La péninsule Tasman est
seulement à quelques dizaines de kilomètres d'Hobart. L'accès est
donc facile et assez fréquenté. Mais les gens y vont tous pour voir
Port Arthur, une espèce de ruine de prison qui attire des bus
entiers venus de tout le pays. J'y ai fait un saut, j'ai vu de loin
des façades, des gens qui marchaient autour au milieu d'un gazon
bien tondu et je suis reparti. Des ruines quoi ! Je suis bien
plus intéressé par les curiosités naturelles que pour voir des tas
de cailloux censés raconter une histoire.
Quand on arrive sur la
péninsule, on ne réalise pas vraiment. On circule autour de champs
à vaches aux herbes folles jaunies avec des bras de mer qui passent
de temps en temps. Une certaine idée de la Bretagne, le temps en
mieux. Les choses deviennent plus intéressantes dès que l'on arrive
à Eagleye Neck, un goulot d'étranglement qui dessine une belle
baie, Pirates Bay, cerclée de forêts d'eucalyptus que l'on traverse
après des panneaux indiquant des traversées de diables de Tasmanie.
La côte au delà devient très escarpée et modelée par de hautes
falaises qui atteignent 200 mètres, les plus hautes d’Australie.
Pour aller admirer cet endroit, il en coûte 5 heures de randonnée.
Comme je n'avais pas le courage - je crois que ma randonnée au lac
Saint Clair a annihilé toute ma volonté - je me suis contenté de
deux curiosités que l'on rejoint en 10 minutes de marche, Tasmans
Arch, un trou dans la falaise, bien clôturé pour qu'on ne tombe pas
dedans, relié à la mer par une trouée qui forme une arche ;
et Devil's kitchen, une faille dans laquelle pénètrent les vagues
avec fougue et écume. Devil's kitchen est plus impressionnant, quand
on se penche en avant on ne peut qu'avoir le vertige. Ces deux
endroits ont la même origine : des grottes marines, qui se sont
élargies. L’érosion progressant, le travail de sape a provoqué
la chute d'une partie du toit de la grotte pour Tasmans Arch, tandis
que pour Devil's kitchen, tout le plafond s'est effondré.
Le
phénomène remonte à l'âge du Permien, c'est à dire il y a très
longtemps. La côte à partir de Tasmans Arch est incluse dans le
Tasman National Park. On peut explorer plus loin, soit par la
randonnée de plusieurs heures, soit au moyen d'un bateau des
nombreuses excursions proposées au départ de Pirates Bay.
En continuant la route en
direction de Port Arthur, je suis passé devant un centre
d'observation de diables de Tasmanie avec en photo de devanture un
adorable bébé galopant dans les prés pour attirer le chaland. J'ai
tracé ma route, je ne suis pas fan des zoos où tout est servi sur
un plateau d'argent sans que l'on ait besoin de chercher par soi
même. Je préfère prendre le temps de débusquer les bestioles ou
de tomber dessus nez à nez par le plus grand des hasards. D'un autre
côté c'est mon dernier jour en Tasmanie et ce serait bête de
manquer cette ultime occasion d'en voir un, puisqu'il est très rare
d'en voir dans la nature. Du coup j'ai fait demi tour.
Le zoo se veut un non zoo
et en ce sens il a bien réussi son pari. Il n'y a pas que des
diables de Tasmanie, on y rencontre aussi des kangourous, des
écureuils mouchetés qui dorment en tas au creux d'un tronc mort,
des espèces de loirs, des wallabys... Tout est contenu au sein d'un
grand domaine à cheval entre prairies et forêts, en bordure d'un
bras de mer. En fait le concept c'est que les animaux sont en liberté
dans ces espaces et on pénètre à l'intérieur par un sas qui évite
aux animaux de s'échapper. Il n'y a que les diables qui sont
contenus dans un espace cerclé de murets de pierre. Et il vaut mieux
car la bête n'a rien d'un ange ! On peut le voir de plus près
dans un autre enclos où l'on pénètre dans une bulle dans laquelle
on peut se tenir debout, par un tunnel souterrain où l'on rampe à
quatre pattes et qui mène au centre de leur réserve. L'entrée est
désignée par un ironique panneau « Enter at your own peril ».
Quand j'y ai pénétré, je me suis retrouvé nez nez avec le diable,
mais il roupillait ! J'avais beau taper sur la vitre en
plexiglas de ma bulle, ça le laissait de marbre. Je l'ai donc laissé
à la sieste pour retourner à l'autre enclos où c'était l'heure du
feeding.
Il y avait trois diables,
un plus gros et deux jeunots qui passaient leur temps à se
pourchasser à vive allure, ventre à terre en grognant. Ce n'est pas
commode comme bestiole, ça montre les dents le plus souvent, ça
bave, ça ne supporte rien et c'est très trapu, leur donnant un air
pataud qui arrive à les rendre aimables. Quand le garde est arrivé
avec une boîte en polystyrène, ils sont devenus hystériques. Le
diable de Tasmanie est un marsupial carnivore de la taille d'un
caniche, comme ce que j'avais crû apercevoir, qui vivait auparavant
dans toute l'Australie et qui ne survit plus qu'en Tasmanie, comme
son nom l'indique.
Il est en voie de disparition, d'autant plus qu'il
est victime depuis quelques années d'une tumeur cancéreuse de la
face, transmissible par contact (entre eux j'espère) qui a décimé
60% de la population. Les scientifiques du monde entier se penchent
sur la question pour savoir quel est l'agent qui provoque ces cancers
et réfléchissant au moyen de les soigner. Le diable ne vit que 5
ans alors que les kangourous vont jusqu'à 15 ans, ce qui est très
peu. La gestation ne dure que 19 jours et la femelle peut mettre bas
24 embryons en même temps mais seuls les 4 plus rapides survivront
car dans leur poche il n'y a de la place que pour 4. Sans doute une
sélection naturelle pour être sûr d'avoir à la fin des petits
bien vigoureux. Les bébés restent ensuite dans la poche 8 mois, ce
qui fait beaucoup dans une vie de diable !
Quand le garde à ouvert
la boîte il nous a toute de suite prévenu qu'après cela on ne les
trouverait plus jamais mignons. Il en a extrait une cuisse de
kangourou, pauvre bestiole sacrifiée pour nourrir des monstres
minuscules à côté. Les diables faisaient des bonds pour essayer de
saisir le cuissot en grognant de plus belle. Au moment où le garde
a tout lâché, ils se sont jetés dessus dans une frénésie folle,
comme des piranhas dans un film d'horreur. Ils étaient tous les
trois à tirer dessus, voulant garder le morceau entier pour
eux-mêmes, dépeçant les chairs à la force de leurs mâchoires, en
tirant dessus. L'un d'entre eux a même réussi en tirant à scalper
la peau de la bête et s'est régalé en l'engloutissant, fourrure
comprise. Ils ne font pas de chichis et bouffent tout, que ça soit
roulé dans la terre, traîné, souillé, ils s'en moquent. Un autre
avait réussi à garder la meilleure partie du jambon et a tout
mangé, brisant les os à la force de ses dents que l'on entendait
craquer.
Ils n'ont rien laissé, après même pas dix minutes il ne
restait plus une miette, que des gros ventres bien repus. En fait le
diable de Tasmanie est un charognard mais je n'aimerais pas me
retrouver nez à nez avec dans la nature, il a l'air d'avoir un
appétit très vorace.
A côté, les kangourous
sont bien plus paisibles, avec leur faux air de chameau, on dirait
qu'il sourient tout le temps. Sans doute habitués à ce que les gens
s'en approchent, j'ai pu venir au contact de l'un d'entre eux sans
que ça le gêne le moins du monde. Pourtant s'il avait voulu, il
aurait pu m'en coller une aisément, avec ses pattes avant garnies de
griffes très acérées. Je l'ai caressé entre les oreilles, ça a
la fourrure rêche comme un paillasson ! Et je ne saurais dire
s'il a apprécié ou non.
Il y avait aussi un couple allongé à
l'ombre avec un petit devenu trop grand pour rester dans sa poche,
qui faisait des contorsions pour y rester, tout panards dehors. Je
suis resté plus de deux heures dans le zoo mais pendant ce temps
l'heure tournait et j'avais encore le tour de la péninsule à
poursuivre. Je n'étais pas venu pour voir des bestiaux.
Aussi le déjeuner s'est
résumé à un vague arrêt dans une aire de jeu pour mômes pendant
que je m'agaçais à devoir perdre du temps à manger. Avant je le
faisais dans la voiture, tout en conduisant mais j'ai lu les
conditions générales de location et il y a tout un chapitre
illustré avec ce qui est acceptable de ce qui ne l'est pas et
apparemment rien n'a l'air acceptable. En gros il faut rendre le
véhicule dans l'état où on l'a eu ! Dure tâche sachant qu'il
était quasiment neuf. Seulement, 1800 kilomètres plus tard, avec la
Western Explorer et 10 jours à vivre dedans, l'état laisse à
désirer.
Il a donc fallu que je la nettoie un peu, à l'aide
d'essuie-mains en papier pris dans les toilettes publiques et d'un
peu d'eau que j'avais remplie dans un bidon. J'y ai passé plus d'une
heure pour effacer toute trace de poussière car à la lecture du
contrat il est également stipulé qu'on n'a pas le droit de conduire
sur des chemins non goudronnés. Et comme la Tasmanie est pleine de
ces pistes, à mon avis c'est la première chose qu'ils vérifieront.
Mon arrêt d'après
c'était White Beach, qui vaut bien son nom, protégée au fond d'une
crique, à l'abri du vent et donc très peuplée de familles,
d'autant plus qu'on est samedi. J'y suis juste resté le temps d'une
photo. Ensuite, à Port Arthur j'ai voulu monter en haut d'un point
de vie mais il était fermé. Je suis donc retourné à Pirates Bay,
espérant avoir une heure de répit sur la plage avant de rentrer,
car il était déjà près de 17 heures.
J'ai des journées bien
remplies, debout entre 5 et 6 heures, coucher après 21 heures, en
n'arrêtant pas de crapahuter entre les deux. A force une certaine
fatigue s'installe mais qui s'éclipse devant l'excitation de la
découverte. A Pirates Bay, le vent soufflait de côté mais j''ai
quand même pu faire une petite sieste d'une demi heure avant d'être
réveillé par le froid. J'ai donc quitté la péninsule pour me
rapprocher de l'aéroport.
Juste à côté de
l'aéroport il y a une belle plage, 7 Miles Beach, bordée de dunes
et de pins. J'ai facilement trouvé un endroit où planter la tente,
sous les pins. Mais le long de la piste que j'avais emprunté il
n'arrêtait pas d'y avoir du passage de pick-ups qui allaient Dieu
sait où et qui revenaient ensuite. En plus je devais être juste à
côté d'un héliport car cela faisait plus d'une heure qu'un
hélicoptère faisait des tours de piste sans jamais vouloir s'en
aller. Pire qu'un taon qui tourne en rond !
Ça m'a rappelé
quand j'avais dormi en Nouvelle-Zélande au sud de Ninety Mile Beach
et que j'avais été réveillé par un hélicoptère qui faisait
mumuse. Comme je ne voulais pas renouveler l'expérience, je me suis
arraché de là, surtout que je disposais de peu de temps pour dormir
ce soir. Mon vol demain pour Adelaïde est à 6h05 et je dois être à
l'aéroport ¾ d'heure plus tôt, quelle idée ! J'ai donc dû
mettre le réveil en route.
YTrop beau tes diables bise t&b
RépondreSupprimerJe me donne du mal! Je sais qu'il y a de l'attente au portillon!
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