Risong Bay |
Surprise, le soleil
semble de retour ce matin aussi je me suis dépêché de tout
remballer, comptant sur le fait de partir tôt pour explorer un peu
ce que je n'ai pas pu faire hier. Ça me rallonge mais je ne veux pas
rater quelque chose qu'il faudrait absolument voir. Dans le parcours
ils ne m'ont pas dit quels seraient les temps forts car je suis
supposé tout voir ! J'ai plié la tente toute mouillée, tant
pis, je trouverai bien l'occasion de la faire sécher dans la
journée. C'est toute une organisation à avoir, rien à voir avec le
fait de ranger les affaires dans le coffre d'une voiture, à moitié
pliées. Là, il faut que je dégonfle parfaitement le matelas et le
l'oreiller, que je range tout minutieusement dans les sacs étanches
qui sont relativement petits donc tout doit bien être compacté. Et
après c'est le bourrage du kayak. Il faut s'y reprendre à plusieurs
reprises. Soit ça ne rentre pas, soit il n'y a plus de place pour la
suite.
Entrée dans Mandarin Lake |
Et évidemment une fois que tout est rangé on s’aperçoit
que quelque chose dont a besoin tout de suite est rangé dans un sac
tout au fond du canoë. Il faut alors à nouveau aller farfouiller
dans la coque, à la pêche au sac, qui sont tous pareils. Seule la
couleur change et même si je me suis efforcé de garder le même
code couleur d'une fois l'autre, j'oublie à chaque fois à quelle
couleur tel truc appartient. Il faut donc ouvrir tous les sacs !
Malgré cela, j'ai réussi à lever le camp dès 8 heures. Sans gros
regret, entre la pluie et les détritus, je n'en garde pas un
souvenir mémorable...
J'ai bien fait de
retourner dans la baie de Risong. Avec le soleil cela n'a rien à
voir. La surface de l'eau est plane comme un miroir, toute noire, on
dirait une mer de pétrole. Les rayons du soleil ont encore du mal à
cette heure à passer par dessus les hauts rochers.
Mandarin Lake |
Quand ils le
font, c'est magnifique, ça dessine des piscines d'eau verte avec
toutes les plantes autour baignant dans un halo de lumière. Il n'y a
aucun bruit sauf le chant intermittent d'un oiseau. Je suis allé au
fond de la baie, pour rentrer dans un de ces lacs. Celui que j'ai
choisi c'est Mandarin Lake. Une merveille. On a l'impression en y
entrant de naviguer sur une rivière d'Amazonie, se frayant un chemin
sous des lianes, des fougères, des mousses et des orchidées. Sauf
qu'en plus on bénéficie de fonds sableux et de coraux qui
poursuivent le spectacle sous l'eau. C'est irréel de se dire qu'on
est en mer. Vraiment les Rock Islands sont une curiosité unique au
monde que je ne pouvais pas rater au cours de mon périple autour du
monde. Ce que j'aime dans ce genre d'endroit c'est lever la pagaie et
profiter du calme en me laissant dériver. C'est l'idéal pour bien
s'imprégner de ces instants magiques.
Mandarin Lake |
Quand je suis sorti de la
baie de Risong c'est avec un large sourire sur le visage qu'un bateau
chargé de touristes et de kayaks a pu admirer. Ils avaient l'air
surpris de me voir, par une heure aussi matinale, surgissant de nul
part. J'ai continué mon chemin car aujourd'hui m'attend une longue
traversée. Malheureusement une fois en mer j'ai pu constater que le
mauvais temps rappliquait en masse. Ce n'était donc qu'une
éclaircie. Il s'agissait dorénavant de pagayer rapidement afin de
faire le maximum de trajet au sec, avant que ça n'éclate. Mais pour
poursuivre le voyage je ne peux pas aller tout droit afin de
rejoindre l’île en face. Il y a au milieu une zone protégée
qu'il est interdit de traverser sous peine de poursuites. Kay me l'a
maintes fois rappeler. Je risque une amende et eux aussi pour ne pas
avoir briefé leur clients comme il faut. La faute à un sanctuaire
où les dugongs, créatures marines énigmatiques, sont invités à
venir batifoler. Sauf que ces bêtes là ne connaissent pas de
frontières en en longeant le sanctuaire je n'en ai pas vu un seul.
Il y a des espèces de piquets pour délimiter la zone.
Dolphin Pen |
Le
contournement est interminable. Au lieu de filer tout droit j'ai été
obligé de suivre les trois faces d'un carré. Et un grand de carré.
Pour cette partie là j'ai une autre carte, différente de celle des
deux premiers jours et avec une échelle différente. Ce qui fait que
je n'ai plus le repère des distances auquel je m'étais habitué.
L'avantage d'aujourd'hui c'est que j'ai quand même le vent dans le
dos. C'est déjà ça. Mais je n'en pouvais plus, pestant après ce
sanctuaire qui ne sert à rien ! Ce qui travaille le plus en
faisant du kayak ce sont les trapèzes et la douleur envahit ensuite
la base du cou, procurant des nausées.
Je me suis approché de
Dolphin Pen, un endroit où plein de bateaux débordant de japonais
accostaient. J'ai demandé à un capitaine si je pouvais m'amarrer au
ponton. Une fois de plus j'ai été l'attraction à touristes. Ils
étaient tous venus pour plonger mais ils ont tous convergé vers
moi, manifestement plus intéressés par ma petite personne,
regardant le canoë et faisant des commentaires sur telle ou telle
chose à bord.
Un capitaine m'a demandé d'où je venais et où
j'allais. J'ai raconté mon histoire, les japonais se sont assis en
tailleur pour écouter et souriaient à ce que je disais. J'étais la
star du jour, une espèce de héros dont je pouvais lire l'admiration
dans le regard de mes interlocuteurs. Ça fait drôle. Dolphin Pen
est en fait ni plus ni moins qu'une barge flottante dans un bras
d'une île avec des filets tout autour pour empêcher des dauphins
introduits dans des espaces dédiés de s'enfuir. Une espèce de
ferme à dauphins. L'avantage est qu'on peut les voir de près. Il y
en a un qui m'a beaucoup fait rire. Il a commencé par me jauger d'un
œil, m'offrant son plus beau profil en nageant de côté, puis il a
hissé tout le haut de son corps hors de l'eau, avançant comme ça
vers moi, tel un serpent qui nage. Mais une fois arrivé à mon
niveau il a poussé un large soupir et s'est affalé dans l'eau en
m'aspergeant complètement, l'appareil photo avec. Si ça pouvait
ricaner, je suis sûr qu'il l'aurait fait.
Lolita's Garden |
Rapidement le personnel
du bassin s'est aperçu que je ne faisais pas partie du groupe de
japs qui se faisait briefer à un autre endroit avant de plonger avec
les dauphins. Ils m'ont demandé de regagner le ponton où j'avais
attaché le kayak, me disant que seuls les gens autorisés avaient le
droit de se trouver là où j'étais. Je m'en fiche car j'ai eu le
temps nécessaire pour tirer le portrait aux dauphins. J'ai laissé
tout ce petit monde qui me disait au revoir de la main et me
souhaitait un « Safe trip » pour me diriger vers Lolita's
Garden, un spot de snorkeling. Le problème cette fois est que
j'avais le vent face à moi et dès que je réduisais la cadence je
faisais du surplace. J'ai malgré tout réussi péniblement à
arriver à destination. Il y avait un bateau amarré à une bouée
avec tout un groupe affairé à plonger. Je me suis jeté à l'eau un
peu plus loin. Lolita's Garden est un banc de corail au milieu de la
mer et qui s'épanouit le long d'un chenal. Avec le vent qu'il y a,
le temps que je me retrouve à l'eau j'avais déjà dérivé en
arrière et je me suis retrouvé au dessus du récif, dans très peu
d'eau.
jungle à Lighthouse Dock |
Mes pieds ont touché les coraux mais par chance je n'ai pas
de blessures. J'ai donc nagé à contre courant tout le temps, plus
dans le chenal, pour avoir suffisamment de profondeur pour évoluer,
luttant après un canoë qui voulait m’entraîner de l'autre côté.
Cette fois il me stoppait dans mon élan et j'étais tout le temps
obligé de donner des coups de cheville pour le faire revenir vers
moi. Au bout d'un moment j'en ai eu marre de lutter et je me suis
laissé dériver le long du chenal et du mur de corail. Je n'ai
jamais vu autant de coraux et aux rameaux si longs. Ils forment comme
des buissons aux branches qui font bien plus d'un mètre. Il y en a
des blancs, des violets, des roses, des bleus et des jaunes. Par
contre je n'ai pas trop vu de poissons. Quand enfin j’en ai aperçu
un que je n'avais encore jamais croisé auparavant, il a fallu que
j'aille farfouiller à bord dans un sac étanche, tâtonnant à la
recherche de l'appareil photo aquatique, que j'ai fini par avoir dans
la main mais qui était bloqué avec autre chose. Évidemment pendant
ce temps là je dérivais dans le sens du vent, au dessus du massif
de corail que j'ai heurté à nouveau. Quand j'ai pu me saisir de
l'appareil j'avais tellement changé d'endroit que je n'ai pas pu
retrouver le poisson. C'était fatal. Du coup je me suis rabattu sur
ce qui restait, des coraux et quelques poissons qui passaient par là
et que je connais par cœur. C'est dommage de risquer la santé de
mon appareil pour si peu. Car après toute utilisation je dois le
rincer à l'eau claire pour empêcher le sel de corroder les joints.
Mais va trouver de l'eau douce au milieu de l'océan !
Comme le ciel était tout
bouché et qu'il pleuvait à présent, j'ai filé direct vers le
point de rendez vous de ce soir : Lighthouse Dock. Il était
déjà 12h30, j'avais très faim et le lieu où je devais me rendre
très loin. J'avais toute une baie à traverser, que j'ai fait par
son rayon plutôt que de longer les côtes. J'étais bien loin du
rivage, naviguant dans de l'eau noire, face au vent, avec des vagues
qui faisaient tanguer le kayak ou qui parfois venaient m'éclabousser.
L'impact des gouttes d'eau sur la mer formaient comme des cratères
tout autour de moi. Je n'en pouvais plus, la côte était si loin que
j'avais l'impression de faire du surplace, j'étais à bout de
forces, tenant par les nerfs et la volonté. Il fallait que j'y
arrive coûte que coûte, pas le choix. Cette pluie qui me cinglait
le visage n'était qu'un mauvais moment à passer et je me donnais du
courage en me disant qu'après ce serait la fin : plus de kayak
à faire pour le reste de la journée. Car pagayer pendant des heures
ce n'est pas trop mon truc. Si encore c'était pour découvrir des
trucs et admirer le paysage...
Mais là, entre la pluie et la brume
il n'y a rien à voir, qu'un dégradé de gris. Et pou couronner le
tout j'ai eu quelques difficultés à trouver le dit « quai ».
Je regardais tout le temps la carte, essayant de me repérer par tel
ou tel îlot. Car on ne voyait pas de trace de quai de loin. Un quai
bâti lors de la seconde guerre mondiale, en ruine et envahi par la
végétation, voilà ce que c'est. C'est sûr que pour repérer ça
de loin... J'ai attaché le canoë vite fait à un arbre et j'ai posé
le pied à terre, titubant, cherchant mon équilibre en me tenant le
dos, fourbu ! Et j'ai pique niqué. Il était seulement 13h15,
j'avais vite filé au final. A peine une heure entre Lolita's Garden
et Lighthouse Dock. Mais que d'efforts !
Le quai est dans une
espèce de cul de sac où viennent finir leur course tous les déchets
apportés par les courants. Je vais pousser un coup de gueule avec le
plastique. Il y en a partout. La mer est jonchée de centaines de
bouteilles d'eau, dans les arbres il y a plein de cordages, de sacs
plastiques, de morceaux de polystyrène.
Avatar |
Il flotte des tongs, des
sandales de piscine, des déodorants à bille, des bouchons en
plastique, des briquets, des gobelets. Voilà ce qu'on trouve en mer,
à mille lieux de toute ville. Dans un endroit pareil ça fait
vraiment mal au cœur. Dans un autre tout autant. Ça donne envie de
s'engager dans une ONG de lutte contre les pollutions marines. Il
faut qu'on arrête avec le plastique, c’est le seul moyen. Il y a
des populations qui ne pourront jamais être éduquées. Du reste, la
pollution est mondiale. Ce n'est pas parce qu'on trouve une bouteille
d'eau qu'elle vient forcément du coin. Elle a très bien pu
traverser les mers. Et elle restera ainsi des siècles, le plastique
étant absolument non dégradable et finissant en petits morceaux
avalés par les animaux qui en mourront par des occlusions ou
étouffés. N'y a t il pas pas encore d'alternative au plastique ?
Il faut bannir le pétrole et ses dérivés, y en a marre, c'est
l'urgence numéro un pour la planète. Que font les ingénieurs
chimistes ?
Après le déjeuner je
suis parti vers les hauteurs, m'enfonçant dans la jungle vers German
Lighthouse, un phare datant de la seconde guère mondiale. On est
dans de la vraie jungle, avec des arbres à la hauteur démesurée et
des lianes à foison. Tout est gigantesque et mes précédentes
balades dans la jungle tropicale n'ont rien à voir. Faut dire
qu'avec ce qu'il pleut, ça peut ! Par chance la pluie s'est
arrêtée et très loin un peu de ciel bleu semble arriver.
German Lighthouse |
Peut être
qu’avec un peu de chance j'aurai une vue dégagée une fois arrivé
en haut. Car il paraît que la vue est spectaculaire. Une occasion
unique de voir les Rock Islands par le dessus. C'est surtout vu d'en
haut qu'on réalise vraiment. Quand on fait du kayak on passe d'un
bras de mer à un autre, d'une lagune à la suivante, comme dans un
labyrinthe mais on n'a pas de vue d'ensemble. Je pense qu'un vol de
coucou au dessus des Rock Islands doit être le must et ca m'étonne
que personne ne le propose. Par contre on se demande bien comment ils
ont pu faire la guerre et lâcher des bombes dans un endroit pareil.
Ça ne prête pas à ça !
Sur le chemin on trouve
tout un tas de reliques, des canons avec encore des obus à côté,
des rouages d'on ne sait quoi, des trucs rouillés qui ne ressemblent
plus à rien. J'ai failli embarquer un boulon en guise de souvenir
mais il était si lourd que je me suis ravisé. Le chemin qui grimpe
a été taillé dans la roche, on le voit bien, il y a des précipices
sur les côtés, comblés par des arbres qui tentent de s'extirper de
leur trou pour aller chercher la lumière là où elle se trouve.
Tous les gens du coin pensent que l'arbre de vie que l'on voit dans
le film Avatar vient d'ici. Que quelqu'un s'en est inspiré. C'est
vrai que c'est plein d'arbres qui lui ressemblent. Ce sont des troncs
formés d'une multitude de troncs entrelacés, se perdant parfois en
lianes et finissant à leur base en échasses.
Milky Way |
Sans doutes ces arbres
étrangleurs qui poussent sur d'autres arbres et viennent les
étrangler progressivement jusqu'à causer leur mort. Au détour du
sentier et caché dans les fougères j'ai vu une cavité creusée
dans les parois avec un truc pointé vers moi, un genre de
mitraillette. C'est sûr qu’en son temps, quiconque qui passait par
là était certain d'y passer. Quand on voit la planque c'est déjà
trop tard. Pour ma part je me suis contenté d'espérer que le coin
ne soit plus squatté par un autochtone qui vivrait là et ne saurait
toujours pas que la guerre est finie. OK, je sais, je vois trop de
films. Et depuis le temps le papy serait trop gâteux pour arriver à
viser quoi que ce soit !
Le chemin grimpe rude
dans cette végétation et l'air est si humide que mon T-Shirt est à
tordre, me collant à la peau, mélange de transpiration et
d'humidité. Je sue à grosses gouttes. Le phare est comme le reste :
à l'abandon.
On arrive à Ngeremdiu |
Ce n'est plus qu'une tour à moitié en ruine,
surveillée par deux canons rouillés et dans laquelle plein
d'arbustes y ont pris racine. Une échelle corrodée dont il manque
des barreaux qui sont tombés au fil du délabrement invite à y
grimper ! Car pour l'instant nul panorama, tout est caché par
les arbres. Pour avoir la vue il faut aller là haut. Au sommet il y
a une antenne rutilante, aussi j'ai fait le tour du phare pour
trouver une échelle de chantier qui ressemble plus à deux rails
parallèles avec des traverses qui sont juste là pour consolider la
structure, très espacées et dont il faut se servir comme barreaux !
L'ensemble, vissé dans les pierres de la tour comme les arbustes,
n'inspire pas trop confiance quant à sa robustesse. Même si
l'échelle est toute neuve, la structure sur laquelle elle repose a
bien fait son temps et je ne serais pas étonné que sous mon poids
une pierre se détache, précipitant la chute de ce machin qui tient
de peur. Mais je n'avais pas fait toute cette marche pour rien, je me
devais d'escalader.
Les barreaux sont si
espacés que parfois j'étais à la limite du grand écart. Je
secouais de temps en temps l'échelle pour vérifier qu'elle était
bien fixée et ne bougeait pas. Mais plus je montais, plus il y avait
du jeu et moins c'était stable ; aussi j'ai arrêté, me
contentant de noter l'emplacement des racines et des branches
auxquelles je pourrais me retenir si tout devait s'effondrer.
J'évitais aussi de regarder vers le bas car cela me donnait le
vertige, faisant trembler mes guibolles. J'ai dû prendre un peu sur
moi pour poursuivre l'ascension. La vue d'en haut valait bien les
petits efforts fournis. Quelques rayons de soleil perçaient de temps
en temps, permettant d'avoir de belles couleurs. Mais au zoom
seulement, les vues d'ensemble ne donnant rien, plongées dans de la
grisaille. C'est un peu dommage. La meilleure vue c'est vers l'ouest,
sur Milky Way, une baie pleine d’îlots dodus baignant dans une eau
phosphorescente où je dois me rendre demain.
Ngeremdiu Beach |
Quand je suis retourné
en bas, à 15h30 pile comme prévu, mon kayak était déjà sur le
bateau ainsi que tout le bordel que j'avais laissé traîner et les
vêtements mis à sécher sur une corde de fortune. Par contre, pas
de trace du capitaine. Je m'attendais à voir Kay ou Rex, à la place
j'ai eu un nouveau, Pax, occupé à pêcher en m'attendant et qui
s'est arrêté dès qu'il m'a vu. Il m'a serré la main me demandant
de regagner le bateau pour partir sans plus attendre. Direction
Ngeremdiu Beach, où je vais passer la nuit. Le lieu où a eu lieu la
finale de Koh Lanta, selon les dires de Rex. Heureusement que le
bateau était là car en effet le contournement de l’île pour
passer de l'autre côté est mortel. Des vagues viennent se fracasser
contre une haute falaise, celle où il y a le phare et on a dû
prendre les vagues de biais pour les franchir, attendant le moment
opportun entre deux séries pour passer, en mettant les gaz avant que
la prochaine vague n'arrive. J'imagine en kayak ! Noyade assurée
ou si l'on y réchappe ce sera pour finir déchiqueté sur les
rochers et servir de nourriture aux oiseaux qui attendent. Rien ne se
perd...
Pour arriver à la plage
il a fallu repasser par dessus cette barrière de vagues, la bateau
finissant par faire du surf. On m'avait promis un beau coucher de
soleil sur Ngeremdiu, cela va sans doute être le cas car ça
s'améliore de plus en plus. La plage est une merveille, complètement
noyée sous la végétation, les branches des arbres tout autour
venant lécher la surface de l'eau. C'est d'une sauvagerie absolue.
Le camp n'a rien à voir avec celui des deux dernières nuits. C'est
très bien entretenu, aucun déchet, on voit que le sable a été
ratissé par les rangers fraîchement. Il y a de grandes tables,
plein de bancs et un immense abri. Et même derrière, dans la
jungle, des toilettes, une pour les femmes et l'autre pour les
hommes. Il faut monter sur une plateforme par des marches et les
toilettes s'enfoncent par un tube qui semble sans fond dans une
espèce de cuve sous la plateforme. Je plains celui qui transporte et
nettoie les containers.
J'étais tout seul au
camp. La perfection absolue. Pax en a profité sans que je ne lui
demande rien pour me faire un briefing très détaillé pour les
trois prochains jours, cartes à l'appui. Il m'a montré par où
passer dans ce dédale d’îlots. Avant c'était un dédale de baies
et de lagunes, dorénavant ce sont plein d’îlots partout. Il va
falloir que je les compte si je ne veux pas me perdre. Pax m'a montré
aussi tous les endroits incontournables pour faire du snorkeling.
Puis il m'a laissé là, me rassurant avec le fait que j'abordais une
zone touristique et que j'allais croiser de nombreux bateaux. Si
jamais j'étais perdu, il suffirait que je lève les bras pour
demander de l'aide et les capitaines se feraient un plaisir de me
montrer par où passer. Mais après ces trois jours je n'ai plus
peur. Du reste je n'ai jamais eu peur, juste un peu d'appréhension
devant tant d'inconnu. J'ai de la ressource et de la force en moi. Je
sais désormais que je peux rebondir sur chaque situation et aller de
l'avant, c'est ce que cette expédition m'a déjà appris. Je me sens
désormais prêt à affronter n'importe quoi, je me sens pousser des
ailes. Pour un peu je m'inscrirais à Koh Lanta dont seule la
dégustation des vers m'a empêché jusque là de le faire. Mais
j'aimerais bien tenter, pour tester mes limites. Ici c'est un peu un
avant goût.
Au camp il y a des coqs
qui ont élu domicile. Sans doute des petits futés ont dû trouver
rigolo d'en apporter un jour. Et ils ne font que chanter,
complètement détraqués. Espérons qu'ils soient calmes cette
nuit... Comme promis j'ai eu au cours du dîner un coucher de soleil
fabuleux et inattendu. En effet le soleil avait disparu peu avant,
caché par la colline juste de l'autre côté de la baie mais
quelques instants plus tard c'est venu tout d'un coup alors que je
levais le coude prêt à engloutir une bouchée. Le ciel s'est
complètement embrasé. J'ai tout lâché et couru les mains
graisseuses pour immortaliser l'instant. Être ici loin de tout, seul
au monde et vivre ça, c'est une récompense ultime. Cette expédition
est une vie dans ma vie, faite de peines, d’efforts, de joie, de
désespoir et de bonheur. Toutes les émotions y passent et ce en
l'espace de de quelques heures...
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