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Le pot de terre contre le pot de fer! |
Kwênyii, c'est le nom
kanak pour l’Île des Pins. La serveuse du sandwich d'hier a
menti : le gros paquebot est toujours là. Il s'est bien caché
dans une baie mais je l'ai vu quand je me suis rendu après le petit
déjeuner au camping des rouleaux, nommé ainsi non pas en raison
d'une allusion au papier toilette - quoique ça pourrait : il
n'y a pas de PQ ! - mais parce que la baie est le théâtre de
vagues qui viennent y mourir. Avant d'y parvenir, j'ai fait un tour à
l'épicerie pour acheter des victuailles pour le réveillon de ce
soir. Eh bien ce n’est pas folichon ! Déjà qu'en temps
normal il n'y a rien, cette fois c'est pire, ça grouille de monde
agglutiné dans le débarras des congélateurs (normal, il n'y a rien
d'autre!). Au menu pour ce soir : cacahuètes, chips, pain
d'épices et sa compote, et, luxe suprême, le tout arrosé d'eau
gazeuse ! Ça fera l'illusion du champagne, y a des bulles,
c'est déjà un début.
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Mon salon! |
C'est tout ce que j'ai trouvé. Sans doute
mon réveillon le pire au niveau gastronomique, j'arrive même à
faire mieux avec un pique nique sur une plage en France. Vous allez
me dire « C'est horrible ! ». Mais je m'en fiche, le
nouvel an c'est un truc commercial qui n'a son intérêt que dans le
fait de se réunir avec des amis et de passer une bonne soirée. Le
reste... De toute façon les dates je les oublie, et ici à minuit il
sera deux heures de l'après midi en France, c'est à dire pas
l'heure de faire quoi que ce soit. Alors je me console avec le fait
que quelque soit l’heure, il y aura toujours un endroit sur Terre
où ce ne se sera pas encore l'heure de la fête. Je pourrais même
imaginer que si j'avais pris l'avion de Tahiti cet après midi pour
la Nouvelle-Zélande, je serais arrivé à Auckland le 1er à 22
heures, n'ayant jamais eu de 12 coups de minuit. Alors les dates, les
heures, quelle importance ? Tout ça pour dire que le nouvel an
n'a pas trop de signification, on célèbre un truc pondu de cerveau
d'humain qui n'a aucune signification naturelle, on célèbre
l'invention du temps dont j'aimerais qu'il n'existe pas.
Et puis la
Terre demain tournera toujours pareil, rien n'aura changé, en dépit
de vœux et résolutions pour un monde meilleur. Vous verrez qu'en
2012, on sera toujours pris en otages lors des grèves et que Sarkozy
sera toujours président. Vous me direz que je suis bien cynique pour
quelqu'un qui se trouve dans un endroit paradisiaque, eh bien le
paradis n'empêche pas d'être lucide ! Et une nouvelle année
c'est quoi ? C'est une année de plus qui nous éloigne de notre
jeunesse et nous rapproche un peu plus de la fin. Peut être celle
qui figurera en deuxième position sur notre tombe ! Il n'y a
pas de quoi se réjouir quand on y pense. Mais le rêve d'avoir une
vie meilleure fait du bien, alors célébrons là quand même cette
foutue nouvelle année ! Et qu'enfin celle ci soit différente.
Pour moi, ne vous inquiétez pas, c'est toujours le Nouvel An depuis
que j'ai commencé mon voyage le 1er octobre ! Alors 2012 sera
résolument une bonne année. Souhaitez moi juste de ne pas faire
l'objet d'un rapatriement sanitaire et d'avoir beau temps.
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Les grottes de la troisième |
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Gousses de vanille sur pied! |
Car le temps pourri est
bien de retour, l'accalmie n'aura été que brève. Du coup je ne
pense pas réserver de croisière en Australie, si c'est pour visiter
les Whitsundays sous la pluie, ce serait encore pire que ce que j'ai
connu à Bora Bora. Je resterai donc à quai, attendant le jour
opportun et montant dans le premier bateau qui aura encore de la
place. Et tant pis si c'est un backpacker. Je prendrai sur moi. Pour
le programme de la journée, vu qu'il n'y a rien à attendre du temps
et que le paquebot est toujours là, squattant le plus beau coin de
l'île avec à nouveau ses flots de touristes envahissants, j'ai dans
l'idée de visiter les trois grottes que compte l'île. Il paraît
qu'elles valent le détour. J'attendais la pluie pour les visiter,
c'est chose faite !
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La première grotte de la troisième |
Mais avant, j'ai laissé
mes affaires au camping. Comme il n'y avait personne à l'accueil, je
me suis avancé dans le terrain et j'ai commencé à déposer mes
affaires sur un emplacement qui me seyait. Est arrivé un type, le
mari de celle que j'avais vue la première fois, qui m'a dit un truc
du style « minute papillon ». Le camping c’est son
domaine, on ne s'installe pas comme ça n'importe où, il y a une
logique à suivre, il y a des emplacements pour les familles et il
doit en recevoir quelques unes d'ici ce soir. Je luis cause du souci
car il ne sait pas où me mettre. Il me montre un faré où il va
disposer le buffet de ce soir et commence à me dire que je pourrais
me mettre par là bas. Je l'informe alors que je n'y prendrai pas
part et que je préférerais un endroit plus éloigné pour être au
calme. Là c'est devenu le casse tête pour lui, il est parti à la
réception jeter un coup d’œil au cahier des réservations pour
voir où il pourrait me caser, lâchant : « on n'a pas
l'habitude de recevoir des personnes seules, ça casse le truc ».
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Deuxième grotte de la troisième |
Puis réalisant que ce qu'il venait de dire n'était pas trop sympa,
il a rajouté « Mais c'est bien aussi ! ». Trop tard
le mal est fait, je vois que je ne suis pas le bienvenu ici. Sans
doute parce que je ne vais pas leur laisser trop d'argent. Et puis
quoi, c'est un camping non, c'est pas le Hilton ! Au final, il
m'a installé tout au bout du terrain, à un endroit qui ne ressemble
pas à un emplacement. Je suis relégué en seconde zone, sans faré
ni électricité, disposant pour mettre mes affaires d'une remise à
l'abandon, au toit plus étanche, pleine d'objets hétéroclites
rouillés et de toiles d'araignée. Mais je m'en moque, au moins
j'aurai la paix. Sans doute en proie à des remords, il est revenu
avec un câble électrique, une bâche, une table en plastique et des
tronçons de cocotiers en guise de siège pour me confectionner un
abri improvisé censé faire salon et salle à manger. On dira que ça
a le charme de l'authenticité ! Pour la lumière, il faut
visser ou dévisser l'ampoule vu qu'il n'y a pas d'interrupteur. Sous
la pluie j'ai peur de faire Claude François !
Avant de prendre la
route, je n'ai pas pu résister à l'envie de prendre un bain dans
les rouleaux, la plage étant si belle malgré le temps. Comme
j'avais réservé un déjeuner au gîte Nataïwatch, servi entre midi
et treize heures, dans l'optique d'intervertir le dîner avec le
déjeuner (vous me suivez?), il ne me restait plus qu'une heure. Pas
question dans ce temps court de parcourir les trois grottes de l'île.
Je suis donc allé à la plus proche, la grotte de la Troisième.
C'est son nom et ne me demandez pas troisième de quoi. Je n'en sais
rien, à moins que ce ne soit par allusion au fait qu'il y a trois
grottes et qu'ils étaient à court d'idée pour lui trouver un nom !
Pour la trouver il faut
s'avancer dans un chemin de plus en plus étroit où la végétation
enserre de plus en plus le chemin, rayant la voiture au passage.
Avant que ce ne soit au tour du toit, je me suis arrêté là, au
niveau d'un petit renfoncement et j'ai poursuivi à pied. Il y avait
plein de bruits et de chants d'oiseaux mystérieux. Au fond du chemin
une voiture était garée, juste en face d'un sentier non indiqué
mais bien tracé. J'ai eu dans l'intuition qu'il fallait que je passe
par là et j'ai bien fait car je suis arrivé à la grotte. Elle est
perdue au milieu de la jungle et non exploitée, à l'état sauvage.
Il y a en fait deux grottes, la première sur la droite semble très
profonde et on en sait pas dire si entre les stalagmites il y a un
chemin ou non qui descendrait vers ses entrailles. Ne voulant pas
finir avec une jambe cassée au fond d'une grotte de laquelle on me
retrouverait à l'état de squelette, j'ai préféré rester à
l'entrée et observer le ballet d'oiseaux très jolis, guère plus
grands qu'un colibri, verts et rouge à la tête, la gorge et la
queue. J'ai pris plusieurs photos au zoom maximum et, en raison de la
faible luminosité à l'entrée, elles sont toutes floues. Je ne peux
donc pas vous en montrer un spécimen.
La deuxième grotte de la
troisième (!) dispose d'une entrée plus large, plus lumineuse donc
et descend en pente douce. Je m'y suis emmanché, d'autant plus qu'au
fond se trouve un petit lac bleu comme la grotte aux Fidji, en
beaucoup plus petit bien sûr. Je n'y ai pas fait trempette car les
abords avaient l'air incertains et glissants. Il y avait un gars qui
était dans la grotte, sans doute celui de la voiture devant le
sentier. Il m'a dit que je pourrais me baigner plus facilement dans
les autres grottes, que l'une d'elles disposait d'une petit étang
très facile d'accès. La partie est donc remise pour cet après
midi. J'ai une petite appréhension toutefois car je dois rendre la
voiture ce soir avec le plein et la station essence, la seule de
toute l'île, ferme exceptionnellement à 15 heures pour cause de
réveillon. Je vais donc devoir visiter les deux grottes qu'il me
reste à voir après avoir fait le plein, et en espérant que la
dernière barre de la jauge d'essence ne bougera pas.
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Grotte de la Reine Hortense |
Pour midi j'ai eu un
steak frites salade pour compenser avec mon « réveillon »
de ce soir. Puis j'ai pris la direction du point information afin de
réserver un taxi pour venir me chercher au camping le 3 janvier au
matin. Évidemment c'était fermé, ça devait rouvrir à 14 heures,
dans un quart d'heure, mais vu que tout ferme aujourd'hui à 15
heures, je n'étais pas sûr du fait qu'ils rouvrent pour juste une
heure. J'ai donc tracé ma route, tablant sur le fait que je
demanderai à la réception du gîte où je squatte de le faire pour
moi. Car mon téléphone Yackie ne fonctionne pas non plus en
Nouvelle-Calédonie. Cette fois ce n'est plus un problème de
batterie (je l’avais bien rechargé aux Fidji grâce à Kesrtin).
Il faudra donc vraisemblablement attendre l'Australie avant que je
puisse capter un signal.
Je n'ai pas trouvé la
deuxième grotte, la grotte de Ouatchia. Aucune indication depuis la
route. J'ai donc poursuivi jusqu'à la dernière grotte, la grotte de
la Reine Hortense, nommée ainsi en raison du fait que la Reine
venait se réfugier dans cette grotte quand elle venait en visite à
l’Île des Pins au cours du XIXe siècle. Elle en est morte
depuis... L'entrée est ici payante et un groupe de touristes vient
d'arriver en minibus, sans doute venant du paquebot. J'ai donc
attendu qu'ils aient fini pour avoir quartier libre et j'en ai
profité pour discuter avec la guichetière, une kanak rigolote qui
comprenait bien le fait que je reste à attendre. Elle m'a dit qu'en
raison des pluies diluviennes des jours précédents, le sol était
très glissant dans la grotte et qu'à ce titre on ne devait rester
qu'à l'entrée et ne surtout pas pénétrer à l'intérieur.
La grotte est située
dans un cadre magnifique de jungle luxuriante et fleurie. Son entrée
est entourée de fougères arborescentes et un ruisseau vient
traverser la grotte. Sur la gauche, en hauteur se trouve un petit
autel où trône une Vierge Marie qui prie en direction de l'entrée.
Il y a là aussi des bougies, on se croirait à Lourdes, même si je
n'y suis jamais allé ! Comme à mon accoutumée, j'ai bravé
les interdictions. Étant tout seul, personne ne pouvait me voir et
je me suis un peu plus enfoncé dans la grotte, étonné par le fait
que le sol n'était absolument pas glissant, adhérent parfaitement à
mes chaussures. Jusqu'à ce que je fasse un pas de côté comme si
j'avais glissé sur une savonnette. Je ne suis donc pas allé
tellement plus loin. A mon âge, une fracture du col du fémur est
tout à fait possible !
Après ces escapades
grottesques (la faute d’orthographe est normale vu que j'invente un
mot!), je suis allé rendre la voiture et j'ai fait un peu d'internet
au gîte avant de prendre le chemin du camping. J'ai chronométré,
il faut 36 minutes de la porte de ma tente jusqu'à la porte du gîte.
Ce n'est donc pas tellement à côté et je ne me vois plus trop
faire ce trajet de nuit après avoir pris mon dîner au gîte. Au
camping, des familles sont bien arrivées, agissant comme si elles
étaient seules avec des gamins survoltés. Mais ça va, de ma tente,
c'est suffisamment loin et près des vagues pour que je n'entende
rien à part quelques rares éclat de voix de temps en temps. Et puis
c'est normal, c'est réveillon ! Après mon apéro dînatoire,
j'ai regardé un épisode de Colombo, le cinquième de la série et
je me suis couché à 21 heures, laissant les autres se diriger vers
le faré du banquet.
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Bonne année 2012! |
Alors que je dormais
comme un loir, j'ai été réveillé en sursaut par de la musique à
fond et des bruits de fusées. Un coup d’œil à ma montre qui
avance : minuit quinze. Merde, c’est la nouvelle année.
Dehors c'est Bagdad. Le ciel est constellé de feux d'artifices, ça
pète de tous les coins de l'île. Je suis sorti de la tente pour
marquer le coup, m'avançant sur la plage, slalomant entre les
gouttes. Point de bain de minuit possible, vu le temps je n'en ai
absolument pas envie. J'ai dit bonjour à 2012 et je suis allé me
recoucher, déplaçant ma tente plus loin et laissant tout ce petit
monde danser jusqu'au petit matin dans les flonflons de zouk.