Ao Son |
La tente au bord de la
plage c'est bien mais on entend plein de bestioles qui fouinent en
retournant des feuilles mortes, dont une qui devait être sous la
tente. Un crabe. C'en est plein, des touts petits qui font des
boulettes de sable, formant de jolis motifs sur le sable et d'autres
plus gros si j'en juge le diamètre des trous mais que je ne vois pas
car ils doivent sortir la nuit. D'ailleurs quand j'avais posé la
tente, comme c'est truffé de ces trous, j'avais bien tassé avec le
pied pour qu'ils ne puissent pas sortir. Les crabes ont leur utilité.
Non seulement ils nettoient la plage mas en plus ils font la joie des
macaques qui arrivent tous les soirs en famille non pas pour se
promener sur la plage mais pour faire leurs emplettes. Je les vois,
craintifs, regardant partout autour d'eux comme ils sont exposés,
pendant que les autres ramassent des trucs sur le sable qu'il portent
à leur bouche. On dirait qu'ils ramassent des coquillages.
Dans la
nuit il y a eu un terrible orage, c'était Las Vegas à l'intérieur
de la tente, pour un peu il m'aurait fallu un masque de sommeil !
J'étais moins inquiet de recevoir la foudre, avec les tentes autour,
il y a du choix, pourquoi la mienne en particulier ? Un
raisonnement un peu à la con je l'avoue.
Ce matin, malgré un ciel
couvert que quelques rayons de soleil transperçaient de temps en
temps, je suis allé louer un vélo au bureau du parc, pour toute la
journée. Je peux même le garder ce soir, les locations courant
pendant 24 heures. Ce sera pratique, ça m'évitera la trotte pour
aller à la douche. Ils m'ont demandé de choisir mon vélo. Dehors
il y en avait une dizaine, en assez bon état mais je me suis surtout
focalisé sur les pneus. Pas question de crever en pleine jungle à
des kilomètres du camp. L'état des pneus n'est pas fameux, ils ont
bien vécu et sont tous plus ou moins lisses.
Ao Molae |
Pour des mountain bike,
c'est dire s'ils ont servi. J'en ai pris un qui a une bonne roue
arrière. D'expérience je sais que je crève surtout de la roue
arrière, la faute sans doute au poids plus important sur cette
partie. Par contre la roue avant est bien lisse, mais bon ça fera
l'affaire.
Je suis parti au petit
bonheur la chance, de toute façon il n'y a qu'une route. Je suis
d'ailleurs étonné de trouver un truc bitumé sur une île
inhabitée ! Mais tant mieux, c'est moins pénible que sur une
piste de caillasse. Le début de la route se fait les doigts dans le
nez et on en oublierait qu'on est sur une île montagneuse.
Rapidement la première côte est apparue, un truc insensé qui n'en
finissait plus de monter. Au début j'ai joué le jeu, en me mettant
en vitesse la plus petite possible (j'ai 5 vitesses et 3 plateaux)
puis j'ai continué en danseuse avant de finir comme mémé, à pied,
en poussant l'engin le cul en arrière ! Pourquoi aller à
l'encontre d'une machine conçue pour fonctionner dans le sens de la
gravité ?
L'avantage des montées, c'est qu'après il y a des
descentes. Et là le vélo prend tout son intérêt ! Pas besoin
de pédaler, juste à freiner pour ne pas quitter la route. Et puis
je n'ai pas trop confiance dans ces vélos maintenus je ne sais
comment – à supposer qu'ils le soient ! – et je n’avais
pas envie de passer par dessus le guidon suite à une roue qui fout
le camp pour aller m'écraser sur la route dans une chute mortelle.
Je préfère faire attention. D'autant plus que je me trimbale le
bordel habituel des destinations camping, à savoir l'ordinateur que
je ne peux décemment pas laisser dans la tente. J'ai trouvé un
endroit où coincer le sac, sur la fourche derrière le guidon. En
réglant les bretelles ça le maintient comme ça peut. Et ça me
soulage d'autant.
A un moment il y a une
bifurcation pour aller à droite rejoindre la côte ouest, ou bien on
peut continuer pendant 12 ou 24 kilomètres de manière à rejoindre
plusieurs sites sur la côte est.
Ao Molae |
Comme le temps hésitait toujours
sur la tournure à prendre, j'ai filé au plus court, question
d'arriver à voir quelques trucs si jamais ça devait se gâter. En
un peu plus d'un kilomètre à partir de cette bifurcation, on arrive
à Ao Molac, là où la fille du bateau hier avait résidé.
L'endroit est magnifique, en bordure d'une baie très sauvage avec
des collines de jungle qui viennent se jeter dans la mer quelque soit
l'endroit où l'on regarde. J'ai croisé un vieux qui marchait sur la
plage et cherchait des coquillages, une fille dans son bungalow et
deux types qui en partaient et que j'avais croisés sur la route dans
un pick-up qui les conduisait à la jetée. Les bungalows forment
deux appartements jumelés mais j'ai regardé malgré tout à
l'intérieur de l'un d'eux. C'est très cosy, un grand lit avec une
moustiquaire. Les bungalows sont en durs et j'ai pensé que je serais
mieux là que dans la tente. La fille d'hier m'avait dit qu'elle
avait payé 600 baths la nuit (15 euros) mais j'ai du mal à le
croire, ils sont si bien tenus et charmants que ça pourrait être un
truc de luxe à 100 euros dans les Caraïbes. Il y a en tout une
vingtaine de logements.
Ao Son |
Je me suis allongé dans
un hamac pour goûter au charme et à la tranquillité du lieu. Les
macaques passaient dans le jardin comme s'ils étaient chez eux. Ce
qui est d'ailleurs le cas . C'est incroyable qu'un endroit comme ça
soit dans un parc national. Ça n'a rien à voir avec là où je suis
à l'entrée du parc. C'est plus joli, plus vert, une vraie carte
postale. Avec deux personnes qui restent là, même si les
appartement sont jumelés, il y a moyen d'en prendre un sans personne
à côté. Je me voyais déjà regarder un Colombo le soir
confortablement installé dans le grand lit aux draps blancs. C'était
décidé, j'ai repéré le numéro 16 et je suis allé demander au
petit restaurant qui servait le petit déjeuner aux pensionnaires
quel était le tarif et si je devais retourner à l'entrée du parc
pour aller chercher la clef. La pauvre fille ne parlait quasiment pas
anglais. Elle est juste arrivée à me donner le prix (c’est bien
600 baths, incroyable!). Pour l'histoire de la clef elle a en
revanche rien compris.
Elle m'a répondu « closed » en me
montrant l'heure à la pendule. Le restaurant fermant à 10 heures,
c'était sans doute pour me signifier de me dépêcher de revenir, le
personnel devant foutre le camp à cette heure là. Tous les gens du
parc dorment au quartier général où je suis, ils ont leurs
piaules, des espèces de dortoirs. En chemin, je suis allé
tournicoter autour d'un bungalow de la dame qui était là, question
de glaner des informations. Elle m'a dit qu'ils n'étaient que trois,
que c'était un vrai paradis mais qu'ils devaient déménager
ailleurs, le parc ayant décidé de fermer cet emplacement faute de
monde. Elle était justement en train de faire ses bagages. C’est
vraiment trop bête, c'est si joli, ça aurait été mon plus beau
séjour du tour du monde. Dans un établissement j'entends. Fermé
faute de monde... C'est pas de chance, pour moi c'est un argument
vendeur ! Tant pis, je resterai dans la tente. Je n'y suis pas
mal, alors...
J'ai repris mon vélo, un
peu dégoûté, pour me rendre à Ao Son qui jouit d'une plage de 3
kilomètres selon le papier qu'ils m'ont remis dans les mains quand
je suis arrivé hier. Avant d'y arriver, la route oscille entre
passages avec gros cailloux et des endroits avec du bitume. La jungle
devient encore plus sauvage avec plein de bruits bizarres. Ça
bruisse de tous côtés, et fort ! Il y a des bestioles qui font
un bruit de générateur de courant, apparemment des grillons, sauf
que ça ne s’arrête jamais. Il y en d'autres qui font un bruit
d'alarme comme un réveil électronique qui fait
« Ti-ti-ti-ti-ti-ti ». De temps en temps aussi ça grogne
de derrière les fourrés quand on passe en vélo sans qu'on arrive à
cerner de quoi il s'agit. J'ai entendu ainsi un grand grognement
rauque qui m'a fait m’arrêter. Sans doute un sanglier, il paraît
que c'en est plein. Je n'ai rien vu. Plus loin, c'était des bêtes
qui font un bruit de tracteur qui démarre.
Vous êtes sûr que c'est le chemin? |
Quant aux macaques qui
détalent dans les arbres quand on passe, ils font « Rrrr »,
comme nous quand on est importuné ! A un moment j'ai entendu
aussi un un truc comme un râle ou une conversation caverneuse qui
sortirait des entrailles de la jungle. Un truc à foutre la frousse
et qui m'a fait sursauter !
Quand je suis arrivé à
la plage de Ao Son, il faut commencer par la chercher un peu car le
chemin amène au bord de la mer où il y a des rochers et une petite
baie et un restaurant de l'autre côté qu'on rejoint en passant sur
un pont de fortune formé de tronçons de polystyrène reliés par
des cordelettes. Avec le plan en main, j'ai continué sur la gauche
en suivant la côte. Il y a un petit chemin de tracé. La plage que
l'on découvre est absolument incroyable, une étendue si sauvage
qu'elle n'est pas vierge. Il y a plein de débris de bois, des algues
mais aussi du plastique un peu partout, poussé dans les arbres au
gré du vent. Cette plage est un endroit rêvé pour Koh Lanta. Plus
sauvage, ça peut pas.
Tous à l'abri... dans l'eau! |
Certes le sable y est plus gris clair que
blanc comme neige mais avec la jungle et les montagnes tout autour,
le spectacle est grandiose. Et avec le temps tout couvert ça rend le
site encore plus envoûtant. Par contre, dès qu'on pose un pied sur
la plage on a compris pourquoi Koh Lanta n’est jamais venu là et
pourquoi il ne viendra jamais. C'est infesté de mouches de sable
affamées. Impossible de s’en défaire. Seule solution : aller
se baigner. N'espérez pas y prendre un bain de soleil ! De
toute façon avec le temps qui se dessine désormais, ça tombe bien.
Le bout de la plage est déjà plongé dans le noir avec un rideau de
pluie qui balaye les collines. Et ça se dirige vers moi. Toutes les
îles au loin sont aussi dans la tourmente. J'ai juste eu le temps de
sortir le poncho que j'avais emporté au cas où (riche idée!), d'y
rouler mon sac dedans et de partir à l'eau. Quand je m'y suis
retrouvé le déluge est arrivé, un truc de fou qui me rappelait la
traversée en bateau aux Îles Fidji.
On ne voyait plus rien autour
de soi, la pluie tombant si drue sur la surface de l'eau qu'elle en
formait des cratères et partait en éclaboussures rendant la surface
de la mer comme un velours gris. J'étais mieux dans l'eau que
dehors. Je sentais la chaleur de la mer qui contrastait avec la
fraîcheur de la pluie qui me tombait sur le crâne. Je m'étais mis
dos au vent sinon je n'aurais pas pu respirer. C’est comme si
j’avais été sous une cascade.
Koh Tarutao est un joyau
sans nom. C'est une île comme je ne pensais pas qu'il en restait.
100% nature, restée comme elle a toujours été, inhabitée sauf par
les vrais habitants des îles, ces créatures qui se cachent pour
vivre heureuses. C'est une destination privilégiée pour
l'écotourisme. Il y a plein de trucs à faire : le vélo déjà
- et je n'ai pas fini d'explorer -, des balades dans la jungle, des
cascades à voir, du kayak, des grottes, des bêtes...
Le Lonely
Planet ne s'y est pas loupé : « Protected partly by its
national-park status, and mostly by its relative inaccessibility, Koh
Tarutao is one of the most exquisite and unspoiled regions in all of
Thailand. This massive park encompasses 51 islands covered with
well-preserved virgin rainforest teeming with fauna, as well as
sparkling coral reefs and radiant beaches. ». Oh, et en
relisant le Lonely Planet il est dit que le Survivor américain y a
été tourné en 2001. Pas étonnant ! A mon avis ils ont dû
trouver une autre plage... En tout cas, ne le répétez à personne,
il faut que cette île reste une destination inconnue aimée que des
connaisseurs.
Juste pendant que j'écris
il y a une française à côté de moi qui discute avec un finlandais
qui vient d'arriver et est un habitué des lieux (il reste camper ici
un mois!) et qui est dégoûtée de partir au bout de deux jours.
Elle a le sentiment d'avoir loupé quelque chose. Elle demande à
tout le monde comment est Koh Lipe. Je ne réponds pas, affairé avec
l'ordinateur, je ne veux pas l'influencer. Le finlandais est venu me
parler aussi juste avant, se demandant ce que je traficotais sur
l'ordinateur, je lui ai parlé du blog. Il m'a conseillé d'en faire
un livre car apparemment j’avais l'air d'aimer ce que je faisais à
la lueur qu'il pouvait lire dans mon regard. Mais je n'écris pas que
des choses transcendantes, je livre aussi des points de vue qui ne
sont que les miens et un peu particuliers, pour ne pas dire décalés
parfois. Quand ce n'est pas des coups de gueule. Ou des jérémiades,
j'ai un ami qui dit que je ne fais que me plaindre. Il ne me semble
pas mais quand je n'aime pas quelque chose je le dis, peut être
trop...
Après la pluie... ne
vient pas le beau temps ! Mais ça permet de sortir de la mer la
peau toute ridée. Il était temps. Par bonheur il y a un restaurant
de l'autre côté du pont en polystyrène. Inutile de dire que
j'étais le seul à m'y rendre. Les employés étaient occupés à
déjeuner, sans doute étonnés d'avoir un client. J'ai quand même
réussi à avoir des fruits, ananas et pastèque, le duo inséparable
en Thaïlande. La cuisinière m'a demandé si j'allais visiter les
cascades. Minute papillon, c’est prévu ! Comme ce n'est
manifestement pas une journée plage, c'est l'occasion rêvée pour
visiter la jungle. La maître nageur d'hier m'avait dit que le balade
était très sympa, plus que le destination en elle même qui est une
cascade de 50 centimètres de haut. Il faut tout de même une heure
pour y parvenir. Et avec ce qu'il a plu, ce n’est pas évident à
rejoindre. C'est balisé, mais jamais de la même couleur, tantôt
jaune, après vert, soudain rouge pour finir bleu.
Ao Jak |
On se demande
toujours si on est sur le bon chemin. Si on peut parler de chemin car
avec ce qu'il a plu, il y a des passages qui sont directement dans un
cours d'eau avec de l'eau arrivant au genou. Sans compter qu'il faut
constamment passer d'un côté à l'autre de la rivière, en passant
sur des rochers moussus dont la plupart sont sous l'eau. Tout cela
est terriblement glissant, je n’arrêtais pas d'avoir un pied qui
partait de travers pour danser la java. J'ai pensé : « si
je ne meurs pas aujourd'hui, c’est que ce n'est pas encore mon
jour ! ». Vers la fin, ça part carrément en couille, les
repères continuent en grimpant sur de la roche comme un truc de
chèvre sauvage, où l'on s'agrippe aux branches pour garder un
équilibre précaire. Tout ça pour arriver à un endroit cul de sac,
où la rivière forme des niveaux et des bassins mais pas vraiment de
cascade. J’étais prévenu. C'est aussi plus étroit et donc plus
profond. De l'autre côté il semble qu'un chemin continue mais je
n'arrive plus à voir de balise et cette fois il faut traverser sans
gué au milieu d'un passage qui semble profond. On dira donc que je
suis arrivé à la cascade. Je tiens à rentrer vivant, d'autant plus
que personne ne sait que je suis là si ce n'est le restaurant de
midi, qui a dû fermer depuis belle lurette.
16 heures, c'est la bonne
heure pour rentrer. Sur le chemin j'ai à nouveau croisé tout un tas
de bruits bizarres, comme celui d'une planche qu'on scierait à la
scie électrique jusqu'au bout. Je ne l'avais pas mentionné plus tôt
ce son ! J'ai pris un bain sur le camp, devant la tente. Le
soir, les hornbills arrivent en bande une heure avant le coucher du
soleil pour venir manger les graines de ces liserons de sable qui
lèchent la plage. C'est l'occasion pour les approcher de près. Ce
sont les mêmes que ceux que l'on traquait péniblement sur la
rivière Kinabatangan à Bornéo. Il y avait aussi des macaques
occupés à déguster ce fruit particulier, dur comme du bois qui
ressemble à un ananas et pend de ces espèces de yucas. Apparemment
ils adorent. Ils doivent se faire les dents avec car j'ai pu voir, à
la faveur d'un bâillement, qu'ils ont des dents très longues. Mais
pas les incisives, ce sont les dents de derrière, les dernières. Si
c'est leurs dents de sagesse, on peut dire qu'ils sont très sages.
Pourtant ce sont des pestes ! Demain j'espère que le soleil
sera de retour, j'aimerais bien poursuivre l'exploration en vélo de
l'autre côté. 48 kilomètres aller/retour, espérons qu'il n'y aura
pas trop de montées !
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