Hier après les
orangs-outans, je me suis enfermé dans mon bungalow en teck pour
réécrire ce que j'ai perdu l'autre jour. Je n'en suis ressorti que
pour le dîner, oubliant au passage le coucher de soleil sur la
jungle qui avait dû être magnifique. Car depuis la terrasse du
restaurant il restait encore quelques traces roses dans le ciel. Tant
pis pour moi. C'était la dernière occasion, m'envolant aujourd'hui
pour Kota Kinabalu. Je vais juste y faire une escale pour prendre un
vol demain pour Kuala Lumpur. Je quitte les singes pour la plage, les
îles Perhentian plus précisément, situées au nord-est de la
Malaisie, à deux pas de la frontière avec la Thaïlande. Mais ça,
ce sera pour demain. Aujourd'hui il me reste la matinée à Sandakan
avant le vol. Je comptais à la base l'utiliser pour retourner voir
les orangs-outans mais vu le monde qu'il y a, je préfère aller à
côté, au Rainforest Discovery Center, qui propose des sentiers dans
la jungle et des jardins fleuris, ornementaux, maraîchers et
médicinaux.
Ce n'est pas que je n'ai pas aimé les orangs-outans -
au contraire ils sont adorables et je songe sérieusement en adopter
un - mais dans ces conditions, ça gâche la visite. Dommage, ils
sont victimes de leur succès. Ils devraient restreindre l'accès à
un certain nombre de personnes mais ils ne le feront jamais, l'argent
des billets servant à entretenir les orangs-outans. Et comme
j'expliquais hier ils ont bien besoin de sous. D'ailleurs le site que
j'ai mis en lien sur le message d'hier est la seule ONG acceptée en
Malaisie. Elle est le fruit d'une anglaise qui s'est rendue ici même
il y a plus de dix ans et qui est tombée amoureuse des orangs-outans
et a décidé de fonder cette ONG pour leur venir en aide. J'aime
bien ces gens qui ont des idées un peu folles et qui vont au bout de
leur passion.
Je suis devenu un pro du
pliage de bagages. Au début ça m'emmerdait de toujours défaire et
refaire les bagages, maintenant c'est devenu une seconde nature et je
n'y prends plus gare.
J'oublie toujours des choses au passage, comme
mon T-shirt de nuit récemment, ou ma lampe torche chez l'oncle Tan,
mais le principal suit ! En dix minutes je te torche le truc.
Les autres, les voisins, je les regarde et je les entends, ça prend
bien une bonne heure en allées et venues d'un côté à l'autre de
la pièce. A 9 heures j'embarquais dans le fourgon pour retourner
chez les fous. Ils m'ont laissé avant, avec un jeune couple dont la
fille avait oublié la veille de visiter le jardin des orchidées.
Elle était donc revenue pendant que son homme restait devant la
billetterie, le cul posé sur un divan occupé avec son Ipad, pas
intéressé par la balade dans le jardin. Il a eu tort. J'y ai passé
deux heures, ça grouillait de plantes différentes, on était obligé
de s’arrêter à chaque pas. Ils avaient eu la bonne idée de
mélanger les plantes en les étageant. En retournant une feuille on
pouvait donc en découvrir de nouvelles, c'était comme avec les
poupées russes, ça semblait sans fin !
Au rayon belles plantes aquatiques en général on me trouve! |
Il y avait aussi des
espaces dédiés, un pour les plantes aquatiques, un autre pour les
cactus, un pour les plantes grasses américaines ou encore un autre
pour les plantes carnivores. Ça doit bien marcher pour elles car
elles donnaient plein de ces besaces avec un chapeau dessus pour
cacher un liquide mortel pour qui tombe dedans. Il faut dire qu'avec
ce qu'il y a comme bestioles rampantes et volantes, elles ont de quoi
être heureuses. Mais le clou c'est bien le jardin des orchidées,
avec des locales mais aussi d'autres de tous les pays. Je pensais y
trouver la jolie tigrée endémique de Bornéo mais j'ai dû me
contenter d'une photo sur la fiche descriptive, la plante étant sans
fleur, comme la majorité du reste. Mais il y en a tellement qu'on
finit par en trouver des fleuries.
Le parc n'est pas
vraiment un parc, c'est plus une forêt aménagée pour en faire un
parcours éducatif avec des panneaux expliquant la moindre chose.
Pour ceux qui ne veulent pas s'emmerder à faire un trek dans la
jungle il n'y a pas loin où aller, une visite de ce centre suffit
pour avoir un bel aperçu. Le site est magnifique, plein d'arbres centenaires, très hauts, de lianes, fougères, mousses et autres
plantes de sous bois aux grosses feuilles vert fluorescent quand on
les regarde avec le soleil à travers. Il y a des ponts suspendus et
même un « canopy walkway » à 17 mètres du sol qui
permet d'avoir une vue de singe. A tel endroit on est invité à
ouvrir l’œil, pour essayer d'apercevoir tel oiseau ou même des
orangs-outans qui s'amusent de temps en temps à emprunter le passage
pour faire raccourci. On trouve également un jardin avec des
gingembres. Je ne savais pas à quoi ça ressemblait à part cette
racine tarabiscotée qu'on trouve sous sachet. C'est en fait une
plante fleurie qui fait de jolies fleurs dont certaines sont
retrouvées dans les bouquets de fleuristes.
Le gingembre comprend en
fait une multitude d'espèces et on en dénombre 125 rien qu'à
Bornéo dont certaines restent encore à découvrir. Un autre truc
qui m'aurait bien plus aussi quand j'étais à la fac, c'était
botaniste. Parcourir les 4 coins du globe pour tenter de trouver des
espèces non répertoriées ou mieux étudier des espèces méconnues.
Seulement le créneau est un peu bouché et pas très porteur, ni
rémunérateur, comme tous les métiers scientifiques, c'est pour ça
que j'ai fait autre chose. Dommage... Pour en revenir au gingembre il
y avait un dessin avec les espèces les plus connues et j'ai cru
reconnaître l'arbre du voyageur, célèbre dans tout pays tropical.
Si c'est bien lui eh bien c'est un gingembre ! Il faudra que je
me renseigne à mon retour pour vérifier que je ne me trompe pas.
La forêt du parc n'est
pas quelque chose de plat et rectiligne, elle offre des vallons avec
des cours d'eau qui serpentent. On entend plein de bruits différents
et là aussi des panneaux indiquent qu'on risque de croiser tel ou
tel animal. J'en suis rendu à 6 espèces de singes, les autres
sont : le tarsier, ce fameux singe aux yeux aussi gros que son
cerveau dont j’avais oublié le nom et deux espèces de singes mous
au sens qu'il se déplacent lentement.
Ils sont nocturnes, j'ai
oublié leur nom mais l'un d'eux est un singe toxique ! Il crée
des chocs anaphylactiques à qui le touche ! Il possède en fait
des glandes dans la bouche qui secrètent des toxines dans sa salive.
En se léchant le pelage, il s'en enduit ainsi des pieds à la tête.
Même pour l'homme il peut être mortel ! Plus que comme moyen
de se défendre, c'est surtout son moyen pour se nourrir, étant trop
lent pour chasser. Il reste donc suspendu aux branches et dès qu'il
voit une proie il se laisse tomber dessus, se mettant en boule et
attendant qu'on le morde. La malheureuse bestiole qui n'a rien
compris passe ensuite de vie à trépas et le singe n'a plus qu'à se
servir. Les trouvailles de la nature sont inépuisables. Son génie
est sans limite. C'est ce que je me disais aussi devant un panneau
invitant à regarder très haut vers la cime des arbres pour tenter
d'apercevoir un écureuil volant.
Il y avait une photo illustrative.
La bestiole qui n'a rien d'un oiseau possède une excroissance de
peau sous ses pattes qu'elle déploie comme une cape pour planer. La
photo parle d'elle même, on dirait une chauve souris avec une tête
d'écureuil ! Pourquoi être allé inventer un écureuil volant
me direz vous ? Eh bien c'est parce que les arbres sont si hauts
que cette pauvre créature si elle ne volait pas serait obligée de
faire des allers retours de bas en haut d'un arbre qui auraient tôt
fait de la fatiguer. Avec ce stratagème, elle économise un trajet,
celui pour descendre !
Dans le bois on rencontre
également un arbre géant que je n'ai pas eu l'occasion d'approcher,
ayant pris trop de retard à me pavaner pour pouvoir m'y rendre avant
de prendre l'avion. Mais je me suis consolé avec une réplique, plus
petite mais fort impressionnante, un belian. C'est comme ça qu'ils
l'appellent ici.
Sinon les anglais lui donnent le nom de Borneo
Ironwood. Le spécimen que je contemplais avait 1020 ans. Ils l'on
daté au carbone 14. Son diamètre fait 1m20. Il ne se rencontre qu'à
Bornéo, à Sumatra, aux Philippines ou encore Java. Il reste donc
dans le secteur. Son bois en fait le 7e plus dur au monde.
Malheureusement il est voie d'extinction, lui aussi victime de la
déforestation. Il est très dur à replanter car il produit
quasiment pas de graines et pousse très lentement. La seule chose
que les autorités ont décidé est de limiter l'abattage et
l'exportation du bois. Avec ça... Encore une fois, au risque de me
répéter, comment peut on réduire à néant en quelques minutes un
arbre qui a poussé si haut de toutes ses forces pendant tout ce
temps, traversant guerres et générations pour se retrouver sacrifié
sur l'autel du profit et d'une demande exponentielle, étant de plus
en plus nombreux sur cette Terre ?
Personne n'ose dire qu'on est
trop nombreux, allant faire des projections de population sur les
décennies à venir à moitié en s'en félicitant. Eh bien moi je le
dis et je m'en inquiète ! Le monde court à sa ruine. Ça fait
très vieux con à dire mais c'est hélas la vérité. Il reste
encore l'Australie d'épargnée en raison de son existence toute
récente. Sur la carte du monde que j'ai dans ma cuisine à la
maison, j'ai une mini-carte avec la répartition de la démographie
dans le monde selon un code couleur. Seule l'Australie est à
l'échelle la plus basse. Couleur blanche ! Si on omet les
pôles... Mais qui a envie d'y vivre ?
Je suis descendu à Kota
Kinabalu au même hôtel que les autres fois. Ils sont sympathiques
et les chambres modernes. En plus la semaine dernière alors que je
voulais payer, ils m'ont dit que je réglerais la globalité à mon
retour de Sandakan. Rien n'indiquait que je reviendrais hormis le
fait que j'avais réservé de vive voix sans laisser d'arrhes.
J'aurais tout aussi bien pu disparaître dans la nature en laissant
mon ardoise. J'aime quand les gens ont une telle confiance, on doit
les respecter encore plus. Chee Ling Ling était toujours là et m'a
demandé tout de suite de lui confirmer des mots français que je lui
avais appris la dernière fois pour voir si elle les avait bien
retenus. Elle a beaucoup de mal avec « au revoir ». Il
semble que notre « r » soit imprononçable pour beaucoup.
Quand elle essayait avec sa collègue ça les faisait beaucoup rire
et ça se terminait par la conclusion que notre « r »
était horrible. J'ai essayé de leur trouver une de ces histoires du
genre « les chaussettes de l'archi-duchesse » avec des
« r » mais je n'ai pas trouvé. Je leur ai donc dit
qu'avec l'espagnol c'était bien pire. Eux ont vraiment un son
imprononçable la fameuse « rota », le « j ».
Je n'ai jamais pu le prononcer. Chaque fois qu'on me reprend je sors
le son d'un « r » normal. C’est pas humain.
La jungle vue du ciel, avec mes singes dedans que je laisse... |
Comme
depuis tout à l'heure la collègue pianotait sur son ordinateur à
mesure que je sortais des mots français pour avoir la prononciation
(j'ai découvert qu'avec Google Translate, si on met le haut parleur
on entend quelqu'un qui prononce le mot désiré dans la langue qu'on
veut), je leur ai demandé d'essayer le mot « orange » en
espagnol. Elles se le sont fait passer et repasser en boucle prises
d'un fou rire. Essayez vous aussi à la maison, vous verrez
pourquoi ! Je tenais la démonstration que le « r »
français n'est pas si affreux que ça ! En retour elles m'ont
appris deux mots chinois : « tsaï tsienne » qui
veut dire « au revoir » et « ni how ma » qui
veut dire « comment allez vous ». Ne me demandez pas de
l'écrire en chinois ! Je ne sais pas trop à quoi ça va bien
me servir... Peut être qu'un jour j'arriverai à pied de la Chine !
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