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mardi 3 avril 2012

Rainforest Discovery Center


Hier après les orangs-outans, je me suis enfermé dans mon bungalow en teck pour réécrire ce que j'ai perdu l'autre jour. Je n'en suis ressorti que pour le dîner, oubliant au passage le coucher de soleil sur la jungle qui avait dû être magnifique. Car depuis la terrasse du restaurant il restait encore quelques traces roses dans le ciel. Tant pis pour moi. C'était la dernière occasion, m'envolant aujourd'hui pour Kota Kinabalu. Je vais juste y faire une escale pour prendre un vol demain pour Kuala Lumpur. Je quitte les singes pour la plage, les îles Perhentian plus précisément, situées au nord-est de la Malaisie, à deux pas de la frontière avec la Thaïlande. Mais ça, ce sera pour demain. Aujourd'hui il me reste la matinée à Sandakan avant le vol. Je comptais à la base l'utiliser pour retourner voir les orangs-outans mais vu le monde qu'il y a, je préfère aller à côté, au Rainforest Discovery Center, qui propose des sentiers dans la jungle et des jardins fleuris, ornementaux, maraîchers et médicinaux. 
Ce n'est pas que je n'ai pas aimé les orangs-outans - au contraire ils sont adorables et je songe sérieusement en adopter un - mais dans ces conditions, ça gâche la visite. Dommage, ils sont victimes de leur succès. Ils devraient restreindre l'accès à un certain nombre de personnes mais ils ne le feront jamais, l'argent des billets servant à entretenir les orangs-outans. Et comme j'expliquais hier ils ont bien besoin de sous. D'ailleurs le site que j'ai mis en lien sur le message d'hier est la seule ONG acceptée en Malaisie. Elle est le fruit d'une anglaise qui s'est rendue ici même il y a plus de dix ans et qui est tombée amoureuse des orangs-outans et a décidé de fonder cette ONG pour leur venir en aide. J'aime bien ces gens qui ont des idées un peu folles et qui vont au bout de leur passion.
Je suis devenu un pro du pliage de bagages. Au début ça m'emmerdait de toujours défaire et refaire les bagages, maintenant c'est devenu une seconde nature et je n'y prends plus gare. 
J'oublie toujours des choses au passage, comme mon T-shirt de nuit récemment, ou ma lampe torche chez l'oncle Tan, mais le principal suit ! En dix minutes je te torche le truc. Les autres, les voisins, je les regarde et je les entends, ça prend bien une bonne heure en allées et venues d'un côté à l'autre de la pièce. A 9 heures j'embarquais dans le fourgon pour retourner chez les fous. Ils m'ont laissé avant, avec un jeune couple dont la fille avait oublié la veille de visiter le jardin des orchidées. Elle était donc revenue pendant que son homme restait devant la billetterie, le cul posé sur un divan occupé avec son Ipad, pas intéressé par la balade dans le jardin. Il a eu tort. J'y ai passé deux heures, ça grouillait de plantes différentes, on était obligé de s’arrêter à chaque pas. Ils avaient eu la bonne idée de mélanger les plantes en les étageant. En retournant une feuille on pouvait donc en découvrir de nouvelles, c'était comme avec les poupées russes, ça semblait sans fin ! 
Au rayon belles plantes aquatiques en général on me trouve!
Il y avait aussi des espaces dédiés, un pour les plantes aquatiques, un autre pour les cactus, un pour les plantes grasses américaines ou encore un autre pour les plantes carnivores. Ça doit bien marcher pour elles car elles donnaient plein de ces besaces avec un chapeau dessus pour cacher un liquide mortel pour qui tombe dedans. Il faut dire qu'avec ce qu'il y a comme bestioles rampantes et volantes, elles ont de quoi être heureuses. Mais le clou c'est bien le jardin des orchidées, avec des locales mais aussi d'autres de tous les pays. Je pensais y trouver la jolie tigrée endémique de Bornéo mais j'ai dû me contenter d'une photo sur la fiche descriptive, la plante étant sans fleur, comme la majorité du reste. Mais il y en a tellement qu'on finit par en trouver des fleuries.
Le parc n'est pas vraiment un parc, c'est plus une forêt aménagée pour en faire un parcours éducatif avec des panneaux expliquant la moindre chose. 
Pour ceux qui ne veulent pas s'emmerder à faire un trek dans la jungle il n'y a pas loin où aller, une visite de ce centre suffit pour avoir un bel aperçu. Le site est magnifique, plein d'arbres centenaires, très hauts, de lianes, fougères, mousses et autres plantes de sous bois aux grosses feuilles vert fluorescent quand on les regarde avec le soleil à travers. Il y a des ponts suspendus et même un « canopy walkway » à 17 mètres du sol qui permet d'avoir une vue de singe. A tel endroit on est invité à ouvrir l’œil, pour essayer d'apercevoir tel oiseau ou même des orangs-outans qui s'amusent de temps en temps à emprunter le passage pour faire raccourci. On trouve également un jardin avec des gingembres. Je ne savais pas à quoi ça ressemblait à part cette racine tarabiscotée qu'on trouve sous sachet. C'est en fait une plante fleurie qui fait de jolies fleurs dont certaines sont retrouvées dans les bouquets de fleuristes. 
Le gingembre comprend en fait une multitude d'espèces et on en dénombre 125 rien qu'à Bornéo dont certaines restent encore à découvrir. Un autre truc qui m'aurait bien plus aussi quand j'étais à la fac, c'était botaniste. Parcourir les 4 coins du globe pour tenter de trouver des espèces non répertoriées ou mieux étudier des espèces méconnues. Seulement le créneau est un peu bouché et pas très porteur, ni rémunérateur, comme tous les métiers scientifiques, c'est pour ça que j'ai fait autre chose. Dommage... Pour en revenir au gingembre il y avait un dessin avec les espèces les plus connues et j'ai cru reconnaître l'arbre du voyageur, célèbre dans tout pays tropical. Si c'est bien lui eh bien c'est un gingembre ! Il faudra que je me renseigne à mon retour pour vérifier que je ne me trompe pas.
La forêt du parc n'est pas quelque chose de plat et rectiligne, elle offre des vallons avec des cours d'eau qui serpentent. On entend plein de bruits différents et là aussi des panneaux indiquent qu'on risque de croiser tel ou tel animal. J'en suis rendu à 6 espèces de singes, les autres sont : le tarsier, ce fameux singe aux yeux aussi gros que son cerveau dont j’avais oublié le nom et deux espèces de singes mous au sens qu'il se déplacent lentement. 
Ils sont nocturnes, j'ai oublié leur nom mais l'un d'eux est un singe toxique ! Il crée des chocs anaphylactiques à qui le touche ! Il possède en fait des glandes dans la bouche qui secrètent des toxines dans sa salive. En se léchant le pelage, il s'en enduit ainsi des pieds à la tête. Même pour l'homme il peut être mortel ! Plus que comme moyen de se défendre, c'est surtout son moyen pour se nourrir, étant trop lent pour chasser. Il reste donc suspendu aux branches et dès qu'il voit une proie il se laisse tomber dessus, se mettant en boule et attendant qu'on le morde. La malheureuse bestiole qui n'a rien compris passe ensuite de vie à trépas et le singe n'a plus qu'à se servir. Les trouvailles de la nature sont inépuisables. Son génie est sans limite. C'est ce que je me disais aussi devant un panneau invitant à regarder très haut vers la cime des arbres pour tenter d'apercevoir un écureuil volant. 
Il y avait une photo illustrative. La bestiole qui n'a rien d'un oiseau possède une excroissance de peau sous ses pattes qu'elle déploie comme une cape pour planer. La photo parle d'elle même, on dirait une chauve souris avec une tête d'écureuil ! Pourquoi être allé inventer un écureuil volant me direz vous ? Eh bien c'est parce que les arbres sont si hauts que cette pauvre créature si elle ne volait pas serait obligée de faire des allers retours de bas en haut d'un arbre qui auraient tôt fait de la fatiguer. Avec ce stratagème, elle économise un trajet, celui pour descendre !
Dans le bois on rencontre également un arbre géant que je n'ai pas eu l'occasion d'approcher, ayant pris trop de retard à me pavaner pour pouvoir m'y rendre avant de prendre l'avion. Mais je me suis consolé avec une réplique, plus petite mais fort impressionnante, un belian. C'est comme ça qu'ils l'appellent ici. 
Sinon les anglais lui donnent le nom de Borneo Ironwood. Le spécimen que je contemplais avait 1020 ans. Ils l'on daté au carbone 14. Son diamètre fait 1m20. Il ne se rencontre qu'à Bornéo, à Sumatra, aux Philippines ou encore Java. Il reste donc dans le secteur. Son bois en fait le 7e plus dur au monde. Malheureusement il est voie d'extinction, lui aussi victime de la déforestation. Il est très dur à replanter car il produit quasiment pas de graines et pousse très lentement. La seule chose que les autorités ont décidé est de limiter l'abattage et l'exportation du bois. Avec ça... Encore une fois, au risque de me répéter, comment peut on réduire à néant en quelques minutes un arbre qui a poussé si haut de toutes ses forces pendant tout ce temps, traversant guerres et générations pour se retrouver sacrifié sur l'autel du profit et d'une demande exponentielle, étant de plus en plus nombreux sur cette Terre ? 
Personne n'ose dire qu'on est trop nombreux, allant faire des projections de population sur les décennies à venir à moitié en s'en félicitant. Eh bien moi je le dis et je m'en inquiète ! Le monde court à sa ruine. Ça fait très vieux con à dire mais c'est hélas la vérité. Il reste encore l'Australie d'épargnée en raison de son existence toute récente. Sur la carte du monde que j'ai dans ma cuisine à la maison, j'ai une mini-carte avec la répartition de la démographie dans le monde selon un code couleur. Seule l'Australie est à l'échelle la plus basse. Couleur blanche ! Si on omet les pôles... Mais qui a envie d'y vivre ?
Je suis descendu à Kota Kinabalu au même hôtel que les autres fois. Ils sont sympathiques et les chambres modernes. En plus la semaine dernière alors que je voulais payer, ils m'ont dit que je réglerais la globalité à mon retour de Sandakan. Rien n'indiquait que je reviendrais hormis le fait que j'avais réservé de vive voix sans laisser d'arrhes. 
J'aurais tout aussi bien pu disparaître dans la nature en laissant mon ardoise. J'aime quand les gens ont une telle confiance, on doit les respecter encore plus. Chee Ling Ling était toujours là et m'a demandé tout de suite de lui confirmer des mots français que je lui avais appris la dernière fois pour voir si elle les avait bien retenus. Elle a beaucoup de mal avec « au revoir ». Il semble que notre « r » soit imprononçable pour beaucoup. Quand elle essayait avec sa collègue ça les faisait beaucoup rire et ça se terminait par la conclusion que notre « r » était horrible. J'ai essayé de leur trouver une de ces histoires du genre « les chaussettes de l'archi-duchesse » avec des « r » mais je n'ai pas trouvé. Je leur ai donc dit qu'avec l'espagnol c'était bien pire. Eux ont vraiment un son imprononçable la fameuse « rota », le « j ». Je n'ai jamais pu le prononcer. Chaque fois qu'on me reprend je sors le son d'un « r » normal. C’est pas humain. 
La jungle vue du ciel, avec mes singes dedans que je laisse...
Comme depuis tout à l'heure la collègue pianotait sur son ordinateur à mesure que je sortais des mots français pour avoir la prononciation (j'ai découvert qu'avec Google Translate, si on met le haut parleur on entend quelqu'un qui prononce le mot désiré dans la langue qu'on veut), je leur ai demandé d'essayer le mot « orange » en espagnol. Elles se le sont fait passer et repasser en boucle prises d'un fou rire. Essayez vous aussi à la maison, vous verrez pourquoi ! Je tenais la démonstration que le « r » français n'est pas si affreux que ça ! En retour elles m'ont appris deux mots chinois : « tsaï tsienne » qui veut dire « au revoir » et « ni how ma » qui veut dire « comment allez vous ». Ne me demandez pas de l'écrire en chinois ! Je ne sais pas trop à quoi ça va bien me servir... Peut être qu'un jour j'arriverai à pied de la Chine !

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