J'ai bien cru la nuit
dernière que la tente allait s'envoler avec moi dedans. Un vent de
folie s'est levé dès l'instant où je me suis couché. La toile
claquait prête à se rompre et la pluie n'a pas mis bien longtemps à
arriver. Un nouveau déluge mais cette fois pire que tout ce que j'ai
connu jusqu'ici. Ça a duré jusqu'à trois heures du matin. Le joli
plancton phosphorescent devait en être tout retourné ! Ce
matin tout était inondé, le camp semblait avoir été pris dans un
tsunami. Par chance ma tente est sur un endroit plus haut que le
reste. Un hasard qui fait bien les choses sinon j'aurais fait piscine
comme aux Fidji. Des campeurs se sont réfugiés autour du bâtiment
des sanitaires, l'air dépités, se tenant la tête dans les mains
avec des sacs de couchage qui pendouillent le temps que ça sèche.
Ma tente résiste bien, les Décathlon de ce côté là sont
irréprochables. Et pourtant je ne leur fait pas de la pub. Le beau
temps est par contre de retour et le vent est tombé, comme si rien
ne s'était passé. Ou presque !
Car la mer est démontée,
d'énormes rouleaux sont là et n'attendent que moi. En plus c'est
marée montante. En revanche, la mer a charrié tout un tas de
détritus et la plage est un vrai dépotoir. On y trouve de tout et
je suis toujours effaré de voir de telles choses dans la mer :
des tongs, des corbeilles à linge, des cordes, des pinceaux, des
brosses à dents...
Je me suis dépêché
d'aller prendre un petit déjeuner avant d'aller piquer une tête.
J'y ai retrouvé Axelle et Samuel, deux des français du bain aux
étoiles. Gimmo est parti pour l'autre plage depuis hier, on ne le
voit plus. Ils n'ont rien entendu la nuit dernière et c'est à peine
s'ils me croyaient quand je leur ai dépeint la tempête. Parfois je
me dis que je ferais mieux de prendre un bungalow. Pour seulement le
double du camping... Mais j'aime bien la tente et c'est la dernière
fois que je peux en faire du voyage.
On dirait le lapin de la pub Duracell! |
En plus les bungalows du
quartier général sont par groupe de quatre jumelés. Aussi je
crains un peu côté bruits de voisinage. Les français partent ce
matin, direction Bangkok après 16 heures de bus. Un truc de fou !
Samuel s'apprête aussi à faire un tour du monde pour ses 30 ans
qui tombent cette année. Il compte prendre 11 mois mais son parcours
est très ambitieux : Europe, Inde, Asie, Australie, Amérique
du Sud, Canada... Ici je n'étonne plus personne avec mon tour du
monde, tous les routards finissent pas se retrouver en Thaïlande. Et
il doit y avoir un vent particulier qui suscite des vocations car
c'est ici en Thaïlande que j'avais pris la décision d'un tour du
monde en janvier 2010. On s'est quitté comme ça, avec un « à
peut être à Paris dans le métro ». Ah non, quelle horreur !
Faites moi dynamiter ça avant que je rentre !
Quand je demande à
quelqu'un : «vous restez combien de temps ? » et
qu'on me répond « jusqu'à lundi », ça ne m'aide pas
beaucoup !
Aussi je réponds à chaque fois que je ne sais pas
quel jour de la semaine on est, et ce depuis des mois. Généralement
je passe pour un extraterrestre alors j'explique que c'est la
première chose qu'on oublie quand on a le temps avec soi. C'est le
doux privilège de faire un tour du monde. Il y a certaines dates
dont j'ai eu vent du jour mais j'oublie aussitôt. Je ne sais même
pas quel jour est tombé mon anniversaire cette année. Qu'est ce que
cela peut bien faire ? Je me rends compte vraiment que le
concept des jours de la semaine est une invention qui n'a son utilité
que dans le monde du travail, pour faire la distinction entre les
jours travaillés et le week-end. A part pour ça, je ne vois pas
quel est l’intérêt. Pour mon voyage, c'est tous les jours le jour
du Seigneur qui m'offre de belles journées et que je remercie quand
j'y pense. Comme aujourd'hui. Car c'est un bonheur ineffable que de
nager dans une mer déchaînée.
Nager, enfin si on peut dire !
J’étais le plus clair du temps sous l'eau, les vagues étant très
rapprochées les unes des autres, on avait juste le temps de prendre
sa respiration qu'une autre arrivait. Je n’avais même pas le temps
de m’essuyer les yeux, je finissais par voir tout trouble et les
oreilles complètement bouchées.
C'est étonnant que la
mer continue à être agitée une journée entière une fois le vent
retombé. Je peux comprendre quelle se soulève sous l'effet du vent,
mais pourquoi continue-t-elle sur sa lancée ? Il doit y avoir
une explication scientifique là dessous ! A propos de science,
j'ai encore refait ce rêve débile que je fais depuis des années,
où je reprends mes études de biologie pour faire un boulot que
j'ignore mais que je sais payé des clopinettes, juste dans le but de
suivre des études et d'avoir la paix par rapport au monde du
travail.
Mais dans le rêve je suis aussi angoissé car incapable de
me focaliser sur les études et d’appendre les cours. J'ai un autre
rêve qui tourne aussi en boucle dans mes nuits de sommeil : je
repasse le bac tout en sachant que je l'ai déjà, simplement pour
avoir de meilleures notes et un meilleur dossier. Il y en avait une
au lycée, en terminale qui avait fait ça, pour postuler en prépa.
Et dans le rêve, je suis plus nul que la première fois, recalé au
bac après l'avoir eu ! Docteur Freud, y a-t-il un message caché
derrière ces rêves ? Et pourquoi je n’arrête pas de les
faire ? Ça en devient pénible !
Pour en revenir à la
baignade, elle est très dangereuse. Je n'y ai vu qu'un couple ce
matin qui n'a pas renouvelé l'expérience, ils étaient pourtant
restés au bord. Il faut dire qu'il y a un méchant courant qui
emporte le long de la plage.
En trois quart d'heure de baignade j’ai
fait 500 mètres. Oui je me baigne trois quarts d’heure, pourquoi,
c'est indécent ? Mais il y a pire : à certains endroits,
tandis qu'on plonge pour éviter l'affrontement, on ne réalise pas
tout de suite que les vagues ne nous ramènent pas vers le bord mais
qu'au contraire chaque nouvelle vague avant de déferler attire vers
le large un peu plus. Il y a eu ainsi plusieurs reprises où j'ai dû
nager vaillamment pour retrouver pied. Pourtant j'ai l'habitude dans
le sud-ouest. Ici c’est pire. Alors que c'était calme à en mourir
les jours derniers. Pour le maillot de bain, il n'y a pas résisté.
Il a fini en boule autour du poignet, prenant soin d'avoir toujours
la ligne de l'eau cachant ce qui doit être caché. Pas évident dans
une mer en furie...
En sortant de l’eau je
titubais. C'est le signe que je me suis bien amusé. J'en ai profité
un maximum, ne cessant d’être dans l'eau toute la journée.
Malheureusement avec la marée descendante les vagues sont devenues
moins belles. Un coup classique.
Celui là on dirait vraiment un gag! |
Aujourd'hui je n'ai pas fait grand
chose, je suis resté devant la tente, ne la quittant que pour le
déjeuner. Entre deux bains, je rêvassais sous les filaos, ou bien
je marchais sur la plage, attiré par des macaques ou un couple
d'aigle blanc aux ailes orangées qui planait en cercles juste autour
de moi. J'ai aussi fait des plantations. Le bord de la plage est
couvert de pousses de palétuviers amenées par la marée et qui ont
déjà un faisceau de racines à la base. Aussi j'ai eu pitié, je
les ai enterrées dans le sable. Pas sûr qu'elles résistent à la
prochaine tempête mais en attendant je vais pouvoir surveiller leur
croissance d'ici que je parte. Du moins je l'espère. J'ai choisi des
emplacements où des ruisseaux de fortune issus des inondations
viennent couler sur la plage.
Il me reste une chose que
je n'ai pas encore faite sur Tarutao, c’est le petit tour en canoë
sur une rivière ou un bras de mer couvert de mangrove qui rejoint
une grotte, Crocodile Cave. Il y en avait dans le temps, il paraît
qu'ils ont disparu depuis. Ils pourraient bien revenir le jour où
j'y vais, c'est à dire demain !
Il est dit aussi qu'il ne faut
pas toucher les parois de la grotte, sans doute un truc sacré ou
maléfique. Même si je ne crois pas trop à ces choses là, par
superstition j’éviterai d'attirer le mauvais œil. J'ai
l'impression que ce soir on est moins nombreux. On était à peine
une dizaine au restaurant. Les gens vont et viennent ici, ils restent
en moyenne deux nuits, Tarutao n'étant qu'un stop pour eux. Je peux
aussi dire que les gilets rouges n'aiment pas cette île. Sans doute
pas assez de curiosités pour se prendre en photo devant. A mon avis
c'est trop roots pour eux, ils préfèrent quand ça grouille, ça
leur rappelle la maison. Du coup il n'y a que des occidentaux qui
viennent là.
Au restaurant il y a un
chaton blanc qui mange à tous les râteliers. Je n'ai jamais vu ça,
il miaule non stop pour quémander, c’est une machine à miauler !
Il est adorable avec ses grands yeux luisants comme deux billes mais
on a envie de l’écraser sous sa chaussure pour ne plus l'entendre.
Alors on finit par craquer et par lui donner un petit quelque chose.
Et dès qu'il a fini, il recommence. Il n'en a jamais assez. Je ne
sais pas où tout ça passe, sans doute qu'il finit par s'épuiser à
miauler. Je l'ai pris sur les genoux pour le caresser, on sent tous
ses os. Il a quand même fini par ronronner, comme quoi c'est un chat
normal qui sait faire autre chose que miauler ! Je suis sûr que
c'est son truc à lui pour attirer l'attention. Quand il miaule, il
prend un pauvre air en fermant les yeux avec la tête qui part de
travers comme s'il allait s'évanouir. Ah ces chats, ce sont de
grands comédiens !
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