu dans l'autre sens, Gilbert m'a rejoint. Il m'a dit « Alors Ivan, tu vas prendre le canoë aujourd'hui pour aller au snack ? »
Ce matin deux nouvelles personnes devaient arriver, Gilbert est allé à l'aéroport pour les attendre et personne n'est venu. Edna a essayé de les contacter à plusieurs reprises mais tombait chaque fois sur un répondeur. Peut être que vu le temps ils ont décidé de ne plus venir, mais ce n'est pas très correct.
Le chemin qui mène à l'océan
Tandis que nous marchions ensemble, Gilbert m'a montré un chemin pour passer de l'autre côté du motu : « Passe par là, ça va à l'océan, c'est plus joli que de ce côté, car après tu ne peux plus marcher, il n'y a plus de sable et tu dois rester dans l'eau ». Je suis donc retourné à la barrière de corail, sauf que comme j'étais plus haut sur le motu, il n'y avait plus du tout de récif, les vagues venaient s'écraser sur la côte, apportant tout un tas de débris de corail qui formaient presque des dunes. L'endroit est très sauvage, même si on ne peut pas se baigner. Alors que je me baladais le long du rivage, j'ai remarqué un joli coquillage moucheté comme un léopard, bien plus gros et plus beau que le dernier que j'avais trouvé l'autre jour. Puis un peu plus loin, j'en ai trouvé d'autres. En fait il y en avait plein. Du coup, j'ai passé la matinée à arpenter le rivage à vitesse de bernard l’ermite, scrutant le moindre débris de corail. Et j'ai un beau butin ! Je vais en ramener certains, enfin je crois plutôt que je vais les envoyer par la poste car je ne voudrais pas être arrêté à la frontière de certains pays où ramasser des coquillages et coraux est interdit, même s'ils sont trouvés morts sur la plage. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi mais je sais qu'ils ne rigolent pas avec ça.
Un moment, à la faveur d'un nuage, je me suis allongé à même les coraux, le sac sous la tête et j'ai dormi. Le temps était tout gris et pluvieux partout ailleurs, sauf ici, comme si le mer repoussait les nuages. Mais ça n'a pas duré très longtemps, de gros nouages noirs se sont mis à tout recouvrir et la fraîcheur s'est installée. J'ai été réveillé par quelques gouttes et je suis donc rentré sous la pluie et une tornade de vent qui faisait gonfler mon poncho jaune poussin au point de m'envoler avec !
A la pension, Florie et Jean Marc, le jeune couple qui campe avec moi, venaient juste de rentrer. Ils étaient partis ce matin pour faire l’ascension du Te Uru Faatiu mais ils ont dû abandonner à cause du temps alors qu'ils avaient commencé la randonnée. Il était 15h30, c'était un vrai déluge dont l'intensité ne cessait de croître au fil du temps. 
Ils sont pas beaux mes trésors?
On était là sur de pauvres chaises en paille à se demander ce qu'on allait bien pouvoir faire. Car c'était noir de partout, on ne voyait même plus l'île centrale. Du coup on a discuté. Un moment où ça s'est calmé, je suis aller voir Edna pour avoir des nouvelles du chargeur : « Viens au restaurant ! ». ??? Quel restaurant ? C'est là que j'ai découvert qu'il y avait une salle et deux assiettes étaient dressées. « Tu as un restaurant ? - Oui c'est pour les gens qui prennent les bungalow, je leur fais la cuisine. Les deux de ce matin viennent d'arriver et Gilbert est parti les chercher. » La pauvre Edna était méconnaissable, toute chamboulée, au bord des larmes. Car elle s'est fait engueulée au téléphone par les deux autres qui attendaient à l'aéroport lui disant « Vraiment c'est inadmissible, toutes les autres pensions sont venues chercher les gens, il n'y a plus que nous à l'aéroport, vous êtes la seule pension à ne pas être là ! » 
L'océan, là où la barrière de corail disparait
Edna me disait « Mais il nous ont dit qu'il venaient par le vol du matin, pas celui du soir ! Je leur prépare à manger, je vais les laisser prendre leur dîner et après je leur expliquerai. Je n'aime pas ça, nous ne sommes pas fautifs, je n'aime pas être accusée de quelque chose que ne n'ai pas fait, c'est injuste ! » Je n'ai encore jamais vu vu un Polynésien s'engueuler, je crois que ce n'est pas dans leur nature, je les vois tout le temps rire, s'amuser, siffloter, chanter, heureux et tranquilles. C'est d'autant plus injuste d'agir comme ça avec eux, ça doit leur faire une claque. Ça me choque vraiment qu'on se comporte ainsi avec des gens si adorables.
Gilbert est arrivé avec les 2 touristes, il n'en menait pas large, il marchait comme un chien qui viendrait de se faire gronder. « Tiens, Ivan, viens avec moi ! ». Il m'a lors confié : « Ouh là, c'est des râleurs ! C'est des français tu sais, des râleurs, des vrais ! Ce ne sont pas les premiers, ça nous arrive de temps en temps. Tiens, après, ça te dit d'aller boire une bière tahitienne, une locale, là bas ? Propose aussi à tes deux compères. Je passerai à 19h»
La côte ouest du motu, si sauvage!
Super programme, j'étais enchanté par cette idée et d'aller voir ses amis du motu. J'étais sûr que ça allait être riche en enseignements et révéler aussi d'autres côtés de la manière de vivre des Polynésiens. J'ai bien pensé à prendre mon appareil photo.
Quand nous sommes arrivés, il y avait 2 personnes sous un abris en tôle qui écoutaient radio Bora Bora, un jeune de 16 ans, Harry, qui portait un bonnet de laine et un autre dont j'ai oublié le nom, meilleur pécheur de Maupiti, tous deux maupititiens (c'est comme ça qu'on doit les appeler, nous ont ils dit). Ils nous ont tout de suite accueilli les bras ouverts en nous disposant des parpaings sur le sol sur lesquels nous asseoir. Il y avait juste à côté un gros tonneau en plastique. C'est là dedans que reposait la fameuse potion, la bière tahitienne ! En fait de bière, c'est une blague, c'est de l'alcool qu'ils font eux mêmes à partir de jus de coco, un peu de farine et de la levure. Ils laissent ça macérer entre 1 et 3 mois. Ça a la couleur du jus de coco et le goût du rosé. En même temps que j'en buvais, je pensais que j'allais peut être le payer par une tourista phénoménale ! Ça se boit comme du petit lait mais ça tape très vite et ils nous remplissaient le verre avant qu'il ne soit vide. Du coup je buvais lentement.
Trésor de nacre
J'avais raison, les discussions ont été fabuleuses, je buvais leurs paroles, en extase devant tant de sagesse et de lucidité sur le monde. J'ai regretté de ne pas avoir pris mon calepin car je ne me souviens pas de tout. Gilbert nous racontait qu'à Tahiti, ce n'est pas la Polynésie, que là bas ils ne connaissent même plus leur langue à part le français, qu'ils ne savent pas pécher. Que c'est une île de perdition, que les gens sont stressés. « C'est la ville, avec toutes ses tentations, ça rend fou. Ils sont tombés dans la consommation, et à force, ça les a ruiné, ils n'ont plus rien » Belle phrase qui peut se transposer dans notre pays, avec la crise... « Ici, à Maupiti, la crise on ne connaît pas, on a tout, tout vient, tout pousse, sur le motu on a des concombres, des tomates, des navets, des pastèques, des patates douces, du manioc, de l'igname. On aime la pluie du ciel, c'est elle qui nourrit la terre et alimente nos citernes. Nous sommes là, on ne paye rien, heureux. Qui peut en dire autant ? »
Moi, Jean-Marc, Florie, Gilbert, Harry et la bière tahitienne!
J'étais ému par tout ce qu'il nous disait, je vous rapporte ses mots le plus fidèlement possible. « Toi, Ivan, on est admiratifs, tu fais des photos, grâce à toi tu vas nous faire découvrir dans le reste du monde ». Faites circuler mon blog ! J'ai appris aussi que chaque archipel avait sa propre langue et qu'au sein de chaque archipel chaque île avait sa langue, complètement différente : « La différence c'est comme ta langue et la nôtre. Je suis des Tuamotu, moi (dit il en plaçant la main sur son cœur). Je suis arrivé à Maupiti en 1979 à l'âge de 16 ans, j'ai dû apprendre le maupititien et le français. Heureusement qu'il y a le français, sinon dans toutes ces îles on ne pourrait pas se comprendre. De là où je suis, sur mon île, où je retourne 1 ou 2 fois par an, j'ai des terres. C'est la chance du Polynésien, chacun possède quelque chose légué de génération en génération. Si tu veux venir vivre sur mon île et t'installer, je t'invite ! » C'est pas beau ça, comme générosité ? Ils sont si simples, si gentils, n'ont rien de matériel et pourtant donnent tout. Moins on a, plus on est riche dans son cœur, c'est bien connu ! J'ai donc un pied à terre aux Tuamotu si le cœur m'en dit. Qui veut venir avec moi ? Je ne connais même pas le nom de son atoll, j'en ai jamais entendu parler !
Au sujet des gens qui viennent à la pension, ils nous racontait qu'il a vu de tout, des râleurs, faisant un clin d’œil vers là où se trouvaient les nouveaux du jour, aux déçus qui interrogent « Où peut on faire la fête? ». « On peut faire la fête ici, mais pas comme ils pensent, c'est ce qu'on est en train de faire, et s'il y a de bons échanges entre les gens et nous, comme entre vous et nous, on peut vivre des moments comme cette soirée. Je suis simple moi, tu me vois, si tu aimes tu restes, si tu n'aimes pas, je t'emmène ailleurs, il n'y a pas de problème ! »
Gilbert a aussi ses petites phrases poétiques, comme quand il nous a parlé de son voisin, le pécheur émérite : « Tu vois, c'est le seul qui arrive à pécher le mérou céleste. Il s'appelle comme ça car quand tu le regardes il est si blanc qu'il a l 'éclat de la galaxie. »
J'ai aussi appris qu'il existait un mot qui les touchait beaucoup : « Mauruuru roa », qui signifie « Merci beaucoup », mais plus comme quelque chose qui vient du fond du cœur. « Si vous dîtes Mauruurun c'est bien, tout le monde le dit, on n'y fait plus très garde. Mais si vous dîtes « Mauruuru roa », vous nous toucherez l'âme. » Je garde bien précieusement cette phrase, je ne manquerai de leur dire à mon départ.
Oui oui je fume la pépou!
Après de nombreuses « Manuia ! » célébrées (on dit « Santé ! » chez nous), ça a été au tour du « pépou », la pipe, dont je tairai sa composition. Ce qu'il faut savoir c'est qu'ici on trouve de tout et que certains traficotent. Comme Air Tahiti ne contrôle rien, il y a des gens qui trimbalent des glacières entières avec des plantes illicites. C'est un secret de polichinelle. De plus Gilbert nous dit que 90% de la population adulte en consomme régulièrement. De temps à autres des douaniers font des descentes aux aéroports et confisquent des glacières. Je comprends mieux maintenant les affiches, non respectées, que j'avais pu voir dans les aéroports : « Suite à des nombreux problèmes, de nombreuses plaintes et de nombreux vols, il est désormais interdit de transporter des glacières de fruits et légumes à bord de nos vols » !
Après, ils nous ont offert à manger, du cochon qui mijotait dans la marmite, tué du jour, avec du riz. « Vous mangerez avec vos mains ? ». C'était une question qui valait réponse ! C'était très bon. Pendant ce temps Harry chantait les airs de la radio, du zouk et du reggae et nous servait de la bière tahitienne qu'on commençait à refuser, avec du mal. Il me faisait rire avec son bonnet, on aurait dit un rasta. C'est marrant comme deux cultures, caribéennes et polynésiennes, peuvent se retrouver à partir du moment où elles partagent les mêmes climats et façons de vivre. Harry est aussi un joyeux drille : « Bois ça, ça va te mener sur la planète des singes ! ». A la fin d'ailleurs on utilisait son expression pour refuser les nouveaux verres : « Merci, c'est bon, on est déjà sur la planète des singes ! ». Ça le faisait beaucoup rire !
Plus tard, comme la pluie redoublait d'intensité, ils nous ont invité à rentrer chez eux, où les femmes étaient occupées avec les jeunes enfants. Elles étaient très effacées, et sans mot ni bruit, elles ont déplacé les matelas sur lesquels dormaient les enfants vers une autre pièce fermée par un rideau. Pas de porte ici. Tout est ouvert, c'est une autre façon de vivre, ça va me faire très drôle de revenir à la civilisation après mon tour du monde, où l'on passe notre temps prisonnier entre quatre murs sans s'en rendre compte, passant de boîte en boîte : métro ou voiture, supermarché, maison, bureau, cinéma... tout est affaire de boîtes ! D'ailleurs c'est ce qui disait Gilbert « Vous vivez dans des boîtes, non, en France,dans des appartements ? J''imagine la France avec des rues d'immeubles ». Eh oui, bien vu ! Jean Marc essayait bien de rajouter « Oui, mais on a aussi des parcs nationaux ». Certes, heureusement du reste, sauf qu'on y passe moins de temps !
A la télé passaient les clips de Shania Twain (« mon ancienne copine » des dires d'Harry) puis ceux de UB40 dont Harry connaissait toutes les paroles. « Il faut que tu viennes pécher avec nous ! Tu pars quand ? ». Ils étaient déçus que je parte déjà, même si je suis resté une semaine. Ils auraient voulu que je reste plus longtemps. Ça va me déchirer le cœur quand je vais partir de Maupiti...

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