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samedi 12 novembre 2011

Mes amis Tahitiens


 Après le petit déjeuner je suis parti faire un tour à vélo, direction côté récifs. Tous ceux qui y sont allés en reviennent enchantés et Justine aime beaucoup cette partie de son île car les paysages changent constamment le long de cette côte. C'est très sauvage, on roule sur une piste en sable, parmi une cocoteraie. La vue sur les récifs est permanente et à mon premier arrêt j'ai été étonné de voir dans des petites piscines de si nombreux coraux affleurant la surface. C'est du snorkeling sans masque et tuba ! Les poissons sont aussi là mais on a du mal à les distinguer.
Un peu plus loin en chemin il y a un autre endroit avec un bassin plus profond dans lequel un pécheur se trouvait. C'est encore mieux, là on a un aquarium à ciel découvert. 
Mes oiseaux préférés. Exceptionnel : ils dorment!
Il y a une brèche de moins de 2 mètres de large qui relie la bassin à l'océan et le long de cette brèche de très nombreux coraux de toute sortes ornent les parois et les fonds. C'est magnifique, l'eau est d'une transparence extrême. J'ai regretté de ne pas avoir pris mon matériel pour plonger. Enfin presque, car l'endroit était bien gardé par un requin qui allait et venait. Je m'imagine au milieu, dans cette faille où il n'y a pas la place pour se retourner avec un requin chargeant droit devant !
Après, en se rapprochant du village, on retrouve ces coraux surélevés par rapport à la plage, comme à Rangiroa. La côte se termine ensuite par une pointe qui fait face à deux motus, puis repasse côté lagon. J'ai posé mon vélo à cet endroit pour aller faire des photos, il y avait un groupe de polynésiens qui profitaient de leur week-end.
En reprenant mon vélo, l'un deux, un jeune affairé à l'arrière d'un pick up, m'a interpellé. Il voulait savoir comment ça allait, ce que je faisais, si j'aimais être là, si c'était la première fois... Puis il s'est penché vers une grande glacière pour prendre une bière Hinano, la bière de Tahiti, qu'il m'a offerte. On discutait un peu à l'écart des autres, il avait la musique qui sortait de son téléphone qu'il tenait à la main. C'était sympa. Un moment il m'a dit : « Tu surveilles ma sacoche? Je vais prendre une douche». En fait de douche il est parti se baigner !
Lorsqu'il en est sorti, il a ouvert sa sacoche pour prendre un briquet pour se rouler une clope et il y avait plein de billets de 10000 francs. « Je viens d'être payé ». 
En fait - c'est dommage j'ai oublié son prénom, leur prénoms sont durs à retenir - il est ouvrier OP, je suppose P pour professionnel car après il peut passer OS, ouvrier spécialisé. Il va d'île en île au gré des chantiers. Il me dit qu'il gagne bien sa vie, 200000 francs par mois (un peu moins de 2000 euros). Là, il va bientôt rentrer sur Tahiti pendant 1 mois pour les fêtes. Il est originaire de Moorea : « Tu vois les champs d'ananas ? Eh bien ils sont à ma famille ! Tout comme le motu que tu vois en face qui est à mes tantes, cousines... ». Tout le monde ici a un truc légué de génération en génération. Quand c'est légué c'est à toute la famille, ce n'est pas nominatif ce qui fait qu'une même parcelle de terre peut appartenir à un nombre incalculable de gens. Il n'y a pas de registre, il paraît qu'ils s'arrachent les cheveux pour établir les cadastres !



Pris dans l'euphorie de nouvelles bières qu'il me tendait dès que la mienne était finie, il m'a invité à rejoindre son groupe d'amis, ses collègues de chantier en fait. Mais avant il m'a demandé quelque chose, ma paire de lunettes : « Tu sais ici on aime bien partager, quand quelqu'un passe du temps avec nous on a l'habitude de prendre quelque chose qui lui appartient et de lui donner quelque chose à nous. Comme ça, une fois qu'il est parti, il garde un peu de nous et nous de lui. Qu'est ce que tu veux que je te donne ? ». Ça m'ennuyait un peu de lui donner les lunettes, elles me servent bien et en plus elles sont polarisantes, un peu trop du reste car souvent je trouve que le paysage est plus beau quand je les porte. 
Les verres polarisants éliminent les reflets, la surface de l'eau n'existe plus, les bleus du lagon se trouvent exaltés, le vert du feuillage devient bien tendre. Toutes les cartes postales que l'on trouve sur les îles paradisiaques sont toujours faites à l'aide d'un filtre polarisant. Pour ma part je n'en utilise pas, ce n'est pas possible d'en mettre sur les compacts.
« Tu sais mes lunettes sont abîmées, elles sont toutes rayées et elles ne valent rien ». Rien n'y faisait, il voulait absolument mes lunettes. Je les lui ai donc données. « Oh, c'est flou ! ». Eh oui, elles sont rayées, j'étais sur le point d'en acheter une nouvelle paire en Nouvelle Zélande. Mais il en était très content, il ne les a plus quittées de l'après midi, se baignant même avec. En échange, comme je n'avais besoin de rien, il m'a donné les siennes. 
Puis il m'a présenté à ses amis. Rapidement il m'a demandé de le prendre en photo avec tout le monde. Les autres, au début réticents, se sont laissés prendre au jeu, à part les femmes, un peu à l'écart, qui ne voulaient pas qu'on les prenne en photo. Ici pour dire bonjour, ils font tous le même geste que je n'ai pas tardé à adopter dès que je suis arrivé en Polynésie : ils replient les 3 doigts du milieu, le pouce dirigé vers le haut. C'est mignon ! Ils voulaient tous voir mes photos, l'appareil passait de mains en mains, ils regardaient aussi les photos que j'avais faites le matin même. Une fille m'a dit : « C'est joli les cocotiers, mais t'as pas autre chose, des nudistes ? ».
Le petit jeune a ensuite repris l'appareil photo pour faire une vidéo de tous ses amis. Je n'ai pas pu résister à la mettre ici. J'étais content d'être avec eux, de partager la journée ensemble. Je tenais là des moments exceptionnels, plus le temps passait plus ils m'acceptaient et me parlaient. C'est comme si j'avais toujours fait partie de leur groupe. L'un d'eux m'a dit : « On est gentil, j'espère que tu le diras quand tu rentreras en France ». Pour ça ! Même avant. Je leur ai parlé de mon blog, je leur ai donné l'adresse pour qu'ils puissent aller voir les photos. Je ne sais pas s'ils en auront l'occasion, j'espère. Ce sont de joyeux drilles, tout le temps à rigoler, de vrais gosses. Ils me parlaient d'un type qu'ils connaissaient, qui avait un drôle de nom de famille avec lequel ils s'amusaient pour le charrier : Mariasussé ». Je vous laisse deviner comment ça se prononce : « Le pauvre gars a changé d'île tellement il le vivait mal. Il a sans doute changé de nom ! » La vidéo s'est mal terminée, le petit jeune est tombé avec l'appareil, ayant trébuché sur une pierre. L'appareil n'a rien mais lui a une grosse bosse qui saignait. Il s'est éclipsé et je ne l'ai pas revu avant le soir.
Le Roi et son petit frère
Je suis resté en compagnie de son grand frère de 28 ans. « C'est mon petit frère, il est tout fou, mais je suis là pour le surveiller! ». Il s'appelle « le roi », je ne me souviens que de la traduction française de son prénom. Il m'a beaucoup parlé, il a sa femme qui reste à Tahiti avec sa petite fille de 5 ans. Pour lui c'est assez dur d'être toujours par monts et par vaux. Son rêve est d'ouvrir une pension sur Moorea, pour retrouver ses racines et profiter de sa famille. Pour l'heure, après la trêve de Noël, ils doivent revenir sur Tikehau finir le chantier jusqu'au mois de mars, puis après ce sera Rangiroa et Fakarava. A Tikehau, ils habitent tous ensemble mais n'amènent jamais personne chez eux. C’est pour des raisons de sécurité, sinon ceux qu'ils inviteraient pourraient en profiter pour repérer les lieux et venir les dévaliser pendant qu'ils dorment. 
Il m'a conseillé de ne jamais inviter un Polynésien là où je suis pour ces raisons. N'empêche, en fin de journée, ils ne voulaient pas me quitter et voulaient que je vienne manger chez eux. « On a du poisson, du riz... ». J'ai dû décliner en leur disant que j'étais attendu pour le dîner à la pension, à 19 heures.
Le Roi m'a raconté une histoire avec ses mots simples, tout en pudeur, qui m'a beaucoup ému, j'en avais les larmes aux yeux. Il m'a parlé de son cousin, Lumière (traduction aussi de son prénom), qui était parti vivre en métropole. Il est revenu un jour pour les vacances et ça a été de belles retrouvailles. Puis en rentrant en France il s'est pendu. Comment un tahitien peut il survivre en France ? « Ici la vie est si paisible, on n'a besoin de rien, Dieu nous donne tout. C'était un frère jumeau pour moi, il est parti à 25 ans, trop jeune, trop tôt ». Je sentais sa blessure encore vive. Dans ces moments là on ne sait pas trop quoi dire, je le laissais parler, retenant mes larmes. Ce message est pour vous, Le Roi et ton ami Lumière.
J'ai été heureux de les rencontrer et de partager un après midi avec eux. C'est ça de voyager seul, on est plus disponible pour les autres, plus ouvert. Ils m'expliquaient que pour eux c'est plus difficile de nouer des contacts avec des couples, qu'ils sont plus dans un cocon, plus en retrait, plus sur la défensive. J'espère avoir été une présence agréable pour eux, quand on dégage de bonnes ondes, les autres le ressentent. Je pense que c'est pour ça que j'ai beaucoup de belles rencontres depuis que je suis en Polynésie. Ça rajoute un charme supplémentaire aux voyages. Un voyage ce n'est pas que des paysages, c'est aussi aller à la rencontre des autres, partager des cultures, des idées. C'est cela qui enrichit. Il ne faut jamais juger mais il faut accepter l'autre, sans crainte ni méfiance ou réticence. 
Il y a un proverbe ici qui dit : « Si tu viens chez moi je sais t'accueillir, si tu viens chez toi je ne sais pas t'accueillir». C'est tellement vrai ! Une fois qu'on se dit ça, on a le laisser passer qui permet d'aller à la rencontre de tous. Il faut rester simple et humble. Je n'ai jamais eu aucun problème nul part en étant ainsi. Remarque, c'est aussi ma nature. Je me rappelle un skipper aux Grenadines, qui me voyait crapahuter tout le temps et parler avec les rastas. Il m'avait dit à la fin du voyage : « Ne change pas ! ». Ça m'avait touché.
Le Roi m'a offert son chapeau qu'il avait mis la journée à tresser pour lui. C’est bien trop grand pour moi et il s'en amusait. « Quand je l'ai fait, j'avais une casquette sur la tête, c'est pour ça ! ». Il m'a aussi avoué que ça leur arrivait de manger des tortues...et du chien ! 
Tant mieux qu'ils mangent des chiens, ça en fait moins, ces saloperies n'ayant pas de prédateurs. En rentrant, comme ils allaient dans la direction de la pension, ils m'ont demandé de monter avec eux dans le pick up en mettant le vélo avec. Ils se sont arrêtés à l'épicerie pour déposer les bouteilles vides de bière (ici le verre est consigné) et pendant qu'on attendait, il y avait une maison de l'autre côté de la route avec pas moins de 8 chiens qui aboyaient tout autour. La dame qui habitait là essayait de les calmer, tout en nettoyant sa terrasse avec un balai en cocotier. Le Roi m'a dit en souriant en montrant l'un des clebs : « Ça fera 2 assiettes ! ».
Je suis ensuite rentré avec le vélo, il faisait nuit et je n'avais plus les idées très claires. Vu qu'il n'y a qu'une route, difficile de se perdre. Je me souviendrai longtemps de ces 6 heures de bonheur passés avec eux au bord du lagon. Je laisse des amis. Mes amis Tahitiens...

La plage où l'on discutait


1 commentaire:

  1. cool le blog brad :)
    je te vois en polynesie chez nous
    je te ferais un belle acceuil

    faaitoito a toi

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