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vendredi 30 mars 2012

De la rivière Kinabatangan à Labuk Bay


La planète des singes!
Comme hier, la sortie du matin a démarré dès 6h30 pour un tour sur la rivière avec le groupe arrivé la veille. Curieusement cette fois ils nous avaient tous entassés dans la même barque, peu stable pour le coup et avec une prédilection à pencher dangereusement sur les côtés à chaque virage. Alertés par des hornbill que les autres n'avaient pas encore vus, on s’est approché un peu plus du rivage, et là, surprise, qu'est ce qu'on voit en haut d'un arbre ? Un gros orang-outan le cul posé sur son nid construit entre deux branches. J'espère que c'est un as de la construction car avec son poids il aurait tôt fait de passer à travers comme dans une chaise percée. L'orang-outan est un singe qui ne dort pas assis sur une branche comme les macaques, il lui faut un lit. C'est sensible à son confort. En fait c'est parce qu'ils n'ont pas de queue. Rien ne peut donc les rattraper s'ils venaient à faire une mauvaise chute pendant leur sommeil. Le gros père de ce matin n’est pas bien réveillé, il est là à contempler l'horizon comme s'il se demandait si ça valait le coup de descendre du lit. Ne t'inquiète pas, personne ne t'attend, tu n'as pas un boulot où pointer et de comptes à rendre, tu fais comme tu le sens et tu as bien raison ! Keep cool ! Certains ont demandé si les orangs-outans savaient nager. Comme pour l'histoire du nid, c'est la faute à la queue dont il sont privés. 
Orang-outan dans son lit
Apparemment seuls les singes qui ont une queue savent nager, cela leur permet de faire gouvernail. Sinon j'ai bien la confirmation, le terme orang-outan est bien malaisien et signifie mot pour mot « man of the forest ». D'où le panneau « 6 orang » à Poring Hot Springs. On en apprend chaque jour, c'est ça qui est bien au contact des animaux. Je vais revenir plus riche qu'en partant, enfin, côté connaissances. Car pour le reste, j'ai déjà dépassé mon budget... C'est pas bien grave, je suis toujours vivant !
Un peu plus loin, alors qu'on continuait à descendre la rivière on a aperçu un gibbon. Une nouvelle espèce de singe à ajouter à mon tableau de chasse. Ça fait la quatrième : orang-outan, macaque, proboscis et gibbon. Bornéo compte 10 espèces, je compte bien en voir le maximum et pourquoi pas, toutes. Par contre vous ne verrez pas à quoi ça ressemble et moi non plus. La faute à des branches trop garnies et mal placées qui lui cachaient le visage. 
Tout ce que je peux dire c'est que ça de grandes pattes potelées, un pelage qui a l'air assez ras et de couleur gris souris. Ça fait maigre comme portrait robot ! En tout cas ça suffisait à nous émouvoir et à tirer des « oh » et des « waw » des anglaises dont on a écopé lors de la dernière cargaison.
A la fin de la croisière, il était temps de faire les bagages et de prendre un petit déjeuner avant de quitter l'aventure. J'ai laissé le camp, les animaux et le personnel à ses occupations. Eux restent là et ça doit leur être un peu difficile de voir des gens passer tous les jours. Ils n'ont pas vraiment l'occasion de tisser des liens. C'est pour ça qu'il ont un peu tendance à rester entre eux et à rigoler ensemble, à part Rémy qui vient nous tenir compagnie parfois. Mais on sent que c'est lui le chef, il est un peu fier. Une fois arrivé au QG de l'oncle Tan, je me suis assis pour prendre le déjeuner à une autre table que l'américain car j'avais des mails à lire et à envoyer, ne sachant pas si je pourrais disposer d'une connexion internet dans les jours qui suivent.
Il l'a peut être mal pris car il est parti sans me dire au revoir, après avoir avalé son repas en 5 minutes, pressé de rejoindre à pied avec son sac à dos la jonction du bus pour Kota Kinabalu. Il a dû croire que je lui faisais la gueule alors que pas du tout, la seule chose que je lui reprochais c'était son accent qui me laissait muet. C'est pas ça qui va arranger l'estime des français mais je m'en moque. Pour moi l'aventure continue. Je ne vais pas bien loin, à une vingtaine de kilomètres, et je ne me fais pas chier, un taxi vient me prendre.
Quand je suis arrivé au portail d'accueil de Labuk Bay, le taxi n'a eu qu'à annoncer que je dormais ce soir au Nipah Lodge. Ils ont demandé si je voulais assister au prochain feeding, à 14h30, dans quelques minutes. Ce n'était pas prévu au programme mais vu que la vie sauvage m'appelle, je ne peux que répondre à l'invitation ! 
De plus cela me permettra de passer le temps. Par contre cela me fera assister à 10 feedings, ça fait un peu beaucoup et ça risque de devenir répétitif. A Labuk Bay, il y a 4 feedings par jour car l'endroit dispose de deux plateformes espacées de quelques kilomètres. Au début j’avais un peu peur de ce que j'allais voir, car avant d'y parvenir il faut traverser des champs de palmier à huile. C'est moins moche que je l'aurais crû, les troncs étant envahis de fougères et de lianes, preuve qu'on est bien dans une jungle, ou du moins qu'on y était. Mais pour moi le palmier à huile reste le symbole d'un scandale, la destruction d'un habitat merveilleux. Pensez y la prochaine fois que vous consommerez ces cochonneries industrielles avec marqué au dos « huile végétale ». Sachez que la mention veut dire « huile de palme ». Il est quasi impossible d'y échapper (même dans les rayons bio), c'est comme la publicité. La seule option est de tout cuisiner soi même. C'est un peu en train de changer, les gens étant un peu plus sensibilisés en raison des reportages qui ont été diffusés à la télé ces dernières années. Certaines marques sentant le vent tourner en font un argument marketing en affichant sur les paquets « sans huile de palme », oubliant que c'est par leur faute si on en est arrivé là. Car il y a quelques dizaines d'années, je me souviens que tout était encore à l'huile de tournesol ou de colza. Ce n'est pas pour quelques centimes de plus... 
Que feront ils le jour où leurs palmiers à huile ne vaudra plus un clou ? C'est une autre histoire. Pas sûr qu'ils déracinent tout pour replanter des arbres de la jungle s'il n'y a pas d’intérêt financier derrière. Ce sera sans doute l’œuvre d'associations. Le jour où ça arrive, je m'engagerai comme volontaire pour replanter les arbres à Bornéo. Je le promets. Mais pour l'heure, la déforestation continue et le territoire des singes diminue comme peau de chagrin un peu plus chaque année...
J'ai été accueilli devant le premier site par Jonathan, un jeune ranger sympathique. Pour rejoindre la plateforme A, il faut prendre un petit ponton de bois qui passe au dessus de marécages. De la mangrove en réalité car la réserve est toute près de la mer. Les singes sont venus trouver refuge ici, dernier bastion resté sauvage car impropre à la culture des palmiers en raison des inondations. 
Je pensais trouver un truc du style un peu zoo mais pas du tout. Il y a un genre de chapiteau en dur dressé au milieu de grands arbres pour permettre l'observation des animaux. La nourriture est disposée quant à elle sur des estrades à part, plus proches de la forêt. Tout est ouvert, les singes sont libres de venir ou de rester à l'écart. Ils ne sont pas contraints. Ça n'a donc rien d'un zoo. Le feeding est juste un moyen de les voir de plus près.
Et pour ce qui est de les voir de plus près je suis servi ! Les mâles sont les plus gros et ont le plus gros nez. Ce sont de gros bestiaux qui peuvent peser 25 kilos. Ils sont très musclés et ont une fourrure plus épaisse que les femelles, plus colorée aussi, leur donnant l'impression d'avoir un gilet sans manche sur le dos et une écharpe en fourrure d'hermine autour du coup. Ça leur donne un air royal ! 
Le pacha
Les mâles sont répartis en deux groupes, il y a le mâle alpha, dominant, qui se tape toutes les femelles. Il vit avec un harem de 20 femelles qu'il passe son temps à satisfaire, principalement après les feedings. Le ventre bien rempli ça le rend d'humeur coquine. Les autres mâles en sont réduits à l'abstinence, passant leur temps à se masturber à la vue de tous. Il n'y a pas de quoi s'en offusquer, c'est la nature ! Sinon, un singe proboscis ça vit 25 ans. Ça lui fait une longue petite vie !
Il y avait un couple d'américains arnaché avec du matériel de pro, des téléobjectifs énormes de la taille d'un bazooka qu'ils étaient obligés de dissimuler par du tissu camouflage tout autour afin de ne pas effrayer les bestioles. Ils n’arrêtaient de mitrailler avec leur déclics agaçant et bruyants. On comprenait du temps des appareils photos traditionnels, avec l'ère du numérique, le bruit de l'obturateur peut être débrayé. 
Ils l'ont gardé pour les puristes, pour faire ambiance. Mais ça fait un vacarme qui ne fait pas très nature. J'avais bien envie de leur demander de le mettre en sourdine. C’est ce que j'ai fait avec mon compact dès la première utilisation. Il faisait très chaud et en plein soleil la femme du couple n'en pouvait plus de tenir ce caillou à bout de bras, s'essuyant le front en soufflant, cramoisie, attendant le bon angle, la pose pose, la bonne mimique. Car il y en a tellement qu'on ne sait plus où donner de la tête. Et ils remuent tout le temps, de sorte qu'on est obligé de mitrailler. C'est comme un jeu vidéo qui consisterait à en viser le plus grand nombre. Il y en a dans les arbres, d'autres qui se balancent, certains qui s'épouillent ou allaitent. C'est une vrai société et on assiste à leur vie sans restriction.
A un moment, alors qu'un de ces singes s'était laissé approcher, l'américain s’est proposé de me prendre en photo avec mon appareil. 
Je lui ai indiqué les réglages et la position du zoom pour qu'il joue avec à sa guise. Il me l'a rendu dégoûté, étonné qu'un si petit appareil soit si performant, regrettant à moitié son attirail de guerre encombrant, lourd et coûteux. Eh oui, il y a des situations, quand les créatures ne sont pas trop loin, où mon compact fait des merveilles. C'est pour ça que je l'ai choisi. Avec son zoom 16 fois, il n'a rien à envier aux téléobjectifs de reflex grand public qui ont une amplitude moins grande à un tarif qui vaut deux fois le prix de mon appareil. Pour un tour du monde et un usage polyvalent c'est l'idéal même s'il a des limites exposées déjà dans d'autres messages.
Le feeding à la plateforme B débute à 16h30. L'observation se fait depuis la terrasse située à l'étage d'une bâtisse qui dispose d'une salle de projection d'un petit film sur les proboscis que j'ai remis à demain et d'une boutique qui vend souvenirs et boissons fraîches. Le site est moins bien que l'autre car moins dans la forêt. Il est plutôt dans une clairière. Par contre il a le mérite d'attirer une autre espèce de single, Silver Leaf quelque chose, que j'ai surnommée les petits gris pour faire court. Ils sont rigolos, on dirait des peluches à la fourrure vif argent. Ils ont une houppette sur le crâne plus claire qui leur donne un air de Gremlins. A mon avis les créateurs du film ont dû s'en inspirer. 
Par contre je n'en ai vu qu'un seul, moins timide que les proboscis se baladant dans la bâtisse, sur les balustrades et le toit. J'ai pu l'approcher de près. Il m'a plus diverti que les autres singes, un comble pour un site d'observation des proboscis.
Le resort que j'ai trouvé est un délice, mais ça, je le savais déjà. J'avais lu un article d'un français qui s'y était rendu avant moi et qui disait que c'était son meilleur souvenir à Bornéo. Il avait mis des photos à disposition pour illustrer et tout le monde lui laissait des messages pour en savoir plus, déclenchant des envies compulsives de se rendre à Bornéo. Il faut dire que les photos parlaient d'elles mêmes et en plus il précisait que dans le resort il avait été tout seul dans un grand dortoir, les gens venant là dans le cadre d'excursions à la journée uniquement. Le resort, Nipah Lodge, est situé dans la plantation de palmiers à huile, au bord d'une mangrove, à trois kilomètres des sites d'observation des proboscis. 
Avec ça, mon blog va être interdit aux moins de 18 ans!
Il n'y a personne autour. J’avais vu une brochure fort appétissante sur la plateforme B avec des photos des chalets. Ce sont des bungalows nichés dans la mangrove, tout en teck, avec la jungle tout autour. J'avais bien envie de troquer la réservation de mon dortoir, sûrement coincé contre la cuisine du restaurant, contre quelque chose de plus reposant qui aille mieux avec le décor. Aussi, quand je suis arrivé à la réception, j'ai tout de suite mentionné que j'allais peut être prendre un chalet, leur demandant qu'ils m'en fassent visiter un. Il faut marcher un peu, passant par un pont au dessus d'un chenal de la mangrove où un bateau est amarré puis prendre des pontons de bois courant parmi les palétuviers. Le chalet est sur pilotis avec l'eau en dessous et les palétuviers qui viennent lécher le toit et la terrasse. A l'intérieur il y a un grand lit aux draps blancs épais et accueillants dans lesquels je me suis tout de suite vu. J'ai eu un coup de cœur pour cette petite hutte grand confort dans la jungle. C'est ce qui me fallait.
Par acquis de conscience j'ai demandé à visiter le dortoir, laissant mes bagages sur la terrasse, sûr que j'allais choisir le chalet. Seulement, le dortoir est dans le même coin, aussi isolé, sur un ponton parallèle à celui qui mène aux chalets, juste derrière celui que j'ai visité. Et comme ce que le type disait sur internet, il n'y a personne. Il y a 10 dortoirs de 10 lits chacun et tous vides. Le tout pour 7 euros, 6 fois moins cher que le chalet. Ça fait réfléchir. Tellement que j'ai choisi le dortoir. Les chalets n'allaient rien m'apporter de plus sinon plus de confort et une climatisation dont je me fiche pas mal. Par contre ça la foutait un peu mal avec le personnel du resort qui devait déjà voir les dollars devant leurs yeux quand je leur avais mentionné le chalet. Avec le peu de clients qu'ils ont, ils ont sûrement besoin de plus de sous que ce que je vais leur laisser. Ils ne vont pas aller bien loin avec 7 euros ! Pendant le repas j'ai pris une brochure sur le Nipah Lodge. Voilà ce qu'ils en disent : «Surrounded by nature with mangrove paths, Nipah Resort is a retreat place to get away from busy lodges, resorts and city ». Tout est vrai, y compris le résumé, très bien trouvé : « Best kept secret in Borneo ». Qu'il le reste encore longtemps ! Je me réjouis d'avoir eu la chance d’être tombé sur le bon blog quand j'ai commencé à élaborer mon tour du monde. C'est grâce à lui que je suis à Bornéo. Et je ne regrette pas. C'est une petite merveille de tranquillité et je suis comme un pacha là dedans !

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