Après la mini déprime
d'hier, j'ai repris du poil de la bête aujourd'hui. Grâce à la
providence qui m'a fait rencontrer une baroudeuse, brute de
décoffrage, sur le bateau qui m'amenait. Une française. On s'était
déjà donné un coup d’œil complice sur le long tail boat qui
nous menait au bateau, en raison d'une fille à côté de nous pendue
à son téléphone en hurlant. Une fois sur le bateau, elle a engagé
la conversation, directement en français. Comment le savait elle
pour moi ? C'est marqué sur mon front ? Pourtant avec ma
casquette « Australia » je brouille plutôt les pistes !
On était tous les deux contents de quitter Koh Lipe, reconnaissant
au passage que c'était fort joli mais gâché par les gens. J'ai
appris que c'était les vacances en Thaïlande, ce qui explique le
monde. Elle est allée juste avant sur Koh Tarutao et m'a donné tout
un tas de conseils sur les sites qu'elle avait bien aimé. C'est une
marcheuse, elle a fait une randonnée de 48 kilomètres en une
journée. Un peu trop pour moi.
Elle m'a dit que Koh Tarutao était
très tranquille, elle avait déniché un bungalow pour 600 baths (15
euros) les pieds dans l'eau à 4 kilomètre du débarcadère. Car sur
Koh Tarutao, il y a plusieurs sites où l'on peut être accueilli. Il
n'y a pas que des sites pour camper, on trouve aussi des hébergements
en dur. Elle était toute seule dans sa baie et m'a conseillé
d'avoir un bon bouquin car il n'y a rien à faire. Faut le dire
vite ! Avec moi je trouve toujours quelque chose à faire. Je
n'ai pas de livres et je m'en passe bien. Ça m’allège d'autant.
D'ailleurs elle était sidérée de voir la taille de mes bagages.
On a discuté toute
l'heure que durait la traversée comme si on était de vieux amis qui
se retrouvaient et avaient plein de trucs à raconter. Elle rentre
sur la péninsule pour prendre un vol. C'est son dernier jour. Elle
ne s’embarrasse pas des manières et m'a avoué rapidement qu'elle
se baignait à poil, me montrant son épaule sans marque. Elle n'aime
pas les marques. Je ne lui demandais rien !
Elle semble être
une fermière soviétique sortie d'un kolkhoze. Ceci pour situer le
personnage. Elle voyage aussi seule, tous les ans. Elle a essayé de
voyager avec quelqu'un, via des petites annonces de coéquipiers sur
des forums de voyage et ça s’est mal passé, elle l'a laissé en
plan en pleine cambrousse à Madagascar. Depuis elle préfère
voyager seule. Tout comme moi, c'est difficile de trouver quelqu'un
qui ait la disponibilité, l'envie et les sous pour me suivre. De
plus il n'y a pas un seul voyageur qui chercher la même chose aussi
c'est dur de trouver quelqu'un qui envisage l'aventure de la même
façon. Hors il n'y a que dans ces conditions que ça peut marcher.
Je lui ai raconté ma déconvenue avec le bateau que j'avais loué en
Thaïlande il y a deux ans. J’avais recruté des gens que j'avais
rencontré à un stage UCPA aux Maldives et l'une des filles avait
amené son type qu'on ne connaissait pas. Il me semble avoir déjà
raconté ça dans un message lointain. Bref, ça s'était terminé
par un clash, et il nous avait quitté avec sa copine, drapé dans sa
fierté à Koh Lanta pour rejoindre Phuket et passer le reste de son
séjour à faire du jet-ski et à manger des hamburgers. Dans ces
conditions en voyageant seul on n'a pas ces soucis !
La fille d'aujourd'hui –
c'est son nom, on ne s'est même pas présenté – m'a remonté le
moral sans le savoir car elle m'a avoué son secret. C'est une
saisonnière, elle est maître nageur et ne travaille que l'été. Le
reste du temps elle voyage en touchant les allocations chômage.
Certains lui disent qu'elle profite du système, ce à quoi elle
répond qu'elle cotise et ne fait que récolter ce qu'elle a droit.
Si demain les lois sur le chômage devaient changer elle s'en
accommoderait. En attendant elle a trouvé sa voie, elle n'a ni
enfants ni mari, a fini de rembourser le crédit de sa maison qu'elle
loue quand elle n'y est pas, ce qui lui rapporte 1300 euros de rente,
autant que les Assédic. Avec 2600 euros par mois sans travailler,
elle est la reine du pétrole en Asie, là où à Paris avec cette
somme elle vivoterait. Avant, elle avait un CDI et ne veut plus
jamais en entendre parler. Avec ses CDD elle a la liberté.
C'est
alors que j'ai réalisé qu'avec le boulot si on veut me faire chier,
je n'aurai qu'à faire de la résistance. Et si on veut me virer, ce
n'est pas bien grave. Je choisirai alors de bosser en indépendant ou
en demandant aussi des CDD, voyageant entre deux contrats moi aussi.
Je n'aurais jamais dû vendre mon appartement de Paris. Puisque je
n'y étais pas bien, j'aurais dû le louer, ça m'aurait fait une
rente d'au moins 1000 euros par mois et avec des prix qui grimpent de
20% par an, j'aurais été doublement gagnant. On peut dire que je ne
suis pas doué en affaires. J'ai lu que si l'on avait un appartement
sur Paris, c'était quelque chose à ne jamais vendre, la demande
étant tellement énorme. Et je n’aurais eu aucune scrupule d’être
financé par un pauvre cadre qui trime dur et préfère être dans le
système et supporter des voisins bruyants pendant que je profite de
la vie à l'autre bout de la planète en percevant son loyer. Bref,
mon enthousiasme est revenu, personne ne réussira plus à me faire
déprimer !
Dans la conversation, on
a poursuivi sur le fait que les endroits sauvages étaient de plus en
plus rares à visiter sur cette terre, la faute au tourisme de masse
qui pourrit tout. L'ouverture de nouvelles destinations, la création
de compagnies low-cost, la construction d'aéroport, tout cela
concourt au fait qu'il y a de plus en plus de gens qui voyagent. Sans
compter l'augmentation du niveau de vie des pays asiatiques qui les
poussent donc à voyager là où avant leur seul loisir était de se
baigner dans le Gange ! Il y a des destinations qu'elle se
refuse à revoir car elle sait que ça a changé et préfère
conserver le souvenir d'un temps révolu. Raison de plus pour voyager
avant qu'il ne soit définitivement trop tard ou que l'âge ne nous
ait rattrapé. Je lui aurais bien laissé mes coordonnées mais mes
cartes de visite étaient restées dans mon sac à l'avant du bateau,
sous les autres bagages. On s'est donc juste souhaité une bonne
continuation. Dommage...
Tout ce qu'on m'avait
raconté sur Tarutao est exact. C'est vert, sauvage et et il n'y a
pas grand monde. Nous n’étions qu'une demie douzaine à descendre
du bateau. Et je suis le seul à avoir pris la tente, les autres
préférant avoir un hébergement. La zone pour camper est juste en
bordure de plage, sous les filaos, offrant une vue que rien ne vient
obstruer sur la mer. En plus le vent souffle en venant de la mer,
amenant donc de la fraîcheur dans la tente. Car hier soir, j'ai dû
aller dormir dans la tente malgré ce que j'écrivais. A peine
j'avais publié le message qu'un groupe de 5 filles est arrivé avec
une bouteille de rhum sous le coude. A 22h30, le ton montait, le
niveau de la musique aussi, j'ai donc déguerpi retrouver le coin que
j'avais aménagé, pas pour rien au final. L'endroit était très
plat, j'avais bien travaillé mais le seul souci est que cette fois
sans orage la chaleur était écrasante et caché sous les arbres de
la jungle il n'y avait pas un brin de vent.
J'ai transpiré pendant
une heure avant de réussir à trouver le sommeil. Ce soir je n'aurai
pas ces désagréments. Il y a une dizaine de tentes sur la plage,
toutes espacées d'une dizaine de mètres. Je n'allais pas
m'interposer, pour peu que les gens veuillent discuter au clair de
lune. J'ai donc pris le dernier coin disponible, tout au bout. Je
dois marcher des kilomètres pour aller aux douches mais au moins je
vais pouvoir dormir au bruit des vagues et du vent.
Une fois la tente montée,
je suis allé me rassasier au restaurant du parc. Il n'y a pas grand
choix mais ça suffit à se nourrir. Je ne suis pas venu pour faire
dans la gastronomie. Après, comme il était trop tard pour partir à
la découverte de l’île en louant une bicyclette (qui se loue à
la journée), j'ai décidé de grimper au sommet d'un haut rocher qui
surplombe le quartier général du parc, Tob-Boo Cliff.
On rejoint ce
point de vue en un chemin fléché 400 mètres mais qui a l'air d'en
faire plus, grimpant à travers la jungle et passant sous des eaux
qui ruissellent. Ça grimpe assez raide et dans la jungle, le moindre
pas fait transpirer énormément. Sur le chemin, on est invité à
ouvrir l’œil et à ne pas faire de bruit, des lémurs ayant été
régulièrement vus dans le secteur. Ils n'étaient pas là, ce n'est
pas faute d’avoir scruté la cime des arbres. Pourtant j'aurais
bien aimé voir cette espèce que je n'ai encore jamais rencontrée.
Je viens de penser, les lémurs en anglais, ne serait-ce pas les
lémuriens ? S'il y en a ici, il faudra que je regrimpe là haut
de petit matin pour peut être avoir plus de chance.
Quand je suis arrivé au
sommet, quelques réglages de l'appareil photo ne permettaient pas de
saisir la scène correctement, la faute à un soleil très voilé qui
rendait l'ensemble de la scène perdue dans des tons gris foncés.
Comme il y avait un banc sous un abri, j'ai étendu mon paréo et
j'ai fait une petite sieste, le temps que le soleil ressorte. Ce
qu'il a fini par faire. Je suis donc redescendu pour continuer
l'exploration et me rendre sur la plage. Depuis que j’avais
débarqué la mer était bien descendue, rendant la baignade moins
agréable que ce matin. Il fallait en effet se contenter de barboter
dans une eau qui avait peine à arriver au genou. Pour une fin
d'après midi, ça faisait largement l'affaire. Pour l'instant mes
impressions sur Tarutao sont très bonnes. Je ne sais pas jusqu'à
quelle mesure je vais pouvoir explorer cette île en raison de son
étendue mais demain je vais commencer par louer un vélo question de
voir jusqu'où il peut me mener. En espérant que je ne crève pas en
route...
Pour l'heure il est 20:16
et je vais aller me coucher.
Moi qui souhaitais aller au lit plus
tard pour me préparer à mon retour, j'ai plutôt l'impression de
revivre un peu le camping de Palau en me dépêchant d'aller me
doucher avant que le soleil ne se couche. Mais en camping, une fois
le dîner fini, que reste-t-il à faire ? Et puis je suis bien
dans ma tente, il me tarde de la retrouver, toutes mes petites
affaires sont déjà bien disposées n'attendant plus que moi !
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