Aujourd'hui est mon
dernier jour en Australie et pire encore, le dernier jour dans les
mers du Pacifique Sud ! Je suis triste car j'y ai vécu des
aventures formidables qui me feront y revenir. La dernière semaine
sur la Sunshine Coast a été un enchantement, pour un peu j'y serais
resté plus longtemps. Du beau temps tous les jours, des températures
de 39 degrés à 13h44 comme aujourd'hui, un océan incroyablement
chaud, des vagues pour s'ébrouer, des forêts luxuriantes, des lacs
et mangroves, des dunes à perte de vue et même des îles
tropicales. Tout ce qu'il faut pour s'occuper et passer du bon temps.
Sans oublier des gens heureux qui font tout baigner dans une ambiance
à part où chacun a sa place et se sent le bienvenu. No worries !
Il y a encore de
nouvelles expressions pour dire bonjour, ça se décline à l'infini.
Il y a « aïgamé », qui veut sans doute vouloir dire
« Hi guy man » ou encore « émé » pour je
crois « Hey man ». Du coup avec mes laconiques « Hi »
ou « Hey » j'ai l'air bien cruche. Mais je me sentirais
encore plus con de leur dire bonjour de la même façon avec mon
accent frenchie. Ça ne sonne pas pareil et pas très naturel.
Ce matin, j'ai replié la
tente pour de bon. La prochaine fois qu'elle servira ce sera à Guam
où je vais à nouveau faire du camping sauvage car c'est une
destination prisée des japonais et les hôtels sont des espèces de
complexes énormes où doit y régner du bruit en permanence. Je
n'aime pas ces grands hôtels anonymes ou les numéros de chambre
sont à 3 voire 4 chiffres. Et comme on peut camper un peu partout
dans les jardins publics, dixit mon guide, je vais en profiter. En
parlant de guide, j'ai laissé celui de l'Australie sur un banc d'un
arrêt bus de Sunshine Beach avec mon sac de couchage dans sa housse
à côté. Je n'ai pas pu me résigner à les jeter, c'est un peu du
gâchis, ils sont en bon état et pourraient servir pour des
backpackers qui justement dormaient encore dans leur van juste à
côté. Je n'ai pas eu envie de ramener le guide car il n'était pas
si bien que cela et j'ai pu voir quand j'étais en Tasmanie que plein
d'endroits - la majorité - étaient passés sous silence.
Après le petit déjeuner,
invariablement le même, des cookies trop sucrés avec un jus de
fruit, j'ai attaqué le parc national de Noosa, pour une balade au
champ des oiseaux autour d'un court sentier qui permet la découverte
de la forêt pluviale et qui invite à la méditation. Le parcours
est très éducatif et explique par exemple l'intérêt du bois
pourri couvert de champignons et de mousses qui participent a un
cycle où la mort des uns sert à enrichir ceux qui restent. C'est un
fragile écosystème. Des panneaux invitent à s'arrêter et à
écouter autour de soi, de compter le nombre de chants d'oiseaux
différents. De réfléchir à ce que serait cette belle forêt si
l'endroit n'était pas classé parc national. Car c'est vrai que le
lieu est prisé et qu'il y a une forte pression immobilière. Il faut
dire qu'on est à peine à 100 kilomètre de Brisbane et l'autoroute
roule très bien et très vite dans cette section à 2 voies.
Tout ce
qui se vend ici se fait par enchères. Et les vues sur Noosa sur la
colline en bordure du parc national et nichées dans la jungle sont
devenues le spectacle de privilégiés. J'ai essayé d'apercevoir
quelque chose, au détour d'une rue qui monte. Rien, que des
derrières de villa dont la moitié de la maison est une terrasse qui
surplombe la baie. La vue est pour eux, pour les autres il reste la
plage. Ou le bois. J'ai commencé ma balade à 7h30, à l'heure où
les autres dorment encore. Ainsi, j'ai pu me garer facilement et
profiter des bruits de la forêt pour moi tout seul. Il y a un oiseau
qui a un drôle de chant. On dirait qu'il produit des décharges de
courant façon pistolet laser. J'ai essayé d'immortaliser son chant.
C'est très spécial.
Tous les matins j'étais
réveillé par eux et leurs compères. La nuit c'est silence radio
mais dès que la première lueur pointe son nez, c'est fanfare, toute
la forêt s'anime et célèbre une nouvelle journée.
Sunshine Beach |
Pas besoin de
réveil, avec le vacarme qu'ils font on est obligé de se lever. Ou
de laisser passer l'euphorie, en général après une heure de ce
traitement ils se fatiguent et le bois reprend un air normal de bois
de journée. La nuit ils pioncent. Et lourdement visiblement, car une
nuit où j'avais planté la tente dans le parc, j’avais perdu
l'équilibre en voulant rentrer dans la tente, heurtant un jeune
arbuste de ma hauteur qui avait secoué au passage un oiseau qui
dormait là et ne m'avait pas entendu. Il s'était envolé comme il
pouvait, un vrai danger public dans le ciel, manquant me rentrer
dedans et en poussant des cris de poule effrayée.
Le petit tour dans le
parc était d'une fraîcheur toute revigorante. J'ai mis une heure
pour faire le tour du sentier qui ne faisait guère plus d'un
kilomètre. De retour au parking, c'était un ballet de voitures qui
tournait en rond et attendait clignotant en évidence que je parte.
J'avais bien choisi mon moment pour venir. Du coup, je suis sorti de
là, direction la plage, celle où il faut marcher. A force je revois
les mêmes têtes d'un jour sur l'autre et les gens me disent
bonjour, me reconnaissant en retour. Il y a ceux qui restent, qui
profitent du lieu, et ceux qui passent, le pas pressé pour faire le
tour du parc. Si on veut il y a à faire, il y a 5 parcours de
randonnée. Je n'en ai fait que 3.
A la plage il était 9h30
quand j'ai posé ma serviette. C'est bien matinal mais avec un soleil
qui se lève dès 5 heures et tape déjà très fort, j'avais plus
l'impression qu'il était midi. C'était parfait car je n’avais que
jusqu'à 14 heures avant de prendre la voiture pour retourner sur
Brisbane. J'ai passé ces derniers instants dans les vagues,
m’enivrant de l'oxygène et des ions positifs. Pour le reste de mon
voyage je reverrai bien sûr la mer, ce n'est donc pas comme à la
fin de l'été où je n'arrive pas à sortir de l'eau me disant
« c'est mon dernier bain » ; en revanche je ne suis
pas sûr de retrouver des plages avec de belles vagues. C'est ce qui
me plaît le plus. Un lagon c'est bien pour barboter et aller voir
les poissons mais les vagues c'est plus grisant. Je regardais les
surfeurs tout à côté qui semblaient dans leur élément. J'aurais
dû faire ça plus jeune. Maintenant je suis trop vieux.
Ce n'est pas
faute d'avoir été élevé dans une région bénie pour le surf. Je
me souviens au lycée, il y avait certains de mes camarades qui
partaient tous les mercredis après midi et les week-end la planche
sous le bras, été comme hiver. Ce n'est pas ceux qui avaient les
meilleures notes... A l'époque j'étais complexé de tout, je
restais dans mon coin et je me trouvais nul en sport, j'étais sûr
que je n'arriverais pas à tenir sur une planche. Des choses à la
con auxquelles on pense qu'on a l'âge bête. On aurait dû me
pousser. C'est un regret que j'ai. Ça et la guitare. Mes parents
m'avaient mis au piano et à la batterie et ça ne m'a jamais
enchanté plus que cela. En revanche, le son de la guitare me plaît
plus et on peut se trimbaler l'instrument partout, comme un
saltimbanque. C’est un peu comme un animal de compagnie qui comble
la solitude. Je n'en souffre jamais, je ne sais même pas ce que
signifie le mot. Je suis un solitaire c'est différent. En rentrant
de la plage j'en ai croisé un de ces bohèmes, pieds nus et torse
nu, la guitare à la main. Même pas une serviette. Je me sens proche
des doux dingues, ce genre de personnes un peu décalées, qui vivent
différemment et ont un autre regard sur le monde, détaché de la
pression économique.
J'ai retrouvé la voiture
comme un four. Impossible de s’asseoir sur le siège, j'ai dû
laisser les portes ouvertes pendant 5 minutes et même malgré cela
le volant était bouillant. La colle de mon bloc note avait fondu.
Il faut dire que je l’avais laissée au soleil, seul endroit où
j'avais trouvé à me garer, afin d'écourter la marche vers
Alexandria Bay. Il était temps que je remonte, un peu plus longtemps
et les pneus se seraient transformés en flaque, ce qui m'aurait bien
ennuyé !
A Brisbane, en faisant le
plein, j'en ai profité pour passer un coup d'aspirateur. A 1 dollar
la séance, c'est 59 de sauvés ! Car Budget demande aussi que
le véhicule soit rendu dans son état initial. Ce doit être une
spécificité australienne. Cette fois s'ils osent me débiter la
carte, je leur fait une tête au carré. J'étais prêt à prendre
une photo de moi avec l'aspirateur, comme preuve.
Mais je n'ai pas eu
le temps, il a fallu que je m'active, j'ai fini de là en sueur,
courant d'une portière à l'autre avec ce gros et lourd tuyau. Une
fois à l'aéroport le temps couvert qui couvait juste au dessus de
Brisbane a gagné du terrain et a éclaté juste au moment où l'on
partait. Ouf ! En revanche, ceux qui allaient à Sydney ont eu
moins de chance, leur avion étant retardé en raison de la météo.
Décidément je ne sais pas ce qu'a Sydney cette année, mais ils
vont finir par moisir si ça continue. Je retiens que la Sunshine
Coast a un nom bien mérité. C'est à se rappeler pour la prochaine
fois.
Dans l'avion pour Cairns,
Jetstar a inventé le divertissement à bord payant, ce sont des
consoles Ipad chargées de films qui se louent 10 dollars. On
n'arrête plus les faux frais à bord. C'est honteux. A quand les
chiottes payantes ? Le vol pour Cairns dure un peu plus de deux
heures.
J'ai fait des pieds et des mains pour essayer d'avoir un
siège hublot et à l'enregistrement l'employée a fait un geste en
m'octroyant un siège pour diminués (traduction littérale de
« disabled » que je trouve plus amusante). Elle a vu que
j'étais français et rêvais de voir la grande barrière de corail.
Si on la voit de l'espace, on doit bien aussi la voir d'un avion,
non ? J'ai eu pour consigne en revanche de changer pour un autre
siège si jamais un diminué était à bord. Seulement je ne sais pas
ce qu'elle a traficoté mais sur ma carte d'embarquement, le siège
était toujours le 21D que j'avais choisi lors de l'enregistrement en
ligne, un couloir. Et l'avion est complet. Plein de japonais. Qui
vont sans doute rentrer chez eux de Cairns, ou me suivre vers Guam.
Au final, ce n'était pas la peine de chouiner autant, on ne voit
absolument rien, la grande barrière de corail est barrée par des
nuages. Sans doute les mêmes que ceux qui sévissent par là bas
depuis plus d'un mois !
On ne va pas tarder
d’atterrir à Cairns. J'y ai une attente de près de 6 heures. Je
ne sais pas ce que je vais faire pendant tout ce temps. Regarder des
films sans doute. Ou dormir. Mais au risque de rater l'avion.
Attendre plus d'une heure du matin alors que d’ordinaire je me
couche avant 9 heures, ça va être surhumain ! C'est un vol de
nuit, je les déteste mais je n'avais pas le choix. 5 heures de vol
seulement et pas un décalage horaire, Guam étant au même niveau
mais côté hémisphère nord. On se demande bien pourquoi ils en ont
fait un vol de nuit. C'est mon dernier, après j'ai fait exprès de
rentrer de Thaïlande un dimanche car le dimanche il y a un vol
supplémentaire Bangkok/Paris qui part à midi. Sinon le reste du
temps il faut se farcir un vol de nuit, passé à se tordre sur un
siège à essayer de dormir assis. Je vais donc quitter l'été pour
me retrouver l'hiver. Enfin, c'est tout relatif, c’est la saison
sèche, je n'ai pas trop d'inquiétude à avoir, hormis le fait que
Palau où je serai dans 4 jours est une des régions les plus
pluvieuses au monde. Mais ce sont des averses au milieu de grands
passages nuageux. Ça ne me gène pas. Ce qui me mine en revanche
c'est de la pluie toute droite sans discontinuer pendant des jours,
semblant ne vouloir jamais s'arrêter. Comme en Nouvelle-Calédonie.
Mais ça, c'est derrière moi ! Bye Bye l'Australie, bye bye mon
Pacifique Sud, Bye Bye James Cook... Mais ce n'est qu'un au revoir,
je reviendrai, j'en fais le serment, et vite ! Le Queensland
m'attend en saison propice, tout comme la côte nord ouest qui borde
l'océan indien et qui compte de superbes plages tropicales
auxquelles on ne pense pas, autour de Broome.
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