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La piscine naturelle de la Baie d'Oro |
Pendant que j'attendais
mon avion à l'aéroport de Magenta, j'observais les gens. C'est
plein à craquer de familles avec des gamins en bas âge et de
touristes japonais. Je ne sais pas où ils vont mettre tout ça dans
l'avion. En plus, sachant qu'il y a plusieurs vols par jour vers
l'île, je comprends mieux pourquoi tout est complet. J'ai dû
m'acquitter d'un supplément bagage, tout comme le reste des
passagers qui mettaient la main au portefeuille sans rien dire. J'ai
juste dit au type de l'enregistrement que c'était quand même bien
dommage qu'ils ne vendent pas les pass par Internet étant donné
qu'ils sont réservés aux étrangers, autrement j'aurais payé moins
cher avec plus de franchise bagage. Il s'est contenté de sourire
comme pour dire «c'est mieux ainsi, aboule ton fric ! »
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Arrivée à l'Ile des Pins |
Dans l'avion je me suis
mis du mauvais côté, du côté droit, mais j'ai quand même réussi
à voir un peu. Tous les autres à gauche se penchaient vers la
fenêtre avec frénésie, ça mitraillait de tous côtés.
Pour moi c'était la
soupe à la grimace.
Ce matin le soleil est de
retour, rien de bien extraordinaire, ce n'est pas un ciel sans nuage
mais au moins il est là et permet d'éclairer le paysage d'un angle
nouveau. Une fois arrivé sur l'île, je me suis précipité au stand
d'information pour avoir une voiture, avant que d'autres personnes
n'aient la même idée et raflent les dernières de disponibles. Ils
m'ont demandé de m'adresser au stand d'un loueur qui pouvait me
laisser une voiture pour la journée mais pas au delà. En fait les
gens louent à la journée pour faire le tour de l'île et les
loueurs ont un ou deux véhicules, il n'avait sans doute pas envie
que je monopolise un véhicule pendant tout ce temps. Je suis donc
retourné à l'accueil et cette fois la fille a décroché son
téléphone. Elle a réussi à me dégoter une voiture mais je devais
aller la chercher au village.
J'ai donc pris la navette
d'un hôtel, l'Ouré Lodge, un hôtel 4 étoiles aux tarifs insensés,
le loueur, Atchum Location (ça ne s'invente pas!) étant dans
l'enceinte de l'hôtel. J'ai été reçu d'un accueil glacial, même
pas un bonjour, des mines de gens comme si je les emmerdais. On parle
de l'accueil antillais, ici c'est pire. Je le savais, je l'avais lu
sur des forums. Non seulement les tarifs sont démentiels partout
mais en plus ça ne leur fait pas plaisir qu'on débourse tant
d'argent. Si ce n'était pas pour les paysages d'ici, je ne serais
pas venu en Nouvelle-Calédonie. Je ne comprends pas qu'il y ait
autant de monde.
Le planning des
réservations de l'agence est un cahier avec les jours en colonne et
les voitures en ligne, constituant des cases où ils placent des
croix au crayon de bois.
Patatras, la voiture n'est plus libre à
partir du 1er janvier, je dois la rendre le 31 à 18 heures. Ça ne
m'arrange pas du tout ! Déjà j'aurais préféré la rendre le
1er à 8 heures tant qu'à faire, mais les voitures se louent de 8h à
18 heures. Du coup je ne sais pas comment faire pour le 31 au soir.
Je voulais absolument fuir toute civilisation et me retrancher dans
la pampa pour être loin de tout bruit ce soir là, c'est rappé.
Sans voiture, je vais être contraint de dormir à un gîte où ça
promet d'être un beau bordel en perspective. Pour la location,
comptez 7000 francs la journée, soit 70 euros. C'est moins qu'un
gîte minable et bruyant et avec la voiture j'ai la possibilité
d'aller où je veux. Et puis c'est décidé, je vais faire du camping
sauvage. L'île est peu peuplée, 1900 habitants et même si les
brochures avertissent du fait que le camping sauvage est formellement
interdit, je suis sûr que je vais trouver un coin discret. De
l'avion, l'île des Pins n'est en effet qu'une forêt.
Comme à l'agence ils
n'avaient pas de carte à me laisser, ils m'ont demandé de
m'adresser au point information, dans le village de Vao, la première
à droite après l'église. Le point information est une hutte qui
fait tout : guichet pour acheter les billets d'avion,
exposition, séminaire, guichet des bateaux. Il y a deux prospectus
en libre service, dont la fameuse carte, qui n'est qu'une photocopie
d'un truc qui aurait pu être dessiné par un môme de 5 ans !
Va falloir faire avec. A côté se trouve une alimentation. Je
croyais avoir tout vu avec les supérettes de Polynésie. Ici c'est
pire. Il n'y a rien, à part des patates, des oignons et de la viande
dans un frigo qui fait du chaud et qui sue sous son cellophane. Et on
ne peut rien prendre de soi même, c'est sur des étagères derrière
le comptoir, il faut demander à l'épicière, aimable comme le reste
de ceux que j'ai croisé jusqu'à présent. Bref, je n'ai rien mangé
à midi. Il y a bien un snack dans le village mais il est fermé le
dimanche ! Pour les restaurants, le moindre truc doit se
réserver la veille. Et il n'y a pas de restaurants à proprement
parler, ce sont ceux des hôtels, il faut montrer patte blanche et
supplier si on peut venir manger.
Je comptais trouver une
poste ici et expédier un de ces jours mes guides de la
Nouvelle-Zélande qui m'encombrent et alourdissent mes bagages, c'est
un peu compromis, je ne pensais pas que c'était si arriéré. Vus
les tarifs partout, je pensais trouver un petit Saint Barth. Que
né-ni ! C'est encore le royaume de la case en tôle ondulée.
Les gens que je croise ont des mines patibulaires et renfrognées. On
n'a pas envie de s'y frotter ! Je suis donc sorti du village et
j'ai pris la direction de la baie d'Oro, le site grandiose de l'île
des Pins avec se fameuse piscine naturelle. Je voulais aussi voir
deux endroits qui pourraient me convenir pour le camping et qui sont
dans cette zone : Chez Régis et le camping de Kou-Gny dont on
dit qu'il faut traverser un bras de mer et s'enfoncer pendant 15
minutes dans la forêt. A l'aéroport la fille m'a dit que c'était
facile à trouver. Tu parles ! Ce n'est absolument pas indiqué.
Je suis arrivé au terminus. A gauche il y a le Méridien, à droite
c'est Chez Régis. Il faut se garer à un petit parking déjà rempli
de voitures et de minibus.
Chez Régis est un truc
un peu délabré, en bordure de mangrove et donc sans doute un repère
à moustiques. Par contre il n'y a personne qui campe, faut dire les
sanitaires ont l'air complètement à l'abandon, et je n'ai pas vu un
chien. Ça pourrait donc constituer un point de repli pour le 31
décembre. Il y a aussi des bungalows jumelés, à 100 euros la nuit,
des cases en bambou très basiques comme chez Otto and Fanny, sauf
qu'on a un voisin qu'on doit entendre péter. Pas moyen donc !
Des groupes étaient arrêtés là, pour prendre le déjeuner, sans
doute des excursions qui avaient dû réserver des plateaux repas.
Régis fait à manger mais comme partout ailleurs c'est sur commande.
Je ne me suis pas attardé et j'ai suivi la direction de personnes
qui traversaient un chenal. La baie d'Oro n'est pas indiquée mais vu
le monde, ce n'est pas compliqué à trouver.
L'endroit est enchanteur.
On a du mal à réaliser qu'on est à la mer et encore plus sous les
tropiques. Le paysage est unique, je n'ai jamais vu ça ailleurs. La
mer entre par de longs bras de mer, serpentant à travers des forêts
de pins colonnaires, dessinant des lagunes aux eaux translucides et
au sable blanc, pour s'achever dans la piscine naturelle, un bassin
d'un bleu irréel, d'où partent trois bras de mer. Le plus court
d'entre eux rejoint les récifs. C'est par là qu'entre l'eau de mer,
dès qu'une vague réussit à passer par dessus les récifs. Quand ça
arrive, c'est branle bas de combat, les touristes affairés avec leur
masque et tuba sont balayés par le courant. Il y avait beaucoup de
monde quand je suis arrivé, surtout des gamins criards et qui
jouaient au ballon, des locaux. Sans doute des habitants de Nouméa
venus passer Noël ici ou pour la journée. Heureusement, comme je
suis arrivé à l'heure du déjeuner, tout ce petit monde bien
discipliné est sorti de l'eau en même temps pour aller se rassasier
autour de barbecues cachés dans la végétation. J'ai donc eu la
piscine naturelle presque pour moi tout seul.
Je me suis aussi baladé
dans un autre bras de mer, espérant trouver peut être le camping de
Kou-Gny. La balade était magnifique, par endroit de hauts rochers
formaient des falaises, enserrant le chenal comme dans un canyon.
Mais pas de trace de camping en vue, d'autant plus que le chenal se
rétrécissait et que bientôt il n'était plus possible d'avancer
plus loin, sauf à marcher dans l'eau au milieu des mangroves. J'ai
donc rebroussé chemin et me suis consolé dans la piscine. J'ai
regretté de ne pas avoir mon matériel pour aller voir sous l'eau,
car de nombreux poissons patrouillaient à fleur d'eau. Il y a aussi
des coraux mais qui sont en bien piteux était, à cause de la
surfréquentation du site. La plupart sont en débris, cassés, tout
récemment du reste. Ça me fait de la peine que les gens ne fassent
attention à rien.
La baie d'Oro est une
merveille de la nature unique au monde. Quand je suis dans de tels
endroits, ça efface et pardonne toutes les emmerdes que j'ai pu
avoir. Pour moi, si je n'y prêtais pas garde, ce serait presque la
routine, les choses étant si simples car je fais des sauts de puces
depuis que je suis arrivé aux Îles Cook. Mais rapidement je prends
conscience que je suis au bout du globe, que beaucoup de personnes
rêveraient d'être ici et de pouvoir voir l’Île des Pins une fois
dans leur vie. Alors je savoure ma chance. Et je témoigne que la
réputation est méritée, c'est le Bora Bora calédonien.
J'aurais bien aimé y
passer la journée mais vers 14 heures, alors que je faisais
tranquillement la sieste à l'ombre avec mon estomac qui criait
famine, les hurlements des gosses ont repris.
J'ai donc pris mes
affaires, quittant la piscine naturelle à regrets. Mais j'y
reviendrai, en 8 jours je n'aurai que ça à faire. Car l'île n'est
pas bien grande, la voiture n'est pas nécessaire, un scooter suffit.
La distance la plus longue fait 19 kilomètres, c'est du village de
Vao pour rejoindre la baie d'Oro. Mais j'avais absolument besoin
d'une voiture pour y entreposer mes affaires la journée. C'est
indispensable quand on fait du camping sauvage. Comme le temps se
dégradait à nouveau, j'ai repris la voiture, à la recherche d'un
coin où dormir ce soir. Ça n'a pas été évident à trouver car
même s'il n'y a que 1900 habitants, dès qu'il y a un chemin quelque
part, ça mène à une bicoque. Le seul retranchement que j'ai trouvé
pour qu'on ne voie pas ma voiture blanche en pleine nuit, c'est une
piste non loin de l'aéroport qui part dans une pinède, au milieu de
cartouches usagées de fusils de chasse. Pas très rassurant ;
on va dire qu'il vaut mieux décamper aux premières lueurs !
Je me suis baladé aussi,
pas pressé, roulant à 30. J'ai trouvé une autre épicerie, celle
là en libre service où j'ai trouvé un peu plus de choix, j'ai
acheté des bananes et du pain d'épices. La caissière m'a dit que
j'avais l'air fatigué. C'est exact, à jeun, sous une chaleur
écrasante et humide, y a de quoi ! J'ai appris que la semaine
dernière le thermomètre était monté à 35 degrés. Je me suis
ensuite mis en route vers des restaurants où je pourrais manger ce
soir. Je me suis d'abord arrêté à l'hôtel Kou-Gny et son menu à
45 euros sous forme de buffet. Pas moyen ! J'avais failli
réserver une chambre à 200 euros là dedans. C'est un établissement
au bord de la route, où tout se touche et les bungalows n'ont rien
d'extraordinaire, décrépis, des huttes en bambou encore qui
laissent donc passer tous les sons. Et ça grouille de monde.
De plus
si on y réside la prise du dîner est obligatoire. C'est une bonne
chose au final que mes e-mails m'aient été retournés
automatiquement en raison de leur boite pleine. J'ai trouvé refuge
au gîte Nataïwatch, ceux là même qui n'avaient pas voulu me
recevoir au camping et me louer de voiture. Et là aussi, j'ai eu de
la chance. Tout tient dans un mouchoir de poche, c'est complet, ça
crie, c'est un festival de gens qui hurlent et de bébés en crises
de nerfs. Les pauvres campeurs sont les uns sur les autres, à côté
de bungalows qui débordent de monde. Mais le gîte a le WIFI et j'ai
pris mon air le plus gentil pour obtenir le code. Ça a marché.
Dorénavant je pourrai y venir à toute heure pour squatter leur
internet.
Après le dîner, comme
le déluge était de retour, je suis allé pas très loin, au niveau
du débarcadère des bateaux, où je me suis garé derrière un
hangar, un peu caché. Et j'ai dormi dans la voiture. Pas mal
d'ailleurs car le siège passager se rabat complètement et en
démontant la banquette arrière j'ai pu avoir un siège complètement
horizontal. Le seul souci c'est qu'en raison de la pluie j'ai été
contraint de dormir avec les fenêtres fermées et la voiture est
vite devenue un hammam, m'obligeant à ouvrir une portière entre
deux averses !
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