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samedi 10 décembre 2011

Wayasewa

Hier soir la formule de Roger est tombée alors que j'avais déjà commencé à commander mon dîner. Comme je le craignais un peu, je n'ai plus que 3 îles à voir dans les Yasawas et il m'a privé de Nanuya Laila, l'île où se trouve Blue Lagoon, là où le film du même nom a été tourné. Il me reste tout de même quelques jours sur l'île juste en face qui propose des excursions à la journée vers le lagon. Pour son package, 3 îles en camping et une en dortoir, il me demande 25% de moins que Awesome Fiji. Comme il fallait que je laisse un acompte et qu'il ne prend pas la carte bleue, j'ai eu droit à une sortie en ville vers le distributeur de billets.
Chemin faisant il s'est arrêté dans une rue coupe-gorge avec des gens affalés à même le sol, sur des nattes, qui vendaient du kava dans des boites. Le kava est une plante censée leur apporter des vertus bienfaisantes, relaxantes et leur donner une bonne santé. C'est ce qu'ils disent. 
C'est en fait une herbe classée dans les narcotiques qu'ils laissent macérer et dont ils boivent le jus à longueur de journée. Roger me racontait en rigolant que comme il y avait de nombreux accidents la nuit, les policiers avaient mis de nombreux panneaux rappelant que la conduite en état d'ivresse était interdite et qu'ils patrouillaient la nuit. Sauf que les contrôles ne donnent rien, car les policiers ne cherchent pas la bonne substance. De toute façon s'ils devaient dépister le kava, ils arrêteraient tout le monde, c'est culturel. En tout cas dans cette impasse sombre je n'en menais pas large avec mon portefeuille qui ne ferme plus tellement il a de billets (j'ai de l'argent pour tenir 2 semaines). Sur le chemin du retour, Roger s'est arrêté prendre de l'essence et a fait quelques courses. Pendant ce temps je pensais à mon bœuf chop-suey qui devait certainement refroidir sur ma table à l'hôtel.
Ce n'est pas tout, alors qu'on rentrait par une route différente de l'aller et non éclairée, il y a un type qui marchait sur le bas côté de la route et qu'il a fait monter sans que l'autre ne fasse le moindre signe, comme si la chose était convenue. Un kidnapping ? On va dire que je suis paranoïaque mais j'arrive dans ces îles sans m'être renseigné de quoi que ce soit sur leurs mœurs et sur la sécurité du pays, faute de temps. Tout ce que je sais c'est qu'avant ils étaient cannibales ! Roger s'en amusait du reste avec une cliente qui était rentrée d'une excursion dans les montagnes, lui demandant de bien vérifier si elle avait toujours 5 doigts à chaque main.
Ce matin, le bus de Awesome Fiji est venu me prendre à l'hôtel. Je n'étais pas le seul à me rendre dans les îles, il y en avait 4 autres. Le bus était déjà rempli aux trois quarts et à l'arrêt suivant il n'a pas pu prendre tout le monde, c'était complet et les autres ont dû patienter qu'un autre bus n'arrive en faisant la grimace. 
Ça promet ces îles, c'est plein de groupes de jeunes bruyants, la moyenne d'âge doit d'être à peine de 20 ans. Qu’est ce que j'en savais que dans le coin les vacances tombent le 10 décembre ? Sur le bateau, c'était encore pire, il était à peine 9 heures du matin et c'était déjà l'heure de la bière, les filles buvant au goulot, leurs types leur ramenant des bières en canette de 50 centilitres en titubant. C'est un festival de filles avec un piercing au nombril qui s'étalent partout par terre sur le pont pour prendre des bains de soleil, empêchant de passer, et de types grandes gueules bodybuildés, épilés, tatoués et percés de partout. Tout ce que j'aime ! Et le bateau distillait à fond une Beyoncé gémissante ou hurlant des sons discordants. Comme ça commençait à me taper sérieusement sur le système je me suis mis à l'écart, là où la moquette du pont était imbibée d'eau de mer par les embruns et où personne ne voulait du coup se mettre. Moi j'ai préféré avoir le cul trempé et qui gratte que de rester avec les autres.
Au fur et à mesure qu'on s'arrêtait aux différentes îles, je regardais qui descendait. J'avais repéré deux groupes particulièrement pénibles : 15 filles en goguette qui parlaient fort à battons rompus et le groupe des tatoués qui se peintaient à la bière. J'ai été débarrassé du premier groupe au premier arrêt et le deuxième groupe ne m'a pas suivi quand je suis descendu. Ouf ! En fait dans la barque qui nous emmenait vers Wayasewa il y avait juste une anglaise et moi. Elle m'a fait remarqué que nous n'étions pas nombreux à venir là. Je lui ai répondu « heureusement ! ». Elle n'a pas dû me comprendre car dès qu'on est arrivé elle a essayé de nouer des contacts avec les autres personnes qui étaient là et ne les a plus quittées depuis. Elle ne me parle plus. Moi je fais bande à part, je ne me sens d'aucune affinité avec personne ici. Déjà leur propension à parler très fort me tape sur le système mais en plus ils ne pensent qu'à boire et à faire la langouste sur la plage, des écouteurs dans les oreilles et une clope à la main. Je ne critique pas pour autant, moi même plus jeune je faisais la crêpe sur la plage. Mais ce temps là est derrière moi depuis pas mal de temps. Désormais je ne peux pas tenir en place. La plage pour moi ce n'est que pour se baigner et se reposer un peu avant de partir vers d'autres découvertes.

Le banc de sable entre Waya et Wayasewa

Et après le déjeuner, alors que c'était la ruée pour avoir le hamac au meilleur endroit, je commençais à trépigner de devoir rester ici l'après midi. Il n'y a pas de sentier sur Wayasewa, juste un qui longe le village à côté de l'hôtel où je suis. Village qui se résume à quelques bicoques. J'ai néanmoins décidé d'aller explorer ce que je pouvais. Wayasewa a un rocher volcanique qui surplombe toute l'île. Il y a des balades organisées par le gîte au lever et au coucher du soleil pour s'y rendre et j'ai essayé de le trouver par moi même, jugeant que la vue panoramique de là haut devait aussi être très jolie en journée, là où les couleurs du lagon ressortent le mieux. Je n'ai pas trouvé le chemin. Et ici on ne peut pas parler de lagon, il n'y a pas de barrière de corail et la plage se résume à quelques dizaines de mètres de sable praticable seulement à marée haute. Le reste du temps, ce sont des rochers. En revanche, les villageois qui me voyaient passer, sortaient tous de leur case pour me souhaiter la bienvenue. J'ai eu droit à des « bula » en veux tu en voilà ! Les questions qui suivent ensuite sont toujours : «Where are you coming from », « Where are you going » ,« What's your name », « Are you on your own ».
Après le village j'ai grimpé sur des rochers cherchant un point de vue sur Kuata, l'île en face. Et de grimpettes en grimpettes, j'ai découvert de nouvelles baies qui donnaient sur de nouvelles baies que je pouvais rejoindre en escaladant un peu et en marchant sur des rochers découverts par la marée basse. Je savais que de l'autre côté de l'île se trouvait un banc de sable qui la relie à Waya, l'île juste à côté. C'était désormais mon but. En chemin, je n'arrêtais pas de croiser des femmes qui pêchaient des coquillages, un seau à la main et qui me hélaient. D'autres étaient occuper à ramasser des raisins de mer. J'en avais mangé à Tikehau, et c'est très bon, ils les font macérer dans du vinaigre et ça se mange comme des cornichons.
Sortie du bain. J'aurais pas dû rester si longtemps...
Avant d'arriver au banc de sable, j'ai croisé deux autres villages, des cases en tôle ondulée avec des gens allongés à l'ombre qui me faisaient signe de la main sur mon passage. Je ne sais combien de fois j'aurai dit « bula » dans la journée. Finalement je suis arrivé au banc de sable, où je suis resté une demie heure, question de profiter un peu et surtout de ma rafraîchir. Surtout qu'à cet endroit on peut vraiment se baigner. Je ne voulais pas non plus rester trop longtemps, ayant mis deux heures pour arriver là et remarquant en me baignant que la marée montait. Vus les passages acrobatiques que j'avais empruntés à marée basse en venant, il s'agissait de ne pas traîner si je ne voulais pas me retrouver bloqué.
Il m'avait semblé sur un guide avoir lu qu'on pouvait rejoindre l'autre côté par un sentier qui traverse par les hauteurs et qui m'épargnerait donc la marche sur des rochers glissants sur lesquels j'avais failli me casser la gueule plusieurs fois. Du banc de sable, j'ai repéré un petit chemin qui montait sur les hauteurs, je l'ai donc pris, pensant tenir le début du sentier. Mais cela ne m'a mené en fait qu'à un terrain de sport où tous les jeunes de l'île s’entraînaient. Ils sont venus vers moi pour me poser les questions habituelles puis m'ont dit que je les verrai ce soir car ils viennent plus tard à mon gîte assurer un spectacle traditionnel.
Cela faisait 20 minutes que je marchais, j'avais dépassé les deux villages, marchant à grand pas pour contrer la marée qui montait. Déjà je ne reconnaissais pas les passages que j'empruntais, ni mes empreintes que j'aurais dû laisser dans le sable. Tout à coup je me suis trouvé bien con. Pour rejoindre une plage, je devais contourner un haut rocher infranchissable en passant dans l'eau. Mais la marée montante et les grosse vagues qui s’étaient formées entre temps rendaient le passage impossible. Il y avait une femme qui contournait, de l'eau au cou. Elle m'a demandé où j'allais, elle m'a dit que je ne pourrais pas passer, que c'était trop tard, que la marée était trop haute. Coup d'angoisse : me voilà bloqué à 17 heures à devoir attendre la prochaine marée basse qui n'aura lieu que dans 6 heures et dans 6 heures il fera nuit. Que faire ? J'ai essayé d'escalader ce foutu rocher mais c'était trop périlleux. Et surtout je me souvenais d'un autre passage plus loin encore, bien plus délicat qui devait donc se trouver dans de pires conditions. Ça m'apprendra à crapahuter à marée basse sur un truc qui n'est pas un chemin !
Les bula boys en prime access
La femme qui rentrait, en me voyant faire, m'a encore dit qu'il fallait que je renonce, qu'un bateau de toute façon allait arriver au village qui me permettrait de retourner à mon village, Wayalailai. Ouf ! Sauvé ! Sauf qu'elle ne m'a pas précisé de quel village il s'agissait. Au premier où je suis arrivé, un groupe de femmes qui étaient assises sur une natte élimée étaient occupées à jouer aux cartes. Elles m'ont interpellé, étonnées de me revoir, et m'ont invité à les rejoindre et à m'asseoir avec elles. Je leur ai raconté mes déboires. Elles m'ont bien confirmé qu'un bateau allait venir, qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que ça arrivait tout le temps que des touristes comme moi se trouvent bloqués. En attendant je devais me détendre et vivre à l'heure Fidji.
C'est leur devise, « Fiji time ». Ça va rester ça, je vais la ramener avec moi. Ça veut dire de ne pas s'en faire et surtout qu'il n'y a pas d'heure, de vivre au présent et de ne rien faire. Elles m'ont raconté que les fidjiens vivaient ainsi, à l'ombre des arbres, assis ou allongés au bord de l'eau, en famille et m'ont demandé si c'était pareil en France. Le tableau que je leur ai dépeint était tout autre : la course permanente, le stress, les horaires, la vie qui passe sans qu'on en profite... Afin que je me mette à l'heure Fidji, j'ai eu droit à un bol de kava. Le bol en question était une demi coque de noix de coco, qu'elle a remplie d'une mixture qu'elle tenait dans un saladier recouvert d'un torchon, coincé entre ses jambes. Ça avait la couleur du thé. Je n'ai pas pu refuser, me demandant tout à coup d'où elle avait puiser l'eau. Elle donnait de la potion à tout le monde et me confiait en même temps qu'elle en avait pris trop, qu'elle se sentait saoule. D'ailleurs quand ils sont dans cet état ils ne peuvent rien faire, s'ils se lèvent ils vomissent, c'est ce qu'elle m'a raconté. Ce n'est pas mauvais, c'est amer, ça a un goût un peu médicinal et ça laisse la langue râpeuse. Ça ne m'a fait aucun effet. En tout cas pas de ceux escomptés.
Car une fois le saladier vide, j'ai vu comment elle faisait sa potion magique. Elle avait les ingrédients dans un tissu qui ressemblait à une vieille culotte rose, qu'elle a pressée comme si elle faisait sa lessive avec de l'eau jaunâtre tiré d'une bouteille en plastique réutilisée jusqu'à la corde. A ce moment je sentais mes boyaux se tordre, psychologiquement. D'autant plus qu'autour de moi une mère était en train d'épouiller sa fille farfouillant des heures dans ses cheveux, tandis qu'une autre tenait dans ses bras son enfant qui avait des pieds avec de drôles de boursouflures comme de la lèpre. Il y avait aussi autour de la paillasse mitée des chiens dont un était à moitié pelé et qui n'arrêtait pas de se mordiller frénétiquement ses restes de pelage, à s'en démettre la mâchoire. Comme si ça ne suffisait pas, on m'a apporté du thé avec du lait, un plein mug, avec des biscuits et une boîte de sucre qui sentait le poisson pourri quand ils l'ont ouvert. J'ai alors dit que je prenais mon thé sans sucre ! Si je survis à ça, ce serait bien un miracle. Du coup je me demandais ce qu'il aurait le mieux valu : tenter de traverser les rochers ou rester dans me village au péril de ma vie. Mais malgré tout je ne regrette pas. La marrée haute m'aura permis de faire la connaissance des vrais habitants des îles Fidji et de partager leur style de vie. Pour les effets secondaires, on verra plus tard !
Je regardais leurs maisons, leurs intérieurs sans porte, m'abstenant de tout jugement. Il vivent dans le dépouillement le plus complet et pourtant ils rigolent tout le temps et partagent avec moi le peu qu'ils ont. Les habitants sont ici très différents de ceux que j'ai pu voir à Nadi. Ils ressemblent plus à des noirs et ils sont chrétiens, tandis que les indiens sont eux musulmans. C'est ce qu'ils m'ont dit. J'ai eu droit deux fois à du thé et j'ai décliné un autre bol de kava, prétextant ma tasse de thé à finir. Le bateau qui devait arriver « tout à l’heure » était là à 19:30. J'ai donc poiroté 2h30 avec eux. C'est ça la fameuse « Fiji time ». Tout à l'heure, oui, mais laquelle ?! Mais j'ai passé du bon temps, je ne me suis pas ennuyé, je profitais de ces moments privilégiés avec eux. Je préfère leur compagnie que celle des australiens qui grillent au soleil une bière à la main. Moments qu'ils ne connaîtront pas...
Le bateau qui est arrivé était une barquasse pleine à craquer avec tout ce que l'île comptait comme jeunes hommes. J'ai pris place parmi eux, me sentant petite chose, ils étaient tous sympathiques et me tapaient dans les mains tout le temps. C'est eux qui devaient faire le show ce soir et m'ont demandé de bien faire des photos d'eux, qu'ils viendraient les voir après. C'est aussi l'équipe officielle qui va participer à un tournoi de rugby, aussi ils sont privé de kava jusqu'à la fin de la compétition. Ils m'ont raconté qu'il y a pas mal de fidjiens en France et dans l'équipe de France de rugby ou de foot. Je ne sais pas si c'est vrai, renseignez vous !
Le show a été une présentation des différentes danses traditionnelles, en tenue de guerrier et à une danse du feu où ils jonglent avec des flambeaux. Ils nous ont aussi fait participer, dansant avec eux. Ça a été un bon moment. Celle qui faisait les présentations nous a remercié tous d'être là, nous expliquant comment fonctionnait le gîte, qu'il appartenait aux habitants de l'île et que les bénéfices allaient dans les différents villages, pour assurer l'éducation de leurs enfants et financer les infrastructures locales. A Wayasewa il n'y a qu'une école primaire et les enfants doivent ensuite gagner des écoles dans des îles plus lointaines et cela coûte très cher. Aussi notre argent leur permet de vivre mieux. En plus d'être dans un beau cadre tropical, même s'il manque de plages praticables, on fait une bonne action. Je suis content d'avoir choisi cette île.

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