C'est une tente trempée
que j'ai dû plier ce matin. Il s'est mis à pleuvoir dru à partir
de la deuxième partie de la nuit. Je déteste plier les affaires
sous la pluie, après la tente prend une odeur. J’avais laissé ma
serviette dehors à sécher, ça s'est terminé comme en rentrant de
l’Île des Pins par une séance sèche mains aux toilettes !
Pour ce qui est du cabot qui aboie toutes les nuits, je l'ai signalé
à la réception, tout le monde s'en fout, il fait partie de la
communauté. Les gens le caressent la journée, moi il m'évite
depuis qu'il me regardait faire en train de laver le linge et que je
lui ai lancé de l'eau à la gueule entre le creux de mes mains. De
toute façon je m'en fous aussi, là où je me mets la nuit, je ne
l'entends plus. A noter que les dingos n'aboient pas, je ne les ai
jamais entendus. Ils sont moins dégénérés.
Je suis retourné à
Kings Canyon, armé du fameux poncho jaune poussin. Au cas où... Le
but de la matinée est de tenter une randonnée sur Giles Track, le
fameux sentier de randonnée qui relie en 22 kilomètres Kings Canyon
à Kathleen Springs. Mais je l'ai déjà dit. Il y a un point de vue,
à 1h30 de marche de Kings Canyon, duquel on embrase toute la plaine,
depuis le bord du plateau, jusqu'à 80 kilomètres au loin. Ce
sentier porte le nom de l'explorateur Ernest Giles qui a visité
l'endroit pour la première fois en 1872, dans ses tentatives pour
rejoindre le parc de Watarrka à l'Australie de l'ouest. Il campait
ici jusqu'à que ce qu'en 1876 il parvienne à ses fins au bout de la
troisième tentative. Tout le long du parcours je pensais à cette
histoire d'une jeune touriste française qui s'est perdue en 2007 et
qu'on a retrouvé deux jours plus tard grâce à des signaux qu'elle
avait dessiné sur le sol et que les hélicoptères ont pu voir.
En
plus elle avait prévenu les rangers de son parcours, ce qui n'est
pas mon cas. Mais il faut un peu le faire pour se perdre car le
chemin est balisé d'une flèche rouge. Certes pas tout le temps et
souvent on se pose la question par ou passer. Comme quand la flèche
indique d'aller à gauche et qu'à gauche c'est un dôme à
escalader, se demandant si ce n'est pas un petit malin qui a tourné
le panneau. Car il n'y a pas de sentier. On évolue tout le temps sur
des dalles rocheuses et rien ne permet de savoir par où passer, sauf
à rester très vigilant et à revenir sur ses pas quand on ne voit
plus de bornes comme ce qu'il devrait.
Il y a des moments où il
faut sauter par dessus une faille, d'autres où une gorge transformée
en marre aux têtards demande à passer sur les bords abrupts tel un
dahu.
J'avais commencé la randonnée avec un sweat-shirt et le
poncho accroché à la bretelle du sac, j'ai vite rangé tout ça
dans le sac car même si le ciel était couvert, on sentait le soleil
pas loin et manifestement il ne risquait plus de pleuvoir. J'avais
chaud et je regardais ma petite bouteille d'eau. Pour un aller retour
de 3 heures cela devrait suffire, j'ai pris ce matin un petit
déjeuner avec beaucoup de boissons en prévision et j'ai encore bu à
la fontaine avant de commencer. Je n'ai croisé personne sur le
sentier, tout le monde fait la boucle du canyon par les crêtes comme
ce que j'avais fait il y a trois jours. S'il m'arrive quelque chose,
mon compte est bon !
Ca c'est du camouflage! |
Le point de vue sur le
parc national et la savane à perte de vue vaut le voyage, j'ai eu
une bonne intuition en venant ici. Le panorama est différent que
celui depuis Kings Canyon car on a une vue non bouchée jusqu'à
l'horizon, que j'ai scruté ardemment tentant d'apercevoir Uluru, en
vain. Sur le chemin du retour je me suis perdu. Je ne savais pas si
je devais retourner sur mes pas, pendant combien de temps et surtout
par où car en rebroussant tout se ressemble, c'est une succession de
dômes étagés comme des soucoupes. Je ne reconnaissais rien, une
gorge s'avançait vers moi alors que je me souvenais avoir franchi
cette gorge à un niveau bas, passant à gué un petit ruisseau qui
alimentait la mare aux têtards. En fait j'ai réalisé que j'étais
allé trop loin, j'aurais dû tourner sur ma gauche bien avant. C'est
bizarre que je n'ai pas vu la borne fléchée au moment où il
fallait.
Sans doute est-ce parce
que j'étais perdu dans mes pensées. J'ai réalisé qu'on est le 15
janvier et que je suis pile au milieu de mon voyage. Et bizarrement
c'est long et court à la fois. Je n'ai pas l'impression d'être
parti depuis 3 mois et demi et que je ne travaille plus depuis tout
ce temps. En même temps je visualise tout ce que j'ai visité et
quand je me remémore les bons moments, en les additionnant tous, je
vois qu'il m'a fallu du temps pour les vivre. Pour ce qui est des
Fidji, le seul souvenir que j'en ai c'est celui terrible de la fin, à
Mana. J'y ai eu quand même quelques bons moments mais il reste le
goût amer des emmerdes et de la crasse. Un peu comme en
Nouvelle-Calédonie. Je ne saurais dire si c'est bien ou pas, je
suppose que vu différemment et dans une autre saison ça peut être
bien. Par rapport à mon expérience ce sont les deux endroits que
j'aurais pu éviter.
Ici tout coule de source.
Il y a deux choses magiques dans notre monde moderne : l'avion
et internet. Avec l'avion, tout est presque à portée de main. On
n'est limité que par son imagination. On peut passer de climats à
un autre, de culture à une différente et de paysages à tout autre.
En 3 heures de vol je suis passé de la pluie de Nouméa à la
paisible Sydney et de la ville au désert rouge, là où d'autres
mettraient des jours en voiture ou en bateau. Pour internet c'est la
même chose, le monde entier est à portée de clic. Après ma
randonnée à Giles Track, je me suis rendu à Kings Creek Station, à
l'entré du parc, pour me rassasier un peu et j'ai constaté qu'ils
avaient internet en libre accès. J'en ai profité pour organiser mes
étapes prochaines. Billets d'avion pour Adélaïde puis Sydney,
voiture de location... Tout est possible, immédiatement. Internet
est mon assistant personnel sans qui je n'aurais pas pu faire ce
voyage.
Cela aurait été beaucoup plus compliqué d'un autre temps.
Je bénis celui qui a inventé internet. Ça a l'air con à dire mais
moi qui ai connu la vie avant sans (je sais, je suis une vieille
peau!), je peux dire qu'avec ça simplifie bien la vie.
Kings Creek Station est
un endroit plein de backpackers bruyants qui y font une halte au
cours des excursions organisées dans l'Outback sur 3 jours depuis
Alice Springs. J'avais failli prendre ça, c'est vrai que c'est
pratique si on ne veut pas se prendre le chou mais je préfère payer
plus cher et avoir mon indépendance et surtout personne sur le dos.
Il y a aussi je ne sais combien de clebs qui appartiennent aux
propriétaires, de toutes les tailles, de toutes les couleurs et de
tous les aboiements ! Si on ajoute à ça le fait que j'étais
assis par terre devant le distributeur de coca - seul endroit où
j'avais trouvé une prise de courant - et à côté d'une porte stop
mouches qui n'arrêtait pas de battre chaque fois que quelqu'un
pénétrait dans la cafétéria, tout cela commençait à me taper
sur les nerfs et j'aurais aimé avoir une baguette magique pour figer
tout ce monde le temps que je finisse mes réservations. Il m'aura
fallu quand même deux heures pour tout ficeler au cours desquelles
les chiens venaient me renifler et que les gosses aborigènes
s'amusaient à agacer en criant pour les faire aboyer. Un grand
n'importe quoi façon Mana Island.
Je me suis retrouvé à
prendre la route à 17 heures pour me rapprocher d'Uluru, où je dois
prendre l'avion pour la Tasmanie demain en milieu de journée.
J'avais repéré en venant, à une centaine kilomètres avant le parc
de Watarrka une aire de pique-nique où il était autorisé de passer
la nuit. Ainsi cela ne me laissera pour le lendemain que 200
kilomètres à parcourir. Au bout de 15 minutes de route j'ai
commencé à sentir cette torpeur qui me prend quand je conduis. Je
m'en suis extrait quand j'ai aperçu un dingo en travers de la route,
immobile qui me regardait venir de profil sans réagir. Je me suis
donc arrêté et il s'est déplacé juste un peu dans les herbes, à
2 mètres de moi, vaquant normalement comme n'importe quel clebs. Pas
très farouche comme bestiole. Bon je sais, ils sont tout en haut de
la chaîne alimentaire ici, ils sont donc tranquilles. Ils se
nourrissent de lapins te de kangourous. Saletés ! En tout cas
sauvage ou pas, un dingo c'est un clebs, je ne vois pas la différence
et vu que je ne les aime pas, je vous ai mis son portrait à titre
informatif !
A l'air de repos, je
pensais être le seul, eh bien non ! Il y avait déjà deux
voitures dont deux jeunes qui avaient installé leur camp avec toutes
les commodités, chaises longues, abri anti-pluie et qui n'arrêtaient
pas de parler et rire grassement en buvant de la bière. J'ai tout de
suite repéré le style et je me suis enfui avec mes affaires
derrière une dune de sable où j'ai trouvé un peu plus loin un
endroit où mettre la tente, à l'ombre de ces arbres qui meublent la
brousse, des sortes de filaos aux feuilles vert lichen en forme de
ficelles qui pendouillent au gré du vent. Deux voitures nous ont
rejoint bien après la tombée de la nuit, rajoutant aux éclats de
voix une symphonie de portières qui claquent. J'ai été emmerdé au
milieu de la nuit par des fourmis qui me grimpaient le long des
jambes.
Quand j'ai allumé ma torche j'ai constaté que l'intérieur
de la tente était noir de fourmis, arrivant en escadrons entiers par
la moustiquaire. J'ai dû me mettre dans mon sac à viande (c'est le
nom, c'est un drap de soie en forme de sac de couchage) pour me
protéger, priant pour que dans leur progression elles ne parviennent
pas jusqu'à mon visage. Des fourmis, il n'y a que ça ici, je ne
sais pas ce qu'elles mangent. A l'aéroport de Ayers Rock, à côté
du « bienvenu » traditionnel, il y a avait écrit « A
world of ants ». Je comprends bien pourquoi. Ça et les
mouches ! Elles sont toutes petites et tenaces, me tournant
autour, se posant quelques secondes avant de repartir comme si elles
s'en allaient pour mieux ré-attaquer, visant toujours les trous
d'oreille, les yeux ou la bouche. C’est très pénible ! J'ai
lu dans mon guide que les mouches seraient peut être l'animal que je
verrais le plus dans l'Outback. J'aurais préféré que ce soit le
kangourou !
FANTASTIC images!
RépondreSupprimerThanks, I do my best to reflect my feelings through the pictures
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