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jeudi 22 mars 2012

Privé d'ascension du Mont Kinabalu


J'ai pris mon temps ce matin, pas pressé de mettre un œil dehors puisque je ne fais comme les autres. J'ai été réveillé à 6 heures pétantes par le portable de mon colocataire. Ce n'était pas bien grave, je n'avais déjà plus sommeil, habitué à me lever à 5 heures du matin. Je suis étonné car Bornéo est à la même heure que les Philippines et Singapour. Pourtant il y a de la distance entre tous ces endroits. Bizarre... A 6 heures il faisait encore nuit. Ça ne m'a pas empêché de commencer l'écriture du blog dans la salle commune où trône une cheminée. On se croirait dans un chalet de montagne. Oh, j'avais oublié, je suis à la montagne ! C'est juste que je n'ai pas l'habitude de voir des fougères géantes et des orchidées quand je dors en montagne. Mais on s'y fait très vite ! Pris par la rédaction, je n'ai pas vu le temps passer et mon locataire partir. J'avais fini à plus de huit heures et quand j'ai mis un pied dehors j'ai été surpris de voir sous mon nez le Mont Kinabalu.
Il faisait soleil et les nuages s'étaient dissipés, permettant de voir le sommet qui ne semblait pas si loin que cela. Deux journées pour arriver au sommet, vu d’en bas cela semble beaucoup. Ça a l'air si simple. Le sommet est sans végétation et composé de dalles de pierres. Ce n'est pas un pic mais un sommet un peu rond. Il paraît que l'ascension n'a pas de difficulté particulière si ce n'est que l'ascension est longue, qu'il fait froid en haut et qu'il y a peu d'oxygène.
Je suis allé prendre mon petit déjeuner. Il y avait des retardataires en tenue comme s'ils s'apprêtaient à partir à l'ascension de l'Everest, avec des piolets, des chaussettes épaisses, des coupes vent, des bonnets et des gants. D'ordinaire les groupes partent tous dès 7 heures du matin pour arriver au camp sur les coups de 16 heures, afin d'avoir le temps de s'installer au refuge et d’être briefé pour la deuxième partie de l'ascension, plus rude en raison du manque d'air. 
Les serveurs m'ont tous demandé si je montais ce matin. Devant la négative ils avaient l'air surpris. Je me suis installé sur la terrasse, contemplant le mont. Et plus je le regardais et plus j'avais l'impression qu'il m'appelait. Tout de même, venir jusqu'ici pour faire le petit joueur et s’arrêter en bas, ça ne me ressemble pas. Ce doit être une expérience fabuleuse que de monter là haut, en ayant la satisfaction de s’être dépassé et vraisemblablement récompensé en conséquence avec la vue. On doit en garder le souvenir à vie. Les gens accourent à Bornéo, certains pour ne voir que ça, c'est que ça doit valoir vraiment le coup. Plus je songeais à cela et plus mes réticences s'envolaient. Pour quel motif je ne pourrais pas grimper ? Qu'est ce qui m'en empêchait ? J'ai le temps devant moi, pour le froid, il y a moyen de s'arranger en mettant plusieurs couches, en Nouvelle-Zélande j'ai bien réussi à marcher sur un glacier ! 
Ça y est mon compte était bon, j'étais mûr pour me lancer. Je suis allé m'enquérir auprès d'un serveur s'il n'était pas trop tard pour entreprendre l'ascension. Il a regardé sa montre et m'a dit que ça allait encore. J'ai donc fini en avalant ce qui restait du petit déjeuner. Car il me restait encore à me rendre au centre des visiteurs pour payer les redevances et autres permis et à savoir comment réserver un hébergement en route pour ce soir.
Au centre des visiteurs je suis tombé sur une demeurée qui ne comprenait pas ce que je voulais. Avec son tchador sur la tête, et sans faire de racisme particulier, ça ne lui donnait pas un air très fin. Elle disait oui à tout, même quand j'ai reformulé ce qu'elle me disait pas la négative pour voir si elle suivait ! Un collègue est venu à son secours et m'a tout de suite dit que tout était complet depuis 3 mois et m'a demandé de revenir dans 3 mois ! 
Ça me semblait quand même gros qu'il ne reste même pas un misérable lit quelque part, sachant qu'il y a une demie douzaine de refuges en chemin. D'autant plus qu'il a sorti ça sans consulter de registre. Ça pouvait être tout aussi bien parce qu'il n'avait pas envie de se bouger le cul aujourd'hui pour un individu unique dans mon genre. Je suis donc allé frapper à une autre porte. Direction le bureau de Sutera Lodge qui possède tous les resorts du bas du parc, auprès de qui j'avais réservé hier. Avec un peu de chance ils en ont peut être aussi là haut et maintenant que je suis connu et que j'ai passé une nuit avec eux, ils seront peut être plus enclin à me trouver une place. Hélas, là non plus, pas de succès. Par contre je les crois un peu plus car au début ils m'avaient dit que c'était possible de dormir à l'un de leur deux refuges mais après un coup d’œil sur leur ordinateur ils ont vu que c'était complet.
Afin d'en avoir le cœur net, je suis allé sur internet, cherchant à passer une réservation. Ils ne m'avaient pas menti, tout est complet. J'ai alors cherché un site internet global au mont Kinabalu qui permettrait de réserver dans n'importe quel refuge mais ça n'existe pas. Je suis tombé sur un site internet où un type racontait comment les choses marchaient ici. Les tours opérateurs, à la minute où les établissements mettent leur chambres en vente, achètent tous les lits afin de les revendre plus tard dans leurs packages. 
Le marché est donc bloqué pour le voyageur indépendant qui ne peut visiter le parc comme bon lui semble et y rester le temps qu'il veut, tous les packages étant sous la forme de deux jours une nuit, revendus bien plus chers. L'auteur du blog était outré. Le gouvernement est au courant de cet état de fait mais ne fait rien, les différents acteurs ayant des connections privilégiées avec le pouvoir. Bref l'article se terminait en révélant que le Mont Kinabalu est la plus grande entreprise lucrative mondiale pour un site d'escalade d'une curiosité naturelle qui devrait être accessible à tous. Un vrai scandale.
Dans mes recherches je suis tombé sur un autre opérateur qui possède deux chalets là haut et dont le bureau se trouve juste à l'entrée du parc, un peu caché. Il offrent un itinéraire différent, permettant d'utiliser leur via ferrata arrivé au sommet, la plus haute au monde. Seulement là encore, c'était complet pour ce soir. J'ai demandé pour demain, idem. 
Il ne me restait plus qu'à me rendre à l'évidence : le mont Kinabalu m'était interdit ! J’étais déçu mais pas tant que ça, après tout c'était aussi un peu ma faute car je n'avais pas prévu de grimper auparavant. Ça m'apprendra ! Et puis après tout, le mont qui tout à l'heure était bien dégagé était à présent à nouveau dans les nuages et la météo annonce pour les jours suivants le même temps : pluies l'après midi. Une ascension donc marquée sous le signe de l'humidité. Et dans le froid !
Il y a vraiment un micro climat surprenant autour de ce mont. Je suis retourné 5 kilomètres là haut, au terminus des voitures, pour tenter d'apercevoir la cascade. J'ai trouvé un point de vue formidable où l'on voyait qu'il faisait beau partout sauf au pied du mont. J’étais à la limite de l'anneau de nuages pluvieux qui tourne en orbite. A la faveur des températures cet anneau va et vient. Il fout le camp la nuit Dieu sait où et revient progressivement en milieu de matinée, pour gagner du terrain en milieu d'après midi et finir par déverser ses pluies torrentielles. 
Il ne faut donc jamais espérer avoir beau temps dans le parc. En restant en bas comme moi, on a toutefois plus de chances de bénéficier d'éclaircies entre deux nuages. Mais si l'on veut espérer voir le sommet, il faut venir le matin avant 9 heures, après la cime disparaît derrière les nuages. Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt.
Pour la cascade censée être à 500 mètres, elle est en fait bien plus loin et je ne suis pas sûr qu'un chemin permette d'y accéder. J'ai essayé d'aller à sa rencontre mais au bout de 100 mètres j'ai été stoppé net dans ma progression par une grille. C’est là où les choses sérieuses commencent. Il y a un guichet devant lequel on doit montrer patte blanche et présenter ses tickets et autres certificats obtenus au bureau du parc pour ceux qui font l'ascension. Pour les autres, il n'est pas possible de grimper ne serait ce que quelques minutes pour se balader sur le chemin dans la forêt. C'est bien dommage qu'ils interdisent l'accès de la sorte. Ils devraient mettre cette barrière plus haut. Du coup je suis redescendu, je n'avais rien d'autre à faire. 

Silau Silau trail

A peu près à la moitié du chemin depuis l'entrée du parc, il y a un sentier qui part en longeant une rivière, le Silau Silau trail. Comme le début du sentier semblait prometteur avec sa végétation dense aux couleurs vert tendre en raison des rayons du soleil qui filtraient à travers, j'ai garé ma voiture là pour m'aventurer sur le chemin. En guise de rivière c’est plus un ruisseau qui coule le long d'un sentier qui jamais ne s'en approche, ce qui rend tout accès et photos impossibles. En revanche j'ai eu raison de me balader ici. Le coin est splendide, plein de lianes, de mousses ourlées de gouttes d'eau de la dernière pluie et de plantes géantes qui me dépassent. On entend de temps en temps un étrange son, fort, comme si quelqu'un était en train de faire la vaisselle en lavant des casseroles au fond d'un évier en inox. Au début j'ai crû que c'était un drôle d'oiseau mais plus tard, en écoutant mieux je me suis rangé à l'idée que ça devait être des croassements de grenouilles.
Quand je me balade ainsi, je ne vois pas le temps passer, cherchant un angle parfait, la bonne altitude, la juste exposition. C'est très dur de prendre une forêt en photo. Même avec un reflex. Du temps où j'en avais un en état de marche, j'étais déçu du résultat, jamais comme ce que je voyais à travers le viseur ou sur l'écran. Depuis j'ai compris qu'il fallait sous exposer systématiquement l'appareil, l'exposition automatique se faisant toujours sur les scènes sombres, ce qui rend les zones éclairées par le soleil brûlées sur la photo. L’inconvénient en descendant l'exposition, c'est qu'on y perd en saturation des couleurs. Après retouche sur Photoshop on aboutit à un résultat correct au niveau exposition mais terne et grisâtre en terme de couleurs. La parade que j'ai trouvée est d'utiliser le mode contre jour qui sur expose les zones sombres de la prise de vue en gardant de belles couleurs. 
Mais il faut bien faire attention sur quoi on vise, le résultat étant souvent catastrophique et absolument pas naturel. Il faut faire la mise au point sur la zone la plus claire de la scène. Même malgré ces précautions, le mode contre jour peut ne pas donner un résultat satisfaisant. Il ne reste donc plus qu'à se résigner à garder un souvenir dans sa tête. De toute façon se sont les meilleurs, la photo n'étant là que pour aller chercher dans le bon tiroir du cerveau la scène d'origine avec ses impressions, son ambiance, ses sons et ses odeurs, choses qui ne pourront jamais être sur une photo. Bref, tout cela prend du temps, et si on rajoute le fait d'attendre le passage d'un nuage, la progression de la balade se fait à vitesse d'escargot. Mais qu’est ce que cela peut bien faire, le principal étant de s'amuser et de prendre du plaisir à se promener dans la jungle ! Au passage, je fais bien attention aux endroits où je pose le pied, le sol tant complètement détrempé et la végétation ruisselante d'eau. 
Car une spécificité de Bornéo est ses sangsues. Il paraît qu'elle sont partout et qu'il est impossible d'y échapper à moins de porter des guêtres en plastique couvrant les pieds et les jambes. C'est tellement humide qu'elles vivent à l'air libre, sur les feuilles, attendant que quelqu'un passe. Le Petit Futé dit que chacun y passera forcément lors de son séjour à Bornéo, précisant que la piqûre n’est ni douloureuse ni dangereuse. Mais je ne tiens pas du tout à avoir une excroissance pendue à ma peau ne sachant pas comment m'en débarrasser. Je suis donc toutes les 15 secondes à m'examiner. En plus je suis en culotte courte !
Je suis retourné à l'entrée du parc pour déjeuner sur les coups de 14 heures. J'en ai aussi profité pour réserver dans un autre établissement du resort, le Mesilau Nature Resort, qui se trouve à quelques dizaines de kilomètres d'ici et qui constitue une autre porte d'accès au parc. Endroit où peu de personnes se rendent pour faire l'ascension car rajoutant du temps de marche et que j'espère plus tranquille. Car ici c'est un peu comme un parking de station de ski. Il y a des allées et venues en permanence entre les bus, les taxis et les vans. Pour circuler il faut se frayer un chemin entre des véhicules garés en double ou triple file. Et puis le dortoir à Mesilau ne peut être que mieux, difficile de faire un truc plus près d'une route. Mais surtout j'aurai une autre vue sur le Mont Kinabalu, permettant de nouvelles balades comme si j'étais ailleurs.


Pour rejoindre Mesilau, il faut reprendre la route en direction de Sandakan, traverser un village qui ressemble à un marché ouvert en permanence, plein de stands de légumes et de barbecues qui tournent. J'y ai par miracle trouvé un distributeur. J'en ai profité pour vider le compte en banque, de peur que la carte se bloque dans le futur. Mon portefeuille ne ferme plus, il va falloir que je fasse le tri, entre les pesos, les dollars de Singapour et ma vue défaillante, je ne sais jamais quelle pièce c'est aussi chaque fois qu'on me rend la monnaie je la prends sans jamais la donner. Ça finit par peser lourd tout ça. L’hôtel est à 9,7 kilomètres du village et c’est tant mieux car les environs ne sont pour l'instant pas très folichons. Il faut prendre une petite route qui ne cesse de grimper, avec des dos d’âne tous les 300 mètres. N'espérerez pas dépasser les 30 à l'heure ! Au fur et à mesure que l'on se rapproche la végétation se fait de plus en plus épaisse et dans les derniers kilomètres on ne croise plus aucune maison. 
La vallée avant Mesilau. Ça promet!
On se demande où l'on va atterrir. On pénètre dans une vallée à la jungle mystérieuse. En plus on est à présent dans la zone de turbulence et la pluie commence à tomber par intermittence, rajoutant une couche de mystère. On est au bout du monde et l'endroit est nettement plus remarquable que par l'entrée principale. Vive l'entrée des artistes !
A la réception on n'y voyait plus rien. Pourtant il était à peine 16:30. L'endroit est tellement caché dans la jungle. Je me suis vu remettre un parapluie en guise de bienvenue ! Il n'a pas tarder à justifier sa présence... Il y a eu un orage, ô désespoir ! Un vrai déluge, rendant le chemin pentu pour accéder au bâtiment très glissant, transformé en cours d'eau pour l'occasion. Le dortoir n'a rien à voir avec le précédent. C'est le luxe à côté, pour moins cher en plus. Comme prévu je suis seul dans un dortoir de 4. Il y a bien d'autres pensionnaires mais ils ont eu l'intelligence de ne pas mélanger les gens, les répartissant chacun dans des dortoirs différents. 
Un dortoir rien que pour moi!
J'ai des serviettes, des gels douche, une bouilloire et des sachets de thé ou de café avec du sucre pour me faire une boisson chaude à toute heure. Dans le dortoir il y a même un salon avec des fauteuils confortables pour lire ou se reposer. C'est de là que je suis en train de taper ce message.
En allant au restaurant, j'ai marché dans une ambiance particulière qui donnait l'impression d’être tirée d'un film. Le jour était en train de se coucher, il pleuvait des cordes, les éclairs zébraient le ciel mais la lumière était orange, le soleil se couchant au delà de la zone de nuages. C'était magique et absolument surréaliste. Je ne m'étais jamais trouvé dans une telle ambiance, avec de la jungle très sombre. J'adore être ici, on se sent au bout du monde, face à une nature vierge, l'une des plus anciennes forêts au monde. C'est un trésor inestimable qu'il m'est donné de voir. Du coup je vais aussi rester la nuit prochaine. Pourquoi aller ailleurs ? J'ai trouvé un petit paradis. 
Lumière surnaturelle
En plus tout s'insère dans la jungle avec des sons hypnotiques. La cuisine est de surcroît excellente et le personnel au petits oignons. On se croirait dans un grand restaurant. C'est spacieux, confortable et bien décoré. J'ai demandé un verre de vin rouge pour accompagner un poulet mariné aux piments, oignons et gingembre. Le vin était succulent, tellement que j'ai demandé au serveur ce que c'était, étonné que quelque chose d'aussi bon soit un vin local. C'est un vin australien. Tu m'en diras tant ! Il est léger, pas âpre du tout et gouleyant à la fois. C'est un shiraz merlot cabernet de Eaglehawk. Je ne connais pas l'année en revanche. A acheter les yeux fermés si vous allez en Australie. Qui s'est encore déclaré comme étant le meilleur pays au monde pour le vin ? C'est peut être vrai mais c'est tellement noyé sous des montagnes de piquettes que c'est dur de trouver une bonne bouteille. Ce vin là n'a rien à envier aux vins français. J'en reprendrai demain !

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