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mercredi 9 novembre 2011

Apatrides et incompris

La plage de la pension
A la pension il y a un gars tout seul, qui est venu à Tikehau pour 2 semaines, là où tout le monde reste 1 ou 2 jours. Tout le monde se moque de lui car il parle très peu et finit tous les plats. Chacun y va de sa petite vanne : « Dépêchez vous de manger avant que l'autrichien n'arrive ». Même le gamin de la pension s'y met : « Vous serez 13 ce soir à table, 14 avec l'autrichien ». On ne le compte pas, on le rajoute comme si c'était un chien. Sauf que quand le gosse a dit ça, le fameux autrichien était avec moi et il a a compris. Chacun se fout de lui alors qu'il est à côté mais il comprend le français, c'est encore plus cruel. Je me suis toujours plus penché vers les canards boiteux que vers les petits coqs, aussi ce matin je lui ai parlé au petit déjeuner, alors qu'il n'y a avait plus que nous. Il avait l'air content que je lui parle, tout le monde l'ayant mis à l'écart, au coin de la table. Déjà il n'est pas vraiment autrichien, il vit à Koh Samui avec sa femme thaïlandaise. 
Au fur et à mesure de la conversation il m'a même proposé de dormir chez lui lors de mon passage en Thaïlande. Je le trouve plus intéressant, plus discret que par exemple un gars imbu de lui même qui parlait sèchement et à la mitraillette, sûr de lui, qui monopolisait les discussions, tout tournait sur son boulot, la vie en France... Un commercial, évidemment ! Aucun intérêt, heureusement il est parti hier. Les discrets ont plus de trésors en eux pour moi. Depuis notre conversation de ce matin, chaque fois que je le croise, il a toujours un petit mot pour moi. Le dernier c'était cet après midi : « The paradise is lost », en désignant en souriant la tente que des nouveaux avaient installée à 2 mètres de la mienne. Puis il a enfourché un canoë, vers un îlot en face de la pension, loin vers l'horizon, à plusieurs kilomètres : « Il n'y a personne là bas pour t'emmerder, à part 5 oiseaux. Il y a une maison inhabitée sur laquelle tu peux monter et admirer la vue ». Le fait qu'il me dise ça prouve que ce ne peut pas être un type mauvais ! C'est un original, un solitaire. C'est marrant, le fait d'être moi même souvent incompris me permet de comprendre les incompris. J'aime les doux dingues, les gens en dehors du moule.
Cherchez bien, au milieu, l'îlot de l'autrichien
Il y a aussi Pascale à la pension, une professeur des écoles comme on dit maintenant, qui vit à Papeete, expatriée. On a sympathisé hier sur le bateau lors de l'excursion à l'île aux oiseaux. Nous n'étions que les 2 seuls de la pension. Je l'ai croisée à vélo ce matin, près de l'aéroport où je m'étais arrêté pour prendre des photos. Il est drôle cet aéroport, au milieu des cocotiers. Pas de barbelés, pas de clôture, il paraît que les habitants y font faire leur jogging ! Et l'aéroport est ouvert aux 4 vents, c'est un faré sans porte, comme à Maupiti. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Pascale était venue pour faire une photo de l’avion se posant à Tikehau. On bavassait en attendant qu'il n'arrive. Elle m'a demandé d'où je venais, je lui ai dit que je n'aimais pas répondre à cette question, que je ne me sentais pas parisien et plus encore que je ne me sentais de nulle part. C’est exactement la même chose pour elle ! 
Ça me rappelle d'autres personnes que j'ai rencontrées, les voyageurs ont une autre vision sur le monde, ils ont été piqués au sens ils ont choppé le virus, comme me disaient Odile et Laurent, le couple de prof de Tahiti dont Odile a la ciguatera. Eux aussi sont extraordinaires. J'ai discuté avec eux ce matin un long moment devant leur bungalow. Ils ont quitté la France, ont bourlingué un peu partout dans le Pacifique, au gré de retours en France tous les 2 ans. Les profs qui demandent des mutations dans les DOM TOM peuvent y enseigner 2 ans, puis doivent rentrer en France 2 ans avant de pouvoir à nouveau redemander une affectation. On pourrait croire que Tahiti est loin de tout avec notre vision égocentrique de l'Europe, en fait ils peuvent voyager n'importe où et ne s'en privent pas. 
La seule et unique route de Tikehau
LAN airlines permet de gagner l'Amérique du Sud via l’île de Pâques et Santagio de Chile. Ils peuvent aller en vol direct vers les USA, la Nouvelle Zélande, la Nouvelle Calédonie. Les îles Fidji sont à un transfert, l'Australie aussi. Pour leurs vacances ils peuvent aller explorer la multitudes d'îles et d'archipels de la Polynésie. Bref, c'est très riche et il y a fort à faire. Leur prochain souhait d'affectation c'est Wallis et Futuna, une fois que leur dernier fils, adolescent, sera assez grand pour voler de ses propres ailes. Car Wallis et Futuna est très petit et pour un jeune ils ont peur qu'il s'y ennuie ferme. Déjà qu'il leur reproche le fait d'être à Tahiti. C’est la crise de l'adolescence, il est nonchalant et on l'impression qu'il fait la gueule tout le temps. Quand il parle il a l'accent Tahitien, c'est drôle ! J'ai leurs coordonnées, ils ont proposé de m'héberger à Tahiti. Si ça continue, quand je vais revenir je vais pouvoir faire un autre tour du monde en étant hébergé par tous les gens que j'ai rencontrés !
J'ai continué en vélo, prenant mon temps pour explorer. Je me suis arrêté à midi dans un snack pour commander un sandwich au frometon et des frites. J'ai pris mon temps, lisant des magazines tahitiens qui traînaient. Le temps n'existe plus, je me laisse porter par le vent, c’est jouissif ! Au bout de l'île, côté ouest, il y a de petits bancs de sable rose, que j'ai essayé de franchir pour arriver sur le motu en face mais un moment il y a un petit chenal où il n'y a plus pied. J'ai été obligé de renoncer. A cet endroit il y a un banc de sable rose minuscule, de 2 mètres sur 2, en forme de cœur. C'est merveilleux !
Comme un grain se dessinait, je suis rentré à la pension et me suis installé à l'ombre d'un arbre qui a des fruits ronds qui ressemblent à un ananas enflé. 
J'ai écouté de la musique des îles, ma chanson fétiche : Tom Frager, Gwadinina (la vidéo qui illustre est une compilation d'un voyage à l'île Maurice). Tom est un surfeur blond né en Afrique et qui vit désormais en Guadeloupe. Les paroles de sa chanson sont un hommage à son île et me touchent toujours autant. Je comprends tellement ce qu'il veut dire : « J'avance, car il me reste le parfum de ces années, je danse sous les étoiles de mon île, fier d'un pays métissé ; je voulais la mer et le soleil, je voulais le pays des merveilles, à l'évidence la vie s'en est chargée, elle s'en est chargée ». Chaque fois que je l'écoute je suis obligé de la rejouer encore une fois pour m'en imprégner. C'est cette chanson qui accompagne mes trajets en métro et m'aide à traverser le gris, le froid, la pluie et les vicissitudes de la vie. Elle me ramène à ce coin de soleil dans mon cœur que j'ai ramené de mes voyages. C'est ma chanson anti déprime. Mais je n'en ai pas besoin ici !

1 commentaire:

  1. Ça m'a bouleversé cette histoire avec ton ami l'Autrichien... Je suis bien contente que tu lui aies parlé, j'aurai fait comme toi :-)
    Les hommes sont bêtes et méchants ... Heureusement qu'il y en a comme nous qui relevons la moyenne. L'altruisme malheureusement n'est pas une vertue partagée par la majorité et c'est bien dommage! Ce qui me rend fier de mon fils est qu'il a hérité de cela de ses parents (Fred aussi a eu une expérience similaire étant enfant avec une petite fille portugaise à l'école rejetée de tous parce qu'elle n'était pas jolie et avait des crottes de nez... Fred la protégeait contre les autres...)
    Bises du clan B

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