Ao Molae |
Hier soir après le blog
la soirée n'était pas terminée pour autant. J'ai rejoint la table
derrière moi avec les trois français que le finlandais avait
réquisitionnés. Des français qui parlent anglais, ça va, on peut
dire que je ne suis pas encore rentré ! Ceci dit, je suis
étonné par la proportion de français qui viennent à Tarutao.
J'ignore à quoi c'est dû. Il y a des allemand aussi, des espagnols
et des européens du nord. Pas d'anglais, ce genre d'endroit ne doit
pas leur convenir. On a beaucoup discuté avec mes nouveaux
compagnons de voyage. Les liens se créent vite lorsque l'on voyage
et personne ne juge personne. On a tellement les sens en éveil que
l'on est ouvert à tout. Il y a une jeune française qui rentre à
Paris dans 4 jours pour retrouver son boulot dans le marketing et
elle a tiré la grimace quand on lui a demandé ce qu'elle faisait.
C'est une autre particularité des gens qui voyagent : ils ont
un boulot plus par obligation que par passion.
Pourtant dans le monde
du travail quand on a affaire à des chefs ou un client, on a
toujours l’impression que tout est hyper important, que c'est une
question de vie ou de mort et qu'il faut être investi dans son
travail autant que les autres le sont, sévères et intransigeants.
Je suppose que ceux là ne voyagent jamais...
Quand on vient à Tarutao
ce n'est pas un hasard. On a tous un point en commun, venant chercher
quelque chose de l'ordre de la quête initiatique. Le finlandais,
Gimmo, est tombé amoureux de Tarutao et il y a eu une révélation.
C'est un endroit dont il ressent les énergies autour de lui et qui
le font vibrer. Ça a l'air ésotérique raconté comme ça mais je
comprends très bien ce qu'il veut dire. Il a l'impression d'avoir
trouvé son chez lui. Son expérience est extrême, il est venu avec
sa tente, quasiment sans sou, et il va rester un mois à Ao Molae (le
site magnifique dont les bungalows ont fermé hier), vivant de la
collecte de noix de cocos et de la pêche. Un vrai Robinson Crusoé
qui a échoué là après un licenciement en Finlande. Il vivait
jusqu'à alors dans la forêt, sans électricité et se nourrissant
de ce que la forêt lui apportait. Aussi, il est habitué à vivre
ainsi. Il a eu un déclic, quelque chose qui le poussait à partir,
ayant le sentiment que de mauvaises chose l'attendaient s'il restait. Il a vendu du bois qu'il avait dans sa forêt et s'est acheté un
billet d'avion avec.
Ao Talo Wow |
Là où pour les autres ce sont des vacances,
pour lui c'est la vraie vie, la réalité, une vérité trouvée.
C'est ce qu'il racontait aux autres pendant que j'écrivais en ayant
les oreilles qui traînaient. C’est pour cela que je me suis joint
à la table, pour en savoir plus. Un original comme ça, je n'allais
pas le laisser filer sans lui parler. Ce qui n’est pas tout à fait
exact car on s'était parlé en fin d'après midi quand je l'avais vu
roder autour des tentes, un peu soucieux car il ne retrouvait pas sa
tente qu'il avait laissée là la semaine dernière, le temps d'aller
faire un tour sur Koh Lipe pour prendre quelques bouquins. On est
tous unanimes pour dire que Koh Lipe est bien pour un ou deux jours
mais pas plus. Il est vrai que c'est à l'opposé de ce que Koh
Tarutao a à offrir.
Nous avons discuté ainsi
jusque tard dans la nuit, dans l'obscurité à partir de 23 heures,
heure à laquelle ils arrêtent le générateur.
Ao Talo Wow |
On a continué à la
torche, pas pour très longtemps car tout ce que la jungle comptait
comme bestioles qui volent venaient nous rendre visite, s'infiltrant
partout, sur les mains, dans le nez, les oreilles, les cheveux. Et
avec deux filles qui n'aiment pas trop les petites bestioles, on a
vite tout éteint, continuant à se parler dans l'obscurité. Gimmo
voulait tenter une expérience avec nous : se laisser flotter au
gré du courant et perdre tout contrôle de l'espace et du temps.
J'ai déjà connu ça, à Koh Lipe il y a quelques jours, alors que
je faisais la planche sur le dos. Je sais très bien faire ça et je
peux tenir des heures sans jamais me fatiguer. Je dormais à moitié
ainsi, ne sachant plus où était le nord du sud, la côte du large
et j'ai sursauté à la fin quand j'ai senti quelque chose sur mon
dos : le sable du rivage. C'est une sensation délicieuse de
lâché prise. Je comprends que Gimmo veuille faire partager ça avec
ceux qui ne l'ont encore jamais fait. On était tous partants pour un
bain de minuit. Sauf qu'il était un peu plus tard que cela.
Ao Molae |
Je
n'avais pas de maillot de bain sur moi, seulement mon seul et unique
caleçon de nuit. Pas question que je le mouille. Je suis donc allé
me baigner à poil. Avec la nuit de toute façon personne ne pouvait
voir quoi que ce soit. Dès que je suis rentré das l'eau, j'ai été
stupéfait : elle s'éclairait là où j'avançais, comme une
piste d’atterrissage. Ce n'est pas les verres de whisky que j'ai
bus dans la soirée qui m'ont fait voir des étoiles. C'était bien
réel, et irréel. Je me baignais dans une mer d'étoiles qui
scintillaient par milliers chaque fois que je faisais une brasse. Je
n'ai pas cessé de brasser l'eau autour de moi de mes mains pour
contempler ce spectacle féerique. On pouvait presque voir autour de
soi. Ce phénomène est lié à du plancton phosphorescent. J'ignore
par contre pourquoi il s'active quand on passe à côté. Peut être
pour nous dire « oula, je suis là ! ». Je regardais
les autres, on était tous émerveillés, rigolant de bonheur.
Certain gardaient encore comme des paillettes luminescentes sur la
peau entre deux vaguelettes.
Ao Molae |
Je ne pensais pas qu'une telle merveille
existait. Sans l'idée de Gimmo je n'aurais jamais su. En fait son
idée de la planche était un stratagème. C'était pour nous montrer
ce phénomène tout en nous en laissant la surprise. Si vous passez à
Koh Tarutao, baignez vous donc de nuit, vous vivrez une expérience
fabuleuse et inoubliable qui n’est contée dans aucun guide
touristique. C’est le petit trésor caché de Tarutao. Pas le seul,
le filon semble inépuisable. Je comprends que certains sentent
quelque chose se passer en eux en étant au contact de cette nature
complètement vierge et fantastique. Pour ma part ça a guéri ma
petite déprime éclair. Je ne pense plus du tout au retour, c'est
comme si j'avais encore de longs mois devant moi.
J'ai rejoint la tente à
2h30, la tête et le cœur plein d'étoiles. Je me serais bien baigné
plus longtemps mais vu que le lendemain je comptais bien profiter de
la journée et continuer l'exploration à vélo, pas question d'une
quelconque grasse matinée, aussi 5 heures de sommeil ce n'est pas du
luxe.
Ao Molae |
Aujourd'hui comme prévu j'ai pris le vélo, le soleil étant
de retour. Dépassé la bifurcation d'hier, le chemin ne fait que
grimper en se demandant jusqu'où on va monter comme ça. Si les 12
kilomètres qui permettent de rejoindre l'autre côté sont tous
comme ça, ça ne va pas le faire. Étant dans l'intérieur et sur
les hauteurs, je me suis aussi pris un déluge sur la figure,
m'obligeant à pédaler avec le poncho en transpirant dessous, le
plastique collé à la peau. Je me demandais ce que je faisais là, à
deux doigts d'abandonner. Mais mon envie d'exploration a été la
plus forte. Étant déjà arrivé à mi chemin, rebrousser n'avait
aucun sens et puis si ça monte, ça descend forcément à un moment.
Quoi qu'il en soit, le chemin est très beau, long mai beau ! La
balade me rappelle celle que je faisais en scooter à Huahine. J'ai
cru que le temps s'était dégradé comme hier, que c'en était fini
du soleil et que j'allais continuer avec ce poncho débile toute la
journée. Et finalement, le chemin a fini par redescendre, avec
quelques rayons de soleil qui réapparaissaient. C'était sûrement
le signe que j'arrivais près de la côté Est.
Ao Talo Wow |
Ao Molae |
Quand j'ai aperçu le
rivage, je n'ai pas regretté tous ces efforts. C'est comme si on
changeait d'île. On retrouve les paysages typiques de la Thaïlande
du Sud, avec ces rochers qui plongent dans la mer comme des dents, à
la manière de ceux de Palawan. Ce genre de paysage produit toujours
son effet spectaculaire et même si j'ai déjà vu ça ailleurs,
j'étais heureux de revoir une dernière fois ces pitons. Celui qui
donne sur Ao Talo Wow est relié au rivage par un long ponton qui
sert de débarcadère aux bateaux. Il y avait un camion du parc qui
était allé occupé à charger/décharger et s’en est retourné au
QG emportant au passage les rangers. J’étais à deux doigts de
leur demander s'ils pouvaient me ramener, ne me voyant pas refaire
ces 12 kilomètres de côte raide. Car après Ao Talo Wow, il n'y a
plus rien à voir. La route s’arrête là. C'est un chemin qui
prend le relais pour rejoindre à pied une plage de sable blanc tout
au sud de Tarutao. Mais il faut compter à nouveau 12 kilomètres,
soit 24 aller retour.
Ao Molae |
Je me demande si l'autre du bateau ne m'a pas
pipoté. Le trajet est vraiment long, je n'aurais jamais pu faire ces
48 kilomètres dans la jungle dans la journée. Ao Talo Wow était
dans le passé une prison pour des criminels. Il n'en subsiste plus
rien. Il est écrit qu'il existe un sentier qui permet d'en
apercevoir des vestiges mais ils sont à présent envahis par la
jungle. Je n'ai donc même pas cherché à trouver le chemin. Pour
voir des tas de pierres marrons avec des lianes et des plantes
grimpantes, je ne vois pas l’intérêt.
Le trajet dans l'autre
sens se fait curieusement les doigts dans le nez. Ça grimpe au début
mais ensuite c'est toujours en descente pendant des kilomètres
jusqu'à la bifurcation pour la côte ouest. Étrange car les deux
endroits étant au niveau de la mer, le dénivelé est le même dans
un sens que dans l'autre. A moins que ce soit parce que je n'ai pas
eu la pluie. Il faisait à présent grand beau et je suis retourné à
la plage aux bungalows fermés pour tenter de la voir d'un nouvel
œil, sous le soleil.
Ao Molae |
Je n'avais pas mangé, ayant juste une
bouteille d'eau. J'espérais que la petite gargote serait restée
ouverte mais elle a fermé avec les bungalows. Il fallait que je
fasse 4 kilomètres de plus pour rejoindre l'endroit d'hier avec les
mouches de sable. En parlant d'elles c'est une vraie horreur, depuis
ce matin je n’arrête pas de me gratter partout. Il paraît que ça
va crescendo et que ça dure une éternité. Gimmo m'avait montré
hier soir ses chevilles couvertes de pustules qui remontaient à des
piqûres d'il y a 4 semaines. J'espère que j'en serai guéri avant
de rentrer, c'est un souvenir dont je me passerais bien.
J'ai préféré rester
sur la plage à me baigner. Je ne vais pas mourir si je saute un
repas. Si je bois suffisamment ça devrait suffire. D'ailleurs
rapidement la faim s'est tue. Sur la plage il y a un cousin de Gimmo,
le petit vieux que j'avais aperçu en train de ramasser des trucs sur
la plage hier. En fait il n’est pas du tout dans les bungalows
(autrement il ne serait plus là) mais à une tente disposée sous
les arbres, couverte d'une bâche avec un truc qui fume tout le temps
à la manière d'un camp de gitans. Je l'ai vu faire, armé de sa
cane à pêche. Encore un Robinson. A croire que cette île en est le
repère et qu'elle attire les doux dingues. Signe que personne ne
vient là par hasard... En tout cas ça prouve qu'à plus de 60 ans
on peut encore vivre comme ça au contact de la nature, coupé de
tout et se débrouiller. C'est réconfortant, ça me laisse encore de
belles années de voyages devant moi. En tout cas celui là n'a pas
l'air mûr pour la maison de retraite !
j'aime bien les marginaux que tu rencontres ;meme la profiteuse au final ils ont raison de vivre leur vie ainsi ,de tout lacher ou de juste profitter du système ,tant de personne ne s'en prive pas.moi suis ds une impasse le cdi ,le pret à payer ,le travail mais bon je reste courageux et meme fatigué espère vivre la vraie vie ds 20 ans.alors oui on se demande si on va vivre jusque là et c'est pour cela que j'aime tes marginaux qui eux n'ont plus à se poser cette putain de question ,triste à mourir surtout qd on a que 38 ans lol
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