Le parc national a parait
il le nom d'une marque de champagne. Rien de bien étonnant car le
secteur a plein de noms français, en raison de l'explorateur Nicolas
Baudin qui a atterri ici en 1802 avec les frères Freycinet, Henri et
Louis. Ils ont laissé leur empreinte à de nombreux endroits,
surtout des caps qui portent des noms français : Cap Forestier,
Cap Tourville, Pointe Fleurieu... Il y a même un mont Freycinet et
un mont Baudin. Faites moi penser la prochaine fois que je vais
quelque part à donner mon nom à un endroit !
La nuit dernière il y a
eu un orage terrible qui m'a réveillé sur les coups de trois heures
du matin, avec des pluies torrentielles qui faisaient un vacarme sur
la toile de la tente. Je me suis redressé un peu sur mon matelas,
pour tendre l’œil et l'oreille vis à vis de la foudre. Car je
déteste ça quand je fais du camping. On ne sait jamais où la
foudre peut tomber et dans ma tente si je ne meurs pas foudroyé je
mourrai la peau brûlée par le nylon incrusté dans les chairs.
Bref, dès que l'orage gronde la peur s'installe. Un moment il y a eu
3 secondes entre un éclair qui aurait éclairé Las Vegas et le
tonnerre. D'après mes connaissances dans la vitesse du son, ça fait
le point d'impact à moins d'un kilomètre. Je n'ai donc pas traîné,
prenant l'oreiller et le sac de couchage, direction la voiture. Je me
souviens toujours de la phrase de mon père qui nous disait à mon
frère et moi quand on était petits qu'en cas d'orage il fallait se
mettre dans une voiture, que ça faisait cage de Faraday. C'est donc
devenu un instinct. Une peur pour rien car dès que je suis rentré
dans la voiture, la pluie a cessé et l'orage aussi. Et comme ma
voiture japonaise n'a pas le siège qui se rabat complètement
(spécificité aux nouvelles voitures, je ne vois pas en quoi ça
coûte plus cher d'équiper avec un siège qui descend à
l'horizontal, faudra qu'on m'explique), j'ai fait une transhumance
vers la tente. En parlant de la voiture, elle est vraiment japonaise
et je pense faite pour les femmes. Car les pédales sont si
rapprochées et étudiées pour des petits pieds de japonaises que
souvent en appuyant sur la pédale de frein j'appuie aussi sur
l'accélérateur. C'est fâcheux...
A 7 heures du matin, je
suis allé faire un tour vers la plage, pour regarder si des
kangourous sautillaient dans les dunes. Rien, pas un marsupial. Je suis donc retourné
à la voiture, écrire mon blog sur le siège passager, comme ce que
je fais tous les matins. Mon attention a été rapidement détournée
par des ombres furtives que je sentais passer dans les angles de mon
champ de vision. Des kangourous ! Pas besoin de les chercher,
ils viennent à moi. Ils sortaient de derrière les fourrés, il y en
avait de toutes les tailles et de deux races. Une gris anthracite à
oreilles de souris et l'autre avec un museau et des oreilles noires,
plus gris clair que l'autre. Je n'ai même pas eu à sortir de la
voiture, juste une petite contorsion pour appuyer sur le lève-vitre
électrique et j'ai dégainé mon appareil comme j'aurais pu dégainer
une arme. Ils ne sont pas très farouches ces kangourous quand même !
Heureusement qu'ils sont dans un parc national sinon ce serait très
facile à chasser. Quand je pense que j'étais désespéré de ne pas
en voir dans l'Outback, visiblement ils préfèrent les endroits plus
tempérés. Quand on y songe, je me demande d'ailleurs comment ils
ont atterri sur cette île qu'est la Tasmanie. Avez vous déjà vu
des kangourous volants ? D'ailleurs je ne sais pas si c’est
des kangourous, j'appelle kangourou tout ce qui se déplace sur
ressort et met ses pattes avant sur son torse comme s'il avait fait
une bêtise. Mais j'ai lu qu'il y avait également des wallabys. Le
nom me dit quelque chose mais je ne sais pas à quoi ça ressemble.
Je crois que ce sont aussi des marsupiaux.
Alors que j'avais fini
d'écrire, j'ai vu qu'un pan de ciel bleu allait arriver, chose que
je n'attendais pas. Branle bas de combat, j'ai démarré en trombe.
Comme on ne sait jamais combien de temps ça va durer il faut
profiter du moindre répit. Et j'ai tout fait en quatrième vitesse :
passer au bureau des visiteurs acheter un passe, acheter un casse
croûte, préparer mon sac, remplir la bouteille d'eau... Belinda
l'hôtesse n'aurait pas fait mieux ! Car plus au loin, on voyait
déjà des nuages s'avancer. Je ne disposais donc que d'une petite
fenêtre de tir pour me rendre au clou de Freycinet qui est Wineglass
Bay. Voilà, le nom est dit ! Tapez ça sur Google vous verrez !
Une des plus belles plages au monde, enchâssée entre des montagnes
et formant une baie à la courbe parfaite. Les parcs nationaux en
Australie sont payants et les tarifs un peu exagérés : 24
dollars l'entrée pour 24 heures seulement. L'information n'est
donnée sur aucun guide, aussi je la donne. Vu le nombre de parcs
nationaux que je compte faire en Tasmanie, ça va vite chiffrer et je
n'avais pas prévu ce poste de dépenses das mon budget. Mais quand
on aime on ne compte pas. Les parcs, c'est ce que je préfère !
Au parking, j'ai laissé
la voiture pour emprunter le sentier qui mène au point de vue en 40
minutes. Pas le temps de monter au sommet du Mont Amos qui offre par
une randonnée de 3 heures aller/retour une vue à tomber du haut de
ses 454 mètres. C'est au pas de course que je suis arrivé au point
de vue, haletant et en sueur car ça ne fait que grimper, en ayant
doublé tout le monde qui devait me prendre pour un fou.
Mais j'ai eu
ce que je voulais sous le soleil. Un exceptionnel panorama sur
Wineglass Bay qui attendait en contrebas. Ce parc national est une
vraie merveille. Par certains côtés on a l'impression d'être dans
la Méditerranée, avec ces roches granitiques qui émergent de la
végétation. Sauf qu'ici cette dernière est surtout constituée
d'eucalyptus, de bruyères arborescentes et d'autres essences que je
n'ai jamais vues auparavant. Je n'ai pas pu rester aussi longtemps
que je l'aurais voulu, mon plaisir étant un peu gâché par tous les
touristes qui étaient arrêtés là, des familles aux gosses
survoltés et des japonais juchés sur des rochers qui se prenaient
en photo pendant des heures, gâchant le paysage. Pour avoir une vue
à moi tout seul, j'ai d'ailleurs escaladé un rocher qui était
juste derrière des japonais en train de poser. Rien à foutre, ils
n'ont qu'à dégager, je ne serais pas obligé de crapahuter de la
sorte!
Comme j'avais pu voir le
clou du truc avant que tout ne soit plongé dans les nuages, j'ai pu
retrouver mon calme et marcher normalement, tout le reste était
désormais bonus. J'ai donc pris le chemin qui descend vers Wineglass
Bay en 1h30. Au moins je devrais être plus tranquille, je ne vois
pas tout ce monde marcher si longtemps. Et en effet j'ai eu une belle
randonnée à l'ombre des bruyères. Vers la fin, j'entendais les
vagues de plus en plus et apercevait la plage à travers les rideaux
d'arbres, prêt à en prendre plein les yeux. Quelle plage ! Du
sable blanc pas trop fin qui ne colle pas, une courbe infinie, avec
des sommets des deux côtés et des rouleaux. Irrésistible !
D'ailleurs je n'ai pas résisté longtemps avant d'aller me baigner.
Hier en arrivant j'avais marché dans l'eau et à ma grande surprise
elle n'est pas si froide. Certes après les Tropiques cela n'a rien à
voir mais ça change des lagons. J'adore quand il y a des vagues.
La
température de l'eau devait être je dirais à 21 degrés, comme
dans le Sud-Ouest au mois d’Août. Avec ces vagues je m'y serais
crû. Sauf qu'on est mi janvier ! Ça fait toute la différence.
Au début j'ai eu un peu de mal à rentrer dedans, plus par peur des
méduses que par la température de l'eau. Car dans toute l'Australie
sévit une méduse tellement transparente qu'elle en est invisible,
la Box Jellyfish, dont le contact est mortel. A tel point qu'ils ont
construit des filets autour des plages pour les empêcher de passer
et qu'on est invité à se baigner en combinaison d'homme grenouille.
C’est pas rassurant du tout ! A Airlie Beach notamment, dans
le Queensland, ils sont même allés à construire un lagon
artificiel en forme de U pour mieux en boucher la sortie. Comme il y
avait d'autres personnes un peu plus loin qui se baignaient, au début
de la plage quand on arrive, je me suis dit que ce devait être sûr
et je me suis lancé.
Je me suis retrouvé petit gamin à m'amuser
dans les vagues, enivré par l'écume et les remous. C'est une drogue
qui fait tourner la tête mais que plaisir ! Je faisais quand
même attention à ne pas dépasser les vagues, elles étaient très
puissantes et je sais qu'en Tasmanie la baignade est dangereuse en
raison de forts courants marins. J’avais l'océan pour moi tout
seul, à l'endroit de la plage où les vagues sont les plus grosses,
vers le milieu de l'anse. Comme je n'avais pas prévu de maillot de
bain, c'est en slip que je me suis baigné et comme je me retrouvais
déculotté après chaque vague, j'ai carrément tout enlevé.
D'ailleurs je n'étais pas le seul, un peu avant il y en avait deux
qui se baignaient à poil. J'étais suffisamment loin du chemin
d'accès pour qu'ils ne puissent rien voir. Quand je parle d'océan,
je devrais plutôt dire de mer car je suis dans la mer de Tasman, qui
sépare l'Australie de la Nouvelle Zélande.
Hazards Beach |
J'ai bien dû rester plus
d'une heure sur cette plage, n'arrivant pas à m'en défaire et à
éteindre l'appareil photo. Les nuages descendaient des sommets
alentours, en nappes, comme à la montagne. De gros nuages gris
arrivaient en formant un cercle autour de la baie mais il y avait
comme un micro climat sur Wineglass Bay qui nous laissait le soleil.
Sauf qu'à un moment la température est descendue soudainement de 10
degrés sans raison. J'en ai profité pour lever le camp, prenant un
circuit qui passe de l'autre côté de la presqu'île et rejoint le
parking en 3 heures de marche (8 kilomètres). En fait le parc de
Freycinet est sur une presqu'île et vu que Wineglass Bay est à
tomber, il y a des chances pour que sa sœur de l'autre côté,
Promise Bay, le soit tout autant. Pour la rejoindre on traverse un
isthme plein de marécages et d'étangs avec des chants d'oiseaux
inédits. La plage de Promise Bay, Hazards Beach, est moins jolie car
elle est rectiligne et le sable est plus doré que blanc.
De plus
elle a des algues. Mais elle offre un paysage dramatique avec le mont
Freycinet dans les nuages au fond et un ciel complètement noir tout
autour.
J'ai bien vite compris
que ces nuages étaient pour moi aussi j'ai à nouveau pressé le
pas. 3 heures de randonnée avec ce qui s'annonce, ça risque de ne
pas être la joie, avec en plus mon sac à dos qui contient
l'ordinateur et le portefeuille. Je n'ai pas emporté le poncho,
j'aurais dû. Car on dit ironiquement que la Tasmanie connaît quatre
saisons en un jour, la faute à un temps imprévisible qui change
tout le temps dans la journée. Dans les guides ils disent de
toujours amener des vêtements chauds et imperméables, même s'il
fait beau et qu'il n'y a pas un nuage. J'ai été inconscient,
surtout qu'en partant du parking j'avais bien vu de gros nuages
arriver au loin. Et je l'ai payé !
Des trombes d'eau se sont
abattues, m'obligeant à enlever le T-Shirt pour le garder au sec
dans le sac. Enfin presque, car le sac s'est rapidement retrouvé
aussi mouillé qu'une serpillière. Quand enfin je suis arrivé au
parking, j'étais trempé comme une loutre, j'ai mis des habits tout
propres sortis du sac et j'ai mis le portefeuille à sécher sur le
tableau de bord. Le reste avait résisté. J'ai bien tracé, j'ai mis
2 heures au lieu des 3 prévues, prenant mon déjeuner tout en
marchant pour ne pas perdre de temps. Sur le parking il y avait deux
jeunes français avec un van chargé de milles affaires en désordre.
Des tour-du-mondistes très probablement. L'un des deux a dit à
l'autre : « le défi du jour : il faut que tu me
trouves une poubelle ». Comme je l'ai dit c’est un vrai
problème que je ne suis arrivé à résoudre qu'en me rendant à
Coles Bay, le village à l'entrée du Parc de Freycinet, et en
squattant la poubelle d'un pauvre habitant. C'est sidérant qu'il n'y
ait pas poubelles publiques dan ce pays !
L'arbre perruque! |
J'ai occupé le reste de
l'après midi à me balader en voiture au phare de Cap Tourville qui
offre une belle vue sur toute la presqu'île, vue embrumée qui
ferait penser à la Bretagne. Après j'ai pris un poulet à un
restaurant avant de m'enfourner dans le parc national, en direction
de Friendly Beaches mais en tournant sur la droite par un chemin non
fléché, après le le panneau d'information. Il était trop tard
pour espérer trouver un endroit libre où mettre ma tente, alors
j'ai dormi en pleine forêt sous les eucalyptus qui ont embaumé
l'air pendant mon sommeil.
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