Koh Tong

Concernant le tour d'aujourd'hui j'avais demandé le tour A, j'ai été positionné sur le B dont les centres d’intérêts me paraissaient moins bons que l'autre si j'en juge les guides. Koh Lipe est une petite île entourée part trois îles plus grosses : Koh Adang la plus proche puis Koh Rawi, avec de superbes plages de sable blanc paraît-il et Koh Tong la plus petite. Elle sont toutes inhabitées car incluses dans le parc de Koh Tarutao. Seule Koh Lipe a échappé curieusement au parc alors qu'elle est pourtant en plein milieu de la zone. Du Bila Beach je peux voir Koh Adang toute proche, avec une belle plage juste en face. Comme le gîte propose des kayaks, j'irai par ce moyen. Car ne comptez pas sur moi pour que je m'inscrive ces prochains jours au tour A. Certes le parcours que j'ai eu aujourd'hui était très intéressant mais quel monde ! Je ne sais pas quels étaient les demeurés que j'avais sollicités hier et qui me disaient qu'ils ne pouvaient pas m'inclure dans un tour en étant tout seul.

Car du monde il y en a ! Des dizaines de bateaux qui font les mêmes tours et qui se suivent. A chaque arrêt c'est l'invasion, des gilets rouges partout avec des gens qui se laissent flotter sans savoir nager et me rentrent dedans sans s'excuser. C'est le Jellyfish Lake en pire ! Je vais finir par laisser l'Asie aux asiatiques. Ils sont trop bruyants, trop en groupes. La notion de silence est un concept qu'ils ne connaissent pas. Ils voyagent en groupe de 20 et semblent être échappés d'une prison dont ils n'auraient pas vu le jour depuis des années. Tout est prétexte aux photos. Ils s'en foutent du décor, ce qui compte c'est qu'ils soient dessus en train de faire les cons, en sautant ou en posant dans toutes sortes de positions. Quand les gilets rouges arrivent, tout est foutu. Il y a plein d'endroits que je n'ai pas pu prendre en photo à cause d'eux. C'était la surpopulation. Au bout d'un moment au fil des arrêts je commençais à me renfrogner, c'était toujours le même cirque. 

Tous les bateaux se suivent et prennent possession des lieux en même temps. Quant on quitte un endroit il redevient aussi désert et calme qu'il devrait toujours l’être. Pourquoi aucune compagnie n'a pensé décaler son programme d'une demie heure ou à effectuer le périple dans l'autre sens afin d'éviter la cohue ? Ça m'a gâché la sortie, à la fin je faisais le contraire de toute le monde, allant jusqu'à aller dans les rochers pour avoir un peu de calme. Et pourtant le tour B est celui qui amène le plus loin et qui fait moins la part aux belles plages. Il devrait donc y avoir moins de monde. Tu parles ! C'est pour ça que leur tour A, ils peuvent bien se le garder. Dans ces conditions je préfère avoir un kayak et être libre de me poser loin des masses. On va dire encore que je n’arrête pas de me plaindre mais c'est comme si un paradis avait été livré au diable. Quel gâchis ! Fait différemment ce tour aurait pu être un enchantement, c'est ça qui me désole.

Pour les arrêts snorkeling - au demeurant plus nombreux que les arrêts plage - il ne faut pas espérer voir grand chose. L'eau est un peu verdâtre et pas très claire. La faune sous marine est peu riche mais cela semblait régaler mes collègues qui devaient sans doute en être à leur première sortie snorkeling dans une vie. Ce qui dans ces conditions peut paraître brillant. Je fais sûrement le blasé, mais à côte de tout ce que j'ai vu, Koh Lipe fait pâle figure. C'est ça de faire un tour du monde, on compare inévitablement les choses. Le premier arrêt plongée j'ai failli me noyer dans un rire ! Une vaste plaisanterie. Il fallait sauter autour d'un gros rocher que les gens mitraillaient de photo (je ne vois pas pourquoi, c'était juste un gros caillou comme on en voit plein partout dès qu'on a une côte rocheuse), dans un courant de fou et jouer des coudes pour se tenir à une corde tendue en travers pour éviter d’être emporté. 

Et pour voir quoi ? Des algues et deux bénitiers qui se battent en duel. Tout cela dans les cris et les les coups de pied. Autant dire que je suis remonté bien vite à bord, non sans mal, un autre bateau s'étant arrêté à côté du nôtre comme ce que nous avions fait plus tôt. Il a fallu que je me hisse par un espace de trou de souris, en allant vite pour éviter d'être écrasé entre ces deux coques de noix.

En revanche il y a un arrêt snorkeling que j'ai bien aimé. On a fait le tour d'un îlot sans rien faire. Ils ont inventé le snorkeling pour les nuls. Façon tire-cul ! Il suffisait de se tenir à une bouée tractée par le bateau. Pas d'effort, il n'y a qu'à regarder. Pas grand chose à voir à part un défilement de rochers et de coraux mais la balade était sympa. C'est comme si l'on était dans un bateau à fond de verre en étant complètement immergé. C'est bien mieux. Pour le déjeuner on s'est arrêté sur une plage très belle et sauvage où tous les autres bateaux avaient eu la même idée. 

Pourtant, ce ne sont pas les plages qui manquent, pourquoi ne pas s’être arrêté à une autre ? Pendant que tout le monde me faisait des signes pour me faire savoir que j'étais servi, j'étais déjà ailleurs crapahutant pour prendre des photos. La pause déjeuner est le seul moment où l'on peut être un peu tranquille pour prendre des photos, tout le monde mangeant en même temps à l'ombre et ayant déserté la plage. Ça faisait un moment que je l'attendais cette pause déjeuner ! Après, j'ai eu la riche idée de chercher un coin pour faire la sieste. J'ai trouvé un endroit à l'ombre avec personne autour, un truc parfait, à l'écart du gros des troupes. C'était sans compter qu'après le déjeuner tout ce petit monde s'est dilué et n'a rien trouvé de mieux à faire que de venir sous mon nez pour se prendre en photo avec leur Ipad. C'est la grande mode ici. Finis les petits appareils photos, on sort sa tablette de 30 centimètres pour se prendre en photo. 

Au passage, c'est pour ça que je n'ai aucun produit Apple. Je n'aime pas les trucs de masse à position dominante à la limite du monopole qui rendent leurs consommateurs serviles. C'est ce que cette compagnie fait pourtant. Désormais quand on cherche un accessoire tout tourne autour d'Apple. Si l'on a autre chose, c'est comme si l'on était resté à l'ère de la préhistoire. Apple c'est devenu culturel, symbole pour moi d'un consumérisme à outrance qui vient gonfler le gaspillage et les pollutions électroniques, les fans d'Apple étant des drogués qui achètent la moindre nouvelle version. Je me souviens il y a encore 5 ans la grande mode c'était l'Ipod. Tout le monde en avait un et ceux qui n'en avaient pas n’avaient rien compris. Je n'en vois plus un seul désormais ! Où sont ils passés ? On a dépassé l'ère du jetable, on remplace désormais les produits bien avant qu'ils n'arrivent en fin de vie. C'est une tendance générale. Aucun secteur n'y échappe : appareils photos, télévisions... Résister à la pression de la fuite en avant n'est pas chose simple. Je critique un peu mais je suis moi même pris dans l'engrenage avec les appareils photos. Je m'inclus donc aussi dans la critique, ça ne m’empêche pas d’être lucide.

En parlant d'appareil photo, il fait tellement chaud à Koh Lipe que j'ai perdu le repose pouce en caoutchouc dont la colle a fondu (au passage dites « repose pouce » plusieurs fois à la suite et vite, vous verrez ça se terminera en « repouspous »!). J'ai désormais un appareil hideux dont je vois presque l'intérieur. In-revendable ! Je suis bon pour le conserver jusqu'à la fin. Pourtant il commence à donner des signes de faiblesse après 200 jours d'utilisation intensive. Le zoom se bloque régulièrement, m’obligeant à rallumer l'appareil. La faute aussi au sable. En tout cas il fait si chaud que rien n'y résiste. Impossible de supporter le T-shirt, j'ai passé la journée avec le paréo sur les épaules. Comme en Crète. Et ce, de 8 heures du matin jusqu'au coucher du soleil. Ce n'est pas étonnant si ce soir ça a éclaté en orage.

Dans l'après midi on a fait escale à Monkey Beach, plus nombreux pour une fois que les gilets rouges ! J'ai repris du poil de la bête, c’est le cas de le dire. Les autres n'osaient pas descendre du bateau, ayant un comité d'accueil de macaques étant venu à notre rencontre. Ce n'était pas particulièrement pour nous souhaiter la bienvenue. Pas de colliers de fleurs ni d'airs de guitare langoureux mais plutôt des cris et des dents ! Les macaques, ce ne sont pas les singes que je préfère. Certes je les trouve amusants mais ils sont trop caractériels. Ils peuvent sembler gentils puis en coller une soudainement sans qu'on n'ait rien vu venir. Entre eux c'est pareil, ils sont paisibles puis tout d'un coup à la faveur d'une mouche qui passe, ça devient le scandale et ils se battent en se mordant. Et pas pour jouer. Sans doute pour rappeler qui est le chef. J'ai remarqué que c'étaient toujours les mêmes macaques qui détalaient lors des rixes. Si l'on reste à distance en évitant de pointer l'appareil photo vers eux trop ostensiblement (ça les rend hystériques!), on peut chopper de belles scènes rigolotes.

Ainsi, les séances d'épouillage sont toujours le théâtre de positions improbables, plaçant le sujet épouillé dans un état extatique. J'aime bien les regarder aussi manger, ils sont encore plus marrants à regarder que les écureuils. Et ils ont très bonne vue. Il y en avait un qui avait remarqué sur la plage des miettes de pastèque, qu'il a ramassées une à une, méthodiquement, n'en oubliant aucune. Comme les morceaux étaient couverts de sable - c'est pas aussi con qu'un chien - il ne les a pas mangés comme un morfale mais à pris le temps de les épousseter au maximum avec le dos de sa main poilue. J'ai aussi été témoin de baignades en famille, le plus vieux donnant l'exemple, suivi des plus jeunes pendant que les mères restaient sur le rivage à allaiter les derniers nés. Et ils se chamaillaient, plongeant et s'amusant. Ils savent aussi se mettre debout et marcher un instant ainsi, comme les proboscis, mais pas trop, il faut bien qu'ils nous laissent un peu de nos caractéristiques !

En rentrant on s'est arrêté sur une plage constituée uniquement de galets que les gens assemblaient en tours. Il y en avait plein, tout comme de gilets rouges ! Je suis resté dans l'eau à barboter, retournant les galets qui forment des anneaux concentriques de toutes les couleurs. On dirait des jouets qui pèsent d'ailleurs un lingot et qu'il est interdit de ramener. Car l'endroit appartient au dieu de Tarutao et quiconque emporte un galet s'expose à toutes sortes de maux dont quelques exemples sont listés sur des panneaux de mise en garde : perte d’être chers, misère, maladie, mort, revers de fortunes... Comme ils étaient plus jolis dans la mer, l'eau intensifiant leur couleur j'ai eu dans l'idée d'en prendre quelques uns pour les photographier dans le bateau. Le capitaine m'a vu faire et m'a fait un non de la main avec une grande grimace. Je lui ai dit que c'était juste pour les prendre en photo mais il est resté catégorique. Et je crois savoir pourquoi, sans doute pour ne pas que ces galets maudits portent la poisse à son bateau... C'est comme il paraît qu'il ne faut jamais prononcer le mot « lapin » devant un capitaine en fonction ! Va savoir pourquoi...

Ce soir l'orage a éclaté sur le secteur, ce qui n'a pas empêché le Mina Luna de faire une fête. Car j'avais oublié que l'endroit se transforme en rave-party sur la plage à chaque pleine lune, nouvelle lune ou moitié de lune. Bref, souvent ! Et il était affiché que la prochaine soirée serait le 14 avril. Je ne m'attendais pas à un tel délire et la musique poussée à fond. Comme le truc est tout près et que j'ai le bungalow qui s'en approche le plus (j'ai juste a penché la tête du balcon pour en voir les lumières), c'est devenu infernal, malgré le bruit de la pluie sur le toit, le ventilateur posé à côté de ma tête à puissance maximale, des boules quiès et le casque de walkman par dessus. Un truc de fou ! J'ai dû me rendre à l'évidence, il fallait que je fuis. J'ai donc préparé la tente, mis un maillot de bain et pris une serviette pour marcher sous une pluie battante, sans direction précise, éclairé par les éclairs et marchant dans de la boue et des glissements de terrain. Je me suis rendu tout en haut de la colline, là où j'avais repéré un sous bois en pente mais pouvant accueillir la tente. Et j'ai dormi là, la tente sans dessous dessus, en chien de fusil, incapable de m'allonger tellement c'était en pente et la tente traversée d'éclairs en tout sens. Si je devais me faire foudroyer là, eh bien tant pis, au moins j'aurais droit au repos éternel ! Et malgré la position, le vacarme de la pluie sur la bâche et de l'eau qui rentrait pas je ne sais où, je me suis endormi, apaisé.

Je comptais demain changer d'endroit car ça commence à faire beaucoup : la sono du bar, les conversations du personnel, un gros bateau qui vient s'amarrer à une bouée juste en face toutes les nuits avec un bruit de locomotive à vapeur qui tourne toute la nuit, un truc en plein air juste au dessus passe de la musique non-stop (à 8 heures ce matin, la musique tournait toujours) et à présent la rave party ça fait beaucoup ! En plus ici le personnel n'est pas aidant. Hier soir il y en avait un pendu à Skype, juste sous ma fenêtre et rigolant pendant des heures en conversation avec sa copine. Je lui ai demandé s'il pouvait se déplacer un peu plus loin, il m'a répondu : « non » ! C'est comme pour le coup des bungalows pleins, ce matin il y en avait encore deux de vides... Bref, ils n'en ont rien à foutre et semblent être chez eux, oubliant juste au passage que le truc n'existe que parce qu'il a des touristes qui veulent bien venir. Et changer, pour aller où ? Retrouver des gilets rouges, des chiens ou une probable sono non loin ? Non, il faut se rendre à l'évidence, je dois prendre mon mal en patience et attendre d’être à Koh Tarutao. Heureusement que j'ai réduit la durée de mon séjour à Koh Lipe... Si j’avais su que ce serait comme cela, je ne serais sans doute pas venu. C'est dommage car ça reste très joli, mais cette île est un peu du n'importe quoi livrée à elle même où les gens ne vivent que pour soi. Un petit paradis perdu...