Ecole de Coring Bay, Collion Island |
Romi m'a demandé où
j'avais dormi la nuit dernière car il est passé dans la case où
tout le monde dormait dans le courant de la nuit et ne m'a pas
trouvé. Je lui ai dit la vérité : dans la jungle ! Je
dois passer pour un doux dingue. Je ne peux pas lui dire que c'est
pour être à l'abri des bruits du village, il ne comprendrait pas.
Les philippins sont nés là dedans aussi ils n'y ont jamais fait
attention. Mais pour nous citadins, on a un peu de mal, surtout moi
et mon sommeil particulier. Même les anglaises qui sont gaga des
chiens se sont mises à espérer le prochain campement sans chien ni
coq. Il faut dire que du haut de ma colline j'entendais ce matin que
ça chantait de tout côté comme un feu d'artifice. Le matin c'est
aussi le moment où je m'isole pour écrire le blog. Au début
j'essaye d'écrire depuis la grande table où l'on se rassemble pour
les repas mais dès que les gens se lèvent, c'est là où ils se
rendent pour commencer à discuter, me coupant l'inspiration. Du coup
je fiche le camp dans la nature et tout le monde se demande où je
suis passé.
Alva Island |
Pendant que nous prenions
le petit déjeuner, il y avait une case juste au dessus, pas plus
grande qu'un abri de jardin à outils, qui faisait office d'école.
Les cours avaient déjà commencé. Comme l'autre jour les gamins
étaient assis sur des chaises miniatures et pas très attentifs. Ils
regardaient au dehors, se tordaient sur leur siège en mâchouillant
ce qui leur passait devant, entraient et sortaient. Sur les murs en
rondins de bambou étaient affichés différentes posters, l'un sur
les nombres, l'autre sur les couleurs et même un avec les poissons
et leurs noms. Je n'ai pas souvenir avoir appris cela à aucun moment
à l'école. Ils commencent tôt. Tout comme l'anglais. Nous les
entendions chanter de petits airs. C’est une bonne méthode que de
commencer ainsi, bien plus intéressant que les traditionnels cours
de grammaire rébarbatifs avec lesquels on commence en France du
style « My tailor is rich », des trucs qui ne servent à
rien dans la vie de tous les jours.
Alva Island |
Après le petit déjeuner
on est sorti de notre bras de mer pour se diriger vers un village,
question de prendre du poisson et de la glace. Tous les jours nous
nous arrêtons acheter de la glace sur notre passage. Il y a toujours
un village qui en dispose dès qu'il possède un générateur. Les
gens étaient très accueillants et nous ont laissé voir tout ce
qu'ils faisaient comme si on faisait partie de la famille. Juste
quand on arrivait un bateau était là à décharger les poissons
qu'il venait de pêcher. Le pécheur était occupé à les vider sur
la plage. C'était un peu une boucherie, les poissons décapités
bougeaient encore. Après nous nous somme rendus dans une case avec
des balances regarder faire l'acheteur de poissons du village. Ils
ont un bon système, si certains poissons sont péchés au delà d'un
kilo, le prix baisse, afin d'éviter la surpêche qui serait pour eux
une catastrophe vu qu'ils ne mangent que ça. Je me suis un peu
éclipsé ensuite, préférant aller voir par moi même que de suivre
le groupe.
Epicerie typique, Alva Island |
J'étais pieds nus là dedans et avec ma blessure au pied
qui finalement m'handicape et s'infecte, je marchais un peu sur des
œufs pour éviter de me chopper un truc ou un parasite de clebs,
vous savez ce fameux ver qu'on choppe par la plante des pieds et qui
creuse des galeries dans le corps pour mieux sortir par un œil...Les
villageois me regardaient passer, j'entendais des « hello
fuser de toute part, on me souhaitait la bienvenue. Les mères
sortaient avec leurs jeunes enfants et les incitaient à poser. Je
leur ai montré le résultat et ils étaient très contents,
tellement qu'ils voulaient la photo. Sans doute qu'ils n'avaient
jamais vu un appareil photo car à moins d'avoir un polaroid... Et
puis je n'allais pas leur demander leur e-mail qu'ils n'ont pas !
J'ai passé un très bon moment dans ce village rempli de sourires et
de petits signes de la main. Avant de partir nous avons acheté un
coq. Il ne dit plus rien le pauvre, c’est comme s'il était devenu
une poule ! Il est coincé à l'arrière du bateau et doit se
demander ce qu'il fait là sur l'eau. S'il savait qu'il lui restait
12 heures à vivre, il s'échapperait de là bien vite. Car demain il
passe à la casserole pour le déjeuner.
Alva Island |
En parlant déjeuner nous
nous sommes arrêtés devant une plage et comme on avait une demie
heure de libre avant le repas, j'ai demandé à disposer d'un kayak
pour me rendre sur l’île. Comme il n'y a que deux kayaks, j'ai
proposé d'emmener du monde. Dès que j'ai posé pied à terre je
suis allé grimper direct sur tous les rochers qui traînaient par
là. Les photos rendent toujours mieux depuis un point en hauteur, ça
fait ressortir les couleurs de l'eau. Apparemment il n'y a que moi
qui ai dû le remarquer, les autres préférant faire des photos
depuis la plage. Il faut dire aussi que je cherche à chaque fois à
prendre des photos parfaites, préoccupation que tout le monde n'a
pas. Ainsi, de rocher en rocher, et deux sauts de cabri plus tard, je
me suis rendu compte qu'une autre plage se trouvait un peu plus loin
avec une pirogue sur le sable. Comme tout ça baignait dans des eaux
turquoises, je suis allé voir de plus près. Quand j'ai rebroussé
chemin, il n'y avait plus de kayak sur la plage. Ils étaient tous
rentrés se rassasier, m’abandonnant là. Sans doute avais je dû
mettre plus d'une demie heure. Quand je pars explorer comme ça je ne
me rends jamais compte du temps qui passe. Mais quand ils m'ont vu
m'agiter sur la plage comme un asticot, le jeune fils de Romi est
venu me chercher en kayak.
Galoc Chanel Beach |
Nous avions à manger une
grande marmite de légumes mijotés avec des crabes de terre ramassés
ce matin dans la mangrove pendant que je m'étais éclipsé pour
écrire. On avait le choix entre ça et du poisson. Du coup je n'ai
mangé que du riz. L'odeur qui régnait me levait le cœur et j'étais
à deux doigts de me lever de table. Ce qui n'était pas le cas des
autres qui en avaient plein les doigts, se régalant à triturer des
trucs maronnasses. Le crabe m'a toujours rebuté. Déjà par l'odeur
mais aussi pas l'aspect. Je crois que c'est surtout à cause de ça
que je fais un blocage. En général j'ai toujours droit au fameux
« Tu ne sais pas ce qui est bon », mais là je n'ai eu
aucune réflexion de la sorte, on me laisse tranquille. Ça donne
peut être l'impression de celui qui n'apprécie pas l'expédition,
ce qui n’est pas le cas. Ce n'est pas parce que je ne dis pas grand
chose et que je fais des trucs particuliers que ça veut dire que
j'attends avec impatience qu'on arrive au terme de l'expédition.
Galoc Chanel Beach. J'ai gardé le coquillage... |
Dans l'après midi nous
nous sommes arrêtés dans un endroit au large d'une île pour y
faire du snorkeling pendant que le bateau suivait, en raison du fort
courant qui régnait par là. C'était pour découvrir une épave et
de beaux coraux. Comme le temps était couvert et venté, je ne me
sentait pas trop d'humeur à me mouiller, aussi j'ai préféré
prendre le kayak pour aller voir du côté de la mangrove toute
proche. J'ai amené une anglaise avec moi à qui j'ai donné un cours
sur les palétuviers et l'écologie de la mangrove, un si bel exemple
d'adaptation de la nature à son milieu environnant. Je suis devenu
expert dans ce domaine. De pagayer ainsi dans la mangrove ça me
rappelait le Long Lake à Palau. Au détour d'un palétuvier on a
aperçu la terre ferme, un banc de sable qui reliait deux îles avec
une ou deux cases de pécheurs de part et d'autre, cachées par la
végétation. Les enfants sont venus vers nous, restant à distance
et nous regardant comme des bêtes curieuses. Il faut dire que je ne
suis pas sûr qu'ils soient déjà sortis de leur île ou de leur
mangrove.
Galoc Chanel Beach |
Et même si notre expédition passe par là régulièrement,
je ne crois pas que beaucoup de gens prennent le kayak et arrivent à
découvrir ce village caché, préférant aller voir l'épave.
J’étais très content de ma trouvaille et j'ai regretté d'avoir
laissé mon appareil photo à bord. Les habitants ont bien du mérite
à vivre là, sans électricité ni rien pour se divertir, chaque
jour étant comme le précédent, le paysage ne changeant jamais.
Ce soir Romi nous a
réservé une belle surprise. On s'est approché d'une île
paradisiaque avec du matériel de plage et des chapiteaux façon
tente de mariage, entouré d'une plage de sable blanc. Tout le monde
se regardait se demandant ce qu'on venait faire sur l’île d'un
resort. Puis, au moment d'accoster, Romi, content de son effet, nous
a annoncé que allions passer la nuit là. On n'en revenait pas, on
poussait des cris de joie. Une île rien que pour nous, sans
habitant.
Galoc Chanel Beach |
On était tous très excités de poser un pied à terre et
les préparatifs des bagages pour la nuit qui d'ordinaire prennent du
temps se sont fait en un clin d’œil et tout le monde était prêt,
attendant que l'échelle soit baissée, pressé d'en découdre. On ne
repart demain que sur les coups de 10 heures, aussi j'espère qu'il
fera beau car ce soir je n'ai pu prendre aucun cliché de l’île en
raison du temps couvert qui masquait les belles couleurs de l'eau. Il
y a un escalier qui permet de monter au sommet de l’île, si je
peux appeler ça un sommet (c’est juste une colline de quelques
dizaines de mètres de haut). J'ai cherché à voir si je pouvais
assister au coucher du soleil mais les nuages obstruaient l'horizon.
On a un très beau point de vue d'en haut, avec un panorama à 360
degrés sur toute la baie. Nous sommes en fait très proche de
Busuanga, l’île où se trouve Coron. Où que l'on regarde on voit
la terre au loin, c'est fascinant. Les îles sont partout.
Pass Island. Cornilius, Lucinda, Helen, Carla et la rédaction |
Nous avons pris notre
dernier dîner sur la plage, éclairés par des torches qui brûlaient
en haut de grands bâtons, comme les feux de camp de Koh Lanta. Ça
faisait très joli et donnait une ambiance d'aventuriers du bout du
monde, encore plus que les autres soirs. C'était un délice de
manger ainsi les pieds dans le sable, face à cette baie, un verre de
Pina Colada faite spécialement pour l'occasion. Romi se démène à
chaque fois pour avoir cette île et l'offrir aux clients pour le
dernier soir. C’est sa préférée et on comprend pourquoi. Si tous
les campements avait pu être identiques ça aurait été le paradis.
L'autre bateau qui est parti en même temps que nous est en fait
derrière nous. Ils ont dormi la première nuit là où nous avions
déjeuner le premier jour, la plage avec le singe. Et ce soir ils
dorment dans la mangrove où nous étions la nuit dernière. Ils ne
verront donc jamais cette île car ils arrivent comme nous à
destination demain soir. On était très content de s’être
retrouvé sur le bon bateau, avec le plus petit groupe et un guide
qui avait obtenu les meilleurs places de campement. Ils sont bien les
gens chez Tao Philippines...
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