Voyage au centre de la Terre

Champagne Pool

Le cratère du tonnerre

 En me levant, il y avait déjà un petit monde qui se pressait vers la plage, comme un régiment d'artillerie armé de pelles. Car c'était la marée basse du matin. Pour ma part j'ai décampé rapidement, c'est pratique il n'y a rien à ranger, on passe de la chambre-salle à manger au poste de pilotage en deux temps trois mouvements. Pas même besoin de s'habiller ! J'ai peur de devenir accroc au camping-car, quelle liberté ! Mais question budget il faut assurer aussi : un plein de 60 euros tous les jours qui me tient moins de 400 km. Ça file vite, il serait temps qu'ils trouvent autre chose que le pétrole. Paraît il qu'ils ont trouvé mais que les lobbys pétroliers et les constructeurs étouffent l'affaire. Je sais ça de source sure : en septembre dernier alors que je faisais un stage dans le Mercantour, l'organisateur nous avait dit qu'un ami à lui, ingénieur de son état, avait mis au point un prototype de voiture qui marchait à l'eau ou un truc du style, je ne me souviens plus trop. Faute d'obtenir des crédits et suite à des pressions et menaces qu'il aurait reçues, il a décidé de ne pas se battre et a vendu son brevet à un constructeur automobile qui le garde dans les cartons.

La palette de l'artiste

Je me suis arrêté à Whitianga, sur la côte est de Coromandel, dans une laverie à l'entrée du village, où je suis resté deux heures, le temps de rédiger l'épisode de la veille. Juste à côté se trouvait une boutique minuscule qui vendait 3 habits, 2 souvenirs, du café et des muffins. J'en ai profité pour prendre mon petit déjeuner. Ensuite j'ai poursuivi 60 km au delà, à Tairua, où j'ai trouvé un spot WIFI au niveau de la marina. Avec toute cette affaire il était 11:00 et il me restait encore pas mal de route jusqu'à Rotorua, le but du jour. Évidemment je me suis perdu à Tarauga, il n'y avait aucun panneau indiqué pour Rotorua alors que c'est une ville très touristique en raison de ses curiosités naturelles. Bilan de l'affaire : j'ai dû traverser la ville au milieu de feux, de ronds points et de vitesse limitée à 50. Je passais de zones commerciales en zones commerciales, ça n'avait plus de fin. Comme par hasard, on est samedi et les gens faisaient leurs courses... Un cauchemar !

Rotorua est célèbre pour ses curiosités géologiques étonnantes ; la région regorge de sites volcaniques, de geysers, de sources thermales et de lacs bouillonnants. A ce propos, je bouillonnais aussi : la météo du journal du restaurant d'hier précisait qu'aujourd'hui était la dernière journée de soleil dans la région avant une perturbation attendue pour demain. Mais au fur et à mesure que je m'avançais dans les terres, les nuages étaient de plus en plus nombreux et gris, plus loin à l'ouest c'était tout bouché. Ici, contrairement à la Polynésie, le vent souffle d'ouest vers l'est et ces derniers jours le vent est assez fort, ce qui fait que la perturbation est peut être en avance. Du coup je roulais comme un dératé, m'énervant après ceux qui se traînent sur les routes, les autres camping-cars, les camions... Car je voulais être à destination sous le soleil !

Je suis arrivé à Rotorua à 13:30 pour faire le plein, accueilli par une odeur d’œuf pourri. J'ai profité de l'arrêt pour lire les guides car je ne savais pas où aller précisément. La région regorge de lieux volcaniques mais je voulais d'abord voir le site de la photo qui est sur ma page « Aperçu », celle avec le lac fumant et le sable orange. Le site est encore à 30 km de là, à Waiotapu, un village qui n'en est pas un : deux ranchs qui se battent en duel !

Avec tout ça, il était à présent 14:30 et je n'avais encore rien fait et rien vu de la journée, que de la route ! Et le ciel était cette fois bouché. Normal, avec ma veine ! Mais une trouée de ciel bleu risquait d'arriver d'un moment à l'autre, d'après mon observation de la direction des nuages. Et elle risquait de ne pas durer longtemps, il fallait donc faire vite. Des touristes au guichet (le site est payant) posaient plein de questions, derrière je trépignais, le soleil ayant refait son apparition. Un autre guichet s'est ouvert, merci mon Dieu ! 

Le site est féerique, ça fume de partout, ça bouillonne, ça éructe, ça pète. Un vrai capharnaüm ! Et une odeur de soufre puissante qui n'a pas tardé à me filer un mal au crane tenace. Il y a des cratères jaunes, des fumerolles, des lacs de boue en ébullition. Je marchais d'un pas pressé vers Champagne Pool, l'atout majeur du site. Et le soleil était bien là. Je pouvais enfin me détendre, il pouvait maintenant faire n'importe quel temps. Champagne Pool est fantastique, incroyable, ahurissant ! Je ne pensais pas qu'un tel endroit existait sur Terre. C'est un lac bouillonnant qu'on enjambe en passant sur une passerelle, prenant de face les vapeurs de soufre au gré du vent. La couleur de l'eau est jaune et des dépôts orange ornent le pourtour du lac. De fines bulles de gaz viennent crever à la surface du lac, lui donnant son nom. 

Des panneaux indiquent de ne pas trop s'approcher de près, l'eau sortant à 100 degrés ! Moi aussi j'étais en ébullition, d'excitation. J'avais encore les larmes aux yeux de voir ça. J'ai oublié de manger à midi c'est pour dire ! Rien que pour ce site, ça mérite de traverser la moitié du globe. Encore mieux qu'hier, c'est inouï. Après Champagne Pool il y a encore plein de choses à voir, la balade dure 75 minutes sur le descriptif du parcours, j'y suis resté deux heures ! Il y a des cascades de soufre, des cratères de toutes couleurs avec à chaque fois des eaux différentes au fond. C'est un vrai parc d'attraction naturel ! Fermez Disneyland, y a rien à voir !

lac de Ngakoro

A un endroit, vers la fin du parcours avant de faire demi tour, se trouve un lac tout vert, comme à la sortie du site du reste, mais un vert irréel qui n'a aucune couleur de connue. C'est simple je ne peux le comparer à rien ! C'est la teneur en arsenic qui lui confère cette couleur. Si vous vous baignez, ne pas boire la tasse ! De toute façon on ne peut pas, le site est bien protégé, on ne peut rester que sur le sentier qui porte des numéros allant jusqu'à 25 en face de chaque curiosité. Il y a des barrières tout autour. Il y aussi un peu partout des résurgences de pétrole qui forment des plaques luisantes.

La végétation est étonnante, elle est orange ! Je pensais que c'était les vapeurs de gaz qui oxydaient les bois mais c'est en fait une algue orange qui colonise les troncs et les branches. J'ai touché, c'est en effet visqueux comme un champignon.

L'appareil photo a chauffé je ne l'éteignais même plus à la longue, à chaque mètre il y avait besoin quasiment de prendre une photo différente. Du coup je vais regrouper à la fin de ce message les photos avec le descriptif tel qu'il figure sur le dépliant qui ma été remis à l'entrée (en français!).

J'étais quasiment le dernier à quitter le site, sur le parking il n'y avait plus que 3 voitures. Mais la visite n'était pas terminée pour autant, à la sortie un peu plus loin se trouve un site bien fléché constitué d'un lac de boue qui bouillonne mais en projetant des paquets de boue en l'air : Muld Pool. Ça fait un bruit de purée qu'on aurait oublié sur le gaz ! Ça aurait mérité une vidéo mais la carte mémoire est pleine. Dommage...

Muld Pool

Quand je suis sorti de là il était 17 heures et pas question de finir la journée. J'étais prêt à rentrer sur Rotorua pour manger ce soir car pris par ma frénésie, je n'avais fait aucun course donc rien à manger pour ce soir. De toute façon avec la diète de la journée, j'avais besoin d'autre chose pour dîner que d'un bout de fromage. Ça m’emmerdait vraiment de devoir retourner en ville, alors qu'ici l'endroit est parfait pour dormir. Car avec tous ces sites volcaniques, on en oublierait presque le paysage autour. L'endroit est fabuleux, entre forêts de sapins et lacs. C'est très reposant, même si l'air donne mal à la tête ! En fait, à la sortie de la route qui mène à Waiotapu Thermal Wonderland se trouve une station service et une taverne. Ni une ni deux, je suis allé demander s'ils servaient le soir. Parmi le baragouinage du petit vieux, comme à l'accoutumée, j'ai cru saisir qu'il faudrait que je revienne vers 19:30 car ils ferment la cuisine à 21. Parfait, j'ai dit « See you later ».

Les chutes d'eau du lac de Ngakoro

Le bain du diable

Trop content de pouvoir rester ici, je me suis mis en quête d'un nouveau site à visiter. C'est facile, il y en a plein. Et même quand il n'y a rien d'indiqué, il y a de l'activité partout. Les fourrés, les fossés, les bosquets, de partout sortent des fumerolles, comme des feux follets qui vivent leur vie et dont tout le monde se fout. Sur la carte apparemment il y a juste à côté, en revenant un peu vers Rotorua, un geyser. Il y en avait bien plusieurs à Thermal Wonderland mais ils ne fonctionnaient pas (quelle arnaque!), il est dit que ça ne marche que quand le vent du sud souffle fort. Va savoir pourquoi, je ne vois pas le rapport. Ce qui est marrant c'est qu'il y a un micro climat. Avec toutes ces sources chaudes ça réchauffe l’atmosphère, je n'ai pas froid.

J'ai emprunté une piste un peu défoncée qui semblait se diriger vers la bonne direction. Le long du parcours j'ai identifié là où je me garerai ce soir. La piste ne cessait de s'enfoncer, toujours pas de geyser, rien d'indiqué. Alors que j'étais prêt à rebrousser avant d'avoir un pneu crevé, j'ai aperçu une barrière qui fermail la piste avec quelques voitures garées. Peut être était ce là. J'ai vu des gens pieds nus en maillot de bain, avec des serviettes, aller et venir dans un sentier qui partait sous la forêt. Je ne sais pas ce que c'était mais j'ai suivi, il y avait l'air de se passer quelque chose, j'entendais des cris de joie ! Eh bien je n'ai pas regretté. Y coule une petite rivière...d'eau chaude ! A un moment il y a une cascade et en dessous un bassin fumant avec une dizaine de personnes en train de barboter. 

En moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire j'étais en tenue de bain. D'abord prudent en jetant un orteil, la température m'a tout de suite plu et j'ai plongé direct. Le bain était prêt, il n'y avait pas le mélange à faire comme hier ! Pouvez vous imaginer une cascade d'eau chaude à 40 degrés dans un site enchanteur, bordé de fougères arborescentes à travers desquelles les rayons du soleil perçaient pour illuminer de reflets dorés le fond du bassin ? De plus quand on est assis dans l'eau ça chauffe aussi de par dessous, le sable transmet la chaleur comme si on avait le cul sur un grill ! C'est l'extase. Tout le monde était euphorique, en plus c'est profond, il y a un endroit sous la chute où il n'y a pas pied. J'ai emmené l'appareil photo avec moi pour prendre la cascade, en prenant soin de ne pas glisser. 

Une baigneuse, une hollandaise, m'a demandé si je voulais une photo. Comme elle avait les mains mouillées, elle a trouvé l'idée de se les essuyer sur mes cheveux. Avec la touffe que j'ai en ce moment, ça fait bien l'affaire. Ça me faisait rire qu'elle ait eu l'idée, ça doit vraiment être horrible pour qu'elle remarque. Je m'en fous, je ne suis pas là pour faire un concours de beauté et puis ça me donne un air un peu plus baroudeur qui va bien au thème de mon voyage. Voyage qui est fantastique. Je vous emmène dans les plus beaux coins de notre planète, j'espère que vous appréciez autant que moi ! Notre Terre est magnifique, prenez en soin !

Vous voyez comme ça fume?

Ce soir je sens l'allumette, grattez moi et je m'enflamme ! Je ne sais pas si c'est bon pour la peau, je n'ai rien pour me rincer. Je viens de finir mon T-Bone steak à la taverne, il est 20:51, temps pour moi de prendre le van et d'aller le garer dans le chemin pour la rivière bouillante. En fait son nom c'est Kerosene Creek, je ne sais pas pourquoi car elle sent plus le soufre ! Je vais rester quelques jours dans le secteur, c'est trop beau et trop bon. Et puis j'ai trouvé le moyen de me baigner, et j'en redemande !

La piscine à huitres

La grotte à soufre

Les chutes du voile de mariée

La poêle à frire

La promenade de la forêt indigène

Les tertres de soufre

Le glacier volcanique

La piscine d'opal

Champagne pool

Muld pool

Le cratère des nids d'oiseaux

Champagne pool