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vendredi 20 janvier 2012

Cradle Mountain National Park


A la tombée de la nuit et lorsque les premières lueurs du jour pointent, la forêt s'anime de cris d'oiseaux qui ressemblent à ceux de singes. C'est très fort et fait des « Ouh ouh ouh ». On dirait qu'ils s'engueulent, ils se répondent les uns les autres. J'ignore ce que ça peut être, ils sont tout au sommet des hauts eucalyptus et la journée on ne les entend pas. Toujours pas de koalas au passage. Ce n'est pas faute de me dévisser la tête chaque fois que je vois une nouvelle espèce d'eucalyptus. En principe ils devraient m'attendre à Kangaroo Island. Un peu de patience !
Tous les matins c'est l'automne : je me lève dans des nappes de brouillard à couper au couteau qui ruissellent sur la toile de ma tente. Comme j'ai l'habitude de foutre le camp au petit jour, chaque fois je dois mettre la tente trempée dans la voiture qui sèche ensuite comme elle peut. Pour une réputation de temps imprévisible en Tasmanie, pour l'instant la météo a tout bon. 
Aujourd'hui est un deuxième jour de beau temps comme ce que la météo avait prévu. Il faut en profiter, il n'en reste plus que deux. Comme je me suis arrêté loin de mon point prévu hier soir, j'ai pris la voiture très tôt, tous feux allumés à travers la brume. Ce qui est amusant c'est qu'elle n'est pas présente partout, il y a des vallées complètement dégagées et ensoleillées alors que d'autres restent dans le brouillard qui devient nuages jusqu'à des 10 heures le matin. Bien souvent il suffit de passer un col pour changer de climat.
Le parc national de Cradle Mountain est célèbre dans toute l'Australie pour ses paysages alpins spectaculaires et ses sentiers de montagne que l'on ne peut rencontrer qu'ici. C'est dans ce parc que que l'on trouve le plus haut sommet de Tasmanie, le mont Ossa, avec 1617 mètres. 
Le parc est aussi l'endroit le plus visité de Tasmanie avec le parc de Freycinet. Je l'ai visité par sa section nord, la plus facile d'accès. Quand on arrive, il y a un grand parking et un centre des visiteurs où il faut acquérir un passe qui donne ensuite le droit de prendre une navette qui dépose à différents endroits dans le parc. Je suis allé directement au bout, aux abords du lac Dove. De là partent de nombreux sentiers de randonnée qui ne facilitent pas le choix. Comme toutes les familles font le tour du lac, j'ai décidé de prendre le sentier le plus difficile des alentours, certain d'être tranquille. C'est celui qui monte en une heure au Marion's lookout, surplombant toute la région du haut de ses 1200 mètres. Mais avant il faut écrire son nom sur un registre et signer quand on revient. Je suppose que cela permet aux gardes de savoir qui n'est pas rentré et d'appeler les secours en conséquence. Il y avait un cahier et 20 personnes à faire la queue. Vue la journée radieuse qui s'annonçait et le fait qu'il y a de nombreux visiteurs, je ne vois pas pourquoi il m'arriverait quelque chose aujourd'hui plus que les autres fois, je ne me suis donc pas déclaré. La randonnée au point de vue est en rouge sur les panneaux du parc, avec la mention « Difficult, steep, rough and subject to weather ». De quoi dissuader bien des gens mais pas moi. 


Lac Dove depuis Marion's lookout

Pour le coup je n'ai pas croisé grand monde, comme ce à quoi je m'attendais. A part un couple dont la fille s'arrêtait tout le temps, courbée les deux mains sur les genoux pour reprendre son souffle. J'ai doublé tout ça allègrement. Ce sont les nerfs qui me tiennent. Je me refuse à m'arrêter ou à ralentir la cadence avant d'être au sommet où j'aurai tout le temps pour récupérer. C'est comme ça que je fonctionne. J'ai un bon cœur, je suis endurant et la volonté fait le reste. Je suis sûr que je battrais tout le monde aux épreuves finales de Pékin Express. J'explose toutes les durées prévues sur les pancartes. Du coup cela me permet de caser plus de randonnées. Le sentier n'est pas une partie de plaisir. Ça grimpe sec tout le long, sans faux plat pour récupérer, j'étais parfois obligé d'appuyer sur mes genoux pour trouver la force de grimper un passage un peu trop escarpé. Ils ont mis aussi de nombreuse chaînes d'acier pour aider à se hisser. Ça aide pas mal. En fait il y a un passage plus facile pour accéder au point de vue mais il faut le double de temps.
Lac Liila
La vue du point de vue valait le déplacement. Même si la région n'est pas très montagneuse (on ne peut pas parler de pics comme dans les Alpes ou en Nouvelle-Zélande), on a une vue sur les vallées et les nombreux lacs glaciaires tout autour, sans oublier au fond les Cradle Mountains, des espèces d'aiguilles que l'on voit dès que l'on pénètre dans la vallée et qui culminent à 1545 mètres. En descendant, j'ai choisi le sentier qui passe le long du lac Lilla, niché au cœur de forêts d'eucalyptus, d'où part un ruisseau qui forme par endroits de petites cascades tout ça au milieu d'une végétation dense et moussue. Un vrai bol de fraîcheur bienvenu après l'ascension au point de vue. La fin du sentier avant d'arriver à Ronny Creek traverse des paysages de tourbes et de prairies humides d'où émergent de drôles de palmiers. Le sentier laisse la place à un ponton de bois grillagé sur sa surface pour éviter de déraper lorsque le temps est humide. 



C'est un vrai boulot que de construire ça, il y a un clou de chaque côté sur chaque latte. Je marchais là dessus l'air de rien, mais j'ai réfléchi au temps qu'il a fallu à toutes ces petites mains pour assembler et clouer au marteau chaque centimètre que j'enjambais. C'est un peu comme les traverses des rails, c'est un boulot de titan !
Le sentier continue ainsi jusqu'au centre des visiteurs, sur 5 kilomètres et demi et traverse des bois d'eucalyptus dont certains sont morts. Ça donne des paysages étonnants. Je conseille de s'arrêter à Snake Hill et d'attendre la navette de retour : la section d'après de 3,5 kilomètres perd la vue sur les Cradle Mountains et n'offre rien de nouveau . Qui plus est elle m'a valu la formation d'ampoules ! Il paraît qu'au cours de la balade j'aurais pu voir plein de bêtes comme des diables de Tasmanie, des wombats et des echnidas, sorte d'hérissons avec un long museau qui ressemble à un bec. 
Mais tout ce petit monde se balade la nuit. Je sens que ça va faire comme le coup du kiwi, je vais finir par craquer et aller voir un zoo. Le parc organise d'ailleurs des visites guidées à la tombée du jour pour aller voir les diables de Tasmanie. Mais vu que le parc est loin de toute ville et qu'il n'y a pas d'endroits où camper aux alentours (officiellement), je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup de monde à ces sorties, à part peut être les pensionnaires du seul hébergement du parc. Cela aurait pu être un bon point de chute du reste mais avec les vacances scolaires, ce n'est même pas la peine d'y songer, le moindre truc déglingué arrive à afficher des « no vacancy ».
Une fois que j'ai fini mon pique nique sur le parking, il était près de 15 heures et j'avais encore beaucoup de route à faire avant d'arriver le plus près possible d'Arthur River. Alors que je roulais sur la route A10 qui traverse la Tasmanie du nord ouest jusqu'à Hobart, je me suis retrouvé un moment déporté sur le milieu de la route, occupé à prendre une photo de la route très belle qui passait au milieu de hauts arbres rectilignes. Sauf qu'au même moment j'avais en face une voiture de flics. J'ai regardé dans le rétroviseur et ai constaté qu'ils avaient freiné brusquement. Je les ai vus faire demi tour et mettre leurs gyrophares. Mon compte était bon!
Je venais juste de me siffler une bière à l'entrée du parc en plus. J'ai donc pris une pastille au menthol et bu beaucoup d'eau en prévision d'un contrôle. Je ne sais pas à combien est la limite, je n'avais bu que 30 cl de bière mais vu que c'était 10 minutes avant je ne sais pas si ça suffit à se retrouver en tôle ! Et pour la photo, j'avais un bobard tout trouvé du style que je changeais la batterie de l'appareil photo. J'ai eu des appels de phare m'invitant à m'arrêter. Je suis resté détendu, calme et souriant et ai donné mon permis de conduire comme ce qu'ils me demandaient. Ils m'ont dit que j'avais commis une infraction en prenant une photo alors que je conduisais au milieu de la route. Je leur ai répondu que j'étais désolé, que j'étais occupé à changer la batterie et que cela n'avait pris que quelques instants mais comme la route est instable, je me suis retrouvé déporté une fraction de seconde. Le bobard a pris car ils m'ont dressé une contravention barrée avec mention « caution », en guise d'avertissement. J'ai échappé à 140 dollars d'amende. Motif : « drive without due care & attention ».
Je ne suis pas tombé sur des cons comme certains en France, ceux là était agréables et ont discuté avec moi de choses et d'autres, que Cradle Mountain était bien joli, qu'il faisait beau aujourd'hui, que j'avais l'air très jeune sur la photo de mon permis, qu'en Australie ils ont un permis de conduire valable toues les 4-5 ans qu'ils doivent ensuite renouveler comme une carte de crédit. Ils m'ont juste demandé d'être plus vigilant à l'avenir, ce que j'ai juré. Tu parles, 15 minutes plus tard j'étais à nouveau au milieu de la route après avoir jeté un coup d’œil à la carte routière mais cette fois en ayant pris soin de vérifier que je n'avais personne devant ni derrière !



J'avais prévu ce soir de dormir à un emplacement de camping sauvage autorisé, à Marrawah, sur la côte nord ouest, à 15 kilomètres d'Arthur River. C'est complètement crétin ce système de camping sauvage autorisé. A partir du moment où ça devaient autorisé ce n'est plus sauvage du tout et tout le monde vient s'agglutiner là. Du coup le guide que j'ai acheté ne m'est d'aucune utilité. Le coin visé au bord de la plage était grand comme un terrain de tennis, battu par un vent glacial qui venait droit de la mer, plein de caravanes, de tentes, de chiens et de gens éméchés une choppe de bière à la main. Je suis resté juste le temps de m'enfuir en un demi tour qui leur a fait valdinguer de la poussière dans leurs assiettes ! Du coup où aller ? Il était 19 heures et un peu tard pour trouver une solution de repli. Mais le plus urgent c'était de trouver une station de service, la voiture affichant d'un signal clignotant qu'il n'y avait plus d'essence. 
Cette voiture est un vrai stress. Ça sonne, c’est plein de messages qui s'affichent en grand dès qu'un truc ne va pas : la ceinture de sécurité, les phares, la vitre baissée, le frein à main... Il y a toujours un truc qui ne va pas ! Il doit même y avoir des capteurs dans les sièges car après avoir mis mon sac et des livres sur le siège passager j'ai eu hier un signal strident à en crever un tympan qui disait que le passager n'avait pas sa ceinture de sécurité. J'ai beau gueuler « ta gueule ! », ça n'y change rien ! Le jour où j'achèterai une bagnole, je ferai bien attention à ne pas avoir ces stupides ordinateurs de bord ou je demanderai à ce qu'ils me le débranchent. C'est à devenir fou !
Pour l'essence, heureusement les stations figurent sur la carte routière. Celle que j'ai trouvée était gratinée. Un modèle vintage sorti tout droit d'un musée, tout rouillé, qui affichait la mention anachronique « unleaded ». 
J'ai commencé à mettre la cane dans le réservoir, j'avais beau appuyer sur la poignée rien ne venait. Comme j'étais déjà tombé auparavant dans le désert sur une station avec un cadenas sur la pompe, je suis allé voir à l'intérieur pour demander si la pompe fonctionnait. Quel intérieur ! Un truc tout sombre qui vend de tout. Il faut dire c'est le seul commerce à la ronde. Marrawah est un village de pécheur qui pourrait faire penser qu'on est arrivé en Alsaka ou en Islande, avec des maisons en bois aux vitres poussiéreuses juchées au sommet de collines couvertes de prairies à vache. Maison qui se résument à une dizaine. Je crois que je suis arrivé dans le trou du cul de la Tasmanie, pardonnez moi l'expression. La « boutique » de la « station-service » fait aussi poste, librairie, bazar et magasin d'habillement. La tenancière, petite vieille joviale, m'a appuyé sur un bouton pour me permettre d'aller prendre de l'essence. Sauf que ça ne fonctionnait toujours pas. J'ai alors repéré une manette sur l'engin, une poignée qui ne demande qu'à ce qu'on la tire. J'ai essayé, j'ai alors entendu un glou-glou arriver et j'ai vu à travers une bulle de plastique transparente un truc tourner, comme un moulin à eau mais avec du carburant qui coulait. Quel système ! Quelqu'un a-t-il déjà connu ça ? Au moment de payer, j'étais étonné qu'elle prenne la carte bleue. Elle m'a demandé combien ça faisait. Évidemment ces systèmes ne sont pas reliés à la caisse. J'ai donc à nouveau traversé sa boutique toute en longueur comme un couloir d'hôpital pour lui dire le chiffre, que j'aurais tout aussi bien pu retravailler à ma façon.
A une autre époque qui n'a pas beaucoup changé!
De ce que j'ai vu de la Tasmanie, ce n'est pas bien moderne. Il n'y a que des vieux, les jeunes ayant à mon avis fuit au loin cette terre sauvage et glacée l'hiver, où rien ne se passe. En plus avec Melbourne juste en face, je suppose qu'ils y sont tous. Pour internet, j'ai réussi à en trouver au fin fond des Îles Cook et des Fidji, ici c'est mission impossible. Je passe des heures dans chaque ville à la recherche d'un signal. La dernière fois c'était à Wynyard dont le point sur la carte était un peu plus gros que les villes alentours. J'ai fini à aller demander à l'office du tourisme où trouver internet. Je suis tombé sur deux vieux agents qui se sont regardés interloqués. Visiblement je leur posais une colle. Je crois qu'en Tasmanie la retraite n'existe pas ou alors tout bonnement comme il faut des gens pour faire tenir les choses, ils sont bien obligés de s'y coller. J'ai été invité à me rendre à la bibliothèque de la ville. Sauf qu'elle fermait 15 minutes plus tard et que la préposée ne m'a laissé que 10 minutes, insuffisant pour mettre le blog à jour. Aussi j'en ai marre : le blog sera mis à jour quand je pourrai, c'en est fini de courir après internet, j'ai autre chats à fouetter. Ou de diable... Encore faudrait il qu'il montre sa queue!

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