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samedi 24 mars 2012

Poring Hot Springs


Je vous présente Laurent Houtan!
Si hier je disais que question bestioles il faudrait attendre, la semaine prochaine a de l'avance ! J'ai eu un invité de marque inattendu, une pointure ! A dégoûter d'aller faire un safari animalier. Le clou de l'aventure se dévoile avant l'heure, ce n'est pas du jeu. Vous aurez reconnu de qui il s'agit, inutile de dire ce que c'est. Tout le monde a vu « La planète des singes ». Eh bien comme dans le film le monde était inversé aujourd'hui. Nous étions dans une cage tandis que l'animal se baladait comme chez lui. Normal c'est son domaine, ce n'est pas un hôtel rapporté qui va changer ses habitudes ! Vous voulez savoir comment je me suis retrouvé nez à nez avec ça, eh bien il faudra lire jusqu'au bout ! Le suspense est insoutenable. Pendant que j'écris, il est 20:01 et j'entends un truc gratter à la fenêtre. J'ai peur de tirer le rideau pour voir de quoi il s'agit... L'endroit où je suis est hors norme, c'est une jungle démesurée où tout est énorme. J'ai l'impression d’être un lilliputien.
La nuit dernière je pensais que le type de l'accueil s'était trompé. J'attendais jusqu'au dernier moment pour gagner la chambre, m'attendant à trouver un intrus. Pas du tout, j'étais bel et bien seul. Sans doute une annulation de dernière minute. Seulement, vers les coups de minuit, j'ai été réveillé par des conversation sous la fenêtre. Il y avait un groupe d'asiatiques qui faisait du sitting, attendant je ne sais quoi, peut être une ascension nocturne. J'ai tapé au carreau question de manifester qu'il y avait du monde de l'autre côté. Ça s'est calmé quinze secondes puis ça a recommencé de plus belle, sous l'autre fenêtre. N'y tenant plus, je suis allé voir ce qui se passait dehors. J'avais mes couches pour me tenir chaud, plus ma cape en polaire qui me couvrait des pieds à la tête. Ils m'ont regardé des pieds à la tête comme si j'étais le yéti, sans mot dire. Je leur ai demandé ce qu'ils faisaient là et ils ont répondu qu'ils cherchaient les chambres 3 et 4 mais qu'il n'y avait personne à l'accueil. A cette heure là, tu m'étonnes, tout le monde dort. Je leur ai montré les chambres, au fond du couloir, restées ouvertes. Ils ont compté les lits, il y en avait 4 plus 6, ça ne faisait pas le compte, ils étaient 12. Je leur ai dit qu'il y avait problème, en passant sous silence que j'étais dans un dortoir de 4. Je n'avais pas envie d'avoir de la compagnie au milieu de la nuit. 
Des rafflésias à différents stades
Je suis donc allé me recoucher. En moins d'une minute, ils ont frappé à ma porte, me montrant un plan avec les chambres 3 et 4 stabilotées. Oh les cons ! Ils n'étaient pas dans le bon bâtiment. Soulagé, je leur ai dit d'aller voir ailleurs, en leur indiquant par où passer. Ils ont fini par déguerpir mais un autre groupe est arrivé et s’est installé dans les chambres du fond, avant de se réunir dans le salon commun, en bavassant et rigolant à n'en plus finir. Ce matin à 6 heures, j'ai essayé de faire du bruit pour les emmerder, vu que le respect ils ne connaissent pas, comme à chaque fois avec les groupes, mais tout seul on se fatigue vite de marcher en traînant les pieds et en claquant les portes. S'il y avait eu une télé je l'aurais mise à fond, mais il n'y en avait pas ! Je suis donc parti mettre mes bagages dans la voiture.
Surprise, ô désastre, la voiture n'est pas étanche ! 
Êtes vous aussi souple?
Le coffre n'était qu'une flaque dans laquelle baignait les papiers de mes réservations, les cartes postales, différentes souvenirs et un livre de Palau encore emballé. L'appareil photo acheté en Nouvelle-Zélande était aussi dans le bain. Par miracle, comme je ne l'avais pas déballé, il était dans un étui qui l'a gardé au sec. En revanche j'ai dû jeter tous les papiers, la carte d'Australie et le livre de Palau a pris l'eau et je ne sais pas si je vais réussir à le sauver. Je l'avais acheté le jour de mon départ après avoir vu sur internet qu'aucun site ne le proposait à la vente. C’est pour cette raison que je me le coltine depuis. Les pages sont toutes collées comme une revue cochonne mais dans un autre genre. J'ai essayé de les séparer et de les faire sécher une à une derrière le pare brise. C'est une horreur, il est tout gondolé, plein d'auréoles, la reliure fout le camp et il est quatre fois plus épais qu'à l'origine. Il ne ressemble à rien, on dirait un chou fleur. Je ne sais pas si je vais le conserver. On verra une fois qu'il sera complètement sec si je peux le mettre sous presse pour lui redonner un semblant d'aspect de livre. A louer une vieille guimbarde, voilà ce qui arrive, les joints ont lâché.
Aujourd'hui, nouvelle direction, je quitte les montagnes et le froid pour gagner Poring Hot Springs, toujours dans le parc mais plus bas, à une heure de voiture de Mesilau. Le Petit Futé n'en dit pas vraiment du bien. Mais je me devais d'y faire un saut, il y a des panneaux qui fleurissent sur les bords des routes indiquant qu'ils ont actuellement une rafflesia de fleurie. Et puis c’est aussi à cet endroit que l'on trouve un itinéraire avec un pont suspendu au dessus de la canopée pour se sentir comme un singe. Dès que je suis arrivé, j'ai filé direct au jardon tropical pour admirer la rafflesia. En guise de jardin tropical, ça ressemble plus à une cage pas bien grande où la seule attraction est une fleur unique qui émerge de la terre avec deux boutons des prochaines fleurs qui ressemblent à des grosses fèves. Je m'attendais à voir une fleur plus grande, le spécimen que j'avais en face de moi était une soucoupe de 50 cm de diamètre. 
Cherchez pas la tête, il l'a perdue!
On ne peut pas dire que la fleur soit très jolie, ça fait moulage en plâtre, façon cendrier en pâte à sel de maternelle. Et l'odeur... Ça pue mais c'est soutenable, ça sent en fait le champignon en décomposition et comme prévu des mouches sont dedans en train de batifoler dans une espèce de liquide nauséabond. La plante n'a pas de racine, pas de feuille, pas de chlorophylle. Mais comment vit elle alors ? La rafflesia fait partie d'une famille de 55 espèces réparties en 8 genres qui sont toutes parasites. Les parties non florifères vivent à l'intérieur des tissus de leur hôte, rassemblées en chaînes cellulaires, un peu à la manière d'un champignon. La plante est donc entièrement dépendante de son hôte pour la fourniture en eau et nutriments. La rafflesia que vous voyez parasite uniquement des lianes. C'est une fleur extrêmement rare qu'il me devait de voir une fois dans ma vie.
Bon, qu'est ce qu'on mange?
Tandis que je prenais des photos sous toutes les coutures, essayant de trouver un angle qui rendrait la chose plus appétissante, j'ai senti de l'agitation autour de moi. Des gens du personnel accouraient et mon guide affolé a refermé la porte de la cage derrière nous. J'ai regardé pourquoi. Et c'est alors que j'ai vu ce gros orang-outan sorti de nulle part qui venait vers nous, essayant de rentrer dans la cage. Il s'est assis devant la porte comme un chien. C'était le monde à l'envers. Il était libre et nous, enfermés dans une cage pour se protéger. Le guide m'a dit qu'il pouvait être agressif de temps en temps. Ce n’est pas las première fois qu'il le voit, il a l'habitude de roder. J’étais excité, voulant aller dehors pour le prendre en photo. La rafflesia n'avait plus aucun intérêt comparé à cette bestiole. L'orang-outan a fini par grimper sur le sommet de la cage et le guide est sorti pour aller se mettre à l'abri dans une maison juste en face, me laissant là, la cage ouverte ! Sauve qui peut ! 
Le singe ne m'avait pas l'air très méchant, plutôt nonchalant et j'ai attendu qu'il descende de là haut. Il prenait sont temps, prenant quelques poses au passage pour mon plus grand plaisir. Puis il a poursuivi son chemin comme si de rien n'était. Il n'avait pas l'air intéressé par ma présence. Ça marche sur ses quatre pattes, les poings fermés. Je l'ai suivi, je n'allais pas le lâcher de si tôt. Il s’est rendu devant ma voiture et alors que je pensais qu'il allait monter dessus pour mieux sauter et défoncer le capot, il a préféré s'asseoir à une table de pique nique comme attendant qu'on lui serve à manger, les poings sur la table. C'était trop drôle.
Des touristes qui se promenaient par là ont été attirés en me voyant m'agiter en tout sens devant quelque chose. Ils étaient également enchantés. Ce n'était pas prévu au programme. 
On n’est pas dans un zoo ou un centre de réhabilitation, le singe vit bien à l'état sauvage et ils sont si rares que je me sens encore plus chanceux. Quand je pense que la semaine prochaine j'ai prévu de passer deux jours près d'un centre de réhabilitation d'orangs-outans trouvés blessés ou orphelins, toujours plein de touristes venus assister aux feeding, je me demande ben pourquoi. Maintenant que j'en vois un sous mes yeux sans grille et monde autour, c'est bien mieux. Il va peut être falloir que je change mon programme... L'orang-outan faisait le beau, se roulant sur le dos sur le banc en nous regardant d'un œil ou grimpant aux arbres en se laissait suspendre par un bras. C’est vraiment gros comme bestiole. Ça a la taille d'une petite vieille tassée et voûtée, en bien plus lourd. Si ça voulait ça pourrait nous piétiner. C'est couvert de longs poils qui pendouillent comme des cheveux. 
On dirait une roumaine. Qu'on lui donne une pièce!
Il aurait besoin d'un bon coiffeur, avec se frange sur le front on dirait Kelly Rowland ! J'ai évidemment pris des vidéos mais vous ne les verrez pas, la connexion ici est si lente que je ne peux même pas me connecter à des sites qui mettent du temps pour répondre, comme Facebook. A la moindre page qui s'affiche, je vois toutes les sous adresses apparaître avec des messages « en attente de réponse de...», comme du temps des débuts d'internet avec des modems qui faisaient de la musique...
Au bout d'un moment il s'en ait allé pour se diriger vers un jardin de conservation pour orchidées. Les autres l'ont lâché, moi je l'ai suivi, n'en ayant pas fini avec lui. Et j'ai bien eu raison. Le jardin était fermé par une grille comme celles d'un parking. Preuve que ce n’est pas bête, il a passé la main entre les barreaux pour dégager le loquet puis a tiré la grille sur le côté comme on l'aurait fait. Je m'attendais à ce qu'il la referme derrière lui mis il ne l'a pas fait. 
Il est allé s'asseoir dans la végétation, jouant avec un sac en pastique de terreau qu'il a vidé pour mieux le remplir. Ensuite il s'est fait un nid, cueillant les plantes autour de lui, des espèces de trucs grimpants, qu'ils piétinaient ensuite avec son poing pour en faire une couche. C'est là où j'ai fait mes plus belles photos. Ça faisait très « Gorilles dans la brume ». Je suis même étonné du résultat et de ce qu'un appareil photo compact peu faire. On dirait des photos de professionnels armés de longs zooms encombrants. A Bornéo pas besoin, la nature vient à nous ! Vous comprenez maintenant mieux pourquoi je suis venu à Bornéo...
Poring Hot Springs est un complexe volcanique où des sources d'eau chaude sulfurisées émergent en un pet du trou du cul du Mont Kinabalu. C'est par là que ça se passe ! 
Du haut de la canopée, c'est moi le singe!
C'est noir de monde. Il faut dire qu'un samedi ça n'arrange pas les choses. Ils ont aménagé des espèces de baignoires en plein air carrelées et profondes avec des robinets d'eau froide et d'eau chaude séparés pour faire un mélange à sa guise. Ça ne fait pas très naturel et il faut attendre longtemps avant d'en avoir une qui se libère, pour avoir une eau trouble avec des trucs qui flottent, des restes de bouffe. Ce n’est pas très engageant. On retrouve ici Sutera Sanctuary Lodges qui offre un hébergement comme à Mesilau ou Mont Kinabalu. J'ai prévu d'y passer la nuit. En plus ils font camping, en lisière de jungle. Je suis passé devant en descendant du jardin tropical, c'est très bien, il y a des pelouses loin du chemin, pour trois fois rien, 50 ringgit (12 euros). Seulement à la réception ils m'ont dit que la nuit dernière il avait beaucoup plu et que je serais mieux dans un dortoir dont ils me faisaient un prix, petit déjeuner inclus. 
J'ai dit que je préférais la tente, que c'était plus l'aventure, que j'aimais mieux entendre les sons de la jungle en dormant. Mais à mesure que je remplissais le formulaire je réfléchissais. Ça m’emmerdait un peu de devoir monter la tente, déballer le matelas, juste pour une nuit, en devant remballer demain une tente sûrement mouillée qu'il faudrait que je sèche avant. Et puis, je n'y avais pas pensé, mais avec un orang-outan en libre service, je ne tenais pas à avoir une visite nocturne, ma tente ne fait que pour une personne ! J'ai donc préféré opter pour le dortoir. Ils m'ont présenté une chambre avec un lit superposé, à l'écart du bâtiment, qui donne sur un jardin et non sur le chemin qui monte aux quartiers du personnel. Je suis tout seul là dedans, c'est pour cela qu'ils me font un prix, - 50%. Du coup avec le petit déjeuner compris, ça me revient moins cher que le camping. S'il n'y a personne la nuit c'est qu'il n'y a pas d'ascension possible du mont depuis ici. Les gens viennent juste à la journée comme ils iraient à la piscine et s'en retournent le soir. Une fois les baignoires fermées c’est très paisible.
Il ne faut pas avoir le vertige
Le froid que j'avais subi ces derniers jours est à présent bien fini, j'ai même trop chaud, n’arrêtant pas de transpirer. Il n'y a pas d'air. Tout le monde s'essuie le front, les vêtements collés à la peau. C'est das ces conditions que je me suis rendu au pont suspendu au dessus de la canopée. Poring Hot Springs est en fait comme un parc d'attraction. Il faut payer pour tout : un droit d’entrée pour le parc, censé être pour la protection du site, puis ensuite selon les endroits que l'on veut visiter. Le chemin qui mène au départ du pont suspendu grimpe raide. Il faut monter tout en haut d'une colline à travers la jungle, en marchant sur un chemin boueux. Sur le parcours, j'ai croisé un arbre étonnant, gigantesque dont le sommet était une vraie œuvre d'art, très graphique. Les ramifications des branches étaient si parfaites qu'on aurait dit un dessin fait à l'encre de Chine. Avant de pouvoir prendre le pont suspendu il y a un garde qui limite le passage. 
Car on ne doit pas être plus de 6 en même temps sur une passerelle. Du coup ça fait la queue. Il doit bien y avoir 50 personnes devant moi, des groupes qui jacassent et des gamins qui braillent... Il y avait un groupe d'ados asiatiques (je ne sais plus dire de quel pays ils sont, même si les couleurs de peau changent ils ont tous les yeux bridés!) dont l'un d'eux a voulu se faire prendre en photo avec moi. Il faut dire qu'il n'y a aucun occidental dans le secteur, je suis donc comme un orang-outan en liberté qu'on prend en photo !
Les panneaux sont inscrits en malais et en anglais. Ainsi « 6 pax » donne en malais « 6 orang ». L'orang-outan serait il donc originaire de la Malaisie, avec un nom pareil ? Les gens sont un peu godiches sur le pont suspendu et ça n'avance pas très vite. Ils crient et rigolent quand le truc se barre de travers. 
Car la passerelle est une espèce de planche large comme un pied, suspendue pas des cordes reliées à des câbles, l'ensemble n'étant pas très stable. D'ailleurs l'attraction est déconseillée aux cardiaques et à ceux qui ont le vertige. C'est écrit en toutes lettres à l'entrée. C'est un bonheur que de marcher ainsi parmi les cimes des arbres. On a des points de vue extraordinaires sur les alentours et la jungle en contrebas. Quand on se penche on voit qu'on est vraiment très haut. Quand on regarde en revanche devant soit ça ne fait pas vraiment peur car il y a tellement de branches partout qu'on n'a pas l'impression d’être en hauteur. On se sent vraiment comme un singe et les ados derrière moi imitaient les sons des singes tout du long.
Après le pont suspendu je suis allé me prélasser dans une baignoire où je suis bien resté 1h30. J'ai même somnolé, réveillé par la tête qui roulait sur les épaules. 
Pourtant avec tous les cris autours ce n'était pas à proprement parler propice à se reposer. Mais j'étais si bien que j'ai pu faire abstraction. Avec mon maillot de bain je faisais tâche, les gens se plongeant tout habillés, surtout les femmes en tchador. Sur les coups de six heures, tout s'est tût, les bains ayant fermé leurs portes. Je me suis rendu au restaurant, niché en plein cœur de la jungle avec une belle terrasse face à une piscine. J'étais le seul client. Tout était parfait et si relaxant que je regrette de n'y rester qu'une nuit. La nuit prochaine je dois en effet rentrer sur Kota Kinabalu pour aller explorer les îles dont je parlais hier. La jungle ici est pleine d'insectes. Ça vole en tout sens et la nuit on doit se battre avec des trucs qui se posent sur les cheveux, les bras, le cou, le visage. En mangeant, j'en avais plein qui finissaient leur course dans l’assiette ou dans mon verre de bière. Il ne faut pas être chochotte pour venir ici. Moi j'aime bien. J'ai calfeutré ce soir la porte de ma chambre pour éviter que les insectes ne rentrent. L'intérieur du couloir en était plein, on marchait sur des trucs qui crissaient sous les pas. Je ne tenais pas à en avoir qui se baladent sur la peau pendant mon sommeil! J'ai un tour du monde fantastique, vous ne trouvez pas ? Chaque jour de nouvelles trouvailles. Ça ne vous donne pas l'envie d'en faire un ?

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