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jeudi 22 décembre 2011

La délivrance approche


Avec toute cette crasse et cette humidité, mon odeur d'eau pourrie s'est muée en chien mouillé. C'est horrible, heureusement ils ont une laverie chez Roger, je vais tout laver là bas demain quand j'y serai. J'aurais bien besoin aussi de quelques gouttes d'eau de Javel. Vivement demain que je parte d'ici, c'est ma dernière journée, je prends mon mal en patience. Il y en a plusieurs qui n'ont pas eu cette patience et qui ont déjà craqué : l'espagnol est parti au bout d'une nuit, je le croise désormais au Ratu Kini ; d'autres ont abrégé leurs souffrances et sont partis plus tôt que prévu vers d'autres îles. Une des filles, Stéphanie, une suisse qui avait participé à l'excursion à Monuruki Island réside aussi au Ratu Kini et me dit que je passe ma vie ici car elle ne cesse de me croiser. Ce n'est pas faux. Je fuis l'autre, Sereana Backpacker. Attendez de voir mon appréciation sur Tripavisor.
Ce n'est pas un cabanon, il y en a qui vivent là, par terre
La coupe était pleine à midi, c'est la dernière fois qu'ils m'ont vu. Je suis arrivé pour le déjeuner à 12h45, sachant qu'en principe il est servi entre 12 et 13 mais que les dernières fois tout était avec une heure de retard. J'ai passé la matinée au Ratu Kini plutôt que d'attendre avec les clebs qui aboient et les gamins qui crient, tout comme un couple d'allemands avec qui je me suis entretenu dans la matinée. Pour la petite histoire, eux aussi détestent l'endroit. Eh bien pour cette fois la cuisinière était à l'heure : quand je suis arrivé tout le monde avait fini. Au menu : des saucisses en boîte avec des frites. Un des types du machin m'a tendu une assiette de quelqu'un qui n'avait pas fini son repas. Là je crois qu'on ne m'a jamais fait le coup. J'ai réclamé une assiette neuve et fraîche, si je peux dire. C'est un comble de devoir réclamer un peu de dignité. Je ne suis pas un clebs à qui on donne les restes. 
Évidemment il a fallu que j'attende car la cuisinière n'avait pas prévu assez. Pourtant c'est facile de savoir combien on est, c'est écrit sur le tableau à l'entrée du machin. J'ai eu droit pour patienter à un jus de fruit servi dans un verre en plastique extrait d'une pile de ceux qui avaient bu avant moi !
Quand le plat est arrivé, les saucisses sentaient la merde de chien, tout le monde les laissait sauf ceux qui avaient tellement faim qu'ils auraient mangé n'importe quoi, je n'ai mangé que les frites. En fait j'ai jeté un œil dans la cuisine, il n'y a pas de frigo, juste une glacière posée à même le sol. Tout doit être de la boîte et c'est infâme. Mon estomac crie famine à longueur de journée. Mais j'ai une boîte de biscuits que je me trimbale depuis que Roger m'avait amené au supermarché, j'ai enfin trouvé le moyen de m'en servir. Quand le couple allemand est arrivé ça a été le clash. La cuisinière qui tire tout le temps la tronche s'est mise à gueuler dans sa langue envers un autre employé. 
Pas besoin de cours de fidjien, on comprenait bien qu'il y avait un problème sur le nombre de plats qu'elle était censée servir. Moi je suis sorti de ce cauchemar pour marcher le long de la plage et dans le village, décidé à vous montrer l'horreur de l'endroit dans lequel je me trouve. Finis les paysages de carte postale, place à la réalité. Alors, vous aimez ?
Je suis sûr que le Guide du Routard doit être plein d'éloges, que c'est authentique, que l'on vit comme les villageois et que c'est une occasion unique de s'imprégner de leur culture. Je ne serai pas surpris, ils adorent ce genre d'endroits sordides. Quand je suis retourné sur mes pas, j'ai croisé une délégation du machin, tous les pensionnaires étaient sur le départ pour une excursion vers les récifs à la rencontre des requins. Ils m'ont demandé de me joindre à eux. On m'a prêté un masque et un tuba usés jusqu'à la corde, que j'ai bien rincés avant usage. 
C'est une seiche
Je devais tenir le tuba d'une main en nageant car il ne tenait pas en bouche. Tout le monde était pieds nus, je ne sais pas comment ils font pour marcher dans cette crasse, ils ne se rendent donc compte de rien ? Il suffit d'ouvrir les yeux, j'ai vu un clebs chier sur la plage, là où tout le monde pose sa serviette. Personne n'a donc entendu parler de ce parasite véhiculé par les merdes de chien, qui entre par la plante des pieds et creuse des galeries dans le corps pour sortir par les yeux ? Ce n'est pas une légende, ça existe ! Moi je ne quitte jamais mes Crocs.
En fait on a fait le tour de l''île comme ce que j'avais fait hier, on est donc passé côté riches. Sur les photos on voit bien le contraste. A la fin de l'après midi, j'ai laissé le groupe retourner au machin, je me suis arrêté à nouveau au Ratu Kini. Je crois que j'ai pris la meilleure décision de toute ma vie : ce soir je suis resté dîner là bas. 
De l'autre côté du mur de Berlin...
Bien qu'un dîner était prévu pour moi au truc, j'ai préféré payer ici, avoir la paix et surtout ne plus voir cet endroit infâme. Ça a été une délivrance, j'aurais dû le faire bien avant. Après manger j'ai squatté un hamac du Ratu Kini pour regarder tranquillement un épisode de Colombo avec une bière mais j'ai été emmerdé par les gamins du village qui étaient tous dans mon dos, regardant les images, posant des questions et faisant balancer le hamac. Ils avaient emmené avec eux les clebs. Je ne supporte plus rien depuis que je suis ici. D'ordinaire je suis ouvert aux habitants, j'aime bien discuter avec eux mais là je suis fermé comme une huître et je veux juste avoir la paix pour faire abstraction. Comme c'était loupé pour la pause bien être et détente, j'ai tout coupé et j'ai décidé de prendre ma tente et d'aller dormir. Tout le monde est au courant que je ne dors pas ici, c'est moi qui leur ai dit. Ils me regardent avec envie. 
Car apparemment la nuit c'est l'enfer ici : le dortoir est situé juste à côté du générateur de courant qui fait un bruit de locomotive toute la nuit. Ce sont leurs propres mots. Il y a aussi des batailles de clebs, des gens du village qui vont et viennent et qui parlent. Pour ma part, je leur raconte que je n'ai que le bruit des vagues pour me bercer tout au long de la nuit. Du coup le couple d'allemands qui n'en peut plus d'être ici et qui se rend ensuite à Hawaï a décidé de s'acheter une tente là bas, pour pouvoir dormir où ils veulent en cas de problème.
Quand je suis passé à près de 21 heures pour récupérer la tente, tout le monde était attablé devant ce qui devait encore être du chien alors que j’avais fini de manger depuis plus d'une heure. Cela m'a conforté dans le fait que j'avais fait le bon choix. Les expériences les plus terribles sont souvent celles qui font le plus rire quand on les raconte après coup. On pourra donc dire que j'ai beaucoup ri à Mana Island !

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