Fraser Island est la plus
grande île sableuse au monde, de 120 km de long sur 15 de large,
classée intégralement parc national et inscrite au patrimoine
mondial de l'Unesco. Elle est inhabitée comme il se doit, sauf par
des dingos et autres bestioles. L'île est une forêt vierge
subtropicale pleine de lianes et de toute sortes d'arbres dont de
très nombreuses espèces d'eucalyptus au tronc tantôt blanc, rouge
ou noir et dressés fièrement vers le ciel ou tortueux comme des
bonsaïs géants. C'est le seul endroit au monde où l'on trouve une
forêt vierge pluviale poussant sur du sable. L'île est parcourue
par une multitude de rivières, les « creek », et par des
lacs aux eaux cristallines et au sable blanc. C'est un petit paradis
sauvage que l'on ne peut pas manquer quand on vient dans le
Queensland. D'ailleurs les aborigènes, les Butchulla, l'appelaient
« K'Gari », qui veut dire « paradis ». Depuis ils
ont été chassés et interdits de parler leur langue et l'île n'est
plus qu'un domaine pour touristes, visité par 350.000 personnes par
an.
Pour parcourir l'île qui
ne dispose d'aucune route hormis des pistes de sable, on ne peut le
faire qu'en 4x4, en en louant un avec plusieurs amis depuis la côte,
ou en se joignant à un tour comme ce que j'ai fait. Notre bus
aujourd'hui est un genre de petit camion de chantier haut perché aux
roues énormes avec une cabine au dessus toute de vitres teintées
dont on ne voit rien à l'intérieur. 17 places sont disponibles à
bord en comptant le conducteur et guide, un jeune roux dont j'ai eu
beaucoup de mal à comprendre ce qu'il disait - un descendant gallois
sans doute. Aujourd'hui nous ne sommes que 14 ce qui fait que j'ai pu
choisir ma place, que je changeais au gré de mes envies. Du côté
gauche de la cabine ce sont des sièges individuels alors qu'à
droite ce sont des biplaces. Au début je m'étais mis devant pour
avoir plus de place pour les jambes mais le siège côté passager de
devant me bloquait la vue avec son siège plus haut que les autres et
son appui tête façon dos de lit. Au premier arrêt je me suis
installé juste derrière la porte mais celle ci n'arrêtait pas de
grincer dans un vacarme assourdissant, mal fixée. J'ai donc encore
changé de place pour me mettre juste derrière. Les gens devaient me
traiter de fou. C'est normal d'essayer d'avoir une bonne place quand
on est parti pour 12 heures d'aventures dont 90% passées à bord.
Lac McKenzie |
De Noosa, notre
camion-baroudeur n'est pas passé par la côte du Great Sandy
National Park comme ce que je pensais et à la différence d'autres
tours opérateurs. Je suis un peu déçu de ce côté là. Le guide a
préféré passer par l'intérieur, contournant le parc sur des
kilomètres qui m'ont parus des heures pour rejoindre Rainbow Beach,
un des points d'accès pour Fraser Island. A Rainbow Beach pas de
visite non plus des falaises aux sables multicolores qu'on n'a même
pas aperçues de loin. Faudra donc que demain j'y retourne avec ma
voiture, c'est de toute façon sur le chemin pour le nord et Lady
Musgrave. Toute le long de la plage de Rainbow Beach c'est une suite
de terrains de camping gérés par l'office des parcs, des endroits
très basiques où l'on ne trouve que des toilettes sans douche. On
peut y camper moyennant un permis à demander à l'entrée, contre 5
dollars. C'est très populaire parmi les jeunes qui viennent camper
par milliers entre Noël et le jour de l'an. Il faut dire que
l'endroit, sauvage, a de quoi plaire : la tente au bord de l'eau
avec une plage qui s'étend sur des kilomètres avec de gros rouleaux
pour surfer. Notre guide nous a dit que jusqu'à la semaine dernière
c'était encore noir de monde. Ah les vacances scolaires !
Synonyme de mouvements de masse. Je les évite soigneusement où que
je voyage pour éviter l'enfer des bouchons, des plages surpeuplées
et du bruit partout.
En France ils parlent de réformer les vacances
scolaires d'été, jugées trop longues, mais qu'ils vont zoner comme
les autres vacances pour minimiser l'impact sur le tourisme. Les
professionnels en ont profité pour demander un étalement du 15 juin
au 15 septembre. Je ne sais pas ce qu'il en est, un moment je suivais
l'affaire de près car je suis farouchement contre. Mes vacances
d'été je les prend avant le 30 juin et après le 1er septembre et
j'espère bien que ce créneau restera encore longtemps exempt de
vacanciers. C'est la meilleure saison pour explorer les côtes de
Méditerranée, les journées sont encore longues, le soleil est là,
il fait chaud et il n'y a personne ce qui permet d'avoir en plus des
tarifs intéressants.
Pour rejoindre Fraser
Isalnd, il y a une espèce de barge qui attend n'importe quel convoi
pour traverser. Il n'y a pas d'horaire. Il faut dire que la traversée
est très courte, en quelques minutes c'est torché.
Quand on a mis
roue à terre, ou plutôt à sable, c'était marrée haute, aussi
nous avons dû rejoindre la piste conçue à cet effet, après avoir
un temps roulé dans l'eau parmi les vagues qui venaient déferler
sur nous. Ça fait bizarre d'être dans un véhicule terrestre en
train de rouler dans la mer. On a subitement l'impression d'être
dans un bateau ! Sur la brochure il y avait marqué :
«Remember this is a 4WD safari and may not be suitable if pregnant
or if you have a bad back » . Malgré mon « bad
back » cela ne m'avait pas freiné - il est des choses qu'on
se doit de voir quel qu'en soit le prix à payer - me disant que bien
souvent ils exagèrent un peu pour éviter toute plainte ultérieure.
Eh bien là, pas du tout ! Les pistes de l'intérieur des terres
sont une horreur. Il ne faut pas s'attendre à de grand boulevards,
ce sont des pistes dans la jungle au travers desquelles le fourgon
passe et cogne dans les lianes, roulant sur des racines, tournicotant
avec des bosses en veux tu en voilà prises à vive allure. Car on
conduit là dessus comme un fou. C'est un engin tout terrain qui ne
s'embarrasse pas de précautions de 30 à l'heure, comme moi sur la
Western Explorer, il y va franco, à fond la caisse, la vitesse est
limitée à 80.
Central Station |
Je me demandais : et si un autre véhicule se
pointait dans l'autre sens ? D'ailleurs c'est arrivé plusieurs
fois, freinage de folie, les gens scotchés au dossier du siège de
devant, une jambe de travers, un bras tordu. Et puis impossible de
doubler, les autres véhicules étaient obligés de reculer jusqu'à
trouver un point où se mettre à l'écart (bien souvent avec deux
roues dans le vide!). Il y avait des téméraires en individuel avec
de petits 4x4 que notre chauffeur conseillait de ne pas passer par là
en disant que le sable était trop mou et qu'ils allaient s'enliser,
bloquant le trafic comme ce qui arrive très fréquemment. Pour ma
part, j'avais hâte que ça se termine et qu'on rejoigne la plage
pour rouler dessus si je ne voulais pas finir mon voyage en chaise
roulante !
On a fini par atteindre
75 Miles Beach, une plage interminable qui se perd à l'horizon des
deux côtés dans des brumes marines. Un coin de bout du monde, bordé
de dunes, sur la côte est. En fait toute notre exploration de la
côte s'est faite de ce côté, c'est là qu'apparemment se trouvent
toutes les curiosités. Le programme est le même d'un tour opérateur
à l'autre, le mien étant celui - mais pas le seul - qui offre le
plus long parcours. On s'est arrêté un moment pour le « morning
tea ». Il était temps, je n'avais rien avalé ce matin. 5
heures du matin ce n'est pas une heure pour prendre un petit
déjeuner. Dès qu'on a mis le pied dehors on a été assailli par
des taons énormes, gros comme des frelons, pas farouches du tout,
avec lesquels il faut se battre constamment. Il y en a toujours une
bonne demie douzaine à tourner autour de chacun. Je ne compte plus
le nombre que j'en ai tués. C'est facile, ils ne s'envolent pas,
trop contents d'avoir trouvé un animal à piquer. Je n'en n'avais
jamais vu de cette taille. C'est un vrai fléau, j'ai passé le reste
de la journée à chaque arrêt à agiter les bras et les jambes dans
tous les sens pour éviter tout atterrissage. Malheur à vous si vous
restez debout sans bouger !
Après le thé on a
repris la circulation sur la plage. C'est drôle de voir les vagues
et les dunes défiler dans ce qui semble être un paysage sans fin.
Le sable est parfaitement lisse, le fourgon ne grince plus, sauf à
quelques passages où des ruisseaux viennent se jeter là,
occasionnant quelques soubresauts. Il paraît qu'aux vacances de Noël
il y avait tellement de monde que l'on avançait au pas sur la plage,
pris dans des bouchons. Je suis bien content d'être ici hors saison.
Rapidement nous avons quitté la plage pour s'enfoncer à nouveau
dans la jungle pour rejoindre le lac McKenzie, accessible par une
piste de sable de 12 kilomètres. Ce lac est le point phare de toutes
les excursions et bien souvent le terminus avant le retour, point
choisi pour le pique nique barbecue. C'est un lac bordé de sable
blanc qui lui confère des couleurs bleu lagon. Il n'est alimenté
par aucune source et rien ne s'y échappe ce qui fait que tout ce qui
y rentre y reste.
Eli Creek |
Il est pourtant très pur et pour qu'il le reste
en dépit de la surfréquentation du site, il y a de grands panneaux
invitant les gens à ne pas utiliser de crème solaire ni insecticide
et de faire un tour aux toilettes avant d'aller se baigner. Il faut
aussi ne pas amener de nourriture ni boissons. Seule l'eau est
autorisée. Car l'endroit est patrouillé par de nombreux dingos
attirés par le point d'eau pour y trouver des proies faciles et il
est rigoureusement interdit de les nourrir ou de les approcher. J'ai
lu un peu ce qui était écrit de leurs coutumes, ça a l'air d'être
pas commode. Ça vit en bande de 12 et tout est affaire de domination
chez eux, les individus soumis ne disposant que des restes des autres
et à la condition qu'ils avancent en rampant, les oreilles rabattues
et la queue entre les jambes. Ils se battent aussi avec d'autres
bandes pour la protection de leur territoire, parfois jusqu'à la
mort. Bref domination et guerre, ces bêtes là n'ont rien pour me
plaire.
Quand ils voient un humain ils cherchent aussi à le dominer,
principalement les gosses et ceux ci pensent que le dingo veut jouer
car cela ressemble à un rituel. Sauf que si un enfant veut y
participer il se fait bouffer ! Je n'ai pas vu de dingo mais je
me suis baigné, trop vite car j'avais oublié que ma montre était à
l'heure de Sydney donc avançant une heure de trop. De toute façon
le lac est devenu bondé et rempli de cris, les autres camions de
touristes arrivant tous en même temps. Et il y en a des gros, des
bus 4x4 en fait, tous de la même compagnie qui en a mis à
disposition une bonne demi douzaine. Ils se suivent comme autant de
wagons d'un train. Je voulais noter le nom pour vous éviter de
prendre cette compagnie mais j'ai oublié. La mienne c'est FraserIsland Nature Tours.
A 11 heures nous avons
continué notre chemin pour Central Station, lieu de notre barbecue
niché dans une vallée avec un ruisseau qui se fraye un chemin comme
il peut dans la jungle et les fougères, perdu dans les chants
d'oiseaux et de criquets qui se mettent à bruisser énergiquement
dès qu'un rayon de soleil sort d'un nuage. Il y a des sentiers plus
ou moins aménagés pour se balader là dedans, en attendant que
notre guide nous prépare le barbecue. C'est la forêt vierge comme
j'aime. Ah ce pays ! Quelle merveille, il a tout. Et toujours la
nature omniprésente. Pays nouveau et resté presque vierge, dernier
territoire encore sous peuplé, l'Australie a tout pour me plaire.
Sauf les prix de l'immobilier qui sont ici indécents comme partout
ailleurs dans le monde (le moindre truc sur la côte se paye à coup
de millions de dollars, c'est l'unité de mesure). Tout le monde
serait riche comme Crésus ou est ce moi qui ai perdu la notion de
l'argent?
Reflets |
Après le barboc, nous
avons rejoint la plage pour poursuivre plus au nord, voir 3 autres
attractions. La première : the coloured sands, dunes de sable
censées avoir 72 couleurs différentes mais dont je n'ai vu que de
l'orange sous un soleil à son zénith. Il faut sans doute voir ça
en fin de journée. D'ailleurs on n'a fait qu'une pause photo et on
est reparti aussi sec. Ce qui est la cas un peu partout sauf au lac
où on a eu un peu plus d'une heure. Sinon les pauses se résument à
15 minutes maximum. Je suis toujours le premier à descendre et le
dernier à monter, notre guide attendant pour fermer la porte
latérale de la cabine, en regardant ses pieds. Il doit en avoir
marre d'attendre avec le moteur qui tourne. Je savais que ce serait
une journée marathon mais je ne suis pas sûr que j’aurais plus
apprécié sur plusieurs jours. J'aime bien en avoir plein la vue.
Seul hic, pour le reste de l'après midi, à chaque arrêt j'ai dû
me battre à courir pour arriver le premier et faire des photos avec
personne autour. Car les autres bus wagons avaient à présent le
même itinéraire que nous et nous suivaient de près, déversant des
centaines de touristes qui envahissaient tout comme un nuage de
criquets en Afrique.
On s'est arrêté aussi
au niveau d'une épave très photogénique, le SS Maheno, devenu lieu
de curiosité, échoué là depuis 1935 et appartenant à la
Nouvelle-Zélande. Sur la plage il y avait un petit avion de tourisme
qui nous suivait comme un taon, pour ceux des bus que ça
intéresserait de voler quelques minutes pour voir Fraser Island d'en
haut. Notre dernier arrêt et dernière possibilité de baignade
s'est fait à Eli Creek, un ruisseau d'eau fraîche que l'on peut
remonter jusqu'à un niveau qui forme une petite piscine qui s'est
vite transformée en parc d'élevage à saumons. J'ai préféré
rester à barboter plus en aval jusqu'à ce qu'arrive un gosse obèse
et hurleur dont le grand jeu était de faire de hautes enjambées
dans l'eau en passant à 20 centimètres de moi pour bien
m'éclabousser. La mère, une espèce de truie, regardait faire sans
rien dire. Je me suis donc éclipsé de là pour prendre un
« afternoon tea », avant de rentrer. Sur le chemin du
retour, un dingo nous a accompagné, marchant le long de la plage.
On l'a suivi au pas. Il n'avait pas l'air effrayé de notre présence.
J'ai fait connaissance
aujourd'hui avec des français de Nouvelle-Calédonie. Quand ils
m'ont demandé ce que j'avais vu, je leur ai raconté mes déboires
et ils m'ont dit qu'en effet je n'avais pas eu de chance mais qu'il
s'était mis à faire beau dès le jeudi, c'est à dire le lendemain
que je sois parti. Et depuis le soleil ne cesse de briller. A ce
qu'il disent. C'était tellement pourri que j'ai du mal à le croire.
Je ne suis pas le seul à avoir déserté la région, ils ont des
amis à eux qui sont aussi partis plus tôt que prévu. Ils étaient
à l’Île des Pins au moment où j'y étais, restant au gîte que
j'allais squatter. Je les ai donc forcément vus et quand ils m'ont
dit leur nom, je me demande même si je n'ai pas discuté avec.
"en en louant"
RépondreSupprimer"Je ne compte plus le nombre que j'en ai tués"