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mardi 25 octobre 2011

L'ascension du Te Uru Faatiu




Pour écrire les messages de ce blog je dois m'armer de patience. Le soir, lorsque le groupe électrogène fonctionne je me mets dans la salle de bain, seul endroit où il y a une prise. Avec des chaussettes dans lesquelles je coince le bas du pantalon et mon chapeau moustiquaire qui me donne une allure d'apiculteur effrayante et me fait crever de chaud. Les mailles ne sont pas assez larges, du coup l'air ne passe pas. Le seul problème ce sont les mains, les moustiques piquent les phalanges et le bout des doigts ! Tout ce qui est découvert est dévoré. Demain je file à l'épicerie m'acheter des gants de ménage, j'avais pensé à tout sauf à ça ! Pour manger, comme je ne peux pas utiliser le chapeau, je rabats la capuche de mon T-shirt à manches longues, on dirait un mec de banlieue ! Et pour les toilettes, j'ai trouvé un peu de répit en m'aspergeant le cul de lotion anti-moustique et en les chassant avec ma main. Ça marche 30 secondes !
Le site des pétroglyphes
Ce matin en me levant il y avait comme une odeur de pisse de chien autour de la tente, je me demande s'ils n'ont pas pissé dessus dans la nuit ou la journée. Ces saloperies lèvent la patte sur tout ce qui a un relief ! Du coup j'ai aspergé la tente d'anti-moustique. Si ça marche pour les moustiques, peut être que les chiens n'aiment pas non plus l'odeur. Puis rebelote avec le kayak qu'il a fallu que j'amène à bon port prestement car un grain se dessinait au dessus des montagnes. Arrivé sur la plage de Tereia, un type qui était arrivé en bateau, est venu me parler. C'est marrant comme ici tous les gens engagent la discussion comme si je faisais partie de leur famille, comme si on s'était toujours connu. Ils rotent et pètent en même temps, ça les fait rigoler. Ils sont nature, les rapports sont sains et francs et ça me convient bien ! Le plus souvent ils portent des T-shirt déchirés au point de ressembler plus à des débardeurs, tachés jusqu'à la dernière fibre de coton et ils marchent tout le temps pieds nus.
Premier de cordée... ou de corvée, c'est selon!
Le vélo m'attendait, il a fallu que je le pousse à la main dans la montée de le route traversière et que je monte dessus debout dans la descente pour exercer plus de pression sur les pédales pour tenter de le freiner suffisamment. Ça marche moyen ! Ces vélos n'ont pas de frein, il faut rétro-pédaler. Je ne ferai pas ça tous les jours, c'est la raison pour laquelle j'avais aussi pour objectif d'acheter suffisamment d'eau et de nourriture pour ne pas avoir à revenir demain. La prochaine fois, vous risquez donc de découvrir 2 messages d'un coup. En plus pour avoir Internet, je dois aller chez une dame, l'emmerder à brancher mon portable, à essayer de me connecter à Internet pendant des heures car avec le câble ethernet il ne veut rien savoir. J'ai trouvé la parade : il faut désactiver la carte réseau puis le laisser la reconnecter par le gestionnaire de résolution de problèmes. Pendant ce temps là elle me dit : « J'ai ma douche à prendre » ou encore « je dois prendre mon petit déjeuner » ou « je devais aller chercher des journaux ». Bref je ne me sens pas très à l'aise. Elle prend en plus 250 francs les 15 minutes (2 euros), j'ai intérêt à faire vite !
Après, j'ai fait un crochet par la poste, le bureau OPT (ce n'est pas la poste qu'on trouve en France) et cette fois j'avais 7 personnes avant moi, j'ai donc fait la queue pour acheter des timbres. A côté de moi il y avait un homme qui attendait, lui, pour la banque. On a parlé de la France. Il me racontait que le seul moyen pour eux de venir en France c'était en s'engageant dans l'armée. Car ici ils sont pauvres. Au début quand je suis arrivé à Tahiti et qu'on me demandait d'où je venais, je disais des îles Cook et je leur posais la question s'ils y étaient déjà allé. J'ai arrêté, c'est indécent. La dernière fois que j'ai demandé à quelqu'un s'il avait déjà voyagé, c'était la propriétaire de la pension à Huahine qui m'avait répondu toute fière : « Oh oui, je suis déjà allée à Bora Bora ! ». Tu me diras, quand on est déjà au paradis, pourquoi aller voir ailleurs ?
Vous voyez la corde en bas qui part vers le vide?
Le type de la poste me racontait qu'un de ses copains avait fait son service en Charente Maritime et qu'il n'avait pas supporté le froid, au point qu'une de ses dents aurait pété. Du coup il est rentré en Polynésie. Ceux qui sont restés sont plus enveloppés et lorsqu'ils rentrent ici pour les vacances se plaignent désormais de la chaleur. Le plus drôle est qu'il me disait qu'ils font passer un test avant et que si tu es trop con ils ne te prennent pas. Lui il a essayé, et au moment des résultats, on lui a dessiné deux cocotiers, un hamac et une caisse de bière posée sur le sable puis on lui a dit : « Tu vois ça ? Eh bien il vaut mieux que tu y restes ! » ! Son rêve reste toujours de voir la tour Eiffel. C'est drôle, moi, c'est de voir le dôme de Bora Bora, la vie est mal faite ! En attendant il relativise en plaisantant : « Là bas vous avez aussi des plages sauf que c'est des plages de neige et qu'on ne peut pas s'asseoir dessus ! ». Il m'a parlé de la vie à Maupiti, qu'elle n'était pas facile, qu'il n'y avait pas de travail, que les jeunes allaient à Bora Bora pour passer des diplômes dans l’hôtellerie puis restaient là bas dans les hôtels et restaurants ou faisaient le ménage. Lui est pécheur et me confesse : « Si tu sais pécher, ça suffit pour vivre ». Le bon plan c'est aussi d'avoir encore ses parents en vie et à la retraite car les pensions de retraite font vivre toute une famille. D'ailleurs ils viennent à la banque chaque fin de mois retirer leur pension en espèces et il me montre tout ce monde attablé sous un grand chapiteau dehors. Il doit bien y avoir une cinquantaine de personnes. « Ils vont rester là toute la journée à attendre leur tour ». En parlant de tour c'est à moi, je le laisse donc, j'ai bien aimé notre discussion, il m'a bien fait rire avec les histoires avec l'armée. J'aime bien leur accent aussi, il me fait un peu penser à l'accent antillais.



Aujourd'hui j'ai comme intention de gravir le Te Uru Faatiu qui culmine à 385 mètres. Il faut compter trois bonnes heures aller retour pour y parvenir, d'après les guides, et le chemin est dur, il y a des portions d'escalade. Gilbert m'a indiqué ce matin le chemin à suivre, je dois prendre à gauche un escalier à même la falaise qui se prend juste après un snack dont j'ai oublié le nom. De toute façon ce n'est pas bien grave, ici rien n'a de nom ! Pour la permanence médicale par exemple on sait qu'on est arrivé à bon port grâce à la poubelle devant où est écrit au marqueur noir « Centre médical » !
En sortant de la poste, je me suis fait héler : Kerstin était là, sur son vélo ! Elle me demanda où j'allais et il se trouvait qu'elle est venue aussi pour tenter l'ascension. On a donc passé la journée ensemble, c'était agréable. D'abord il a fallu trouver le chemin d'accès et on a dû demander à deux personnes différentes. Ils n'ont pas la notion des distances, le premier avait dit « à 5 mètres », alors que c'était plutôt 1 km. Comme on était perdu, on est passé devant le site des pétroglyphes. Restait à trouver les dites pierres. Pas facile, tout est à l'abandon ! C'est Kerstin qui les a trouvées, disposées dans le lit d'une rivière asséchée. Ces gravures sont millénaires et représentent toutes des tortues et une espèce d'animal avec des antennes. Vu qu'il était déjà 10 heures passées, il ne fallait pas traîner si on voulait se réserver du bon temps dans le lagon pour l'après midi après la randonnée.
En bas le belvédère d'hier qui a l'air ridicule!
Le chemin grimpait sec, direct à flanc de montagne, avec un soleil écrasant dans le dos. J'avais mon pique nique et mon masque et tuba pour plonger plus tard. Je les ai laissés sur le bord du chemin pour me délester un peu. Déjà que j'avais l'ordinateur à me coltiner ! Kerstin souffrait avec ses tongs ! Elle m'invitait à ne pas l'attendre, s'asseyant tous les 20 mètres pour reprendre son souffle. C'est sûr qu'à ce rythme on n'allait jamais y être au sommet ! Je l'attendais quand même car je ne pouvais la laisser là toute seule, il fallait bien que je lui serve de guide. Un moment on est arrivé en haut d'un rocher qui offrait une première vue, à environ un quart de la hauteur totale. Cela semblait lui convenir. Elle me dit alors, en anglais évidemment, dont je vous offre la traduction gracieusement : « Je vais rester là, continue, je ne pense pas pouvoir aller plus loin, c'est trop dur, soit tu me croiseras en descendant soit je t'attendrai en bas ». Je l'ai donc laissée là et me suis mis à gravir le flanc, essayant de rattraper le retard. Le sol se dérobait sous mes pas, le soleil me cuisait derrière et la chaleur rendait tout geste éprouvant. Mon T-shirt était à tordre, je puais comme jamais ! Je voyais le niveau de ma bouteille d'eau descendre en flèche et mon cœur cognait comme s'il allait lâcher. Puisant en moi mes dernières réserves, je suis arrivé à une portion où il fallait en arriver aux mains. Plusieurs passages à escalader à l'aide d'une corde, le vide en dessous mais un panorama à couper le souffle qu'il valait mieux ne pas trop regarder en raison du vertige. Là j'ai pensé que c'était bien que Kerstin soit restée plus bas, qu'elle n'y serait jamais arrivé. Déjà que pour moi c'était limite. 
Enfin le sommet! Merci Kerstin pour la photo!
Après l'escalade il y eut un autre passage, encore pire car il n'avait pas de corde, il fallait marcher à quatre pattes ! Finalement je suis arrivé au sommet et tous les efforts entrepris ont été récompensés au centuple. Quelle vue ! J'avais l'impression d'être un oiseau contemplant le lagon, je me sentais voler. Je pouvais voir presque toute l'île cernée par toute une palette de bleus possibles et imaginables ! Maupiti est une merveille et d'en haut c'est un bijou ! Je suis resté un bon moment comme ça, entré en communion avec la nature tout autour. J'aurais pu rester là à jamais !
J'ai essayé de poursuivre un peu au delà car il y avait un autre petit sommet un peu plus loin, qui aurait pu me permettre de voir les quelques degrés du panorama qu'il masquait. Mais en fait le sommet n'est pas dégagé, il y a des arbres tout autour, j'ai dû me mettre sur la pointe des pieds et tendre mon appareil bien haut à bout de bras pour faire une photo !
Zoom sur le lagon
En descendant j'ai croisé, surpris, Kerstin, au niveau du passage avec la corde. Elle était là, perplexe. J'ai essayé de la persuader de continuer : « Tu es bientôt arrivée, il ne reste que 10 minutes, la vue est extraordinaire de là haut, tu ne le regretteras pas, tu n'as pas fait tout ça pour t'arrêter si près du but, suis moi, je vais te montrer où poser tes pieds et si tu ne le sens pas, je peux te donner la main ». Elle, au bord des larmes : « Je ne pourrai jamais, je ne vais jamais réussir à descendre, il va falloir venir me chercher en hélicoptère ! ». « Mais non, lui rétorquais-je, tu verras, la descente est plus facile car tu peux t'aider de tes mains et des fesses pour contrer le poids de la pesanteur, ce qu'on ne peut pas faire en montant ». Elle a fini par monter, je lui ai servi de guide en lui indiquant les passages moins difficiles, les pierres où poser les mains et les pieds. 
Le motu de l'aéroport
Elle était au bord de l'apoplexie « Ça ne va pas, j'ai la tête qui me tourne, je vois trouble. Tu mens, il y en a plus que pour 10 minutes ». C'est sûr c'était 10 minutes pour moi mais vu qu'elle s'arrêtait 5 minutes tous les 20 mètres... « Je vais rester là, qu'est ce qu'il y a de plus en haut ? ». Je lui ai dit qu'il ne restait alors plus que 100 mètres (ce qui était vrai), que c'était trop bête, qu'il fallait absolument qu'elle voit ça, que j'étais là, que ça irait, que je l'aiderais à redescendre. A ce stade, tout se joue à la volonté. Et ça a marché. Elle n'a pas regretté d'être en haut et était très fière d'elle d'y être arrivée. Elle m'a aussi remercié car elle n'aurait jamais pu faire ça toute seule.
La descente, comme promis, a été bien plus facile, elle a vite compris la technique même si elle a glissé et a fini le cul par terre à deux reprises ! En même pas une heure on était en bas alors qu'il lui avait fallu 2 heures 30 pour monter. Quand on a récupéré les vélos je l'ai félicitée pour le courage qu'elle avait eu et les limites qu'elle avait réussi à dépasser. Elle en était très contente aussi : « Ça va rester une journée inoubliable ! »
On est passé à l'épicerie acheter beaucoup d'eau, j'ai pris une bière que j'ai bue cul sec et nous avons pris le chemin pour la plage de Tereia que je lui avais promise superbe pendant la randonnée pour l'encourager par le réconfort qu'elle allait y trouver par la suite. On avançait à vitesse d'escargot, sans aucune force. « C'est encore loin ? - Hier j'ai mis 10 minutes mais tu as vu à la vitesse à laquelle on va ?  - C'est vrai ! » me dit elle en rigolant.
Arrivés à la plage, tandis que je commandais un sandwich omelette au snack, Kerstin a jeté son vélo par terre, ses vêtements avec et a couru dans le lagon où j'ai entendu un grand « splash ! ». Je n'ai pas tardé à lui emboîter le pas. On se sentait revivre ! 
Plage de Tereia, l'arc en ciel en plus!
Plus tard je l'ai amenée à la pointe de la plage car je voulais lui montrer un endroit extraordinaire, qui me rappelle mon petit banc de sable à Aitutaki : « Tu vas voir, il y a un endroit, un banc de sable qui tombe à 45 degrés vers une passe, de sorte que tu peux te baigner sans avoir pied et tu peux te reposer sur le banc de sable, allongé dans l'eau comme dans une baignoire». Une fois qu'on était à cet endroit qu'elle a trouvé elle aussi magique, elle ne voulait plus bouger et s'en voulait d'avoir donné rendez vous à sa pension pour qu'ils la prennent ce soir à 16h30 au village (elle est aussi sur un motu). Il était déjà l'heure pour elle de partir. « Ils m'attendront un peu, encore 5 minutes ! ». Une fois qu'elle est partie, je suis resté encore une bonne heure ainsi, le menton reposant sur mes bras posés sur le banc de sable, à regarder les rochers en haut de l'île, là où l'ont avait grimpé. Je battais juste des pieds de temps en temps !
En principe on se revoit demain à 16 heures car il y a un spectacle de danse. Je ne sais pas si je vais y aller, j'aimerais bien mais avec ce lagon à traverser... A moins que je le fasse cette fois à pied !

4 commentaires:

  1. MDR la scène avec les moustiques aux toilettes!!! :-))))
    Karine & Co

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  2. Marre toi, marre toi! N'empeche si tu veux être constipée on fait pas pas mieux! Vu que t'as pas le temps de rester longtemps...

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  3. Les moustiques. C'est le détail qui tue.
    Comment font les gens qui vivent là-bas toute l'année ? Es-ce que, eux aussi, ils se font piquer par les moustiques ? Y-a-t-il des gens que les moustiques ne piquent jamais ?

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  4. Ben non, ils se font piquer aussi mais ils s'en foutent. Gilbert était toujours en short et c'est tout alors je lui ai posé la question, il m'a répondu "mais je me fais piqué, faut pas croire!"

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