Croquignolet, n'est ce pas? |
J'ai été privé de
parachute ascensionnel aujourd'hui. La faute à la météo. Je suis
donc allé squatter au Mutiara où j'ai été consolé par des
singes, et pas n'importe lesquels, des créatures que je n'avais
encore jamais croisées. Tandis que j'attendais qu'une averse passe,
assis dans le lobby face à la piscine, j'ai vu qu'ils vendaient des
peluches Dusky Leaf Monkey au profit d'une œuvre de charité. Elles
sont adorables et j'étais à deux doigts de m'en acheter une. Mais
j’aurais préféré en voir en vrai. Ils sont velus avec le
pourtour des yeux et de la bouche cerné de blanc. Je n'en ai encore
jamais vu. C'est comme si j’avais fait un vœu, immédiatement
exaucé. J'ai été alerté par du remue ménage, par une fille en
train d'en caresser un juché sur un poteau, tout en lui donnant des
pommes. Ce n'est pas faute qu'il y ait à l'entrée un panneau
« please do not feed the monkey ». Je ne l'avais pas vu
moi non plus auparavant sinon cela m'aurait alerté sur la présence
possible de ces bestioles.
La fille m'a laissé la bestiole libre le
temps qu'elle retourne à son bungalow chercher des provisions
supplémentaires. Le changement de personnage lui a déplu. Quand
j'ai approché une main pour le caresser il s’est mis à vouloir me
donner des baffes en grondant. J'ai réussi à me le mettre dans la
poche en lui donnant des restes de pancakes et de pommes qu'il avait
laissés tomber par terre. Je les avais mis dans le creux de ma main
que je lui ai tendue. Il a avancé la sienne tout doucement,
s'emparant de ce que j'avais, délicatement., sans m'arracher un
doigt ! C'était presque comme une caresse. Il avait la peau des
doigts toute soyeuse. Ça me rappelait mes petits gris. Ils doivent
être cousins, car déjà le nom s’en rapproche, entre Silver Leaf
et Dusky Leaf, il n'y a qu'un pas. Et puis ils sentent la bouse de
vache tout pareil. Les macaques aussi du reste, de sorte que je sais
identifier la présence de singes dorénavant à leur odeur. Par
contre j'ai évité de le toucher, il me tournait souvent le dos
aussi je craignais un revirement de situation toutes dents dehors. On
ne sait jamais comment ça va réagir.
La pluie a fait
rapprocher ces singes que je n’avais pas vus les autres jours. Ils
cherchent à ce qu'on leur donne à manger, la recherche de
nourriture par eux mêmes devant être pénible sous la pluie. Il y
en avait plusieurs dans les arbres, une vraie colonie, recroquevillés
sur eux mêmes, faisant le dos rond pour que la pluie les mouille le
minimum. La fille a fini par réapparaître et a semblé dépitée de
me voir avec son jouet. Elle m'a demandé si je voulais une photo et
quand elle m'a redonné l'appareil elle en a profité pour prendre la
place vacante. Je l'ai donc laissée seule avec son ami et son sac de
pommes, cherchant ceux qui étaient dans les arbres et qui
donneraient des clichés un peu plus sauvages. Malheureusement une
nouvelle averse est arrivée, m’obligeant à tout interrompre. Au
bout d'un moment, alors qu'il pleuvait toujours j'y suis retourné,
armé de papier essuie tout piqué dans les toilettes.
Je n'allais
pas risquer de les voir partir sans les avoir vus davantage. Car ils
pouvaient bien repartir comme ils étaient arrivés, d'une minute à
l'autre sous l'impulsion de leur leader. C'est mon dernier jour, si
je dois casser l'appareil photo eh bien tant pis ! Je prenais
soin tout de même de bien l'essuyer dès qu'il était un peu trop
mouillé.
C'est un beau cadeau que
me font là mes petits singes, c'était comme s'ils s'étaient
déchaînés pour me dire au revoir. Pourquoi le dernier jour ?
Quelle étrange coïncidence ! Je voulais terminer mon dernier
jour en beauté en faisant quelque chose d'exceptionnel, voilà que
le sensationnel c'est eux ! Je tiens là les meilleurs clichés
que je n'ai jamais faits, avec des bouilles rigolotes. J’en avais
les yeux humides de joie. Je les ai bien observés, on dirait des
peluches qu'on a envie de caresser. Ils ont un zizi comme nous, en
miniature, sauf qu'il est tout gris et ridé façon trompe
d'éléphant. Ils ont aussi des tétons.
Je sens qu'on est de la même
famille, c’est presque comme s'ils étaient des frères. C'est ce
qui est fascinant avec les singes. Ça reste un animal sauvage et
pourtant l'homme ne semble pas lui faire plus peur que ça, comme si
lui aussi sentait des affinités. J'ai passé la matinée à les
traquer ainsi, d'arbre en arbre. Ils ne restent jamais au même
endroit très longtemps. Il y avait des hornbills dans les branches
en train se se sécher les ailes en les déployant entre deux
averses, je les ai regardés un moment avant de revenir aux singes.
L'attrait de la nouveauté... Cela m'a conduit à me faufiler entre
les bungalows, limite à monter sur leur terrasse pour avoir un
meilleur angle d’observation. Rien ne m’arrêtait. Je me suis
retrouvé ainsi nez à nez avec une bande des ces nouveaux petits
gris, assis en rangs d’oignons sur la rambarde d'un bungalow, celui
d'allemandes occupées à les nourrir.
C'est dur d'être sous la pluie |
Elles avaient sorti le grand
jeu : quartiers d'orange, crackers, cacahuètes, bananes. Elles
n’arrêtaient pas de rentrer dans le bungalow pour en ressortir
avec de nouveaux trucs prêts à ravir les singes. Elles avaient un
magasin derrière ou quoi ? Dans cette agitation, de nouveaux
venus surgissant en sautant d'arbre en arbre jetaient un coup d’œil
par dessous le toit. Les deux allemandes sont vite devenues des
porte-singes. Ils leur sautaient sur les épaules, sur l'avant bras,
d'autres se mettaient debout, tirant un pan de jupe pour signifier
leur présence. Dans ce ballet de singe, j'ai eu mon ticket d'entrée.
Les allemandes m'ont donné une petite boîte de raisins secs pour
que je joue aussi avec eux. J’avais un peu moins de succès
qu'elles, les singes avaient bien compris qu'il y avait plus à
obtenir avec elles. Malgré tout ils venaient se saisir des raisins,
tirant un peu ma main à eux pour éviter d'avoir à trop se
déplacer. Fainéants en plus ! Ce ne sont pas des morfales qui
engloutiraient tout en même temps.
Au lieu de cela devant une main
pleine de raisins, ils en saisissent un qu'ils prennent le temps de
déguster avant de passer à l'autre. Il y avait aussi une mère avec
son petit, tout orange lui aussi comme pour les petits gris, qui
piaillait car il n'arrivait pas à téter avec tout ce remue ménage.
J'ai cru que la mère s'était pris les pieds dans une corde, jusqu'à
ce que je comprenne que ce long machin gris c'était le cordon
ombilical qui pendait de son bébé. Pour qu'il ne soit pas encore
sec et tombé, ça prouve que la naissance ne devait pas remonter à
très longtemps.
Après ce feeding
inattendu, les dusky leaf sont retournés s'éparpiller dans la
jungle du Mutiara et j'en ai profité pur me rendre sur la plage
prendre un bain avant d'aller me rassasier un peu. Il ne pleuvait
plus, c'est déjà ça. En tout cas ce n'est pas aujourd'hui que je
m'enverrai en l'air ! Du coup, j'ai demandé le cocktail du jour
pour accompagner un menu végétarien que je venais de commander, un
truc typiquement indien plein de légumes en sauce tantôt rougeâtre,
tantôt verdâtre. Ça n'a pas l'air très appétissant comme ça
mais c’est très bon ! Le cocktail aussi. Comme c'était 14
heures, il avaient une formule «buy one, one free ». Au bout
du premier je me sentais déjà parti. Et pas pour Paris ! Au
second je vous dirai où je suis, si je m'en souviens.
Mais je prends
des notes, je triche ! Je ne sais pas ce qu'était le cocktail
du jour mais il est bon, j'ai pris ça les yeux fermés. Je verrai la
composition en retournant à la chaise longue, c'est affiché à
l'entrée du restaurant en plein air. C'est mon dernier jour, qu'on
me pardonne ! Je suis contre les paradis artificiels mais je
crois que je prendrai du vin dans l'avion, plus que de raison.
J'aurai besoin de ça pour oublier que je suis de retour. Les mets
indiens, c’est bon, mais ils tachent bien une belle nappe épaisse
et immaculée ! Avec un cocktail du jour dans le nez, ça n'aide
pas. J'essayais de cacher les tâches sous les assiettes ou les
dessous de verre mais à la fin j'ai dû renoncer : trop de
tâches ! Les allemandes du bungalow ont débarqué pour
déjeuner à 14h30. Elles sont détraquées, pour des allemandes !
Je suis un vrai concierge, rien ne m'échappe avec mon calepin qui
doit donner l'impression que je vais dresser un procès verbal... Au
fait, en partant, j'ai jeté un coup d’œil aux ingrédient du
cocktail, j'ai honte de l'écrire : gin, liqueur de banane, blue
curaçao, vodka, jus de citron vert, jus d'ananas et jus d'orange. Tu
m'étonnes que ça tape ! Je n'aurais jamais pris ça ailleurs
mais là en face de la mer et au pied des montagnes pour un dernier
jour de plage d'un tour du monde de 7 mois, l'occasion fait le
larron !
Au revoir mon ami. Ne fais pas cette tête là... |
J'ai bien eu raison
d'avoir bien profité du premier jour à Langkawi pour explorer un
maximum. C'était le seul jour où il a fait grand beau. Avec cette
mousson qui ne dit pas son nom, je m'en doutais un peu. Le scooter ne
m'a été d'aucune utilité aujourd'hui, pour faire le Géopark - le
Mutiara, j'aurais très bien pu le faire à pied. Ça se fait
facilement, j’avais déjà essayé un soir. J'ai passé le reste de
l'après midi sur la plage, à me baigner et à essayer de profiter
des derniers instants qui me sont donnés. Un moment j'ai eu envie de
reprendre le scooter, question d'en profiter un peu en retournant à
la cascade de Seven Wells, mais pris dans une torpeur paralysante,
j'ai préféré rester là à faire un peu la sieste et à prendre un
dernier bain. L'ultime d'une longue série qui a commencé dans le
Pacifique Est, à Los Angeles pour se terminer ici à 18h15 dans la
mer d'Andaman.
A présent j'ai l'impression qu'on m'arrache un peu de
là. J'ai aussi dû rendre le scooter. Signe que la récréation est
finie. J'essaie de ne pas déprimer mais j'avoue que j'ai eu du mal à
m'endormir et que j'ai eu une nuit très agitée. A la veille d'une
longue nuit dans un avion ce n'est pas l'idéal. Au fait, pour
l'avion de retour, c'est arrangé. J'ai pu avoir un siège côté
couloir lors de l'enregistrement en ligne. Il était ouvert alors que
je dormais, aussi j'avais demandé à mon père de le faire pour moi.
C'est mon assistant personnel et il fait ça très bien. J'ai besoin
de quelqu'un de confiance qui puisse gérer des trucs depuis la
France et que je ne peux pas faire ici, comme la consultation de
comptes et le transfert d'argent. Il m'aide bien.
Ce soir j'ai pris un
dernier repas au Mutiara. C'est le jour des dernières fois. Mais
aussi des premières avec les singes, c'est ça que j'aime bien.
Tous
les soirs au restaurant de la plage il y a un groupe qui reprend des
succès internationaux. C’est surtout la fille qui chante mais
parfois le guitariste s'y met. Ils chantent très bien, ils
pourraient remporter ces télé-crochets à la con haut la main. Je
regardais la chanteuse, elle triche un peu. Elle a devant elle une
tablette qui doit lui donner les paroles car elle est souvent à
faire glisser son doigt dessus l'air de rien, sans doute à la
recherche de la prochaine chanson. Pendant ce temps, la femme de
ménage essuyait la scène de devant à l'aide d'un balais
serpillière, au rythme des chansons. C’est la danse de l'été,
tous à vos balais ! Le groupe me fait un peu de peine, personne
ne les regarde ni ne les applaudit. La chanteuse m'a sourit car elle
a vu que je regardais son spectacle. Je n'allais pas pour autant
applaudir, quand on est seul à le faire ça ressemble un peu à
grand moment de solitude. Je me souviens d'une performance
remarquable qu'elle avait faite il y a quelques jours, en reprenant
ce morceau insupportable d'Adèle, « Rolling into deep »,
le truc qui a raflé toutes les récompenses de la musique aux USA et
qu'on ne peut pas ne pas avoir entendu, étant désormais devenu un
classique dans les supermarchés. Eh bien, mis à sa sauce, en
version rock et débarrassée de ses airs jazzy et de ses
minauderies, ça donne très bien. Et elle envoyait bien le refrain,
on aurait dit du Pat Benatar bien pêchu. Elle m'a fait aimer la
chanson, c’est peu dire !
Saturday Night Fever |
Après on a eu un show
70's avec danses à moulinets et perruques afro et fluo comme il se
doit. La chorégraphie était bien léchée, il n'y avait pas de faux
pas. Ils avaient bien dû répéter. Pour un petit truc d'un
restaurant au bord de l'eau, c'était la fièvre du samedi soir !
Ils m'ont fait passer un bon moment et pris dans la fête j'ai craqué
et ramené à l'hôtel un adorable Dusky Leaf Monkey en peluche !
Il a une bouille trop rigolote. Qu'est ce que je vais en faire, c’est
une autre histoire. Il me servira de souvenir, c'est mieux que
l'assiette en plastique ! Et puis j'ai fait une bonne action,
l'argent ira à une association qui s'occupe d'orphelins. Et pour 30
ringgits, je m'en remettrai. Je suis rentré à pied, les laissant
s'amuser aux rythmes de « All night long » de Lionel
Ritchie repris par le groupe. Je serais bien resté plus longtemps
mais j'ai les bagages à préparer et surtout je ne veux pas rentrer
à l'hôtel trop tard, il m reste encore le taxi à réserver pour
demain matin avant que tout le monde ne soit couché. Je dois
rejoindre Singapour et c’est le seul vol de la journée à y aller.
Pas question de le rater...
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