Hier soir à Cairns, je
suis arrivé dans un aéroport mort. J'ai tout de suite filé au
terminal international, situé à 500 mètres que l'on rejoint par un
chemin couvert. Ils ont pensé à ça, en France on serait à ciel
dégagé, se prenant la pluie sur la tronche. Essayez donc de passer
d'Orly sud à Orly ouest, vous verrez. Par contre le terminal
international est un hall mort. Le prochain avion c'est le mien et il
n'y a qu'un agent de la sécurité. Les boutiques et la seule
cafétéria sont fermées. Le terminal est très petit, je ne
m'attendais pas à cela. L'ambiance est d'un glauque, un aéroport
tout vide c'est inhumain. Déjà qu'avec du monde ce n'est pas
folichon... Je suis donc retourné avec mes bagages au terminal
domestique, tenter ma chance. Mais je n'ai pas eu plus de succès. Il
y avait plus de monde, mais c’étaient les gens qui arrivaient. Le
hall des départs était fermé. J'ai demandé à un agent s'il y
avait un endroit où manger, il m'a dit « junk food » en
me désignant le distributeur à saloperie qui trônait en bonne
place un peu plus loin. Seulement il était en panne ! Je suis
sorti de cet aéroport où il n'y avait que la climatisation qui
fonctionnait et à fond, et je me suis installé dehors, contre un
mur, assis dans la crasse comme un clodo, près d'une prise de
courant. Par chance il me restait quelques denrées que je n'avais
pas jetées : un reste de crackers, des barres aux céréales et
un fond de pochon d'amandes décortiquées. J'en ai fait mon dîner.
Quand on meure de faim... Même mon repas de réveillon de nouvel an
était plus élaboré, c'est dire!
Grâce à une connexion
internet, j'ai pu m'occuper pour passer les heures qui me restaient
avant le vol pour Guam. Il y a des choses qu'il vaut mieux ne jamais
dire. Dans mon précédent message je disais que c'était mon dernier
vol de nuit. Eh bien pas du tout ! Ils ont annulé le vol
Bangkok/Paris de jour. J'ai donc contacté Star Alliance en Allemagne
qui a procédé aux changements tout de suite. Ils sont rapides là
bas à répondre aux mails, c'est bien, c'est l'efficacité
allemande ! Je partirai directement de Singapour, j'ai pu changé
l’itinéraire sans frais. Ça m'arrange mieux, c'est un vol
direct...mais de nuit. De toute façon, pas moyen d'y couper, tout ce
qui rentre d'Asie vole de nuit. Je ne sais pas à quoi ça tient.
Au moment de
l'enregistrement, le type du guichet n'a pas voulu me donner le
billet car l'immigration américaine lui demandait un lieu de
résidence. J'ai répondu « camping » mais ça n'allait
pas, il lui fallait un nom et une adresse. J'aurais pu dire n'importe
quoi mais ils seraient capables à Guam de vérifier et de
m'interdire l'entrée du territoire. J'ai donc dû
aller sur internet, un peu stressé, à la recherche d'une
réservation d’hôtel sur Guam. Ça m'a prit un peu de temps, il a
fallu que je lise les critiques sur Tripadvisor et j'ai arrêté mon
choix sur le Palmridge Inn, tout à côté de l'aéroport. Le type au
guichet était content et a pu me donner mon billet. En salle
d'embarquement j'ai flâné un peu dans les quelques boutiques, à la
recherche d'un oreiller gonflable que j'ai crevé la nuit dernière.
J'en suis ressorti avec un adorable koala en peluche qui tient un
brin d'eucalyptus entre ses bras. Il faisait si vrai, j'ai craqué,
c'était impossible d'y résister. J'ai regardé son cul, il est tout
« Made in Australia ». Désormais je fais attention de ne
pas prendre de « Made in China » chaque fois que c'est
possible. Il y a avait d'autres modèles faussement australiens dont
seul le design était authentique. C'est vraiment de la saloperie de
merde le made in China, ce n'est même plus du bon marché, c'est
jeter son argent pas la fenêtre. Il y a quelques jours j'avais
acheté une nouvelle paire de lunettes de soleil pour remplacer la
précédente dont la branche avait cassé au niveau de la monture et
après même pas deux jours d'utilisation la monture a cassé. Il a
fallu que je répare avec de la super glue qui a bavé sur les verres
mais au moins désormais ça tient bien.
L'avion était quasiment
vide, ils avaient disposé la majeure partie des gens sur une rangée
unique, pour répartir le poids dans l'appareil. C'était très bien,
cela m'a permis de m'allonger sur les trois sièges, les appuis coude
pouvant se rabattre (c'est loin d’être le cas dans tous les
avions). J'ai pu dormir une heure ou deux. Les hôtesses étaient
ravies également, elles n'ont eu à faire aucune service ! Au
décollage elles m'avaient remis trois formulaire où il faut
scribouiller toujours les mêmes conneries, passeport, date, numéro
de vol. Je ne sais même pas pourquoi il y en avait 3, j'ai rempli
tout ça énervé, à la limite du lisible. J'ai appris le numéro de
mon passeport par cœur et ses dates de validité, à force, on finit
par retenir ! Quand je me suis réveillé, on allait atterrir.
Les hôtesses ne contrôlaient même pas si on avait la ceinture
attachée. Elles devaient être aussi fatiguées que nous, espérons
que ce ne soit pas le cas des pilotes.
A l'aéroport, les
contrôles ont été assez rapides, prise des empreintes digitales
comme il se doit (on est aux USA) et photo mais pas de regard
soupçonneux comme si on était un terroriste en puissance. Pas non
plus de contrôle des bagages. En Australie ça m'arrivait tout le
temps, ils me montraient une fiche plastifiée disant que j'avais été
choisi au hasard pour un contrôle approfondi, bien qu'ayant passé
les rayons X. Lors de ce contrôle, il faut ouvrir ses bagages, ils
sont munis de gants et ont une espèce de sonde comme un mini
détecteur de métaux qu'ils passent partout, dans les affaires et
sur les mains pendant qu'on se fait palper par un autre. Recherche
d'explosifs soit disant... Je crois plutôt qu'avec mon air béat et
détendu par des mois de vagabondage il pensent que je me trimbale
avec des herbes illicites.
Premier constat :
les habitants sont typés philippins, basanés, un air un peu
asiatique mais sans les yeux bridés. Ils sont à mi chemin entre les
polynésiens et les latinos d'Amérique du sud. Ils ont aussi leur
propre langage, bien que Guam soit américaine. Les panneaux sont
écrits en trois langues : l'anglais, un créole local qui
dérive de l'espagnol et qui semble être de l'espagnol écrit
phonétiquement (Guam a appartenu un temps à l'Espagne) et le
japonais. Les autochtones sont aussi très accueillants, avenants et
souriants, mes premières impressions n'ont pas cessé de se
confirmer tout au long de la journée. Après avoir retiré la
voiture, j'ai filé à l’hôtel pour poser mes affaires. Je ne me
sentais pas fatigué malgré le peu de sommeil que j'avais eu. Le
jour était en train de se lever, j'étais prêt à partir en
exploration. A la réception ils m'ont donné la carte de la chambre
tout de suite, ce qui m'a surpris, c'est la première fois que je
vois un check-in possible à 6 heures du matin !
Dans la chambre, quand
j'ai vu le lit je n'ai pas pu résister à y faire un petit somme, me
forçant à dormir malgré le bruit. La porte fenêtre était
déformée et son châssis laissait passer le bruit comme dehors car
les bords ne se rejoignaient plus. Et entre les avions qui
n’arrêtaient pas d’atterrir et de décoller (le bout de la piste
est de l'autre côté de la rue!), les gens qui parlaient sur le
parking juste sous la fenêtre, c'était un champ de bataille.
J'avais déjà pris la décision de dormir les autres nuits dans la
salle de bain. Mais une fois réveillé 3 heures plus tard avec les
idées un peu plus claires, je suis retourné à la réception et ils
m'ont donné une autre chambre quand je leur ai expliqué le problème
de la fenêtre. Ils m'ont même surclassé et j'ai désormais un lit
où l'on pourrait dormir à 3 et je donne sur un jardin, à l'opposé
de la piste d’atterrissage. C'est parfait ! La réception m'a
même appelé dans la chambre pour savoir si j'y étais bien et m'a
souhaité un bon repos. Mais je suis ressorti aussi sec...pour mieux
me mouiller !
Juste au moment où
j'avais décidé de partir en vadrouille la pluie est arrivée. Il a
fallu déjà dans un premier temps que je retourne à l'aéroport car
ni le loueur de voiture ni l’hôtel n'avaient de carte de l’île.
Le centre d'information de l'aéroport était fermé, n'ouvrant que
l'après midi et dans des horaires bizarres, sans doute liés aux
arrivées d'avion. Tout autour il y avait plein de loueurs de
voitures internationaux. Après tergiversations, je me suis décidé
à aller les voir avec une tactique : je leur ai dit que j'étais
venu chercher un plan et que le centre des visiteurs étant fermé,
peut être qu'ils pourraient me dire où me procurer une carte.
Naturellement Hertz m'a donné la leur. C'est ce que j'espérais mais
ma manière de le demander était plus habile qu'une franche demande
qui aurait pu se heurter à un refus du fait que je ne sois pas
client.
J'ai ensuite pris la
route dans l'idée de visiter le sud de l’île, plus sauvage avec
forêts et cascades, la seule chose qui puisse être prise en photo
un jour de mauvais temps. Heureusement que je suis censé être en
saison sèche.... Seulement la pluie s'est intensifiée, un vrai
déluge qui transformait la route en un miroir. Dans ces conditions,
pourquoi faire toute cette route pour rester sans doute bloqué dans
la voiture là bas, incapable de sortir. Ça me rappelait le temps à
Tahiti mon jour d'excursion. Je me suis arrêté face à la mer,
devant un joli lagon qui ne demandait qu'à briller de mils feux. La
pluie a cessé, pour mieux revenir. C'était un défilé d'averses,
je me suis donc ressaisi et j'ai décidé de passer ma journée en
ville, à la découverte des vestiges espagnols et à faire du
shopping. Il me manque toujours un oreiller et un pantalon pour
protéger mes gambettes des assauts des moustiques.
En route, le soleil s'est
mis à briller par intermittence ; comme j'étais à Tumon Bay,
l’épicentre touristique de Guam, genre de mini Accapulco, je me
suis décidé à aller voir cette baie. C'est une belle grande baie
bordée de cocotiers, de sable blanc avec un lagon très propre en
dépit de ce que j'avais pu lire à son sujet (sans doute ont ils dû
faire des efforts depuis). Elle est aussi bordée de tours d’hôtels
qui dénaturent le site : un Marriott un peu décrépi sur 20
étages, un Hilton et tout le reste à la sauce avec des centres
commerciaux de luxe, du Prada, du Gucci et tant d'autres... Un
paradis pour japonais. On ne voit qu'eux. Aucun autre touriste. Il y
a même le drapeau japonais qui flotte dans les rues à côté du
drapeau américain. Sans doute se sentent ils redevables après ce
qu'ils ont fait au peuple japonais. Tout est écrit en double langue,
les enseignes aussi. Pas besoin d'aller au japon, j'y suis ! Il
faut dire que quand on regarde une carte, le Japon est tout prêt et
Guam doit être leur destination phare pour des envies de tropiques.
La plage est pleine de japonais en tenue de mariage. Les japonais ici
sont calmes et pas énervants. Ce n'est pas le public usuel des bus
pleins à craquer de ces abeilles en pleine effervescence. Ils ont
plus posés, c'est plus des couples et des familles.
En tout cas le lagon
n'attend pas et il a fallu que je pique une tête jusqu'à l'arrivée
de de la prochaine averse. C'est étonnant car il y a un endroit au
bord de l'eau, à côté d'un hôtel de luxe, où des gens ont planté
la tente, en pleine ville, avec un terrain à l'abandon derrière. La
police passait à moto sur la plage mais ne disait rien. Je ne sais
pas si c’est autorisé ou si le terrain appartient aux gens qui
sont venus camper mais en tout cas ils sont biens. A l’hôtel je ne
suis pas mal non plus, certes c'est plus cher mais je suis plus
tranquille et à l'abri des intempéries. Ça me fait une pause avant
l'épisode terrible qui m'attend à Palau. Plus ça se rapproche
moins je me sens le courage de le faire. Pour un peu je retournerais
en Australie. Car même s'il y a un lagon ici, le cœur n'y est pas.
Je songe à l'Australie. J’aurais pu y rester jusqu'à fin avril !
Je mets ça sur le compte de la fatigue, je suis sûr
que je vais me ressaisir et retrouver de l'enthousiasme dans les
prochains jours.
Les rues sont pleines
d'une voiture que je n'avais encore jamais vue : la Cube de
Nissan. Moi qui d'ordinaire me contrefous des voitures, les trouvant
toutes moches, celle là change de ces espèces de suppositoires où
il faut ramper pour entrer. Elle a un toit plus haut que les autres
voitures et j'aime bien son air asymétrique. Les vitres à l'arrière
rejoignent celles latérales, mais que d'un seul côté. Ça fait
voiture d'architecte. Les autres doivent penser que ça fait caisse à
savon, moi elle me plaît beaucoup. Pour un peu j'en achèterais
une !
Ce soir j'ai mangé à un
restaurant qui a une entrée qui donne dans l’hôtel. J’étais le
seul là dedans et le repas franchement pas bon, une cafétéria
ferait mieux. Le personnel obséquieux est venu me demander à
plusieurs reprises si je voulais une autre bière ou si je prenais un
dessert, au cas où je changerais d'avis. La patronne est venue me
rendre visite et prendre en photo (!), émerveillée que je sois
français, me faisant l'article de la soirée spéciale qu'ils
feraient demain à l'occasion de la Saint Valentin, où elle allait
être déguisée en grosse mémère. Il y a aura beaucoup d'amusement
et plein de monde me promet elle. Tout juste si je ne devais pas
payer mon dîner de demain sur le champ ! Mais ça ne changera
pas le fait que la nourriture y était médiocre. Je n'y retournerai
donc pas, malgré ce que je lui ai dit. Un petit mensonge pour m'en
défaire...
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