Little Ngeremdiu Beach |
Je ne sais pas ce qui
s'est passé dans la nuit mais le vent s'est levé fortement faisant
claquer la toile de la tente ce qui m'a gêné pour dormir une bonne
partie de la nuit. Il pleuvait aussi toutes les trente minutes. Et ce
matin ça continue. Je me lève désormais une heure avant le lever
du soleil, je n'ai pas besoin de 12 heures de sommeil. Et j'en
profite ainsi pour m'avancer dans l'écriture à la flamme de ma
lampe à huile qui n’arrête pas de couler partout dans le canoë,
imprégnant les sacs et la coque d'un film huileux qui sent
l'essence. J'ai dû nettoyer comme j'ai pu l'intérieur de la coque
avec une éponge, du savon et de l'eau de mer. A part ça les coqs
ont été sages, ne se manifestant qu'à partir de 4h30, non stop en
revanche à partir de cette heure là. C'est aussi pour ça que je me
suis levé.
Une fois le blog terminé,
il était 8 heures du matin et un pâle rayon de soleil brillait
depuis déjà une heure. Je me suis donc activé pour tout ranger.
Little Ngeremdiu Beach |
Le
petit déjeuner a été abrégé : le pain aux fruits est
complètement moisi, pourtant il faisait partie de mon ravitaillement
d'hier et le container était resté au sec chez Planet Blue. Mais
avec l'humidité ambiante inégalée, ce n'est pas trop étonnant. Je
l'ai donc foutu en l'air, tout comme une brique de jus multifruits
qui avait des bulles ! Je n'ai pas compris car c'est censé être
sous vide. Pour ne pas entamer mes autres matins (j'ai le compte
juste), j'ai pris une pomme à la place. Alors que j'étais prêt à
partir, une averse est arrivée, me contraignant à rester sous
l'abri du campement quelques instants le temps que ça passe. Ça n'a
pas duré très longtemps mais le ciel est resté gris alors c'est un
peu dégoûté que j'ai commencé à pagayer vers Milky Way. Avant de
m’arrêter net au bout de quelques mètres, au coin d'une falaise
devant Little Ngeremdiu, paralysé par une nouvelle averse. La
journée promettait d’être encore chiante !
Little Ngeremdiu Beach |
Mais une belle
éclaircie est rapidement arrivée, transformant complètement le
paysage. J'étais dans une anse avec deux petites plages vierges qui
se faisaient face et entourées de falaises, avec face à la plage
des petits rochers moussus semblant flotter sur l'eau au loin. A mon
avis c'est ici que devaient être les campements de Koh Lanta, c'est
juste l'endroit parfait pour ça. Il faudra que je regarde à nouveau
les épisodes en rentrant pour avoir une idée. A vous qui regardez
les photos, vous pouvez vous dire que c'est tout pareil, que c'est
une plage de plus et qu'elles sont toutes interchangeables mais quand
on y est tout est différent, chaque angle apporte une touche
inédite. Je suis resté un long moment sur ces plages, allant de
l'une à l'autre d'un coup de pagaie. Au loin arrivait un grand pan
de ciel bleu, c'est ce qui m'a fait décoller de là pour me rendre à
Milky Way. Soleil obligé là bas pour bien se rendre compte de
l'effet. J'ai donc pagayé à vive allure, avec le vent qu'il y a
l'éclaircie risque de ne pas faire long feu. Mais avec le vent dans
le dos qui me poussait très vite sans presque d'effort, je suis vite
arrivé là bas.
Little Ngeremdiu Beach |
A Milky Way, de nombreux
bateaux avec des japonais tout en gilets de sauvetage rouges se sont
emmanchés là dedans mais juste pour un arrêt photo, sans doute sur
le chemin de Jellyfish Lake. Ainsi quand j'ai pénétré dans la
lagune j'étais tout seul. Rex m'avait prévenu : de 9 à 10
heures tous les matins l'endroit est noir de monde qui vient s'y
baigner comme dans un spa. Mon arrêt prolongé à Little Ngeremdiu
aura donc été bénéfique. Quelle lagune ! L'eau y est
phosphorescente, d'un bleu laiteux dont on ne voit même plus la
pagaie à travers. C'est paisible et très calme, la lagune étant
cachée derrière une île rocher. A partir de ce moment le beau
temps s'est installé durablement pour mon plus grand bonheur.
En continuant le long de
l’île Ngeruktabel, je suis arrivé devant Paradise Cove, un
adorable confetti de plage avec du sable blanc et de l'eau couleur
lagon tout autour, avec partout des rochers qui flottent comme autant
de glaçons dans un verre à whisky.
Milky Way |
L'endroit est fantastique. Ça
me rappelle un peu la Thaïlande du sud ouest, en encore plus beau.
Ça surpasse tout. Des paysages très différents de la Polynésie
mais les plus beaux paysages tropicaux que j'ai vus depuis. Vraiment
Palau est un joyau qu'il ne faut rater sous aucun prétexte.
Existe-t-il encore sur terre de tels endroits totalement vierges
s'étendant sur des dizaines de kilomètres ?
Jusqu'à l'heure du
déjeuner je n'ai cessé d’être émerveillé. L'appareil photo
mitraillait plus que de raison, c'est un signe ! Pour atteindre
Megapod Beach où j'ai pique niqué, on passe dans une espèce de
chenal entre deux grandes îles qui n'en finissent plus, aux fonds
d'une couleur éblouissante avec des coraux qui viennent parfois
toucher la surface. C'est plein de recoins, de petits lacs et à un
endroit on trouve Secret Lake, un lac qu'on ne peut rejoindre qu'à
marée basse car on doit pagayer à travers une voûte creusée sous
la roche, basse de plafond.
Paradise Cove |
Et toujours derrière des trous d'eau
plats comme un miroir avec des chants d'oiseaux lancinants et
envoûtants qui fonctionnent à l'économie. Un ululement ou deux
puis ça reprend 10 secondes plus tard, prenant une pause comme pour
profiter aussi du calme environnant. En face Secret Lake, dans le
chenal, il y a une bouée et des fonds qu'on voit très nettement.
Signe d'un spot de snorkeling. Normalement chaque fois qu'il y a une
bouée, c'est pour désigner un site de plongée, c'est ce qu'ils
m'ont expliqué. Par contre il ne faut pas qu'on y attache le kayak
car il faut toujours le garder attaché au pied. En effet c’est
plein de courants et je pourrais ne pas arriver à le rejoindre. J'ai
donc encore nagé avec un kayak qui voulait m'extirper de là où je
voulais rester. Il y avait dans le secteur une dizaine de canoës
avec un guide local qui pagayait à genou. Il est venu me parler, me
félicitant pour faire ce périple tout seul, comme dans le passé, à
la manière de ses ancêtres.
Paradise Cove |
Les japonais eux s'étaient arrêtés
de pagayer pendant ce temps là pour me tirer le portrait. Une bête
de foire je disais, voilà ce que je suis ! Ils n'ont pas tardé
à tracer leur chemin dans la direction d'où je venais, me laissant
seul avec mon masque et mon tuba. Je suis alors remonté à bord car
la visibilité était très réduite, bien que prometteuse vue du
kayak. De plus il n'y avait pas grand chose à voir. Pourtant c'est
un endroit réputé, mais ce ne doit pas être le bon jour en raison
des vents qui brassent tout, même si ici c'est bien abrité.
Avant d'arriver à
Megapod Beach, le chenal se rétrécit et la profondeur diminue
également pour former presque un banc de sable qui fermerait
l'accès. De ce fait les dégradés de bleu sont hallucinants et j'ai
été obligé de m’arrêter pour profiter du spectacle. A Megapod
je me suis aussi laissé envahir par l'ambiance et la générosité
de la nature environnante.
Megapod Beach |
Secret Lake |
C'est complètement incroyable : les
arbres sont tous penchés, allant chercher la lumière le plus loin
possible. Les branches sont à fleur d'eau et le tronc si loin du
rivage qu'on se demande comment ils font pour ne pas perdre
l'équilibre. C’est plein de plantes qui se montent dessus et qui
poussent sans terre, des mousses, des fougères, des orchidées, des
plantes épiphytes aux racines aériennes comme de grosses pattes
d'araignée... Tout ce petit monde profite de l'aubaine d'avoir
trouvé un endroit étagé sur les branches pour s'épanouir loin du
sol, squatté à outrance. Ça n'en peut plus ! C'est à qui
montera le premier sur l'autre. Je pense avoir des photos
incroyables, maintenant ce qui pourrait m’arriver de pire ce serait
si mon appareil photo ou mon cahier tombaient à l'eau, engloutissant
mes souvenirs.
En mangeant je songeais à
la chance d’être ici, si loin, reculé du monde, à vivre une
aventure fantastique.
C'est la première fois où je me retrouve
livré à moi même à 100%, devant organiser mon temps pour
l'installation du camp, préparer à manger, déballer, ranger, me
repérer, avancer contre vents et marées et trouver mon chemin. Et
c'est fabuleux. Je réalise que je passe toute la journée sans
parler. Ça ne me manque pas, je me nourris d'autres choses qui n'ont
pas besoin de mots pour être comprises. Je pensais à Whitney
Houston, disparue au fond d'une baignoire malgré ses millions. C'est
bien la peine ! Elle ne verra jamais cet endroit qui aurait pu
la sauver. Il n'y a que le contact de la nature pour apaiser les
esprits tourmentés et éloigner les démons. Je sais que si j’étais
déprimé au point de vouloir me suicider j'aurais en dernière force
l'idée de prendre un ticket pour aller quelque part dans un endroit
paradisiaque. Comment déprimer dans un tel endroit ? Où sont
les problèmes ? Tant qu'on a la santé et suffisamment
d'argent, le reste devient superflu. L'essence de la vie est dans la
jungle et la nature sauvage où mer, forêts, plages et animaux se
rejoignent jusqu'à l'apothéose. Palau m'a conquis et ce n'est pas
fini !
Après manger, changement
de situation, j'ai quitté les eaux calmes du chenal pour me
retrouver en prise avec le vent, étant sans cesse ballotté par des
vagues qui faisaient pencher le kayak d'un côté, à la limite du
renversement. Ça m’angoissait car j'avais encore un peu de chemin
avant d'arriver à Long Lake Beach, le campement pour ce soir. La
plage est au carrefour de l'entrée d'un bras de mer, cachée
derrière un rocher où les vagues viennent s’écraser et déferler
tout autour. Par où passer, telle est la question ? Il y a très
peu de fond pour arranger le tout et les coraux tout proche. Il faut
dire que c'est marée basse. Comme je n'avais pas d'autres choix (il
fallait bien que je campe là), j'ai pris mon courage à deux mains,
m'emmanchant là dedans en essayant de rester le plus droit possible.
Ça passe ou ça casse. Une déferlante m'a propulsé en avant vers
un fond corallien à demi émergé.
J'ai pensé que c'était la fin,
que j'allais me pulvériser dessus mais le canoë a glissé sans
aucun heurt. J'ai un bon kayak, je suis toujours étonné par sa
faculté de flotter dans très peu d'eau. En revanche il a une
inertie importante : quand je veux changer de cap c'est toujours
très compliqué et le plus simple reste bien souvent de donner un
coup de pagaie en sens inverse.
Le campement est bien
moins joli que le précédent. Déjà il est exposé à l'est donc il
n'y a pas de coucher de soleil à attendre. La plage n'est qu'une
langue de sable qui ne manquera pas d’être ravalée une fois la
marée haute. Mais surtout c’est plein de trucs rouillés et à
l'abandon, des cabines de chiottes renversées, des tas de branchages
à moitié brûlés, des trucs en plastique et des glacières qui
traînent un peu partout. Ça ressemble un peu à un lieu habité qui
aurait été déserté en catastrophe.
Campement à Long Lake Beach |
Il y a aussi deux abris
en plaques de tôle ondulée y compris sur deux murs. Ils disposent
d’estrades en bois où l'on trouve des draps grignotés et des
oreillers dont on a peine à déterminer la couleur d'origine. Ça a
l'air assez crasseux mais j'ai choisi malgré tout de m'installer
sous un des ces abris dont ils avaient eu l'excellente idée de
disposer des toiles sur les côtés, coupant le vent. Car le vent
souffle si fort qu'il est impossible d'envisager une nuit dehors.
J'ai bien trouvé un endroit derrière une cabane, un peu abrité,
mais il est à moitié dans la boue avec des trous de crabe de terre
aussi larges qu'un ballon de rugby. Je n'ai pas envie de me retrouver
nez à nez avec un des ces monstres en allant pisser pendant la nuit.
Sans compter le raffut qu'ils risquent de faire dans leur recherche
de nourriture. J'ai donc installé la tente sur l'estrade, sans
piquet ni double toit. J'ai simplement coincé les arceaux entre les
lattes et ça tient bien. L'avantage est que je n'aurai pas demain de
tente mouillée à plier.
Long Lake |
Car s'il ne pleut pour l’instant pas, je
sais qu'il pleut toutes les nuits. Je commence à avoir l'habitude.
J'ai aussi serré quelques cordes qui retenaient les bâches pour
éviter qu'elles ne claquent sous l'effet du vent. Le camp était
dressé à 15h30, heure parfaite et conseillée pour aller explorer
Long Lake, un bras de mer très long qui pénètre loin dans l’île
et dont l'entrée est à peine visible. On ne peut y pénétrer qu'à
marée montante car sinon il y a si peu de fond qu'il est impossible
d'y naviguer.
Le début de Long Lake
est spectaculaire, on évolue dans une mangrove où les arbres
forment un arc tout autour de soi. C'est à travers cette arche de
végétation qu'on pénètre, sans avoir trop à pagayer, poussé par
le courant de la marée montante, très puissant qui forme même des
tourbillons à certains endroits. Le problème est que c'est si
étroit qu'il faut toujours prendre soin de garder une trajectoire
bien droite. Au moindre arrêt photo le canoë part de travers
finissant par se bloquer dans le passage. Et comme je disais, avec
l'inertie qu'il a, il faut toutes les peines du monde pour pagayer
dans un sens puis un autre pour essayer de s'extraire. Pire qu'un
créneau bien serré !
Long Lake |
Après, on quitte la
mangrove et ce qui ressemblait jusqu'à présent à une rivière se
transforme en l'un de ces bras de mer que j'ai visités de nombreuses
fois. Aussi je ne suis pas allé au bout, m’arrêtant aux trois
quarts. Ce qui est drôle c'est que dans le lac j'avais affaire à un
courant descendant, contrairement à ce qui se passe à l'entrée du
chenal. Mais quand j'ai rebroussé chemin j'ai constaté que le
courant s'était inversé. En l'espace d'à peine heure je ne
reconnaissais plus rien. La mer monte si vite que c'en est
inquiétant. J'avais à faire face à un courant devenu plus puissant
qui voulait m’empêcher de sortir de là. Comme je n'avais rien
emporté d'autre qu'un slip de bain et une bouteille d'eau, ayant
tout laissé au camp, je ne tenais pas à passer la nuit là à
attendre la prochaine marée descendante qui était en pleine nuit !
J'ai donc donné des coups de pagaie plus énergiques. A l'entrée la
mer s'était répandue partout, les arbres surgissaient à présent
de l'eau, couverts de mousse. C'était surréaliste et très beau à
voir. Il n'y avait plus de plage non plus, les vagues se fracassaient
tout autour et le reste de langue de sable était en proie à de gros
remous.
Little Ngeremdiu |
C'est d'un coup de pagaie mal assuré que j'ai accosté, me
dépêchant de m'extraire du kayak avant qu'une vague n'arrive. Je
suis déjà couvert de bleus, n’arrêtant pas de me prendre le
canoë dans les tibias chaque fois que je suis à l’arrêt, il n'y
a pas besoin d’en rajouter !
Je suis un peu inquiet
pour demain, je ne sais pas par où passer pour sortir de là. Je
suis arrivé en surfant sur une vague, ça ne marche que dans un sens
ces choses là ! Pour sortir, je vais devoir les affronter de
face. Je n'ai pas le choix. La mer a un côté effrayant que je
n'avais pas vraiment perçu jusque là. Quand on est sur un gros
bateau c'est bien différent. Mais sur un kayak ballotté comme une
coque de noix c'est une autre histoire. Rien ne peut arrêter la
marée, ça a un côté obstiné, violent, inquiétant. Reste à
espérer que le vent tombe dans la nuit. Si je suis encore là demain
car dans la tente j'ai été en proie à des odeurs de vase et d’œufs
pourris toute la nuit, à cause sans doute de la mangrove derrière.
C'est peut être pour cela que le camp semble abandonné : ils
sont tous morts comme ces chevaux et sangliers victimes des algues
vertes sur les plages bretonnes ! Un danger de plus auquel je
n'avais pas songé...
Et comment on prépare nos vacances si on n a plus de photos de cretes!
RépondreSupprimerconfirmation : le site web est perdu pour toujours!
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