Hier soir les australiens
m'ont posé un lapin. J'ai attendu presque une demie-heure à la
réception de leur hôtel mais ils ne sont pas venus. Ce n'est pas
grave, j'avais déjà mangé aussi j'ai passé le temps qui s'offrait
à moi à regarder un film sur l'ordinateur, depuis la voiture que
j'avais garée le long d'une borne de courant d'un site pour
caravanes afin d'alimenter l'ordinateur par la fenêtre entrouverte.
Il fait si froid dehors que je préfère rester dans la voiture. En
parlant de lapins, tous les soirs je manque marcher sur l'un d'eux en
allant à la tente. Ça détale tout autour de moi, ne voyant dans
l'obscurité que leur pompon blanc. Ce n'est pas très malin d'avoir
un pompon blanc qui bouge quand ils se déplacent comme un phare,
lançant un signal aux dingos : « mangez-moi,
mangez-moi ! ».
Walpa Gorge |
Pour ne pas changer, j'ai
grelotté la nuit dernière, ne parvenant plus à fermer l’œil à
partir de 4 heures du matin. Pourtant j'avais rajouté un T-shirt,
j'avais trois couches de vêtements qui m'engonçaient, un truc
autour du cou et des chaussettes avec le pantalon rentré dedans afin
d'éviter les ponts thermiques. Cela n'aura pas suffit, pas même le
fait d'avoir mis le paréo sur la moustiquaire à l'entrée afin
d'empêcher l'air de rentrer. Il faut le faire, j'avais moins froid
dans le sud de la Nouvelle-Zélande. J'ai donc couru aujourd'hui au
petit supermarché du coin où j'avais vu les autres jours un rayon
camping et j'ai trouvé un sac de couchage qui tient jusqu'à 10
degrés. C'est parfait !
Quitte à être levé,
j'ai décidé d'aller voir le lever du soleil sur Uluru. Car le
rocher devient encore plus spectaculaire au lever ou au coucher du
soleil, semblant alors s'embraser. La nuit dernière je regardais le
ciel et on voyait de belles trouées avec des étoiles ce qui était
prometteur. Ce matin c'est un peu plus couvert mais cela devrait
quand même le faire. Le parc national ouvrant à 5 heures du matin,
je suis resté garé devant la barrière du péage et en ai profité
pour roupiller un peu pendant le quart d'heure qu'il me restait avant
l'ouverture. Je n'étais pas le seul, il y avait d'autres voitures et
des bus qui étaient déjà là. Quand ça a ouvert, le ciel devenait
de plus en plus chargé à mesure que je m'avançais du rocher.
Bientôt je n'ai plus vu aucune étoile. Quand le jour a commencé à
pointer son nez, j'étais déjà arrivé au point de vue dédié aux
levers de soleil et c'était complètement bouché, à part tout au
bout de l'horizon, vers là où le soleil allait se lever, qui était
encore épargné par la nouvelle perturbation qui venait d'arriver.
Il y avait donc de l'espoir. Mais pour combien de temps ?
Je me suis rendu sur un
talus, différent de celui où tout le monde était agglutiné. Les
gens commençaient à prendre des photos, les flashs perçant
l'obscurité comme autant d'éclairs. Je n'ai pas vu le soleil se
lever. Un moment l'horizon est devenu tout rose, puis rouge puis
violet et après plus rien. Il avait mis trop de temps pour se lever,
les nuages ayant continué leur progression laminante. Les gens sont
restés là, attendant encore, pour voir. Pour voir quoi ? Mois
j'ai détalé comme un lapin, un peu furieux d'avoir manqué ma
dernière occasion de pouvoir assister à l'embrasement d'Uluru.
Pour me consoler je me
suis rendu au centre des visiteurs qui n'ouvrait qu'à 7 heures. J'ai
donc repiqué un somme dans la voiture. De toute manière, je n'ai
pas à me forcer, ça vient tout seul.
Je voulais prendre mon petit
déjeuner là bas mais ils n'avaient que du bacon et une espèce de
viennoiserie avec de la viande dedans (quel mélange!). Je suis donc
retourné me coucher dans la voiture, dépité et pas pressé de me
rendre à Kata Tjuta où je disposais de toute la journée pour
l'explorer sous un temps couvert. Quand j'ai ouvert un œil, la
luminosité était plus forte, la couverture nuageuse moins épaisse
et des ombres se dessinaient sur le sol. Plus loin on pouvait voir
quelques trouées de ciel bleu. J'ai repris du poil de la bête et ai
démarré en trombe. Peut être que cette embellie allait parvenir
jusqu'à Kata Tjuta, il ne fallait donc pas traîner.
Kata Tjuta est situé
dans le même parc national qu'Uluru mais à plus de 50 kilomètres à
l'ouest. C'est un ensemble constitué d'une trentaine de dômes dodus
et rouges qui semblent émerger de la savane comme autant de têtes.
Kata Tjuta signifie d'ailleurs « beaucoup de têtes » en
anangu. On pense qu'il s'agissait à l'origine d'une même montagne,
bien plus grande qu'Uluru, qui se serait scindée en plusieurs
fragments sous l'effet de l'érosion. C'est le plus ancien massif
montagneux au monde qui culmine à 546 mètres, soit 200 de plus
qu'Uluru. On le voit dès l'entrée du parc, dessinant un chapelet de
dômes au loin, comme les os de la colonne vertébrale.
Je vous ai mis le symbole
du parc d'Uluru, dessiné par les Anangu. Ça vous montre déjà un
peu en quoi consiste l'art aborigène et l'effet de mosaïque dont je
parlais l'autre jour. Le rond rouge au centre symbolise Uluru, veillé
par 12 personnes qui gèrent le parc et représentées par 12 sièges
qui ressemblent à des fers à cheval. Les rouges sont les 8 sièges
des aborigènes, comme on peut le voir avec les traces de pied que
l'on voit à l'une des entrées, tandis que les sièges des blancs
sont représentés en blanc avec leur traces de passage marquées par
des chaussures car ils marchent toujours en chaussure, par opposition
aux aborigènes qui marchent toujours pieds nus.
Quand je suis arrivé au
premier arrêt de Kata Tjuta, à la gorge de Walpa, il faisait beau
et c'est avec une joie non dissimulée que je me suis rendu dans le
canyon. Il s'agit en fait d'un passage en épingle à cheveu entre
deux dômes, au fond duquel coule un petit ruisseau qui forme par
endroits des bassins avec tout un tas d'arbres et d'arbustes,
principalement des eucalyptus mais aussi des espèces de saules. Avec
ce qu'il a plu les derniers jours, la savane reverdit et on voit de
hautes herbes prêtes à fleurir. Cet endroit rafraîchissant baigne
dans un silence unique troublé que par les chants d'oiseaux qui
gazouillent à n'en plus finir et viennent batifoler dans les flaques
d'eau. Je les ai regardés faire. Ils agitent leurs ailes de gauche à
droite pour les imprégner d'eau puis après ils s'ébrouent. Vient
ensuite la toilette, où ils lèvent une aile après l'autre, en
picorant dessous. Les oiseaux d'ici sont très jolis. Ils ont un bec
rouge courbé et il me semble en avoir déjà vu en cage. Tout à
l'heure en venant, j'ai failli écraser un autre oiseau, tout rouge
avec le nombril blanc si j'ose dire, qui fonçait sur la voiture.
Heureusement au dernier moment il a bifurqué. Je n'en ai jamais revu
un de la sorte.
En bestiole il y a aussi
tout un tas de criquets de différentes couleurs et il suffit
d'ouvrir un peu l’œil pour en voir des peinturlurés comme une
toile aborigène ! Peu avant d'arriver dans le canyon, il y a un
panneau de signalisation indiquant la proximité de kangourous. J'ai
donc roulé au pas, scrutant dans les herbes folles si je ne voyais
pas un truc sautiller, surtout que j'étais l'un des premiers à me
rendre ici. Mais je n'ai rien vu. Je suppose qu'ils se sentent libres
d'aller où ils veulent et de traverser ailleurs que devant un
panneau qui indique qu'ils sont là ! De plus, j'ai lu qu'on a
plus de chances de les apercevoir peu après le lever du soleil ou en
fin de journée, passant le reste de leur temps à dormir à l'ombre
pour se protéger de la chaleur. Oui mais vu qu'il ne fait pas chaud,
ils pourraient un peu changer leurs habitudes ! J'espère que
j'aurai l'occasion d'en voir ailleurs, il paraît qu'ils pullulent et
puis venir en Australie et ne pas en voir, c'est un peu comme être
dans un désert sous la pluie...
Je n'ai pu photographier
la gorge que dans un sens, l'autre étant complètement à contre
jour, le soleil étant pile entre les deux flancs de la montagne. Je
me suis promis de revenir en fin d'après midi, une fois que le
soleil aura tourné, si jamais il est encore là !
Car c'est
impossible de prévoir le temps qu'il va faire. Quand je regarde le
ciel, je peux voir à un même endroit des nuages venir de la gauche
et d'autres de la droite. C'est comme si j'étais à un point
névralgique où tout converge. Un jour le vent souffle de l'est, le
lendemain de l'ouest.
En continuant quelques
kilomètres plus loin, on arrive à Valley of the Winds, qui mérite
bien son nom ! Du parking part un sentier qui suit un parcours
entre les dômes, enjambant des cols et offrants des panoramas
magnifiques sur la savane et les les montagnes. Au niveau des cols
souffle un vent terrible qui vaut le nom conféré à cet endroit. Le
sentier est fermé à un niveau quand il fait plus de 36 degrés,
pour éviter les malaises. Ce n'est pas aujourd'hui qu'il risque
d'être fermé mais ce n'est pas plus mal qu'il ne fasse pas si
chaud. Il fait suffisamment bon pour être en T-shirt mais pas trop
pour ne pas trop transpirer. Le long du sentier on trouve des
endroits où l'on peut s'approvisionner en eau. Partout des pancartes
nous martèlent au sujet de la déshydratation, qu'il faut boire
toutes les 15 minutes et que si on a soif c'est qu'on est déjà
déshydraté. Je me demande s'ils n'exagèrent pas un peu trop.
Il y a plusieurs parcours
pour explorer la vallée, le circuit complet fait 7,4 kilomètres,
demande 4 heures et est classé niveau 4, difficile, car le sentier
est très pentu et il y a des passages d'escalade. Je n'ai rien vu de
la sorte à part un sentier de montagne classique. Et j'ai bien mis 4
heures, mais en marchant comme un escargot, m'arrêtant longtemps
parfois le temps qu'un nuage soit passé pour prendre une photo ou
encore pour observer des oiseaux ou juste pour contempler le paysage.
Je suppose que le niveau
et le temps mentionné sont pour décourager les vieux qui débarquent
ici en bus organisé, afin d'éviter des évacuations de corps
inanimés par hélicoptère ! Pour moi, fingers in the nose, et
en plus en tong ! Oui j'ai des tongs, que j'ai achetées à
Sydney.
J'en avais marre des Crocs, qui ne sont pas assez ouvertes
quand il fait chaud et laissent une odeur à l'intérieur. Je les ai
foutues en l'air. Après 3 mois elles avaient bien vécu. De toute
façon j'en ai une autre paire nouvelle que je me trimbale dans le
sac de la tente depuis que je suis parti. Ça me déleste un peu. Et
puis le modèle de tong que j'ai acheté est très bien, la semelle
est renforcée et le dessus rembourré pour amortir les chocs et
offrir un meilleur confort. De plus c'est du tissu qui passe entre
les orteils au lieu du traditionnel morceau de plastique qui blesse
les pieds quand on marche. Une tong de randonnée et de luxe en
quelque sorte. C'est Quicksilver qui fait ça, modèle griffé
« Kelly Slater » s'il vous plaît !
La marche dans la vallée
est un pur bonheur. On est dans un jardin d’Éden, plein de
senteurs et de chants d'oiseaux différents. Ce n’est pas si aride
que cela, c'est plein de petits étangs, la végétation est assez
dense. J'ai été accompagné tout le long de la marche par cette
odeur que j'attribue à un mélange de pierres chaudes et de saules.
La même odeur que celle que j'ai plaisir à sentir en Crète quand
je fais de la randonnée. Le paysage n’est d'ailleurs pas si
différent que cela. Ça me rappelle un peu les gorges d'Aradena,
avec leurs roches rouge, en plus spectaculaire ici. Et quel
spectacle ! Tout comme à Uluru, chaque pas dévoile un nouveau
paysage. A certains endroits on a des panoramas époustouflants sur
la savane. On s'attendrait à voir un lion à l'ombre d'un arbre aux
feuilles miniatures et dont les branches forment une ombrelle.
On se
croirait en Afrique, au Kenya, selon l'idée que j'en ai. J'ai la
chance d'avoir pu voir ça sous le soleil. Pour un temps. Car vers 13
heures une nouvelle dépression est arrivée, nappe de nuage grise
qui a éteint toutes les couleurs, peu avant que je termine la
randonnée. Il y a dépression sur dépression dans ce pays, si ça
continue ça va être mon tour d'en faire une ! En tout cas pas
aujourd'hui, avec l'éclaircie que j'ai eue j'ai pu voir ce que je
voulais et prendre des photos à loisir. Je suis rassasié pour la
journée. Le ventre moins, car avec l'histoire du lever de soleil
raté, j'ai quitté le camp avant que le supermarché n'ouvre, ce qui
fait que j'ai eu un déjeuner à base de restes : chips, barre
aux céréales et pain d'épices. C'est toujours mieux que rien.
Tandis que je mangeais
sur une aire de pique nique du parking, j'observais les gens qui
arrivaient. C’est fou le nombre de français qu'il peut y avoir. En
marchant c'était pareil, à un moment je n'y faisais même plus
attention, j''ai même cru que j'étais en France, jusqu'à ce que je
réalise que j'étais bien en Australie. Ça me gâche un peu le
plaisir d'être si loin et d’entendre parler français. Pourquoi
aiment ils autant l'Australie ? Je ne les avais quasiment jamais
croisés auparavant. Quand je les croise je leur parle en anglais, je
préfère. Et quand je suis d'humeur plus disposée comme à
l'auberge à Sydney, quand ils commencent à me parler en anglais je
leur répond en français. Mais pas ici. Dans un parc naturel, dans
un désert, au centre de l'Australie, je veux sentir son cœur battre
et non entendre parler français !
Je dirais qu'en proportion de
touristes, ils arrivent juste derrière les allemands, que je n'ai
pas arrêtés de croiser partout dans les autres pays aussi je n'y
fais plus trop attention. Je me demande juste s'il reste des
allemands en Allemagne !
Sur la route du retour,
alors que j'avais Uluru face à moi, je pensais que je quittais le
parc national, que je ne reviendrai peut être plus jamais. Ça me
déchire chaque fois le cœur de quitter un endroit que j'ai aimé.
Aussi j'évite de trop me dire « c'était la dernière fois »
ou « je ne reverrai sans doute plus cet endroit le reste de ma
vie ». C’est déprimant de se dire ça, même si c’est
vrai. Mais un tour du monde c'est fait de découvertes, d'endroits
qu'on aime et qu'on laisse et d'autres qu'on n'aime pas et qu'on est
content de quitter. J'aurai d'autres sites incroyables à découvrir
pour me consoler. Je garde juste l’empreinte de ce que j'ai vu dans
mon cœur. J'espère en conserver le souvenir longtemps et j'espère
que ce blog me permettre de revivre cette formidable aventure
longtemps.
Perdu dans ces pensées,
c'est au dernier moment que j'ai vu une voiture arrêtée de l'autre
côté, sur le bas côté avec des feux de détresse, avec des gens
tout appareil photo dehors. J'ai pilé. Quelque chose devait se
tramer, certainement un kangourou ou un truc du style. J'ai regardé
dans leur direction, c'était tout autre chose. Un troupeau de
chameaux occupés à brouter et qui nous regardait l'air de sourire,
avec Uluru en toile de fond. Une carte postale parfaite. Je ne
m'attendais pas à voir des chameaux en Australie mais ils y sont bel
et bien. En liberté, à l'état sauvage. Et ils ont un brame qui
ressemble à un pet triomphant! C'est ma première bestiole de mon
safari animalier australien, à épingler à mon tableau de chasse.
Un gros morceau ! A qui le tour ?
C pas trop tot le retour des betes a quand les kangouroux? Tet b
RépondreSupprimerJe les attends aussi!
RépondreSupprimerLe petit oiseau en photo c'est un diamant mandarin, effectivement on en trouve partout en animalerie.
RépondreSupprimerLes dromadaires ont été introduit dans les années 1840 pour aider à l'exploration de l'intérieur du pays. Ces derniers sont maintenant considérés comme nuisibles, ils risquent malheureusement l’éradication...
RépondreSupprimerJe savais qu'ils n'étaient pas endémiques et amenés avec l'exploration. Qui parle? Wikipedia?
RépondreSupprimerJ'avais vu un reportage sur la faune Australienne signé National Geographic me semble t'il. Attention à vous car c'est aussi le pays/continent le plus "venimeux" de la planète !
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