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jeudi 5 avril 2012

Perhentian Island


Bubbles Dive Resort m'avait mis à disposition un taxi ce matin pour me rendre à leur office au port afin de me rendre sur l’île. En relisant mes mails j'ai vu que je n’avais rien à payer, que tout était pris en charge par le resort et mis ensuite sur ma note. J'avais oublié ça, c'est malin avec mes billets de bateau achetés hier. J'espère pouvoir me les faire rembourser. Le premier bateau est à 8h30. Cela me semblait bizarre de devoir me lever si tôt pour aller à un port situé à quelques kilomètres. En fait quand je leur avais donné le nom de l’hôtel ils n'avaient pas dû réaliser que c'était si proche aussi ils avaient automatiquement retranché l'heure de trajet depuis Kota Bahru. Ce qui fait que je suis arrivé au débarcadère à 7h20, alors que tout était fermé. Le chauffeur m'a laissé devant un rideau baissé marqué Bubbles Dive Resort Ferry Ticket. Sans doute là où je devais récupérer le ticket pour le resort.
Pour patienter, j'ai pris un petit déjeuner au café du coin, un genre de truc pouilleux avec les tables en plein air collantes et tâchées avec une odeur de poisson pourrie qui semblait venir de mes œufs brouillés trop salés. Ça venait en fait des parages. Ce qui n'a pas empêché que j'ai dû laisser les œufs, la salière entière étant tombée dedans. Le café était tout aussi infect, seul le jus d'orange pressé maison et un pancake fourré à la mangue ont sauvé le reste. Le jus avait été placé dans un verre plein de glaçons. Toujours rien à signaler côté digestif, je passe à travers tout ! Ce qui est bien d’être dans une région musulmane - hormis le fait de courir le risque d’être enlevé ! - , c'est que c'est très calme. Il n'y a aucun chien nulle part, c'est comme s'ils les avaient exterminés. Un monde sans chien c'est déjà le début du paradis. Les chats ont pris leur place.
Alors que tous les touristes se dirigeaient à présent vers la jetée pour monter dans les bateaux qui étaient déjà à quai, j'attendais toujours devant mon rideau rouillé. A 8h20, ils ont fini par débarquer.
C’est en fait une boutique qui vend des articles de plage et qui doit faire billetterie pour rendre services comme les points colis des VPCistes chez les pressings. Ils m'ont demandé de patienter avant de me donner un billet. Je leur ai fait savoir que le bateau était dans 10 minutes, ils m'ont répondu qu'il y an avait d'autres ! Ça faisait une heure que j'attendais, j'en avais plus que marre, surtout que j'avais déjà un billet. Du coup j'ai décampé, décidé à m'arranger ensuite avec l’hôtel pour qu'ils ne me facturent pas le transfert. Je suis monté dans le premier bateau. Quand le capitaine a fini par arriver, il a demandé aux deux seuls blancs où ils allaient, oubliant de me le demander. J'ai dû lui dire hello à maintes reprises pour qu'il me regarde avant de lui dire « Bubbles Dive Resort », ce sur quoi il n' a rien répondu. Il parlait si peu l'anglais que je n'étais pas certain qu'il m'ait compris. Ceux qui ont un défaut, je ne sais pas pourquoi mais quand je leur parle, je ne peux pas m’empêcher de fixer le défaut. Celui là c'était parce qu'il ne lui restait que deux dents, les incisives, ce qui lui donnait un air de morse !
Pendant la traversée j'ai discuté avec un jeune français, que j’avais repéré par l'accent, Karim. Lui aussi fait un grand voyage, il a déjà passé 3 mois en Thaïlande et part ensuite pour l'Indonésie. Je suis sidéré par le nombre de jeunes routards que j'ai croisés tout au long de mon périple. Ceux qui font le tour du monde sont bien plus jeunes que moi. Je m'y suis mis trop tard. Par contre je ne sais pas comment ils font pour avoir trouvé l'argent. Avant, je ne pouvais pas, je n'avais pas grand chose de coté. Pour ce voyage je me sers dans ce que m'a rapporté la vente de mon appartement, hypothéquant d'autant le futur logement. De toute façon vus les prix en vigueur à Paris, je suis dans l'incapacité d’acheter quoi que ce soit. A plus de 8000 euros le mètre carré, c'est de la folie. La faute au fait qu'on soit trop nombreux, encore une fois. Il n'y a pas assez de logements. Et ceux qui sont sur le marché ne me font pas du tout rêver, c'est toujours des trucs pourris. 


Les îles Perhentian sont constituées de deux îles, Small Island et Big Island, de leur vrai nom Pulau Perhentian Kecil et Pulau Perhentian Besar. Elles sont à côté l'une de l'autre. On a pris la direction de Kecil alors que je suis sur Besar. La majorité des gens s’arrête à Kecil, c’est pour ça que j'avais choisi l'autre île, après avoir lu qu'elle était plus tranquille. Seulement il s'est avéré que le capitaine ne voulait pas aller ailleurs. Je n'arrivais pas à le comprendre mais Karim m'a fait la traduction. On était dans une baie et il fallait que les gens descendent du bateau, pour prendre ensuite d'autres bateaux qui amèneraient à destination, après avoir payé une nouvelle fois. Je n'arrivais pas à le croire. Pourtant j’avais bien annoncé dès le début où je me rendais. S'il n'y allait pas, pourquoi m'avoir pris ? Le capitaine demandait à chacun son ticket sauf à moi. Je suis donc resté à bord. Tant qu'il ne me vire pas, je reste. Peut être que Karim avait mal compris. 
Cette fleur qui vient d'un arbre sent très bon!
J'étais le seul sur sa barcasse tape cul et le capitaine m'a enfin parlé. Il m'a dit qu'il m'amènerait sur Big Island mais que ça le rallongeait et que le Bubbles Dive Resort était si loin que je devrais les appeler ensuite pour qu'ils viennent me chercher. Si loin... Il y va fort ! Les îles n'ont pas l'air très grandes, on en fait le tour en moins de deux. Même si mon hébergement est le plus éloigné, ce n'est pas la mort. J'en ai choisi un exprès dans une baie où il est le seul. Il se trouve au sud-est de Besar, là où tous les hébergements sont concentrés sur la côte ouest. Je les ai vus en passant devant, une suite ininterrompue de cases sur la plage. Bonjour la tranquillité ! Une fois de plus je n'ai pas compris le capitaine, ou alors il a changé ses plans me prenant en pitié car il m'a amené jusqu'à destination. C'est à n'y rien comprendre !
Le resort est niché dans une anse pour lui tout seul et invisible de la plage. Ils ont choisi l'option de tout construire à quelques mètres derrière pour ne pas gâcher l'aspect sauvage du site. Excellente initiative ! 
L'endroit est magnifique, la jungle venant au bord de l'eau, offrant plein d'ombre pour protéger sa peau. Le soleil tape dur. Par contre, une fois arrivé devant la réception, j'ai constaté que c'était comme une ruche, ça grouillait de monde. Il faut dire aussi que c'était l'heure du petit déjeuner. Il n'y avait personne pour m'accueillir et après avoir fait le pied de grue pendant 5 minutes, j'ai tournicoté autour des bâtiments, cherchant quelqu'un qui ressemblait à un malaisien. En fait les gérants doivent être anglais car une fille a fini par venir me demander si elle pouvait m’être utile, une rousse pas très accueillante. On ne peut pas dire qu'elle porte le sourire sur elle mais bon elle a été efficace et m'a donné la clef de mon bungalow, un deluxe, le numéro 2. Chaque bungalow est mitoyen d'un autre et j’étais bien content qu'ils ne m'aient pas donné le 1, à deux mètres des cuisines. Le mien donne sur la jungle, du coup il est sombre mais je m'en moque bien. Je suis tranquille ici. Car les autres se font faces derrière le mien, faisant comme une cour. Je m'y suis promené, question de faire le tour de la propriété et c'est très bruyant. 
Je ne sais pas ce qui se passe, serait ce les vacances scolaires en Europe, mais les gens sont tous en famille. On se croirait dans un camp de vacances, il y a plein de mômes, l'équivalent d'une colonie, et ils envahissent tout l'espace, s'étant tous faits des amis et formant un groupe. Il y a aussi des français dans le bungalow derrière moi qui vivent comme s'ils étaient chez eux, à toute heure du jour et de la nuit. Au cas où ils n’auraient pas fait attention, la douche est en plain air et on y accède par une porte en plastique qui laisse passer tous les bruits. J'ai remédié au problème en déplaçant le mobilier. La nuit j'ai une belle armoire qui bloque l'accès. C'est efficace.
La plage est longue de 400 mètres environ et j'ai tout de suite repéré mon endroit, à l'autre bout de la plage, à l'opposé du resort. J'ai laissé mes affaires là toute la journée, sans avoir à m'en inquiéter même quand je retournais manger. C'est l'avantage d’être dans un endroit où nous sommes les seuls. J'ai ainsi passé la journée à l'ombre, prenant des bains et faisant des siestes. J'ai laissé les tongs dans le bungalow, elles ne servent à rien ici. Pieds nus c'est bien mieux ! Mon petit coin est paradisiaque, par bonheur les gens restent tous à côté du resort, agglutinés sur la plage dans les cris. Comme le nom du resort l'indique, je vais rester à buller ici quelques temps ! Dans les arbres il y a un sifflement aigu et régulier, un genre de criquet qui fait un bruit de scierie. Je n’avais jamais entendu cela auparavant.
Pour les repas j'ai opté pour le package, à savoir le buffet. Ça offre l'avantage d'aller vite et de manger ce qu'on l'on souhaite. Je fais bande à part, choisissant de prendre mes repas sur les tables de pique nique plutôt que celles du restaurant. C'est trop bruyant. Ce sont des tablées de dix à chaque fois et j'ai l'impression qu'ils se connaissant tous. Des anglais pour la plupart avec leur propension à passer leur journée à parler. Il y a un couple qui est arrivé à midi, ils ont sympathisé tout de suite avec d'autres et à l'heure du dîner ils étaient toujours à la table du déjeuner à discuter. J'ai du mal à comprendre comment on peut parler des heures comme ça sans bouger ! Ceux qui ne parlent pas font l'autiste sur l'ordinateur. On se croirait dans un cybercafé. Mais c'est pratique, ils ont le wifi ici. Comme il n'y a rien d'autre sur place, ils ont leur générateur de courant et amènent l'eau pas des tuyaux qui courent le long des rochers vers là où je me mets, provenant des resorts plus loin.
On peut faire du snorkeling ici, j'ai des chances d'après la rousse de voir des tortues et des bébés requins. On verra demain, aujourd'hui je suis un peu fatigué par mes deux précédentes nuits où j'ai mal dormi et puis en une semaine, j'ai le temps. Je ne vais pas tout faire sitôt arrivé sinon je risque vite de m'ennuyer. A la fin de la journée c'était déjà un peu le cas. 
Demain je vais demander s'il n'y a pas un sentier pour crapahuter dans l’île. La jungle tout autour m'appelle à venir l'explorer. Et puis l’île dispose d'autres plages et de baies. S'il n'y a pas de sentier, je demanderai si on ne peut pas prendre un bateau pour se rendre ailleurs dans la journée. L'exploration va vite me manquer. Coincé sur une plage, même très belle, ça va bien un temps. Dans le passé cela ne m'aurait pas gêné, désormais je suis incapable de rester en place. En revanche pour les autres, cela ne semble pas être un problème, ils sont restés toute la journée au même endroit, en plein soleil, assis sur des chaises en plastique à lire. Vu qu'ils étaient de couleur poulet de batterie, je les plains !
Allongé sur le sable toute la journée, c'est un moment propice à la rêvasserie, la réflexion et l'introspection. Je repensais au mail que j'ai reçu d'un ami que je connais depuis 20 ans et à qui je demandais quand il allait fêter son anniversaire. Il m'a répondu que pour ses 40 ans il allait louer une villa. De voir écrit son âge ça m'a fait un choc. Il va lui aussi avoir 40 ans. Du temps où l'on faisait les fous on disait toujours que l'on était les plus jeunes partout où l'on allait. Nous voilà devenus deux vieux chnoques, les mêmes dont on se moquait. J'ai aussi pensé à mes parents et ma famille. Je ne sais pas pourquoi, des flashs de mon enfance me sont revenus en pensant à Mamie et Mamia. Je me suis revu avec ma maman toujours belle et coquette avec son port de tête de princesse, appelant mon papa « gros » qui me prenait dans ses bras dans l'eau pour jouer à me faire plonger et qui lui répondait « ma petite Geneviève ». C'était le temps des jours heureux et légers. Depuis tout s'est fané, certains sont déjà partis. C'est mon patrimoine qui fout le camp. Peut être que c'est ça la crise de la quarantaine, de réaliser que le temps passe et emporte avec lui la légèreté, l'innocence, l’insouciance et la jeunesse avec lui. Et le mistral gagnant...

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