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samedi 21 janvier 2012

The Tarkine




The Tarkine est la plus grande forêt pluviale tempérée d'Australie et la seconde de par le monde. C'est aussi la plus grande région sauvage qui ne soit pas classée parc national. Elle figure en recommandation sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Ce sont des forêts impénétrables constituées d'eucalyptus, de myrtes géantes, de fougères arborescentes, de hauts résineux et parcourues de nombreuses rivières, qui forment ce qu'il reste de la forêt primaire à l'époque du Gondwana, il y a quelques 65 millions d'années. C'est dans cette région que l'on rencontrait le tigre de Tasmanie, espèce éteinte depuis longtemps. Le meilleur moyen pour visiter cette région ô combien sauvage est de le faire par une balade en bateau le long de la rivière Arthur. C'est ce que j'ai fait.
Je suis passé tout d'abord à la boutique de AR Reflections River Cruises tenue par Kaye pour laisser mon ordinateur à charger. Je me suis vu offrir un thé avec des biscuits. Nous avons un peu discuté, je suis le premier français qu'ils voient par ici. 
Normal, le site ne figure sur aucun guide de tourisme français, encore un truc passé à la trappe. Et la région est si difficile d'accès, coincée au nord ouest par une route qui demande des heures de patience que cela a de quoi en dissuader le plus grand nombre. Seul mon guide « The rough guide to Tasmania » en parle. Un bon bouquin de 390 pages dans lequel je suis toujours plongé. Nous avons parlé de la crise en Europe, qui faisait qu'ils ne voyaient plus d'européens venir, seuls les allemands résistent encore. Je lui ai confié que j'avais fui la crise et l'austérité en m'offrant une cure d'exploration rafraîchissante autour du monde. Elle m'a répondu que je devais avoir un bon boulot pour me le permettre. Pas tant que ça, en fait je dépense peu et investis tout sur les voyages, un tiers de mon salaire. D'autres préfèrent engloutir cette somme dans des crédits immobiliers à enrichir un système de truands : banques, état, municipalités... Question de choix ! 
Les gens pensent que je suis radin. En fait je suis économe et déteste dépenser de l'argent dans quelque chose de futile qui ne m'apporte pas de plaisir. C'est différent. Alors j'économise et cela me permet ensuite de financer un voyage comme celui ci. Je ne pense pas qu'un radin partirait faire un tour du monde, claquant des milliers d'euros dont à la fin il ne restera rien à part des souvenirs. Et si je voyage autant que possible en camping sauvage c'est que la formule me plaît. Je suis libre d'aller où je veux quand je veux et de m'arrêter n'importe quand, sans devoir subir des « c'est complet » et payer des fortunes dans des chambres d'hôtel desquelles je ne verrai rien puisque je dors, si je peux, car le plus souvent c'est bruyant et on doit se farcir les allées et venues d'autres personnes qui n'ont pas le même rythme de vie que soi. Le camping sauvage c'est l'aventure, la liberté et le contact avec la nature. Les animaux vont et dorment où ils veulent. Pourquoi nous a-t-on enlevé ce droit ?



Nous sommes 9 à partir en croisière ce matin. Départ à 10h15. Le bateau a un pont supérieur qui offre une vue à 360 degrés, à la différence du bateau d'une autre compagnie qui propose cette excursion. C'est pour ça que je les ai choisis, avec le fait aussi que la sortie dure plus longtemps que l'autre. Nous avons été accueillis par Rob, un petit vieux sans âge, alerte mais un brin maniaque. Son bateau c'est quelque chose. D'emblée il m'a demandé de me mettre à tel endroit pour équilibrer le navire. Il faut aussi s'essuyer les pieds avant de monter. Le reste de la troupe c'est un père avec ses deux enfants, sa femme étant restée à terre car malade et 4 vieux en goguette d'Adélaïde. Que des australiens. Après avoir fait un bref tour vers l'embouchure de la rivière, qui passe entre des dunes de sable jonchées de troncs d'arbres morts et de bois flotté, battues par un vent cinglant et glacial, nous avons fait demi tour pour pénétrer dans la forêt. L'aventure pouvait commencer...
D'autres personnes ont choisi une autre formule pour explorer, en kayak. Pourquoi pas, mais alors que nous somme partis pour pénétrer 15 kilomètres plus loin, je ne pense pas qu'ils puissent en faire autant. Et en plus au retour ils ont dû se farcir le vent contraire et je pouvais les voir faire du surplace. Certains avaient d'ailleurs renoncé, ayant lâché la pagaie et se laissant dériver en arrière. Je ne sais pas commet ils sont rentrés... Les berges de la rivière regorgent de gros oiseaux perchés dans les branches, immobiles, scrutant la surface de l'eau, prêts à bondir. Il y avait une vieille fripée qui ne devait pas être fripée de la paupière car elle était toujours la première à les dénicher, sans jumelles, pendant que je mettais une éternité à discerner quelque chose dans la direction de son index pointé. Un vrai œil de lynx ! On devait voir des martins pécheurs, ils n'étaient pas de sortie aujourd'hui. En suppléants on a eu des hérons et des aigles de mer qui font des nids entre les fourches des eucalyptus hauts comme un étage d'immeuble et qui doivent leur demander un boulot monstre à construire. Tout ça pour des rejetons sûrement vilains et déplumés, tout gris qui ne cessent de piailler !
De temps en temps Rob montait sur le pont pour voir si tout allait bien. Il m'avait pris en sympathie et ce n'est pas de chance. Je ne comprenais rien à ce qu'il me disait. Même accent que les kiwis, sans doute la même souche. A même climat, mêmes origines. Sans doute des descendants gallois. Alors que les australiens je les comprends assez (ça dépend un peu des coins, j'avais aussi un peu de mal avec les vieux d'Adélaïde, à moins que ce ne soit parce qu'ils sont vieux et que leur dentier les empêche d'articuler!), c'est une autre paire de manches avec ceux de Tasmanie. Je ne sais pas comment on dit : un tasmanien, un tasman, un tasmaniaque ? Aucun n'est reconnu par mon correcteur orthographique. Toujours est il donc que Rob me parlait pendant que je souriais niaisement comme une potiche. Sauf que ça ne suffit pas. 
Car comme il dit tout sur le même ton monocorde je ne savais jamais quand il y avait une question, jusqu'à ce qu'il répète, la deuxième fois plus fort, comme si j'étais sourd - sans doute une habitude qu'il a prise avec ses amis ! Comme je ne comprenais pas mieux dit plus fort, les autres venaient à la rescousse et me décodaient par juste un mot, ou un geste, une mimique, comme quand Rob m'a demandé si j'étais allergique aux abeilles et que quelqu'un m'a fait « bzzz » en piquant son bras en même temps. Ah le langage corporel, heureusement qu'il est universel! Ça me rappelait le jeu « motus ».
La rivière est pleine de méandres et avec toute cette forêt tout autour on pourrait se croire en Amazonie, si ce n'était la différence des espèces végétales. Un avant goût aussi d'une balade safari sur une rivière que j'aurai à Bornéo. Mais cette fois ce sera pour voir des créatures. Rendez vous fin mars... 
L'eau de la rivière est couleur rouille, couleur thé bien infusé comme dit le guide. Au bout, la rivière se rétrécit et se scinde en deux bras. Nous nous sommes arrêtés là, ou plutôt nous avons fait demi tour car c'est l'endroit où l'autre bateau, amarré, s’arrête pour le déjeuner et une balade dans la forêt. Pour nous, on a la même chose, mais plus bas. Il y avait deux aigles de mer tout en haut des arbres, sentinelles de la jungle. C'est gros comme oiseau. Tandis qu'on faisait demi tour, ils nous ont suivi et même devancé. Rob jouait de la corne de brume. Cela ne semblait pas les effrayer mais être un signal. Car j'ai rapidement deviné le jeu. Nous nous sommes arrêtés dans un grand virage et Rob a jeté à l'eau deux poissons. D'abord timides, volant de branches en branches, les aigles ont fini par se jeter dans le vide avant de foncer sur le poisson en ayant fait une approche en demi cercle. 
On dit qu'un oiseau c'est con, ceux là étaient plutôt intelligents : ils s'étaient envolés quand on a fait demi tour car ils savaient qu'ils auraient à manger juste après. Comme la croisière a lieu tous les jours, je suppose que Rob fait la même chose tous les jours à la même heure.
Pour le déjeuner, on a eu droit à un buffet sorti d'un réfrigérateur posé sous un abri dans la jungle. A se demander comment il fonctionne ! Le buffet comprenait des concombres, des tomates cerises, des raisins frais, des abricots secs, des pruneaux pour accompagner un assortiment de succulents fromages de Tasmanie. Tout cela avec différents vins à disposition, rouge comme blanc. Il y avait aussi des sandwichs sous forme de toasts de pain de mie coupés en triangle et farcis aux œufs, à la tomate ou au jambon. C'était succulent. 
Le fromage avec des crackers, surtout celui avec des morceaux de poivre, ça se mange jusqu'à épuisement du stock ! Avant le café j'ai été interrompu par des wallaby (j'ai confirmation que ces marsupiaux qu'on trouve écrasés ne sont pas les vrais kangourous bien qu'ils se déplacent de la même façon), qui sont venus, attirés par l'odeur du buffet. D'abord la mère, puis les deux petits qui suivaient plus loin, se chamaillant, debout sur leurs pattes arrières et se donnant des coups de boxe. C'était trop drôle à voir. J'aurais pu passer la journée à les contempler, avec leur ventre qui tire vers le gris clair et l'ocre quand ils se lèvent. Leur fourrure a l'air toute duveteuse, on a envie de les caresser. Les deux gosses étaient aux anges, n'arrêtant pas de rigoler, charmés par leurs mimiques qui fait un peu penser aux écureuils. J'ai été tiré de ma contemplation par Rob qui m'a tendu un livre, une sorte de mini album photo. Dedans figurait sur chaque page une photo d'un arbre ou arbuste avec un numéro. Car il était l'heure de la balade en forêt.
Peut être qu'avec lui dans les buts on aurait gagné!
Le parcours, sorte de balade botanique auto guidée, s'enfonce dans la forêt pour être au plus près de la nature sauvage et peuplée de chants d'oiseaux aux mélodies infinies. Tout le monde se taisait. On peut revenir ici dans des milliers d'années, rien n'aura changé, il y a des millions d'années c'était pareil. Quand on y pense c'est fascinant, plus qu'une ruine d'un monument humain. Ici ce sont des ruines naturelles qui se régénèrent constamment. La nature est une merveille. Le sentier longe un petit cours d'eau couvert de mousses et de fougères géantes. On se croirait dans le film « Avatar ». Je ne saurais décrire la beauté de l'endroit, c'est unique à vivre et j'en avais encore des frissons et la larme à l’œil. Rob au retour nous a demandé comment c'était, je lui ai répondu : « Fantastic ! ».
J'ai eu raison de faire cette croisière, je la recommande à tous ceux qui veulent venir en Tasmanie, c'est hors des sentiers battus et on se sent vraiment pris par les éléments et on osmose avec la nature. Apparemment pas pour tout le monde car les deux gosses ont passé le temps sur le bateau à jouer à des jeux électroniques, en bas, sans rien regarder. Leur père les appelait tout le temps pour qu'ils viennent sur le pont regarder le paysage et les aigles de mer. Pour moi, j'étais scotché sur le toit, faisant des allers et venues, passant par dessus les jambes allongées des vieux assis qui me disaient « Maybe we are too old for this ! », ce à quoi je répondais « Oh no ! ». J'espère pouvoir voir ça jusqu'à mon dernier souffle. Aussi longtemps que j'aurai la force de faire un mouvement je passerai ce temps dehors, à voyager, à explorer, à goûter aux joies de la nature. Je le promet !





4 commentaires:

  1. je vois votre article quelques années après sa parution. peut être êtes vous toujours en balade ? je vous le souhaite. je recherchais des témoignages sur cette région, mourant d'envie de la découvrir. Et votre article a confimé cette envie. merci.

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    1. Merci! Oui c'est un très bel endroit qui rappelle la Nouvelle Zélande. Vous ne regretterez pas la Tasmanie. Je continue à voyager mais sur un autre blog. Celui ci était destiné au tour du monde. wildworldtrip.blogspot.com

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