Bubbles Dive Resort
m'avait mis à disposition un taxi ce matin pour me rendre à leur
office au port afin de me rendre sur l’île. En relisant mes mails
j'ai vu que je n’avais rien à payer, que tout était pris en
charge par le resort et mis ensuite sur ma note. J'avais oublié ça,
c'est malin avec mes billets de bateau achetés hier. J'espère
pouvoir me les faire rembourser. Le premier bateau est à 8h30. Cela
me semblait bizarre de devoir me lever si tôt pour aller à un port
situé à quelques kilomètres. En fait quand je leur avais donné le
nom de l’hôtel ils n'avaient pas dû réaliser que c'était si
proche aussi ils avaient automatiquement retranché l'heure de trajet
depuis Kota Bahru. Ce qui fait que je suis arrivé au débarcadère à
7h20, alors que tout était fermé. Le chauffeur m'a laissé devant
un rideau baissé marqué Bubbles Dive Resort Ferry Ticket. Sans
doute là où je devais récupérer le ticket pour le resort.
Pour patienter, j'ai pris
un petit déjeuner au café du coin, un genre de truc pouilleux avec
les tables en plein air collantes et tâchées avec une odeur de
poisson pourrie qui semblait venir de mes œufs brouillés trop
salés. Ça venait en fait des parages. Ce qui n'a pas empêché que
j'ai dû laisser les œufs, la salière entière étant tombée
dedans. Le café était tout aussi infect, seul le jus d'orange
pressé maison et un pancake fourré à la mangue ont sauvé le
reste. Le jus avait été placé dans un verre plein de glaçons.
Toujours rien à signaler côté digestif, je passe à travers tout !
Ce qui est bien d’être dans une région musulmane - hormis le fait
de courir le risque d’être enlevé ! - , c'est que c'est très
calme. Il n'y a aucun chien nulle part, c'est comme s'ils les avaient
exterminés. Un monde sans chien c'est déjà le début du paradis.
Les chats ont pris leur place.
Alors que tous les
touristes se dirigeaient à présent vers la jetée pour monter dans
les bateaux qui étaient déjà à quai, j'attendais toujours devant
mon rideau rouillé. A 8h20, ils ont fini par débarquer.
C’est en
fait une boutique qui vend des articles de plage et qui doit faire
billetterie pour rendre services comme les points colis des VPCistes
chez les pressings. Ils m'ont demandé de patienter avant de me
donner un billet. Je leur ai fait savoir que le bateau était dans 10
minutes, ils m'ont répondu qu'il y an avait d'autres ! Ça
faisait une heure que j'attendais, j'en avais plus que marre, surtout
que j'avais déjà un billet. Du coup j'ai décampé, décidé à
m'arranger ensuite avec l’hôtel pour qu'ils ne me facturent pas le
transfert. Je suis monté dans le premier bateau. Quand le capitaine
a fini par arriver, il a demandé aux deux seuls blancs où ils
allaient, oubliant de me le demander. J'ai dû lui dire hello à
maintes reprises pour qu'il me regarde avant de lui dire « Bubbles
Dive Resort », ce sur quoi il n' a rien répondu. Il parlait
si peu l'anglais que je n'étais pas certain qu'il m'ait compris.
Ceux qui ont un défaut, je ne sais pas pourquoi mais quand je leur
parle, je ne peux pas m’empêcher de fixer le défaut. Celui là
c'était parce qu'il ne lui restait que deux dents, les incisives, ce
qui lui donnait un air de morse !
Pendant la traversée
j'ai discuté avec un jeune français, que j’avais repéré par
l'accent, Karim. Lui aussi fait un grand voyage, il a déjà passé 3
mois en Thaïlande et part ensuite pour l'Indonésie. Je suis sidéré
par le nombre de jeunes routards que j'ai croisés tout au long de
mon périple. Ceux qui font le tour du monde sont bien plus jeunes
que moi. Je m'y suis mis trop tard. Par contre je ne sais pas comment
ils font pour avoir trouvé l'argent. Avant, je ne pouvais pas, je
n'avais pas grand chose de coté. Pour ce voyage je me sers dans ce
que m'a rapporté la vente de mon appartement, hypothéquant d'autant
le futur logement. De toute façon vus les prix en vigueur à Paris,
je suis dans l'incapacité d’acheter quoi que ce soit. A plus de
8000 euros le mètre carré, c'est de la folie. La faute au fait
qu'on soit trop nombreux, encore une fois. Il n'y a pas assez de
logements. Et ceux qui sont sur le marché ne me font pas du tout
rêver, c'est toujours des trucs pourris.
Les îles Perhentian sont
constituées de deux îles, Small Island et Big Island, de leur vrai
nom Pulau Perhentian Kecil et Pulau Perhentian Besar. Elles sont à
côté l'une de l'autre. On a pris la direction de Kecil alors que je
suis sur Besar. La majorité des gens s’arrête à Kecil, c’est
pour ça que j'avais choisi l'autre île, après avoir lu qu'elle
était plus tranquille. Seulement il s'est avéré que le capitaine
ne voulait pas aller ailleurs. Je n'arrivais pas à le comprendre
mais Karim m'a fait la traduction. On était dans une baie et il
fallait que les gens descendent du bateau, pour prendre ensuite
d'autres bateaux qui amèneraient à destination, après avoir payé
une nouvelle fois. Je n'arrivais pas à le croire. Pourtant j’avais
bien annoncé dès le début où je me rendais. S'il n'y allait pas,
pourquoi m'avoir pris ? Le capitaine demandait à chacun son
ticket sauf à moi. Je suis donc resté à bord. Tant qu'il ne me
vire pas, je reste. Peut être que Karim avait mal compris.
Cette fleur qui vient d'un arbre sent très bon! |
J'étais
le seul sur sa barcasse tape cul et le capitaine m'a enfin parlé. Il
m'a dit qu'il m'amènerait sur Big Island mais que ça le rallongeait
et que le Bubbles Dive Resort était si loin que je devrais les
appeler ensuite pour qu'ils viennent me chercher. Si loin... Il y va
fort ! Les îles n'ont pas l'air très grandes, on en fait le
tour en moins de deux. Même si mon hébergement est le plus éloigné,
ce n'est pas la mort. J'en ai choisi un exprès dans une baie où il
est le seul. Il se trouve au sud-est de Besar, là où tous les
hébergements sont concentrés sur la côte ouest. Je les ai vus en
passant devant, une suite ininterrompue de cases sur la plage.
Bonjour la tranquillité ! Une fois de plus je n'ai pas compris
le capitaine, ou alors il a changé ses plans me prenant en pitié
car il m'a amené jusqu'à destination. C'est à n'y rien
comprendre !
Le resort est niché dans
une anse pour lui tout seul et invisible de la plage. Ils ont choisi
l'option de tout construire à quelques mètres derrière pour ne pas
gâcher l'aspect sauvage du site. Excellente initiative !
L'endroit est magnifique, la jungle venant au bord de l'eau, offrant
plein d'ombre pour protéger sa peau. Le soleil tape dur. Par contre,
une fois arrivé devant la réception, j'ai constaté que c'était
comme une ruche, ça grouillait de monde. Il faut dire aussi que
c'était l'heure du petit déjeuner. Il n'y avait personne pour
m'accueillir et après avoir fait le pied de grue pendant 5 minutes,
j'ai tournicoté autour des bâtiments, cherchant quelqu'un qui
ressemblait à un malaisien. En fait les gérants doivent être
anglais car une fille a fini par venir me demander si elle pouvait
m’être utile, une rousse pas très accueillante. On ne peut pas
dire qu'elle porte le sourire sur elle mais bon elle a été efficace
et m'a donné la clef de mon bungalow, un deluxe, le numéro 2.
Chaque bungalow est mitoyen d'un autre et j’étais bien content
qu'ils ne m'aient pas donné le 1, à deux mètres des cuisines. Le
mien donne sur la jungle, du coup il est sombre mais je m'en moque
bien. Je suis tranquille ici. Car les autres se font faces derrière
le mien, faisant comme une cour. Je m'y suis promené, question de
faire le tour de la propriété et c'est très bruyant.
Je ne sais
pas ce qui se passe, serait ce les vacances scolaires en Europe, mais
les gens sont tous en famille. On se croirait dans un camp de
vacances, il y a plein de mômes, l'équivalent d'une colonie, et ils
envahissent tout l'espace, s'étant tous faits des amis et formant un
groupe. Il y a aussi des français dans le bungalow derrière moi qui
vivent comme s'ils étaient chez eux, à toute heure du jour et de la
nuit. Au cas où ils n’auraient pas fait attention, la douche est
en plain air et on y accède par une porte en plastique qui laisse
passer tous les bruits. J'ai remédié au problème en déplaçant le
mobilier. La nuit j'ai une belle armoire qui bloque l'accès. C'est
efficace.
La plage est longue de
400 mètres environ et j'ai tout de suite repéré mon endroit, à
l'autre bout de la plage, à l'opposé du resort. J'ai laissé mes
affaires là toute la journée, sans avoir à m'en inquiéter même
quand je retournais manger. C'est l'avantage d’être dans un
endroit où nous sommes les seuls. J'ai ainsi passé la journée à
l'ombre, prenant des bains et faisant des siestes. J'ai laissé les
tongs dans le bungalow, elles ne servent à rien ici. Pieds nus c'est
bien mieux ! Mon petit coin est paradisiaque, par bonheur les
gens restent tous à côté du resort, agglutinés sur la plage dans
les cris. Comme le nom du resort l'indique, je vais rester à buller
ici quelques temps ! Dans les arbres il y a un sifflement aigu
et régulier, un genre de criquet qui fait un bruit de scierie. Je
n’avais jamais entendu cela auparavant.
Pour les repas j'ai opté
pour le package, à savoir le buffet. Ça offre l'avantage d'aller
vite et de manger ce qu'on l'on souhaite. Je fais bande à part,
choisissant de prendre mes repas sur les tables de pique nique plutôt
que celles du restaurant. C'est trop bruyant. Ce sont des tablées de
dix à chaque fois et j'ai l'impression qu'ils se connaissant tous.
Des anglais pour la plupart avec leur propension à passer leur
journée à parler. Il y a un couple qui est arrivé à midi, ils ont
sympathisé tout de suite avec d'autres et à l'heure du dîner ils
étaient toujours à la table du déjeuner à discuter. J'ai du mal à
comprendre comment on peut parler des heures comme ça sans bouger !
Ceux qui ne parlent pas font l'autiste sur l'ordinateur. On se
croirait dans un cybercafé. Mais c'est pratique, ils ont le wifi
ici. Comme il n'y a rien d'autre sur place, ils ont leur générateur
de courant et amènent l'eau pas des tuyaux qui courent le long des
rochers vers là où je me mets, provenant des resorts plus loin.
On peut faire du
snorkeling ici, j'ai des chances d'après la rousse de voir des
tortues et des bébés requins. On verra demain, aujourd'hui je suis
un peu fatigué par mes deux précédentes nuits où j'ai mal dormi
et puis en une semaine, j'ai le temps. Je ne vais pas tout faire
sitôt arrivé sinon je risque vite de m'ennuyer. A la fin de la
journée c'était déjà un peu le cas.
Demain je vais demander s'il
n'y a pas un sentier pour crapahuter dans l’île. La jungle tout
autour m'appelle à venir l'explorer. Et puis l’île dispose
d'autres plages et de baies. S'il n'y a pas de sentier, je demanderai
si on ne peut pas prendre un bateau pour se rendre ailleurs dans la
journée. L'exploration va vite me manquer. Coincé sur une plage,
même très belle, ça va bien un temps. Dans le passé cela ne
m'aurait pas gêné, désormais je suis incapable de rester en place.
En revanche pour les autres, cela ne semble pas être un problème,
ils sont restés toute la journée au même endroit, en plein soleil,
assis sur des chaises en plastique à lire. Vu qu'ils étaient de
couleur poulet de batterie, je les plains !
Allongé sur le sable
toute la journée, c'est un moment propice à la rêvasserie, la
réflexion et l'introspection. Je repensais au mail que j'ai reçu
d'un ami que je connais depuis 20 ans et à qui je demandais quand il
allait fêter son anniversaire. Il m'a répondu que pour ses 40 ans
il allait louer une villa. De voir écrit son âge ça m'a fait un
choc. Il va lui aussi avoir 40 ans. Du temps où l'on faisait les
fous on disait toujours que l'on était les plus jeunes partout où
l'on allait. Nous voilà devenus deux vieux chnoques, les mêmes dont
on se moquait. J'ai aussi pensé à mes parents et ma famille. Je ne
sais pas pourquoi, des flashs de mon enfance me sont revenus en
pensant à Mamie et Mamia. Je me suis revu avec ma maman toujours
belle et coquette avec son port de tête de princesse, appelant mon
papa « gros » qui me prenait dans ses bras dans l'eau
pour jouer à me faire plonger et qui lui répondait « ma
petite Geneviève ». C'était le temps des jours heureux et
légers. Depuis tout s'est fané, certains sont déjà partis. C'est
mon patrimoine qui fout le camp. Peut être que c'est ça la crise de
la quarantaine, de réaliser que le temps passe et emporte avec lui
la légèreté, l'innocence, l’insouciance et la jeunesse avec lui.
Et le mistral gagnant...
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