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jeudi 12 janvier 2012

Kings Canyon



La route pour Kings Canyon
 Le matin, aux premières lueurs du jour je fonce sur l'ordinateur écrire mes mémoires. Certains jours c'est fastidieux et je me force un peu mais je me sens devoir le faire, avant tout pour laisser une trace de ce voyage. Je tape à peu près une page par heure, c'est lent. Parfois j'aimerais écrire plu vite mais je ne peux pas aller au delà de cette cadence car je suis un dyslexique du clavier. Tous les trois mots j'ai une lettre qui vient avant ou après ce qu'elle devrait alors je dois ensuite repositionner tout ça. Si vous constatez encore des coquilles que je n'aurais pas dépistées à la relecture, c'est dû à ça.
Tandis que j'écrivais, j'avais de la compagnie tout autour de moi : des lapins qui tendaient le cou et montaient sur leurs pattes arrière en frémissant des narines manquant parfois tomber en arrière, des oiseaux qui profitaient de l'aubaine des lumières qui étaient restées allumées toute la nuit, en faisant un bond juste de ce qu'il faut pour pincer dans leur bec une éphémère qui passait lentement, fatiguée de s'être battue toute la nuit avec la lampe. C'est l'heure aussi des perroquets roses. Ils arrivent en bande criarde tous les matins et soirs, des centaines d'un coup pour aller brouter à côté de ma tente qui est jonchée de merdes blanches de perroquets. C'est malin !
Ce matin j'ai levé le camp, direction Kings Canyon, dans le parc national Watarrka. Sur la carte ça a l'air tout proche ; en ayant quitté Ayers Rock, beaucoup moins. Un panneau indique que c'est à plus de 300 kilomètres. Bref avec mes 100 kilomètres par jour, c'est clair que je vais avoir un supplément colossal, sans doute le double de la location prévue. Je le redis, c'est du vol, j'ai regardé mon bon de réservation, c'est marqué nulle part qu'on était limité à 100 kilomètres, pas plus qu'une quelconque mention de kilométrage illimité. Dans un pays aussi grand que l'Australie c'est une ineptie. Pourquoi ne pas limiter non plus à 10 kilomètres ? En attendant j'ai décidé de ne plus stresser avec ça, ce sera à mettre au compte des pertes et profits.
Il faut être en forme pour parvenir à Kings Canyon. Une route toute droite avec de la végétation rabougrie. C'est toujours pareil. La seule distraction c'est de regarder le compteur pour voir le nombre de kilomètres restants. La route c'est mortel pour moi. Au bout de quelques kilomètres ça m'endort. Rien à voir avec une quelconque fatigue, c'est juste que regarder droit devant avec des pointillés au milieu qui défilent ça m'hypnotise et je sens les yeux se mettre à loucher. Je me redresse alors sur le siège, ouvre une fenêtre, monte le volume de la radio. Rien n'y fait, je somnole. Toute la route ça a été ça, à me donner des gifles pour rester éveillé. Parfois la voiture n'allait plus très droit, parfois la vitesse descendait, mon pied se décrispant de la pédale, ou encore je me mettais à avoir des pensées absurdes qui relevaient plus du rêve. Je ne pourrais pas traverser l'Australie du sud au nord comme ce que beaucoup de personnes font. Ou alors je finirais le parcours dans une boîte en bois confortable.
En chemin on longe un nouveau monolithe, plus large qu'Uluru et plus régulier aussi. Prenez une montagne normale, coupez la à la base et vous obtiendrez Mount Connor et ses 859 mètres. Malheureusement comme cette montagne est assez éloignée elle était dans la brume et la photo est trop dégueulasse pour daigner figurer ici. Juste avant il y a Curtis Springs, que j'ai dépassé allègrement avant de m'en rendre compte. J'ai dû pilé. C'est un endroit poussiéreux aux buissons qui roulent, figé dans les années 60, avec des bornes d'essence d'un autre temps verrouillées avec un cadenas. C'est la seule station service du secteur avant 300 kilomètres. Il ne faut pas la rater ! Elle fait tout : bar, restaurant et même camping. C'est le far-west à l'australienne. Je m'attendais à voir un personnage haut en couleur venir me servir, au lieu de ça j'ai eu une petite jeune joviale qui m'a demandé où j'allais. 
Un job de vacances sans doute, autrement ici à l'année, ce n'est pas un endroit pour elle, il y a de quoi devenir fou. De la savane sans aucune attraction. Pas un monolithe, pas un relief à observer, que de l'herbe et des arbres rachitiques. Pour égayer ses journées elle a devant sa caisse un poster de chameaux en train de copuler en rigolant.
Heureusement que je ne fais pas le trajet après une pluie subite, comme ça aurait pu être le cas il y a deux jours, car juste avant d'arriver à Kings Canyon, on traverse des « creeks », des cours d'eau qui traversent la route quand ils veulent. Il y a sur leur côté des mats gradués qui montent à deux mètres pour mesurer le niveau de l'eau. S'ils ont prévu deux mètres c'est que ça doit arriver. Inutile de dire qu'on ne peut alors pas traverser. Aucune signalisation de sécurité n'est indiquée, pas même une limitation de vitesse. Même si aujourd'hui il ne devait y avoir que 10 centimètres d'eau, ça fait bizarre de traverser un truc comme ça à 80 à l'heure. On a l'impression qu'on va y laisser les roues !


L'arrivée dans le parc national ne casse pas des barres, pas plus que celle pour Kings Canyon. Ici pas de centre des visiteurs, pas de péage, on va on vient comme on veut. Le centre d'information est formé juste de deux panneaux sous un auvent et démerde toi. Il était 13h30 quand je suis arrivé au parking, juste au moment où le ciel se dégageait. A l'observation du sens des nuages, le soleil n'allait pas tarder à faire son apparition. Pendant ce temps là j'ai mangé le même pique nique qu'hier, n'ayant rien acheté en route car n'ayant rien trouvé. Comme pour ce que j'ai déjà vu jusqu'à présent, des français en veux tu en voilà, qui voyagent en campervan. Des allemands aussi qui voyagent de la même façon. Il y a plus de vans que de voitures, avec ma petite voiture japonaise, j'ai l'air d'une fourmi à côté. Je suppose que tous ceux qui sont là font le fameux road trip dont je parlais, Melbourne-Darwin ou Perth-Darwin. Il paraît que c'est une expérience mémorable. Pour qui aime conduire. 
Moi je préfère l'avion et mes 300 kilomètres de voiture. Et je suis sûr que j'ai été déposé au plus intéressant. J'ai lu sur des forums que pour beaucoup les temps forts de leur voyage en Australie c'était Ayers Rock et Kangaroo Island. Cette île située à côté d'Adelaïde est un sanctuaire de vie sauvage. On est sûr d'y croiser kangourous, koalas, ornithorynques, morses, émeus, pingouins et mammifères marins. Je sens que je vais y faire un saut après la Tasmanie, je dois bien avoir un vol Hobart/Adelaïde. Ce sera pris sur mon séjour dans le Queensland qui se réduit de jour en jour. Au final je compte juste y faire un saut dans l'endroit phare, au Whitsundays. Une semaine ce sera bien assez, et vu que l'excursion dure un jour, sur une semaine avec un peu de chance j'aurai bien un jour de soleil. Sinon je passerai une semaine sous la flotte mais ça vaut mieux que trois semaines comme ce que j'avais prévu à la base. 
En plus Adélaïde est la région la plus sèche de toute l'Australie. D'ailleurs dans les idées de parcours du Petit Futé, ils ont un itinéraire avril à octobre et novembre à mars et la différence est qu'ils ont remplacé dans ce dernier le Queensland par Kangaroo Island. Je vais suivre leur conseil. Je reviendrai dans le Queensland lors d'un prochain voyage dans une saison plus propice.
Après le pique nique j'ai commencé les choses sérieuses et entrepris une randonnée dans le canyon. Deux choix sont possibles : une randonnée d'un heure qui reste au fond du canyon et mène au bout ou une randonnée qui en fait le tour par le sommet, sur plus de 6 kilomètres et 3h30 annoncés. Comme le soleil était de la partie j'ai tout de suite attaqué par ce qui me semble le mieux de Kings Canyon, laissant des bribes pour occuper les autres jours. Dans ce pays on ne sait jamais si le beau temps va durer alors il faut en profiter ! 
Juste après avoir quitté le parking j'ai vu quelqu'un à quatre pattes qui prenait des photos. Il y avait là un gros reptile tout en finesse, au long cou et aux longues pattes, moucheté blanc et noir avec une petite tête. Un lézard girafe, c'est comme ça que je l'appelle. On aurait dit un truc de dessin animé. La femme qui prenait aussi des photos commentait : « so cute ». J'ai alors réalisé que c'était la même que le couple qui m'avait posé un lapin deux jours plus tôt. J'ai fait comme si je ne l'avais pas reconnue et elle aussi, faisant quelques pas de côté et regardant son appareil comme pour ne pas affronter mon regard. Ils pensaient certainement ne jamais me revoir et avaient dû me poser un lapin préférant rester seuls ce que je comprends parfaitement.
Il y a un truc qui me surprend en Australie : il n'y a pas de poubelles. Et dans un parc national c'est d'autant plus étrange, ça ne pousse pas à laisser la nature propre. 
Autant en Nouvelle-Zélande il y en avait partout, là j'ai dû marcher avec les restes de mon pique nique jusqu'aux toilettes pour aller dans celles des femmes afin de tout jeter dans la petite poubelle à tampons usagés. D'autres visiblement avaient eu la même idée, on y trouvait même une vieille paire de godasses. A propos de chaussures j'ai attaqué la randonnée à nouveau en tong, tandis que les autres ont de gros godillots qui montent au delà de la cheville. L'ascension en haut du canyon est un peu éprouvante, ça grimpe sec et ils ont construit des marches dans la roche rouge. Le paysage devient magique à mesure qu'on prend de la hauteur et qu'on progresse vers le fond du canyon. C'est encore plus beau que ce que j'ai fait hier. Kings Canyon est un canyon rouge de presque deux kilomètres de long qui forme une profonde faille de plus de 200 mètres de hauteur au milieu du désert. L'Australie a son Colorado. J'avais l'impression d'y être. 


Tout le temps où j'ai fait la randonnée je n'arrêtais pas de penser à ce type qui était parti seul comme moi randonner dans le Grand Canyon et qui était tombé dans une faille, restant 3 jours le bras coincé sous un rocher qu'il avait été obligé de s'amputer lui même pour survivre. Ils en ont tiré le film « 72 heures » que j'ai vu au cinéma l'année dernière. Cela pourrait tout aussi bien m'arriver. Ce qui me sauve c'est que je suis sujet au vertige, aussi je ne m'approchais pas trop du bord pour regarder le bas du canyon. Et puis on ne sait jamais, peut être que sous les promontoires il y a du vide et que quelques kilogrammes suffisent à faire se décrocher la dalle.
Le parcours est splendide et révèle à chaque pas de nouveaux paysages. Quand on s'éloigne du canyon c'est pour cheminer autour de drôles de dômes qui semblent constitués par un empilement d'assiettes, à d'autres endroits on descend par des ponts suspendus dans des gorges avec des palmiers, des plans d'eau et des cascades. 
Je n'avais qu'une petite bouteille d'eau d'un demi litre, pensant trouver des points de ravitaillement sur le parcours comme à Kata Tjuta. J'ai fini déshydraté, la gorge brûlante, à ne pas pouvoir déglutir. Le parcours est bien plus difficile que celui d'hier, peut être parce qu'il faisait plus chaud. Il semble beaucoup plus long, interminable même. Un moment, n'en pouvant plus, je me suis allongé sur une pierre plate, chaude et rouge et j'ai songé qu'on était le 12 janvier, que j'avais chaud, que j'étais bien même si déshydraté et j'ai savouré ma chance d'être ici, à l'autre bout du monde et au fin fond de l'Australie. Chaque fois quand je suis de retour d'un voyage, face à l'horreur de la vie quotidienne, je pense que je n'ai pas assez profité des moments d'exception passés sur place, pris dans la frénésie de la découverte. C'est pour cela que je m'accorde des moments comme ceux là, pour souffler et méditer, m'imprégnant des choses. 
Une fois fait, j'ai repris la marche rapidement car c'était une course contre la montre pour trouver un point d'eau au parking avant que je ne finisse tout sec comme un lézard desséché. Il m'aura fallu quatre heures pour faire le tour de Kings Canyon, la meilleure randonnée que j'ai faite de tout mon voyage, en omettant l’ascension à Maupiti qui se joue dans un autre registre.
Ce qui manque sur le parking, hormis les poubelles, c'est une buvette ! J'avais une envie de bière fraîche, au lieu de cela j'ai dû me contenter de l'eau de la fontaine. J'en ai bu un litre sans m'arrêter. Et la soif m'a poursuivi jusqu'au moment de me coucher sous la tente. Dans les derniers kilomètres de la randonnée j'avais faim aussi et une envie irrésistible du poisson à la crème vanillée que Justine nous servait à Tikehau. Je ne sais pas pourquoi ce goût m'est revenu à la bouche mais c'est vrai que son plat était un régal. Chaque fois je me resservais. Elle nous l'avait servi deux fois dans le séjour.
Un dingo
Ce soir je me suis installé au camping du Kings Canyon Resort, un copier/coller que celui que je viens de quitter à Ayers Rock, même formule, même prix, sans doute les mêmes propriétaires. Ma tente est la seule du camping, tous les autres sont en van ou camping car. Je me suis mis le plus loin possible de leurs portes coulissantes, mettant la voiture en travers pour faire mur antibruit. Et je n'ai pas tardé à aller me coucher, dès 20h30, après avoir pris un copieux dîner au seul restaurant du resort. Une folie. Et j'ai dormi comme un loir jusqu'à 1 heure du matin où des clebs jouaient au talkie-walkie à se répondre. Ce n'était pas des dingos, il y avait un aboiement de crécelle de petite merde que je suis allé courser pour le faire déguerpir. 



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